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L’indépendance de l’auditeur externe dans les déclarations internationales

Paragraphe I : La notion d’audit externe des organisations internationales

B. Les conditions d’exercice de l’audit externe dans les organisations internationales

1. L’indépendance de l’auditeur externe dans les déclarations internationales

Les sources des normes juridiques de la profession d’audit dans les OI garantissant l’indépendance453

des auditeurs sont différentes. Certaines sont internes, ce sont les normes juridiques propres aux OI. D’autres sont externes. C’est en tenant compte de leur origine que nous présentons l’indépendance de l’auditeur telle que garantie par les déclarations internationales citées.

Le but de l’activité d’audit externe est d’assurer l’efficacité, l’efficience et la rentabilité des ressources financières. Cela ne peut se faire que lorsque l’indépendance des structures d’audit externe est effectivement garantie. Ainsi, d’après les déclarations454

de Lima et de Mexico, l’indépendance des auditeurs externes se manifeste à l’égard des instances contrôlées au sein des OI. Elle doit aussi être un moyen permettant d’extraire les auditeurs externes des influences extérieures dont les conséquences sont préjudiciables à l’exercice de leur mission. Ainsi garantie et protégée, l’indépendance des auditeurs externes conditionne à la fois la présentation de rapports crédibles sur les contrôles effectués au sein des OI et la transparence nécessaire au fonctionnement démocratique de toutes les OI.

D’autres avantages s’attachent à l’indépendance des auditeurs externes. La défense de leur indépendance facilite l’exercice effectif de leur mission de contrôle financier externe, garantit l’objectivité de leurs travaux, mais aussi participe au renforcement de la confiance de l’opinion publique dans les OI auxquelles l’on accorde par conséquent du crédit. C’est pour cela que dans les déclarations internationales, l’indépendance est élevée au rang de principes fondamentaux qui doivent être mentionnés dans les règlements financiers et les règles de gestion financière des OI.

453 J. MEDINA, « L’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques », Rev. EUROSAI, n°15, 2009, p. 53-57 ; P. WELCH, « L’indépendance, le contrôle du secteur public et le problème de

la politique », Rev. EUROSAI, n° 15, 2009, pp. 59-64.

454 EUROSAI, « Décision de l’EUROSAI sur le renforcement de l’indépendance des institutions supérieures de

contrôle », Rev. EUROSAI, n° 21, 2015, p. 146 ; Cour des comptes européennes, « Publication des lignes directrices concernant l’application des normes de contrôle de l’INTOSAI par un groupe européen », Rev.

internationale de vérification des comptes publics, op. cit, pp. 10-12 ; INTOSAI, « LE IVè congrès de l’EUROSAI porte sur l’indépendance », Revue internationale des comptes publics, op. cit., pp. 5-10

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Elle est aussi la préoccupation essentielle des organisations professionnelles d’audit, notamment de l’INTOSAI. Elle l’aborde dans chacune de ses activités et ses manifestions, notamment dans ses séminaires, ses réunions, ses congrès, etc. Ses activités ont été à l’origine de la première déclaration internationale sur l’indépendance des auditeurs externes qui a vu le jour lors de son IXè congrès. De valeur obligatoire, la « déclaration de Lima sur les lignes directrices du contrôle des finances publiques »455 est plus connue sous l’appellation « grande charte ». Elle décline l’indépendance456 des organes d’audit externe dans trois dimensions: l’indépendance organisationnelle, l’indépendance fonctionnelle et l’indépendance financière.

L’indépendance empêche toute subordination et toute destitution arbitraire des membres de l’organe de contrôle. Elle exclut la subordination des agents de contrôle aux chefs d’administration des OI dans tous les domaines de leurs activités ou « tout au moins en ce qui concerne leurs traits fondamentaux »457. L’indépendance organisationnelle implique « l’absence de toute influence extérieure sur les agents de contrôle»458. L’indépendance fonctionnelle renvoie, en outre, à la détermination des compétences de contrôle externe des organes d’audit et des auditeurs externes. Celles-ci doivent être expressément contenues dans leurs instruments juridiques financiers, notamment leurs règles et règlements financiers ou règles budgétaires. Elles peuvent aussi être déterminées par la charte constitutive des OI. C’est le cas de la Cour des comptes européenne et de la Cour des comptes de l’UEMOA. Leurs compétences sont définies par le Traité sur le fonctionnement de l’UE459 et le Traité de l’UEMOA460

.

