• Aucun résultat trouvé

Le codage et l’extraction de données spécifiques en fonction des objectifs de notre étude

CHAPITRE 3: DÉMARCHE DE RECHERCHE

3.4 L’analyse de contenu pour traiter l’ensemble des données

3.4.1 Le codage et l’extraction de données spécifiques en fonction des objectifs de notre étude

Pour analyser les données qualitatives issues des transcriptions des rencontres avec les 39 élèves, nous avons choisi une méthode adaptée à chacun des trois objectifs spécifiques de notre étude. L’atteinte du premier objectif – dégager des profils d’interprètes – impliquait une analyse du produit – l’interprétation favorisée par chacun à la toute fin de leur rencontre, c’est-à-dire après que toutes les questions ont été posées. À l’opposé, les deuxième et troisième objectifs spécifiques nous ont permis de mettre en lumière les processus des élèves, c’est-à-dire leur démarche pour interpréter le texte Dragon. Les données – qu’elles concernent le processus ou le produit – ont surtout été tirées de la deuxième partie des rencontres, c’est-à-dire le moment où l’intervieweur posait des questions. Dans la première partie des rencontres, lorsque les élèves devaient lire le texte, plusieurs ont été avares de commentaires, ce qui a limité les possibilités d’analyse. La figure suivante illustre le type de données analysées pour répondre à chacun de nos objectifs spécifiques.

Figure 6: Type de données analysées pour chacun des objectifs de notre étude

Objectif spécifique 1 : dégager des profils d’interprètes

Pour répondre à notre premier objectif, nous avons tenté de dégager la dernière hypothèse interprétative retenue par chaque élève au terme de l’entretien pour expliquer pourquoi des chevaliers sont frappés par un train25

. Pour quelques cas, le point de vue énoncé était plus ou moins clair, mais l’intervieweur a tout de même choisi de poursuivre l’entretien sans demander au participant de répéter ses propos. Lorsqu’une telle situation a été observée dans l’analyse, nous avons dû déduire l’idée que l’élève avait voulu formuler.

Pour atteindre l’objectif spécifique de dégager des profils d’interprètes, le choix de nous concentrer sur les produits (les interprétations formulées par les participants) plutôt que sur

les processus (la démarche pour en arriver à une interprétation du texte) s’est imposé comme le plus rigoureux. En effet, tel que mentionné dans la section des limites, certains processus de lecture sont automatisés, donc inconscients et non verbalisés. De surcroit, plusieurs processus sont conscients, mais n’ont pas été verbalisés par les élèves à cause de la lourdeur de la tâche – la compréhension du texte Dragon occupait à elle seule une bonne partie de la mémoire de travail. Pour dégager des profils d’interprètes, nous avons d’abord construit un tableau dans lequel nous avons compilé les faits saillants de chacune des rencontres :

 Un résumé en quelques mots de l’interprétation de l’histoire formulée par l’élève, que nous avons dégagée en tenant compte de l’entièreté de la rencontre;

 Un résumé des réponses de l’élève aux deux questions d’interprétation suivantes26 :

o Pourquoi un personnage dit-il à l’autre que le temps n’existe pas?

o À la fin de l’histoire, pourquoi dit-on que le train disparait à tout jamais?  Des observations générales, notamment par rapport aux aspects suivants :

o L’élève a-t-il mis beaucoup de temps avant de comprendre adéquatement l’histoire? A-t-il eu besoin de plusieurs indices?

o A-t-il formulé plusieurs hypothèses interprétatives pendant la rencontre? o A-t-il tiré profit de l’aide de l’intervieweur?

Une fois que la compilation de ces éléments a été complétée pour tous les participants, nous avons relu plusieurs fois l’ensemble des observations et avons circonscrit et défini quatre profils d’interprètes potentiels que nous avons nommés par les lettres A, B, C et D. Les singularités de chaque profil ont été relevées dans un tableau dont la forme est la suivante :

Profils Caractéristiques

A B C D

Puis, nous avons mis à l’épreuve l’exhaustivité de ces quatre ensembles en tentant d’attribuer un profil à chaque élève. Évidemment, à la première tentative, quelques participants se sont avérés inclassables. Nous avons donc redéfini (élargi, précisé) certains profils d’interprètes pour qu’ils soient plus inclusifs. Ainsi, tous les élèves de l’échantillon ont pu être classés. En somme, chaque profil correspond à une tendance observée. Les résultats ont été compilés dans un tableau dont la forme est exemplifiée ci-après.

Élèves Résumé des faits saillants des rencontres Profils d’interprètes

1

2

3

Objectif spécifique 2 : Étudier le lien entre l’interprétation de la nouvelle Dragon formulée par des adolescents et leur capacité à s’appuyer sur des éléments du texte et sur leurs connaissances personnelles

Pour répondre au deuxième objectif de notre étude, nous avons analysé les réponses de chacun des 39 élèves à deux des questions d’interprétation posées par les intervieweurs lors

 Relis les lignes 35 à 39. Pourquoi un chevalier dit-il à l’autre que « sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas »?

 Relis les lignes 81 à 84. Pourquoi l’auteur termine-t-il son histoire en mentionnant que le train disparait à tout jamais?

