• Aucun résultat trouvé

Les insuccès des élèves du profil C dans leurs tentatives de prouver leur interprétation

CHAPITRE 3: DÉMARCHE DE RECHERCHE

4.2 L’appui sur des éléments du texte Dragon et le recours à des connaissances personnelles pertinentes pour formuler des interprétations

4.2.4 Les insuccès des élèves du profil C dans leurs tentatives de prouver leur interprétation

Étant donné qu’ils inventent certaines informations dont il n’est pas question dans le texte pour combler leurs incompréhensions, les élèves du profil C butent lorsqu’ils doivent se référer au texte pour répondre à l’intervieweur. Une question posée à Marc-Étienne permet de comprendre qu’il n’envisage pas que l’histoire puisse être invraisemblable. Sa représentation du type de récit nuit à sa compréhension et le pousse à tirer des déductions erronées en utilisant certains passages du texte comme point de départ pour se construire une logique. Il affirme que si ce sont réellement des chevaliers qui se font frapper par un train (et non des automobiles comme le veut son hypothèse), il s’agirait de gens déguisés pour l’Halloween :

I : Ok, parce que ça pourrait pas être des chevaliers qui sont frappés par un train?

é : Ouais parce que c’est comme deux époques vraiment distinctes entre les deux.

Quelques secondes de silence.

I : Bien as-tu l’impression de mieux comprendre un peu maintenant? é : Ouais, un peu mieux ouais.

I : Ok. Est-ce que ça se pourrait que ce soit des chevaliers qui se fassent frapper par un train?

é : Si ce serait des chevaliers, y seraient comme mettons à une fête Halloween, mettons comme une fête déguisée, sinon ce serait pas plausible, dans la vraie vie parce que des chevaliers…

La recherche d’une vraisemblance à l’histoire semble également inciter Pier-Olivier à inventer des informations et à surinterpréter. Ainsi, lorsque l’aide de l’intervieweur lui permet progressivement de comprendre que les personnages sont réellement des chevaliers et non des moustiques, la logique créée par l’adolescent s’écroule et sa compréhension s’en trouve fragilisée :

I : Ok, qu’est-ce qui fait que c’est invraisemblable? é : Que, des chevaliers tentent de combattre un dragon. I : Ok.

é : Que, le dragon c’est invraisemblable puis chevaliers c’est plus vraiment…

I : Est-ce qu’y a vraiment un dragon dans le texte finalement? é : Non.

I : Ok, quoi d’autre est invraisemblable outre le fait que les chevaliers veulent combattre une créature qui n’existe pas?

é : Euh le fait que y’ait des chevaliers dans l’époque de train. I : Ok.

é : C’est plus invraisemblable.

Jean-Sébastien, qui considère le dragon et le train comme deux entités distinctes, cherche lui aussi un sens logique à l’histoire. Il établit que les armures contenant les squelettes des chevaliers étaient demeurées au sol pendant des siècles et il s’accroche à cette compréhension erronée lorsqu’il répond aux questions de l’intervieweur. Tout comme les autres élèves classés dans ce profil, il invente donc des informations et crée de faux liens entre certains éléments :

I : (rires) Maintenant euh ligne 37 à 39, quand on dit Le Temps n’existe pas. Euh… Sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas. D’après toi, pourquoi le, l’auteur a dit ça, que le Temps n’existe pas?

é : Ouais, c’est ça comme si y continuerait sa prière, puis y finit sa prière, sa prière par Que Dieu nous protège. C’est une prière pour euh… Avant les combats, les affaires de même.

I : Ok. Ce serait une façon comme de… é : De se protéger.

I : De souhaiter que ça va bien se passer? é : Ouais.

Enfin, Emma se démarque des autres lecteurs classés dans le profil C parce qu’elle se montre ouverte à l’invraisemblance de l’histoire et parce qu’elle appuie son interprétation sur quelques éléments du texte. Toutefois, elle n’associe pas le dragon et le train comme un seul tout et cette lacune la pousse à surinterpréter, d’où le fait qu’elle soit classée dans le profil C. En effet, ses difficultés de compréhension la mènent sur une fausse piste : elle croit que les chevaliers sont d’abord tués par un dragon, puis par un train. Toutefois, elle comprend très bien le caractère fantastique de l’histoire et propose des réflexions intéressantes lorsque l’intervieweur la questionne à propos des passages clés du texte :

I : Il laissait derrière lui une fumée si épaisse qu’elle stagnait dans l’air froid des minutes après qu’il fut passé et eut disparu à tout jamais. On parle du euh… du train. Pourquoi on dit que le train eut disparu à tout jamais, d’après toi?

é : Je sais pas, peut-être que c’est lui qui était pas dans la bonne époque, puis qu’y a disparu.

I : Le train qui n’était pas dans la bonne époque?

é : Y’était passager dans leur époque dans le fond, je sais pas. I : Ok.

é : Parce qu’y disparait à tout jamais.

I : Le train ça aurait été l’intrus et non les chevaliers? é : Bien…

I : Peut-être.

é : Si j’veux comprendre cette phrase-là, j’ai pas le choix de changer des hypothèses là.

I : Ok, mais tu changes pas tant d’hypothèse, tu dis juste qu’au lieu que ce soit les corps des chevaliers…

é : Ouais.

I : Qui se feraient déporter, tu sais, à l’époque des trains, ce serait le train qui ferait un petit passage à l’époque des chevaliers.

[…]

I : Ok, puis hum, les lignes 37 à 39, Neuf cents ans se sont écoulés depuis la Naissance du Christ. Ce n’est pas vrai murmura le second chevalier en fermant les yeux. Sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas. Pourquoi on dit que le Temps n’existe pas?

é : Ça veut dire que c’est comme normal que ça se passe de même, je sais pas.

I : Ok, qu’est-ce que tu veux dire?

é : Bien, c’est normal que genre des, tout se mélange. I : Le mélange des époques?

é : Ouais parce que le Temps n’existe pas, donc les époques peuvent se rencontrer puis c’est pas grave.

En somme, les participants à l’étude classés dans le profil C construisent leur hypothèse interprétative par l’intermédiaire d’informations tirées du texte, certaines justes et d’autres, erronées. Lorsqu’ils lient des informations véridiques à des informations inexactes, une interprétation biaisée se manifeste comme résultat final.