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Atlas Phytonymique Arbëresh (APhA)

6.1 La géolinguistique albanaise

L’idée de produire un atlas linguistique de l’albanais est née entre les années 30 et 40 du siècle dernier au moment où Matteo Bartoli a proposé de réaliser, tout commeil l’avait fait pour l’italien avec l’Atlante Linguistico Italiano (ALI), le même genre de travail pour la langue albanaise et ses dialectes. Le projet de Bartoli est donc bien entamé avec lacréation du « Centro

Studi per l’Albania »1 en 1939, au sein de la Reale Accademia d’Italia2, jusqu’à ce qu’en 1940 la Reale Accademia d’Italia n’assume la charge de réaliser le projet et ne nomme en conséquence une commission formée de trois parmi les linguistes italiens les plus influents de l’époque : Matteo Bartoli, Carlo Tagliavini e Clemente Merlo ; cette commission a par la suite décidé de confier la tâche de la réalisation des travaux de l’Atlas Linguistique Albanais (ALA) à Eqrem Çabej, un jeune linguiste albanais très compétent (Martucci, 2012 : 73)3.

Le projet de réalisation de l’ALA devait se dérouler en trois phases : premièrement, la rédaction et la publication du questionnaire d’enquête ; ensuite, la collecte et la mise en fiche des matériaux linguistiques ; et enfin la rédaction et l’impression des cartes linguistiques. Çabej a été chargé de réaliser le questionnaire et, dès sonarrivée en Italie vers la fin de 1940, il a dû rencontrer

1 Centre d’études pour l’Albanie. 2 Académie Royale d’Italie.

3 L’article de Donato Martucci que nous citons (2012) a fourni une reconstruction précise des événements survenus pendant la période des travaux concernant la première phase du projetde l’ALA ainsi que de tous les détails relatifs à cette première tentative de réalisation d’un atlas linguistique albanais.

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à plusieurs reprises Merlo pour préparer le système de transcription phonétique à utiliser pendant les enquêtes, et Ugo Pellis, le chercheur qui a collecté les données de l’Atlas Linguistique Italien et qui a aidé Çabej pour la réalisation du questionnaire ALA. C’est seulement à la fin du mois de juillet 1943 que le questionnaire a été publié par la typographie italo-orientale San Nilo de l’abbaye de Grottaferrata. Le questionnaire se compose de 14 sections qui reflètent le même nombre de champs onomasiologiques plus la fiche des renseignements sur les locuteurs interviewés (nr. I) comme on peut le voir sur la figure 1 ci-dessous indiquant l’index du questionnaire. Il comprend 2 598 questions divisées en « questions obligatoires », c’est-à-dire communes à tous les différents points de l’enquête, et en « questions optionnelles » qui devaient être posées uniquement lorsqu’on était sûrs que l’informateur aurait donné une réponse concrète (comme par exemple les questions portant sur le kanuni, le droit coutumier albanais) (Martucci, 2012 : 77).

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Dans l’article inédit de Çabej portant sur les travaux du questionnaire (cfr. Martucci, 2012 : 72- 79), il est intéressant de remarquer que le linguiste albanais avait déjà compris l’énorme difficulté représentée par la rédaction des questions relatives au domaine onomasiologique de la flore : il dénonce en effet la pénurie de références botaniques et linguistiques et ajoute que « i

lavori di Baldacci non riportano i nomi albanesi della flora. »4 (Martucci, 2012 : 76). Il a dû en

effet gérer entre un certain nombre d’incertitudes et de difficultés qui l’ont poussé à fixer, avant tout, une terminologie botanique en albanais pour les arbres et les herbes les plus communs que le questionnaire devait inclure. Mais le fait de rechercher les noms scientifiques des espèces botaniques chez les paysans ou les gens du peuple ne pouvait aboutir qu’à des résultats négatifs qui l’ont amené à considérer ces informateurs comme étant peu utiles pour cette tâche :

« A ogni raccoglitore è noto che in genere l’uomo del volgo si interessa poco ai nomi di piante e fiori e che spesso si sbriga della domanda rispondendo genericamente « fiore rosso », « fiore giallo » ecc. »5 (Martucci, 2012 : 76).

