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La faiblesse des mécanismes de contrôle financier

Rares sont les OI dont les structures de contrôle financier arrivent à accomplir efficacement leurs missions. Dans certaines OI, la taille très petite des services de contrôle financier par rapport aux structures dont ils doivent contrôler l’utilisation des ressources et certifier la bonne gestion financière constitue un obstacle au contrôle régulier et fréquent de leurs finances publiques. Cela pose la question de la capacité de contrôle de ces structures. C’est le cas du Commissariat aux comptes de l’ONU chargé de vérifier les comptes de plus d’une vingtaine d’organismes des Nations Unies. Dans d’autres OI, c’est le manque de ressources financières et de personnels qualifiés qui affecte leurs structures de contrôle. Les ressources qui leur sont consacrées ne leur permettent pas d’accomplir totalement leurs missions. Aussi, les personnes qui animent ces structures de contrôle n’ont pas toujours les formations adéquates et les compétences requises pour auditer la gestion des ressources financières. Le contrôle financier nécessite plusieurs compétences difficilement réunies dans le personnel de contrôle financier des OI. Ces compétences concernent entre autres les domaines de la comptabilité, des finances, du droit et de l’audit. Parfois, ce sont les mécanismes de contrôle qui semblent n’être pas adaptés aux fonctions de contrôle. Cette inadaptation fait douter de la fiabilité des contrôles effectués par les structures qui en sont chargées. Des rapports d’OI sont à ce propos très critiques. Dans son rapport s’étendant sur la période 2010-2012 relatif aux aides de la Politique agricole commune, la Cour des comptes européenne a déclaré que « l'UE ne dispose pas de mécanisme fiable pour vérifier le bien-

101 A. GARRIGOU, « Le boss, la machine et le scandale », Politix, n° 17, 1992, p. 735; P. LASCOUMES, Elites irrégulières, Essais sur la délinquance d'affaires, Paris, Gallimard, 1997, 304 p ; J. NICOLAS, L'Europe des fraudes, Bruxelles, PNA, 1999, p. 20.

102 D. GEORGAKAKIS, « La République contre la propagande d'État ? Création et échecs du Commissariat

général à l'information », Revue française de science politique, n° 5, 1998, pp. 606-624 ; P. ARMAURY, Les

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fondé des aides versées aux agriculteurs »103. Il remet en cause également la fiabilité104 des contrôles effectués par les Etats membres de l’UE.

Aussi, malgré l’existence de règlements qui prévoient dans certaines OI des services de contrôle financier, notamment d’audit permettant d’assurer une gestion saine et efficace de leurs deniers publics, ceux-ci n’ont pas encore atteint un niveau de développement et acquis une expérience leur permettant d’assurer efficacement leurs missions de contrôle en vue d’éradiquer les infractions préjudiciables aux intérêts financiers des OI qu’ils doivent protéger. Celles-ci se voient obligées de faire appel à l’expertise et aux ressources de cabinets et de sociétés d’audit privés susceptibles de réaliser le contrôle de leurs ressources financières. Tel est l’état des structures de contrôle financier particulièrement de l’audit interne des OI comme l’UEMOA et les principales institutions financières internationales (IFI) des Nations Unies, notamment le Fonds monétaire international (FMI).

C’est seulement en 2012 que l’UEMOA a manifesté un intérêt particulier pour les formes de contrôle avancées des ressources financières par son appel à manifestation d’intérêt pour la réalisation d’une étude sur l’introduction de l’audit interne dans les services publics et les entreprises de ses Etats membres105.

L’absence de répartition sans ambigüité des tâches et les conflits d’autorité entre les chefs des structures de gestion des ressources financières sont également des sources d’atteintes aux intérêts financiers des OI. Une totale confusion régnant autour des autorités (commissaires) en charge des finances des OI n’est pas de nature à situer les responsabilités, notamment pénales, des auteurs de corruption, de fraude et d’irrégularités financières106. Le rapport d’audit des organes de l’Union africaine107

réalisé en 2008 par un panel de personnalités importantes a permis de révéler les risques liés à l’imprécision des normes juridiques relatives au contrôle financier des organes de gestion financière des OI, en l’espèce celle de la Commission de l’Union africaine.

103 Rapport de la Cour des comptes 2012 disponible sur

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000069/0000.pdf (consulté le 30 janvier 2015).

104 Rapport de la Cour des comptes européenne 2010, disponible sur

http://www.eca.europa.eu/lists/ecadocuments/ar12/ar12_fr.pdf (consulté le 30 janvier 2015).

105

UEMOA : http://www.uemoa.int/Documents/Appels/ (consulté le 27 mars 2014).