455 http://internationalbudget.org/wp-content/uploads/LimaDeclarationFrench.pdf; EUROSAI, « Actualité des

Déclarations de Lima et de Mexico: l’indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques comme garantie des États démocratiques », Rev. EUROSAI, op. cit., pp. 49-52 ; Cour des comptes européennes, « Publication des lignes directrices concernant l’application des normes de contrôle de l’INTOSAI par un groupe européen », Rev. internationale de vérification des comptes publics, op. cit., pp. 10-12.

456

EUROSAI, « Décision de l’EUROSAI sur le renforcement de l’indépendance des institutions supérieures de contrôle », Rev. EUROSAI, op. cit., p. 146.

457 EUROSAI, « Actualité des Déclarations de Lima et de Mexico: l’indépendance des Institutions supérieures

de contrôle des finances publiques comme garantie des États démocratiques », Rev. EUROSAI, op. cit., pp. 49- 52.

458

Op. cit., p. 215.

459 Art. 285 à 287 TFUE.

460 Art. 38 du Traité modifié de l’UEMOA du 29 janvier 2003. C’est le Protocole additionnel n° 1 qui détermine

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L’indépendance fonctionnelle461 des organes d’audit et des auditeurs externes implique en outre qu’ils puissent avoir la liberté de définir leur programme de contrôle des finances publiques. Elle signifie aussi qu’ils soient mis dans des conditions leur permettant de rédiger librement les rapports d’audit qu’ils publient à la fin de leurs activités sur les sites des OI. L’indépendance financière des organes d’audit externe des OI porte sur deux éléments fondamentaux. Tandis que le premier est matérialisé par le droit de pouvoir demander des ressources financières en vue de l’exercice de la profession, le second concerne le droit d’utiliser les ressources qui leur sont attribuées dans le budget des OI en considération de ce qui semble bon pour la conduite de leurs activités. C’est à ce titre qu’au sujet de l’indépendance financière, l’EUROSAI mentionne que les organes de contrôle externe « doivent pouvoir demander, s’il y a lieu, les ressources financières dont ils ont besoin à l’organe public responsable du budget »462

et « peuvent utiliser comme ils l’entendent les fonds qui leur sont attribués dans le budget, au cours de l’exercice financier ».

Les activités de l’INTOSAI portent aussi sur la publication de textes qui servent de référence à la préservation et à l’application du principe d’indépendance des auditeurs externes. C’est à elle que l’on doit la « Déclaration de Mexico sur l’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques», de valeur obligatoire, établie lors de son XIXè congrès en 2007 sur le modèle de la précédente déclaration. Elle a fixé huit caractéristiques de l’indépendance des organes d’audit externe. Ainsi, l’indépendance se décline donc en indépendance relative à la condition juridique des organes d’audit externe (existence et indépendance mentionnée dans les instruments juridiques internes des OI), en indépendance financière en vertu de laquelle des ressources humaines, matérielles et financières « nécessaires et raisonnables »463 doivent être mises à la disposition des structures d’audit externe. Celles-ci doivent pouvoir personnellement gérer leur budget et leur personnel.

461

J. MOSER, « L’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC) au regard des déclarations de Lima et de Mexico », Rev. EUROSAI, op. cit., pp. 49-52. ; J. MEDINA, « L’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques », Rev. EUROSAI, op. cit., pp. 53-57 ; P. WELCH, « L’indépendance, le contrôle du secteur public et le problème de la politique », Rev. EUROSAI, n° 15, 2009, p. 59-64.

462

J. MOSER, « L’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques au regard des déclarations de Lima et de Mexico », op. cit., pp. 49-52 ; Allocution de M. le Dr F. FIEDLER, Président de la Cour des comptes de l'Autriche et Secrétaire général de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI) prononcée au centième anniversaire du contrôle des finances publiques en Suisse.