Bien entendu les gens du peuple ne pouvaient que répondre selon leur système de classement de la flore qui n’a rien à voir avec celui scientifique, en tant que système classificatoire populaire dans lequel « fleur rouge » et « fleur jaune » peuvent désigner des espèces botaniques précises. Çabej a ainsi décidé de demander de l’aide à un ingénieur forestier qui était aussi compétent sur les dénominations botaniques scientifiques et aurait été en mesure de lui indiquer les espèces les plus répandues sur le territoire albanais.

La section nr. X (dix) du questionnaire ALA, notamment les « Piante selvatiche e piante

coltivate »6 (cfr. fig. 2 ci-dessous) se compose de 237 questions dont seulement 108 concernent les noms des plantes, tandis que les 129 questions qui restent portent sur les dénominations des parties des plantes, des outils de jardinage, des fruits, des environnements naturels, etc., ce qui met en évidence la caractéristique générale de ce questionnaire qui veut enquêter aussi, tout comme celui de l’ALI dont il s’est inspiré, sur les aspects de la vie matérielle, sociale et spirituelle du peuple albanais etsur ses us et coutumes (Martucci, 2012 : 74).

4 Les œuvres de Baldacci n’indiquent pas les noms albanais de la flore. (N.T.).

5 Chaque enquêteur sait bienqu’engénéral, l’homme du peuple s’intéresse peu aux noms des plantes et des fleurs et, que souvent, il répond à la question de manière générique avec « fleur rouge », « fleur jaune » etc. (N.T.).

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Figure 2 - Section X du questionnaire ALA (1943).

C’est donc bien un questionnaire linguistique et ethnographique à la fois, et pour éviter d’influencer l’informateur, sur les conseils de Pellis, Çabej décide d’ajouter des questions indirectes à la méthode de collecte des mots en se basant, en revanche, sur les questions directes que l’on trouve dans un questionnaire; il prépare donc aussi :

« Un buon album di disegni che raffigurano abitazioni, arredi, oggetti, armi ecc., tratti da opere etnografiche sull’Albania, da fotografie di riviste ecc., [che] aiuteranno l’interrogatore. Per le piante, oltre al piccolo erbario, ci sono anche dei disegni a colori; lo stesso per la fauna. »7 (Martucci, 2012 : 79).

Malheureusement, ce questionnaire n’a jamais eu l’occasion d’être utilisé pour la réalisation des enquêtes de l’ALA et Çabej n’a pu l’utiliser que pour quelques enquêtes de terrain, menées en Albanie entre 1941 et 1942, pour en tester la validité. Lorsqu’en 1943 les relations entre l’Italie et l’Albanie s’aggravent suite à la chute du Gouvernement de Mussolini, le travail de l’ALA est interrompu pour toujours et, en 1944, la Reale Accademia d’Italia et le Centro Studi per l’Albania cessent également d’exister. De tout ce travail préparatoire il ne nous reste aujourd’hui que les documents qui concernent la correspondance entre les représentants du Gouvernement italien de l’époque et les spécialistes promoteurs de cette œuvre de géolinguistique, le questionnaire ALA

7 Un bon album de dessins représentant les habitations, les décorations, les objets, les armes etc., tirés des œuvres ethnographiques sur l’Albanie, des photos des revues etc., [lesquels] aideront l’enquêteur. Pour les plantes, outre au petit herbier, il y a aussi des dessins colorés ; on a agit de même avec la faune. (N.T.).

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publié en 1943 par la typographie de Grottaferrata et l’article inédit sur les travaux du questionnaire écrit par Çabej (Martucci, 2012 : 72).

