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La définition de critères de validité d’une interprétation

CHAPITRE 2: CADRE THÉORIQUE

2.3 La validation d’une interprétation

2.3.2 La définition de critères de validité d’une interprétation

Jouve (2001) expose trois grands principes que doit respecter une interprétation pour être valide. Le premier principe, respecter l’objectivité, signifie simplement que le lecteur doit repérer et considérer le plus grand nombre possible d’indices présents dans le texte. Puisque ces éléments du texte l’aident à dégager un sens plausible, il doit éviter de s’en éloigner. Le deuxième principe implique que lecteur choisisse l’ensemble de connaissances qu’il utilisera pour analyser le texte, pour proposer une hypothèse interprétative et pour la justifier. Enfin, le troisième principe correspond à l’application rigoureuse des normes qui balisent l’interprétation à l’ensemble du texte. C’est donc dire que les critères choisis pour interpréter doivent, pour être cohérents, être transposables à l’œuvre entière.

Reuter (2001) présente des principes semblables à ceux de Jouve (2001) pour établir la légitimité du sens d’un texte proposé par un lecteur. Il affirme que l’interprétation doit s’appuyer sur des positions culturelles plausibles et doit tenir compte des informations contenues dans le texte. Plus précisément, le lecteur doit s’assurer que son hypothèse est non seulement renforcée par des éléments du texte, mais qu’aucun d’entre eux ne la contredit. Les critères qu’il soumet se déclinent en trois énoncés :

l’efficacité pragmatique qui résulte [de l’interprétation]; le renvoi à des positions culturellement possibles; des renvois à la caution du texte sous forme notamment de prise en compte d’un certain nombre d’éléments du texte et d’absence de contradiction non justifiée avec les éléments du texte-

Si Langlade (2002) croit lui aussi que les éléments du texte doivent être considérés pour rendre une hypothèse légitime, il ajoute toutefois que le sens d’un texte se construit inévitablement en fonction du vécu du lecteur. L’évaluation des interprétations reçues relève selon lui des principes de cohérence, de pertinence et de non-contradiction :

La valeur d’une construction de sens se mesure donc à son aptitude à donner sens de façon cohérente et dynamique au plus grand nombre possible d’éléments du texte. À l’évidence, surtout lorsqu’il s’agit d’un texte littéraire, cette construction de sens possède une dimension subjective : elle est pour partie liée à la culture, à l’expérience, à la personnalité même du lecteur. Chacun sait qu’une œuvre peut recevoir plusieurs interprétations de lecteurs différents, ou d’un même lecteur à des moments différents de sa vie. Mais elle présente aussi une dimension objective, ou du moins justifiable, « objectivable » : une lecture n’est pas un délire interprétatif et toute construction de sens authentique doit pouvoir être légitimée par une analyse du texte (p. 42).

Les critères relevés par Sauvaire (2013) tiennent comptent des divergences de points de vue entre les enseignants et les élèves. Pour les enseignants, « le critère d’évaluation de la recevabilité d’une interprétation le plus valorisé […] est, sans surprise, le retour au texte, en particulier le relevé de citations ayant valeur de preuve » (p. 305). Toutefois, les élèves, de leur côté, accordent davantage d’importance à l’instance auctoriale, c’est-à-dire qu’ils cherchent à déterminer l’intention que l’auteur avait en tête lorsqu’il a écrit son texte. La réponse à l’énigme d’un texte relèverait ainsi, selon les maitres, de l’analyse textuelle et, selon les apprentis, des volontés de l’auteur. Le deuxième critère évoqué par Sauvaire, l’accord intersubjectif, semble partagé par les enseignants et par les élèves. Ces derniers « établissent le caractère plausible d’une interprétation à partir de deux balises : la cohérence logico-temporelle et les valeurs partagées […]. [Ils] mobilisent leurs connaissances de multiples récits (littéraires, filmiques, etc.) qui façonnent leurs conceptions de la cohérence de l’action » (p. 306). Enfin, Sauvaire relève un dernier critère, les ressources subjectives, partagé seulement par certains élèves – pas par les enseignants. Ces ressources pourraient selon eux permettre de valider leurs interprétations : « [ils recherchent] dans leur propre sensibilité des éléments de justification de leurs hypothèses. Leur démarche entre en tension avec la recherche de preuves textuelles » (p. 307).

Pour qu’une hypothèse interprétative soit valide, elle doit d’une part s’appuyer sur le plus grand nombre possible d’éléments du texte pertinents à l’avancée de l’intrigue et, d’autre part, n’être contredite par aucun élément du texte. Ces deux critères, s’ils sont respectés, devraient conférer un degré de validité élevé à une interprétation. Cependant, il arrive que les éléments contenus dans le texte ne permettent pas de trancher en faveur d’une hypothèse en particulier. Le cas échéant, le lecteur doit recourir à un troisième critère : l’appui sur des référents partagés par une communauté de lecteurs tels que des savoirs, des valeurs, des pratiques et des normes. C’est notamment le cas pour certains poèmes dont l’interprétation implique une revue de la vie de l’auteur et du contexte de production. La figure suivante présente les critères que nous retenons. Elle servira d’outil pour l’analyse de nos résultats.

Des éléments subjectifs tels que les connaissances, les expériences et les intérêts du lecteur de même que les émotions qu’il ressent lors de la lecture se greffent au maximum d’indices qu’il repère dans le texte. Plus précisément, un processus d’objectivation intersubjectif se produit, c’est-à-dire qu’il y a interaction entre la subjectivité du lecteur et sa distanciation du texte. Le lecteur prend en considération la pensée de ceux avec qui il confronte sa lecture (par exemple les pairs et l’enseignant) dans son propre jugement, et ce, dans l’objectif de comprendre le texte et d’élaborer une interprétation (Vanhulle, 2004). Pour cette raison, les hypothèses interprétatives peuvent différer d’un lecteur à l’autre tout en étant plausibles. La figure suivante illustre l’interaction entre subjectivité et distanciation qui amène le lecteur à formuler des interprétations.