463 Sur l’actualité des Déclarations de Lima et de Mexico sur l’indépendance, v : EUROSAI, « Actualité des

Déclarations de Lima et de Mexico: l’indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques comme garantie des États démocratiques », Rev. EUROSAI, op. cit., pp. 49-52.

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L’indépendance, au titre de la Déclaration de Mexico couvre également la gestion du personnel : « les conditions de nomination des dirigeants des institutions supérieures de contrôle des finances publiques et des « membres » (dans les institutions collégiales) doivent être fixées par la loi. L’indépendance des dirigeants des institutions supérieures de contrôle et des « membres » n’est garantie que s’ils sont nommés pour une période suffisamment longue et déterminée et s’ils ne peuvent être destitués que dans le cadre d’une procédure indépendante du gouvernement et des autorités. Cela permet aux dirigeants des institutions supérieures de contrôle des finances publiques et aux membres de s’acquitter de leurs fonctions sans crainte de représailles ».

L’Indépendance des auditeurs externes se traduit également en matière de contrôle : « pour pouvoir remplir leur mandat de façon efficace, les institutions supérieures de contrôle doivent pouvoir arrêter librement leurs thèmes de contrôle, leur planification, leurs méthodes et exécution, ainsi que l’organisation et la direction de leurs institutions. Dans l’exercice de leur travail, elles ne doivent être subordonnées à aucun organe législatif ou de l’administration, et doivent se soustraire à leur influence »464

. Elle porte aussi sur l’obtention d’informations par les auditeurs externes des OI: « les services contrôlés sont tenus de fournir aux agents de contrôle, sans aucune limite, tous les documents et informations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions»465

, en matière de présentation des résultats de contrôle des organes d’audit externe : ceux-ci sont « tenus de faire rapport, au moins une fois par an, sur les constatations de leurs travaux de contrôle. En outre, nul ne peut les empêcher d’en rendre compte plus souvent »466. L’indépendance quant à la teneur et la planification de leurs rapports leur permet de décider de la rédaction de leurs rapports. Le dernier élément de l’indépendance est lié à l’efficacité des activités d’audit externe. Cette efficacité est appréciée par l’établissement au sein des OI des organes de suivi des audits. C’est pour prémunir et protéger l’auditeur externe contre les agissements et les influences de la part des autorités nationales de l’Etat dont il a la nationalité que sont aussi prévues les garanties d’indépendance et d’objectivité qui sont déclinées à la lumière des déclarations de Lima de 1977 (1-a) et de Mexico de 2007 (1-b).

464

EUROSAI, « Actualité des Déclarations de Lima et de Mexico: l’indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques comme garantie des États démocratiques », op. cit, p. 215.

465 Op. cit, p. 215. 466 Ibid., p. 215.

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a. La Déclaration de Lima

La Déclaration de Lima467 de 1977 sur l’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques468 consacre et garantit l’indépendance des auditeurs externes dans des instruments juridiques nationaux469. Cette garantie est essentielle à l’exercice de la fonction d’audit externe dans la mesure où ce sont des fonctionnaires étatiques qui accomplissent généralement l’audit externe des OI. C’est ainsi que la Déclaration de Lima, dans sa section 5 sur l’indépendance des institutions supérieures de contrôle nationales, dispose : « 1 / les institutions supérieures de contrôle ne peuvent accomplir leurs tâches de manière objective et efficace que si elles sont indépendantes de l’entité contrôlée et sont protégées contre les influences extérieures. 2/ Bien que les institutions étatiques ne peuvent être absolument indépendantes car elles font partie de l’État dans son ensemble, les institutions supérieures de contrôle disposent de l’indépendance fonctionnelle et organisationnelle nécessaire pour accomplir leur tâches. 3/ La mise en place des institutions supérieures de contrôle et le degré nécessaire de leur indépendance doit être prévue dans la constitution, les détails peuvent être énoncées dans la législation. En particulier, une protection juridique appropriée par une juridiction suprême contre toute atteinte à l’indépendance d’une institution supérieure de contrôle et le mandat de vérification doit être garantie ». Et elle consacre sa section 6 à l’indépendance des membres et des fonctionnaires des institutions supérieures de contrôle en disposant que « l’indépendance des institutions supérieures de contrôle est indissociablement liée à l’indépendance de ses membres. Les membres sont définis comme les personnes qui ont à prendre des décisions pour l’institution de contrôle et sont responsables de ces décisions, c’est-à-dire les membres d’un organe de décision collégial ou le chef d’une institution supérieure de contrôle organisé. En particulier, les procédures de révocation doivent être inscrites dans la constitution et il ne peut pas être porté atteinte à l’indépendance des membres. Le mode de nomination et de révocation des