D’après la division par époque des études de dialectologie albanaise fournie par Beci (1997), le projet de l’ALA fait partie de sa première phase de développement qui se déroule, à peu près, à partir de 1854 jusqu’en 1955. Au cours de cette période, les linguistes ‒ pour la plupart étrangers ‒ ont mené tout d’abord leurs recherches sur les parlers arbëreshë de Grèce, d’Italie et de Dalmatie et ensuite sur les dialectes albanais de Çamëria8, Kosovo, Macédoine et de la région de Dukagjin9 (Beci, 1997 : 81). Ilnous faut rappeler, parmi les spécialistes les plus importants, Karl Heinrich Reinhold et ses contributions portant sur les parlers arbëreshë de Grèce (1855) ; Gustav Meyer qui a publié le premier dictionnaire étymologique de la langue albanaise en 1891 ; Maximilian Lambertz qui s’est intéressé, entre autres, aux parlers arbëreshë d’Italie au début de 1900 (1914-1915 ; 1923-1925) ; Weigand qui a donné sa contribution au dialecte guégue de Dalmatie (1911) et aux parlers d’origine albanaise de l’Attique (1926) ; Tagliavini qui s’est occupé du parler dalmatien de Borgo Erizzo (1937) ; Pedersen qui a donnéla contribution la plus importante dans le domaine de l’indoeuropéistique albanaise (1900) ; Cimochowski qui a étudié quelques parlers de la région de Dukagjini (1951) ; Pekmezi qui avait déjà présenté en 1908, une étude sur le parler albanais d’Elbasan. L’intérêt pour les dialectes de l’albanais a été démontré non seulement par chacun de ces spécialistes, mais aussi par des travaux géolinguistiques qui ont inclus dans leurs réseaux des points alloglottes retombant sur les territoires objets de leurs enquêtes. Ainsi, l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Italie et de la Suisse (AIS) a inclus pour la première fois trois points alloglottes dans son réseau : le point 751 correspondant au parler

arbëresh d’Acquaformosa/Firmoza10 (en Calabre) qui a été enquêté par Rohlfs et les points 748 et 792 correspondant, respectivement, aux parlers grecs de Corigliano d’Otranto (dans les Pouilles) et Ghorio di Roghudi (en Calabre) (Cugno & Massobrio, 2010 : 52). Le travail de l’Atlas

Linguistique Italien (ALI) est apparu comme étantbeaucoup plus innovateur par rapport à celui de l’AIS parce que ses auteurs ont choisi d’inclure dans le réseau de cet atlas tous les parlers alloglottes de l’Italie, et notamment les slaves, albanais, alémaniques et allemands, roumains, grecs, catalans, provençaux et francoprovençaux, tsiganes (Cugno & Massobrio, 2010 : 62). On peut remarquer en particulier le fait que le nombre de communautés albanophones enquêtées résulte être supérieur par rapport au seul et unique point de l’AIS : l’ALI a inclus 8 points

arbëreshë en Italie et 1 albanophone en Croatie. Un article intéressant de Federica Cugno ‒

8 Ce territoire représente la région costière de l’ancien Épire, entre l’Albanie du sud et la Grèce nord-occidentale. 9 Cette région s’étend du nord-est de l’Albanie jusqu’au sud-est du Kosovo, entre les villes de Peja, Gjakova et Prizreni.

10 En 1992, la communauté deFirmoza/Acquaformosa a été enquêtée par Filomena Raimondo qui a réalisé la collecte de matériaux lexicaux sur la base des questionnaires de l’ALE à l’occasion du travail réalisé pour sa maîtrise, intitulée Il lessico della parlata arbëreshe di Acquaformosa attraverso i questionari del progetto ALE (Atlas Linguarum Europae).

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rédactrice de l’ALI et chercheuse à l’Université de Turin ‒ porte sur les observations concernant les points albanais de l’Atlas Linguistique Italien (Cugno, 1994).L’auteure propose tout d’abord une liste complète des neuf points albanais de l’atlas, notamment Badhesa/Villa Badessa, dans les Abruzzes (P. 628) ; Kazallveqi/Casalvecchio di Puglia, dans les Pouilles (P. 804) ; Ruri/Ururi, au Molise (P. 679) ; Katundi/Greci, en Campanie (P. 817) ; Spixana/Spezzano Albanese (P. 931),