106

V. Rapport final de la Commission VOLCKER en l’affaire « Pétrole contre nourriture », disponible sur http://www.iic-offp.org/story27oct05.htm (consulté le 27 mars 2014).

107 L. CORREAU, « La Commission de l’UA : un corps malade », RFI, 29 janvier 2008, disponible sur : http://www1.rfi.fr/actufr/articles/097/article_62076.asp (consulté le 27 mars 2014).

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IV. Intérêt de la thèse

Aucune OI ne peut fonctionner et remplir correctement ses missions si ses ressources financières ne bénéficient pas d’une protection suffisante. Cela suppose que les OI disposent à la fois de mécanismes de contrôle financier et des instruments juridiques pénaux capables de lutter contre les atteintes à leurs intérêts financiers. D’où la nécessite de réfléchir sur les formes de protection financière et pénale pouvant endiguer les problèmes qui mettent à mal leur fonctionnement et provoquent des crises financières108 en leur sein ou les rendant financièrement incapables d’atteindre leurs objectifs. Mieux, ces problèmes soulèvent la question de la bonne gouvernance au sein des OI. Or, les études sur la protection des intérêts financiers des OI semblent rares en droit international. Contrairement à celles consacrées au financement109, au budget110, à la crise financière111 et à l’autonomie financière112 des OI, les recherches juridiques sur la protection des intérêts financiers portent essentiellement sur une seule OI, l’Union européenne. Ainsi, en s’appuyant sur l’exemple de l’UE, la présente thèse permet d’aborder les difficultés de la protection des intérêts financiers des OI. Pour cela, outre l’UE, deux OI (l’ONU et l’UEMOA) sont prises en considération pour analyser les mécanismes de protection des intérêts financiers des OI à la lumière de quelques scandales financiers les plus connus.

108108 Y. BEIGBEDER, « La crise financière et les travaux du Comité des dix-huit », AFDI, vol. 32, n° 1, 1986,

pp. 426-438.

109

M. BERTRAND, « Le financement des organisations internationales », RFFP, n° 52, 1995, p. 253 ; F. DORMOY, « Aspects récents de la question du financement des opérations de maintien de la paix de l’ONU »,

AFDI, vol. 39, n° 1, 1993, p. 131.

110 A. PELLET, « Budgets et programmes aux Nations Unies-Quelques tendances récentes », op. cit., pp. 242-

282, J.P. JACQUE, « Budget », Rép. communautaire Dalloz, 2000, pp. 1-14 ; MSD. LECHANTRE, Le budget

de l’Union européenne, Paris, La documentation française, « Col. Réflexe Europe », 2004, p. 176 ; C-A

COLLIARD, « Finances publiques internationales : les principes budgétaires dans les organisations internationales », Revue de science financière, pp. 437-460.

111

Y. BEIGBEDER, « La crise financière et les travaux du Comité des dix-huit », AFDI, vol. 32, n° 1, 1986, pp. 426-438.

112 A. POTTEAU, Recherches sur l’autonomie financière de l’Union euripéenne, Dalloz, « Col. Nouvelle bibl.

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V. Problématique

Afin d’aborder le sujet de la présente recherche, il est nécessaire de déterminer au préalable le volet financier de la protection des intérêts financiers des OI. Cela conduit, notamment, à se poser les questions suivantes : comment est organisée la fonction de contrôle financier au sein des OI ? Existe-t-il une procédure de contrôle efficace sur l’utilisation de leurs ressources financières ? Dans l’affirmative, cette procédure peut-elle être appliquée à l’ensemble des formes de contrôle financier qu’elles utilisent ? Tient-elle compte des particularités de chaque forme de contrôle financier, dont les audits financiers, l’enquête et l’investigation sont les plus utilisés. Si les réponses à ces différentes questions permettent d’aborder le volet financier de la protection des intérêts financiers des OI (Première partie), elles contribuent aussi à questionner l’efficacité du cadre normatif financier, afin d’envisager des moyens de lutte pénale. Ainsi donc, face à l’insuffisance du contrôle financier de leurs ressources financières, l’autre enjeu auquel sont confrontées les OI est celui des sanctions contre les infractions qui portent atteinte à leurs intérêts financiers. Ces sanctions portent sur les infractions fréquemment commises : la corruption, la fraude et les irrégularités financières. On peut dès lors se poser les questions suivantes : les OI disposent-elles d’instruments juridiques leur permettant de sanctionner efficacement les infractions portant atteinte à leurs intérêts financiers ? En vue de cette protection, comment s’effectue la lutte pénale pour la protection de leurs intérêts financiers? Les réponses à ces questions permettent d’examiner les poursuites et les sanctions contre les infractions qui portent atteinte à leurs intérêts financiers (Deuxième partie).

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PREMIERE PARTIE : LE VOLET FINANCIER DE LA PROTECTION

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