467

EUROSAI, « Actualité des déclarations de Lima et de Mexico : l’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques comme garantie des Etats démocratiques », Rev. EUROSAI, op. cit., 125 p.

468 Corps commun d’inspection, La fonction d’audit dans le système des Nations Unies, (rapport établi par MM.

M. ZAHRAN et autres), Nations Unies, Genève, 2010 (JIU/REP/2010/5). Sur la valeur obligatoire de la

Déclaration de Lima, v. :

http://www.eurosai.org/handle404?exporturi=/export/sites/eurosai/.content/documents/magazines/Maga_fr/Eu15 fr.pdf (consulté le 15 juin 2014).

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membres dépend de la structure constitutionnelle de chaque pays ». Une disposition est aussi consacrée à la carrière des membres des institutions nationales de contrôle des finances publiques qui exercent des missions dans les OI. Ils ne doivent pas être influencés par les organismes contrôlés au travers de leur carrière.

b. La Déclaration de Mexico sur l’indépendance de l’auditeur externe

La Déclaration de Mexico a été adoptée en 1977 par l’organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques, qui a consaré l’indépendance de l’auditeur externe lors de son XIXe

congrès tenu en 2007. Elle reprend et renforce les piliers470 de l’indépendance de l’auditeur externe telle qu’adoptée dans la Déclaration de Lima. En ce sens, on peut la considérer comme le complément indispensable de la Déclaration de Lima. Elle la complète par les principes d’inamovibilité et d’immunité471 des auditeurs externes. Cette indépendance se traduit dans leur nomination, dans le renouvellement des membres, dans leur emploi, leur retraite et dans les conditions de leur destitution. En vertu de ces principes, ils ne peuvent être poursuivis pour des actes passés ou présents résultant de l’exercice normal de leur fonction. Les auditeurs externes doivent également être indépendants à l’égard de leurs gouvernements. Cette indépendance est définie dans les instruments juridiques conclus entre les institutions supérieures de contrôle des finances publiques des Etats et les OI. La « directive de l’INTOSAI à l’intention des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC)»472 affirme également leur indépendance. Elle est annoncée par exemple à l’article 36-3 du règlement financier de l’Organisation internationale du Travail de la manière suivante : « le Commissaire aux comptes est complètement indépendant et seul responsable de la conduite du travail de vérification ». Il peut arriver que des services de l’OI demandent à l’auditeur externe d’accomplir des tâches supplémentaires qui ne sont pas définies dans la charte de l’audit

470

R. CHRYSTELLE, « L'indépendance de l'auditeur : pairs et manques », Revue française de gestion, n° 147, 2003, pp. 119-131.

471 INTOSAI, « Contrôle des institutions internationales, directives à l’intention des institutions supérieures de

contrôle des finances publiques (ISC) », Rev. internationale de vérification des comptes publics, op. cit., p. 7 ; J. MOSER, « L’indépendance des institutions supérieures de contrôle des finances publiques au regard des déclarations de Lima et de Mexico », op. cit. pp. 49-52.

472 INTOSAI, « Contrôle des institutions internationales-Directives à l’intention des institutions supérieures de

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externe. Dans ce cas, il doit examiner si l’exécution de telles tâches ne porte pas atteinte à son indépendance, qui est la condition nécessaire à l’exercice de sa mission.

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