Shën Kolli/San Nicola dell’Alto (P.943) et Fallkunara/Falconara Albanese (P.939) en Calabre ; Barilli/Barile, en Basilicate (P. 901) et Arbënesh/Borgo Erizzo (P. 391), en Croatie. Elle fournit

ensuite un tableau général de l’histoire de ces localités, des caractéristiques phonétiques, morphosyntaxiques et lexicales les plus importantes de l’arbëresh ainsi que des phénomènes d’interférence linguistique tels qu’ils résultent de l’analyse des données collectées pendant les enquêtes de l’ALI. Selon l’opinion de cette spécialiste que nous partageons inconditionnellement, les enquêtes de l’ALI menées auprès des communautés arbëreshe

« […] offrono una ricchissima raccolta di materiale linguistico che, soprattutto dal punto di vista lessicale, può rivelarsi utile per l’approfondimento dello studio del contatto con i dialetti romanzi e con la lingua greca in particolare. […] inoltre le inchieste di Villa Badessa e di Borgo Erizzo, sia per il periodo in cui sono state svolte, sia per la situazione di isolamento in cui si sono trovate le due comunità, possono essere ritenute di estremo interesse per la ricerca dialettologica sulle parlate italo- albanesi e per la storia della lingua albanese in generale. »11 (Cugno, 1994 : 88).

À partir de 1956 jusqu’à l’an 2000 environ, la deuxième phase des études dialectologiques albanaises se déroule en s’intéressant aux recherches portant sur la plupart des dialectes albanais, dans les territoires de l’Albanie, du Kosovo et de la Macédoine occidentale. Jusqu’aux années 90, 300 parlers ont été étudiés et 60 descriptions et monographies dialectales ont été publiées grâce aux recherches menées par Gjinari (1957, 1958, 1960, 1962, 1963, 1989), Beci (1983, 1982, 1977, 1974, 1972, 1964-1965), Çeliku (1963, 1965, 1966, 1968, 1971, 1974), Totoni (1980, 1971, 1966, 1965, 1964, 1962), Shkurtaj (1996a, 1994, 1986, 1984, 1982, 1979, 1975, 1974, 1973, 1967), Gosturani (1975, 1982, 1984), Haxhihasani (1955, 1963, 1971), etc. L’intérêtenvers ces dialectes a été aussi démontré, outre que par les études des linguistes albanais sur les parlers d’Albanie, grâce aux nombreuses publications ‒ portant sur les parlers albanophones du Kosovo, de la Macédoine, du Monténégro et de la Serbie méridionale ‒ issues des recherchesd’autres linguistes étrangers, tels que Ajeti (1960, 1969, 1978), Mulaku (1972, 1981, 1987), Halimi (1972, 1996), Nesini (1978), etc. On retrouve également le témoignage de cette effervescence d’études dialectales avec la publication, dès 1971, de quelques revues d’intérêt dialectologique et linguistique, telles que : Dialektologjia Shqiptare (dialectologie albanaise), Studime filologjike

11 « […] (les enquêtes) offrent une collecte de matériaux linguistiques très riche, qui peut se révéler utile, surtout du

point de vue lexical, pour approfondir l’étude du contact avec les dialectes romans et, en particulier, avec la langue grecque. […] en outre, les enquêtes menées à Villa Badessa et à Borgo Erizzo ‒ sur la base de la période où elles ont été menées et sur la base de la situation d’isolement caractérisant les deux communautés ‒ peuvent résulter extrêmement intéressantes à la fois pour la recherche dialectologique portant sur les parlers arbëreshë et pour l’histoire de la langue albanaise en général. » (N.T.).

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(études philologiques), Bulletin për Shkencat Shoqërore (Bulletin des sciences sociales) et

Studime Gjuhësore (études linguistiques) qui ont eu le mérite d’accueillir les contributions les

plus remarquables portant sur les domaines d’études albanais.

