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L’Arbëria et les dialectes arbëreshë de l’Italie du Sud 2.1 Les éléments géographiques et démographiques de l’Arbëria

Carte 1 L’Arbëria et ses communautés arbëreshe de l’Italie du sud

2.2. Les études sur les variétés arbëreshe

Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, sous l’égide des études de linguistique comparée, l’intérêt pour les dialectes arbëreshë a été démontré dans les œuvres de G.I. Ascoli (1881, 1873- 2013), un linguiste renommé pour ses études de dialectologie italienne qui a donné une dignité aux variétés dialectales italo-romanes et a élevé les langues minoritaires de l’Italie à un niveau d’intérêt indispensable pour les études portant sur la linguistique et les sciences du langage.

Au début du XXe siècle, un linguiste allemand, Maximilian Lambertz (1923-1925) a étudié les systèmes dialectaux arbëreshë des Abruzzes, du Molise et des Pouilles septentrionales au sein de son travail de recherche pour son doctorat ; il est arrivé à esquisser un tableau des systèmes dialectaux arbëreshë de ces régions, très intéressant en ce qui concerne la description de leur état de conservation.

Pendant tout le XXe siècle, s’est développé un intérêt de plus en plus croissant pour les dialectes de la langue albanaise, et notamment pour ceux de l’Italie et de la Grèce qui représentent les branches dialectales albanaises les plus anciennes. Les centres universitaires les plus importants de l’Italie du centre et du sud créent des chaires axées sur les études d’albanologie ; nous nous bornerons à rappeler les personnalités les plus importantes dont les œuvres représentent les jalons de l’albanologie moderne. Martin Camaj a été l’un des plus éminents albanologues albanais et il a été le titulaire de la chaire de Langue et Littérature albanaise de l’Université de Munich de 1965 à 1990. Il a mené ainsi à partir des années ’60 jusqu’aux années ’80, une enquête systématique sur les parlers arbëreshë qui lui a permis de décrire certains « types » représentatifs des différentes aires dialectales, en portant une attention particulière aux parlers plus « périphériques » et plus exposés aux processus d’assimilation de l’italien et de ses dialectes (Altimari, 1994d : 437). Ses œuvres les plus remarquables sont : la monographie La parlata

albanese di Greci (le parler arbëresh de Greci) (1971) et d’autres importantes descriptions

dialectologiques portant sur Die albanische Mundart von Falconara Albanese (1977) et La

parlata arbëreshe di San Costantino Albanese (le parler arbëresh de San Costantino Albanese)

(1993).

Eqrem Çabej a été celui qui a inauguré en Albanie une véritable tradition d’études linguistiques en matière de dialectes arbëreshë ; il s’était déjà occupé avec sa thèse de doctorat,

Italoalbanischen Studien (1933) du parler de Hora/Piana degli Albanesi, mais il s’est consacré

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parmi les plus importantes, Mundartliches aus Italien (1936), Zum Wortschatz der albanischen

Mundarten in Kalabrien (1968), Ngulimet shqiptare në Itali dhe gjuha e tyre (fr. : les

communautés albanaises en Italie et leur langue) (1969) et Histori gjuhësore dhe strukturë

dialektore e arbërishtes së Italisë (fr. : histoire linguistique et structure dialectale de l’arbëresh

d’Italie) (1975). En outre, ses Studime Etimologjike (SE, 1982-2014), en 7 volumes, reste l’œuvre la plus importante pour la linguistique historique de la langue albanaise.

Il faut rappeler aussi, en plus de celle de Çabej, la contribution dans le domaine de la dialectologie arbëreshe du dialectologue Gjovalin Shkurtaj qui est l’auteur d’une série d’études remarquables sur les parlers arbëreshë dans la région de Cosenza (1975), de San Marcani/San

Marzano et Marçedhuza/Marcedusa (1986) et sur les parlers arbëreshë siciliens (1986).

La Lingua Albanese. Origine, storia, strutture de Shaban Demiraj (1997) est un manuel de linguistique historique albanaise qui offre aux spécialistes la possibilité de réfléchir sur de nouvelles perspectives d’analyse de l’albanais et de ses dialectes. L’intérêt d’Antonino Guzzetta (1982), en tant que professeur de langue et littérature albanaise à l’université de Palerme, s’est focalisé sur les études sur les variétés arbëreshë de la Sicile.

À partir des années ’70, les études sur les dialectes arbëreshë se sont multipliées à l’Université de la Calabre, grâce à l’institution de la chaire de ‘Langue et Littérature albanaise’ et de la première chaire, en Italie, de ‘Dialectes albanais du Sud de l’Italie’. Cette université fait donc un bond en avant en devenant le centre d’excellence pour les études de dialectologie

arbëreshe sous la direction de Francesco Solano (de 1975 à 1990), qui est aussi le fondateur des

deux chaires mentionnées ci-dessus. Solano a été le premier dialectologue albanais à avoir tenté une classification des parlers arbëreshë, et nous vous renvoyons au § 2.3.2 suivant pour son illustration. En 1991, l’œuvre de Solano a été poursuivie par Francesco Altimari qui dirige les deux chaires, le Doctorat de recherche international d’études de Philologie et Linguistique albanaise et gère les nombreux accords de coopération scientifique et culturelle entre l’Italie et l’Albanie, et entre l’Université de la Calabre et d’autres centres universitaires européens et en dehors de l’Europe.

L’œuvre des pères-fondateurs de l’albanologie a été poursuivie par d’autres éminents albanologues ; nous voulons rappeler ici uniquement les spécialistes les plus importants et nous renvoyons à la bibliographie récente de Belluscio (2015) pour une liste complète des études linguistiques et dialectologiques sur les parlers arbëreshë de 1994 à 2014. Parmi les recherches contemporaines d’albanologie les plus remarquables, celles de Francesco Altimari, disciple et continuateur de l’œuvre de Solano à l’Université de la Calabre, sont particulièrement intéressantes dans différents domaines d’études de l’albanologie.

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Leonardo Maria Savoia de l’université de Florence a décrit la plupart des parlers arbëreshë et ses études ont abouti en 2008 à un volume de synthèse (Studi sulle varietà arbëreshe) portant sur des aspects de phonologie, morphologie, syntaxe et linguistique arbëreshe. À l’université de Constance, en Allemagne, Walter Breu ‒ disciple de Camaj ‒ s’est intéressé surtout aux dialectes

arbëreshë de Munxhufuni/Montecilfone en Molise (Breu, 1991b) et de Frasnita/Frascineto en

Calabre.

Eric Pratt Hamp et John Basset Trumper ont publié de nombreuses contributions portant sur les dialectes arbëreshë et sur quelques aspects conservatifs que ces parlers conservent encore à l’heure actuelle, par rapport à l’albanais standard (pour les détails, cfr. Belluscio 2015 déjà cité). Il nous faut enfin signaler la contribution significative pour la dialectologie albanaise de Titos Johalas (2011, 2006, 2002, 2000) auteur d’études sur les dialectes albanais de la Grèce, où l’on trouve des références incontournables pour la comparaison, en diatopie, des données lexicales albanaises.