À côté de ces études dialectologiques, on peut voir se développer également les recherches d’autres linguistes portant sur des aspects plus généraux de linguistique albanaise ou sur des phénomènes particuliers envisagés du point de vue de la linguistique historique, tels que les travaux de Desnickaja (1972), Çabej (1957, 1958, 1959, 1960, 1962, 1963, 1964-66, 1967, 1972, 1974, 1975, 1976), etc. On voit en même temps se développer encore plus l’intérêt pour l’étude des parlers arbëreshë d’Italie qui deviennent ainsi l’objet des recherches d’une deuxième génération de linguistes italiens et étrangers, tels que Camaj (1971, 1974, 1975, 1977, 1993, 1994), Solano (1960, 1972, 1979, 1983, 1984), Guzzetta (1978, 1982, 1983, 1994), Breu (1982, 1991, 1993, 2005, 2011), Altimari (1987, 1994, 2002, 2007, 2014), Savoia (1980, 1983, 1991, 1994, 2008), etc. dont on a déjà parlé de manière exhaustive dans le chapitre II.

En outre cette période est également importante à causede la participation de l’Albanie à la plus grande entreprise géolinguistique jamais réalisée en ce qui concerne l’Atlas Linguarum

Europae (ALE) qui a inclus dans son réseau 15 points albanophones dont 10 centres en Albanie,

3 en Kosovo et Macédoine et 2 arbëreshë dans l’Italie du sud, comme le montre la figure 3 ci- dessous. Les points arbëreshë sont représentés notamment par les parlers de Kazallveqi

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Figure 3 - Réseaux d’enquête de l’ALE et de l’ADGjSh (Beci, 1997 : 84).

Le Comité National albanais de l’ALE était composé d’un groupe de linguistes très compétents, tels que Kostallari, Domi, Çabej, Dobdiba, Gjinari, Beci, Thomai et Dodi ; la collecte et la préparation pour la publication des matériaux ont été réalisées par Gjinari, Beci, Gosturani et Shkurtaj (Beci, 1997 : 83).

L’un des mérites de l’ALE est celui d’avoir représenté un véritabletremplin de lancement pour les atlas de groupes linguistiques, tels que l’Atlas Linguistique Roman (ALiR), l’Atlas des

Langues Celtiques (ALC) et l’Atlas des Langues Germaniques (ALG), et son adoption dans les

domaines de la cartographie interprétative de type motivationnel s’est révélée particulièrement efficace pour l’étude comparée de l’histoire culturelle. Dans son article de présentation du nouveau projet, Contini a défini l’Atlas Linguistique Roman comme « une filiation de l’ALE » (Contini, 1995 : 144) en raison du fait que le chantier de cette entreprise continentale a permis,

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pour la première fois, la rencontre et la collaboration étroites entre un nombre important de romanistes qui ont observé ‒ pendant la rédaction des synthèses romanes ‒le fait que la plupart des nombreux matériaux qui étaient déjà disponibles n’était pas exploitée ou restait inédite. Tout comme l’ALE, l’ALiR est aussi un atlas interprétatif car il offre une analyse et une classification typologique des matériaux bruts, qui se trouvent dans les atlas publiés ou encore inédits, ayant comme but celui de définir l’identité des aires romanes grâce à l’identification des traits communs de nature différente, comme par exemple ceux lexicaux, phonétiques, phonologiques ou morphosyntaxiques. Bien que plus limité que celui de l’ALE, le réseau de points de l’ALiR comprend aussi un point arbëresh, correspondant à la localité calabraise déjà nommée plus haut, Firmoza/Acquaformosa, faisant partie du réseau d’enquêtes de l’AIS12 (Cugno & Massobrio, 2010 : 325).

Mais l’œuvre la plus importante de cette deuxième phase d’études dialectologiques albanaises est représentée par la réalisation et la publication, en 2007, de l’Atlasi Dialektologjik i

Gjuhës Shqipe - ADGjSh (Atlas dialectologique de la langue albanaise) qui est paru en deux

volumes et dont la publication a été sponsorisée par le « Dipartimento di Studi dell’Europa

Orientale » (Département d’études de l’Europe orientale) de l’Université « L’Orientale » de

Naples. Le questionnaire de l’ADGjSh est composé de 405 questions, dont la plupart est accompagnée de sous-questions (225 en total). La rédaction du questionnaire a été le résultat du travail conjoint des quatre auteurs de l’Atlas : Jorgji Gjinari qui est le directeur de l’œuvre, et a réalisé également les parties concernant la phonétique (questions de 1 à 65) et la morphologie (questions de 66 à 136) ; Xheladin Gosturani qui s’est occupé des questions portant sur la syntaxe (questions de 137 à 145) ; Gjovalin Shkurtaj qui a préparé la partie du questionnaire relative au lexique (questions de 146 à 405) ; la collaboration entre Bahri Beci et Gjinari a permis en revanche la réalisation du système de transcription de l’Atlas.

Les enquêtes se sont déroulées entre 1980 et 1989 sur un réseau de 176 points programmés et distribués comme suit : 86 points en Albanie, 34 en Kosovo, 18 en Macédoine, 9 en Monténégro, 5 en Serbie, 8 en Grèce, 1 en Croatie et 15 dans l’Italie du sud. Les données concernant 7 points13 du réseau ADGjSh sont tirées des travaux dialectologiques déjà publiés étant donné qu’il n’a pas été possible de mener des enquêtes de terrain à cause du manque d’informateurs originaires de ces villages. Par conséquent, comme l’affirment les auteurs eux- mêmes, les données concernant ces 7 points résultent en effet comme étant peu exhaustives parce qu’ils ont dû se contenter de ce qu’ils ont trouvé dans les publications à leur disposition (ADGjSh,

12 Le réseau italien de l’ALiR englobe les points de l’AIS et les points de l’ALI mais pour les communautés albanaises d’Italie méridionale seul le point de l’AIS a été retenu.

13 Les sept villages sont : Peloponez, Malësia e Atikës et Salamina sur le territoire grec ; Arbënesh en Croatie ; Preshevë et Baçicë en Serbie ; Vuçitern en Kosovo.

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I : 48). En revanche, les données concernant les points en Albanie ont été collectées par l’intermédiaire d’enquêtes de terrain ; mais en ce qui concerne les parlers arbëreshë dans l’Italie du sud, les enquêteurs ont réussi à réaliser seulement 9 enquêtes sur les 15 programmées «

[…] per le obiettive difficoltà dovute all’autarchia perseguita anche in campo scientifico dal vecchio regime […] »14 (Altimari, 1994d : 452). Ainsi, seules les communautés de

Ungra/Lungro, Maqi/Macchia Albanese, Pllatëni/Plataci, Shën Bendhiti/San Benedetto Ullano

(dans la région de Cosenza, en Calabre), Gharrafa/Caraffa (dans la région de Catanzaro, en Calabre), Karfici/Carfizzi (dans la région de Crotone, en Calabre), Hora/Piana degli Albanesi (dans la région de Palerme, en Sicile), Katundi/Greci (dans la région de Avellino, en Campanie), et Porkanuni/Portocannone (dans la région de Campobasso, en Molise) ont pu être enquêtées. Bien qu’ils aient été inclus dans le projet originel d’enquête, les points arbëreshë de

Badhesa/Villa Badessa, Kazallveqi/Casalvecchio di Puglia, Barilli/Barile, Shën Kostandini/San Costantino Albanese, Shën Bendhiti/San Benedetto Ullano et Fallkunara/Falconara Albanese

n’ont pas été enquêtés étant donné que l’on n’a trouvé aucun informateur dans ces communautés (ADGjSh, I : 49), pour cette raison sur les cartes de l’atlas, le numéro indiquant ces points résulte être représenté par un carré aux contours gris. En ce qui concerne les autres points du réseau de l’ADGjSh qui se trouvent sur les territoires de l’ex-Yougoslavie, (notamment Serbie, Kosovo, Monténégro, Macédoine et Croatie) on a stipulé un accord de collaboration avec les autorités yougoslaves pour permettre à l’équipe guidée par le professeur Idriz Ajeti de mener les enquêtes dans les villages choisis, mais tout à coup et sans raison apparente, l’accord de collaboration n’a plus pu être appliqué à partir de 1981 (ADGjSh, I : 49). Par conséquent, les données concernant les points d’enquête qui se trouvent sur ces territoires ont été recueillies en interviewant des locuteurs provenant de ces villages et immigrés en Albanie à différentes périodes ; ce qui a eu comme conséquence la présence, de tempsà autre,

« […] di lievi interferenze delle parlate dei luoghi in cui essi si sono insediati dopo