Ces deux questions nous paraissaient discriminantes, c’est-à-dire qu’elles nous ont semblé les plus appropriées pour déterminer si les élèves s’appuyaient ou non sur le texte et sur leurs connaissances personnelles pour formuler leurs hypothèses interprétatives. En effet, nous avons réalisé que parmi les questions liées au critère interprétation, elles étaient celles qui, en moyenne, généraient les réponses les plus étoffées. Elles impliquaient d’ailleurs chez les élèves l’activation d’un processus complexe : lier plusieurs éléments du texte entre eux pour interpréter un passage clé.

Pour déterminer si les réponses des participants témoignaient ou pas d’un appui sur le texte, nous avons utilisé les critères suivants :

1. L’élève réfère directement à des éléments pertinents du texte pour répondre à la question.

2. L’élève réfère à des éléments pertinents qu’on peut déduire du texte pour répondre à la question.

Nous avons considéré que les participants dont les réponses référaient à des éléments qui n’étaient pas dans le texte lu et qu’on ne pouvait pas déduire ne se sont pas appuyés sur des éléments de la nouvelle littéraire Dragon pour l’interpréter. Ils pouvaient tout de même avoir recouru à des éléments fictionnels provenant de leur subjectivité (Langlade, 2007).

Pour déterminer si les lecteurs utilisaient des connaissances personnelles pertinentes pour répondre aux deux questions d’interprétation analysées, nous avons recouru aux critères suivants :

1. L’élève utilise des connaissances liées à l’univers fantastique (temps, lieux) pour expliquer comment un mélange de deux époques distinctes (le Moyen Âge et l’époque moderne) est possible dans la même histoire.

2. L’élève utilise des connaissances liées à l’univers fantastique (temps, lieux) pour expliquer comment un mélange d’éléments appartenant à deux époques distinctes (des chevaliers et un train) est possible dans la même histoire.

3. L’élève utilise des connaissances liées à l’univers fantastique (temps, lieux) pour illustrer certains passages du texte ou pour en permettre la visualisation.

4. L’élève utilise toute autre connaissance personnelle pertinente pour expliquer les grands enjeux de l’histoire.

À ces six critères – deux pour vérifier l’appui sur le texte et quatre pour vérifier l’appui sur des connaissances personnelles pertinentes – s’est ajoutée par défaut une considération : les réponses des élèves devaient être suffisamment développées pour être analysées. Si certains commentaires n’étaient pas assez étoffés pour que nous en tirions quoi que ce soit, nous les avons ignorés dans le traitement des données.

Les élèves à qui aucune des deux questions analysées n’a été posée ont été exclus de l’échantillon pour cette partie de l’analyse, tandis que nous avons choisi de conserver dans la compilation les quelques élèves à qui une seule question avait été posée. De cette manière, nous avons évité de trop réduire l’échantillon de participants. La définition même de la méthode employée dans la deuxième partie des rencontres, l’entretien semi-dirigé, explique pourquoi les questions ont été posées à la majorité des élèves de l’échantillon, mais pas à tous.

Pour qu’un élève soit considéré dans la catégorie des lecteurs s’appuyant sur des éléments du texte Dragon ou sur des connaissances personnelles pour l’interpréter, il devait avoir répondu positivement à un des six critères discriminants pour au moins une des deux questions retenues pour l’analyse. Nous souhaitions ainsi laisser une marge de manœuvre aux élèves étant donné le degré de difficulté élevé des questions.

Lorsque nous avons annoté les transcriptions des rencontres avec les élèves pour répondre à notre deuxième objectif, nous avons utilisé les codes compilés dans le tableau suivant :

Tableau 1: Codes utilisés pour annoter les transcriptions des rencontres avec les élèves

Codes Définitions

Recours à des éléments du texte Dragon pour

l’interpréter

ET Éléments du texte

EDT Éléments qu’on peut déduire du texte

REJ Commentaire de l’élève trop peu

développé pour être analysé (rejeté)

Recours à des connaissances personnelles pour interpréter le texte

Dragon

CPépoques Connaissances personnelles pour

expliquer le mélange d’époques

CPéléments

Connaissances personnelles pour expliquer le mélange d’éléments appartenant à deux époques distinctes

CPvisual

Connaissances personnelles pour illustrer certains passages du texte ou pour en

permettre la visualisation

CPautres

Autres connaissances personnelles pertinentes pour expliquer les enjeux de

l’histoire

REJ Commentaire de l’élève trop peu

développé pour être analysé (rejeté)

Les résultats qui ont émergé de notre analyse ont été regroupés dans un tableau à cinq colonnes dont la forme est illustrée ci-dessous :

Numéro de l’élève et prénom Profil d’interprète Résumé de la réponse à la question Pourquoi un personnage dit- il à l’autre que le temps n’existe pas? Résumé de la réponse à la question À la fin de l’histoire, pourquoi dit-on que le train

disparait à tout jamais? Appui de l’interprétation sur des éléments du texte ou sur des connaissances personnelles pertinentes?

Dans un deuxième temps, pour éviter de pénaliser les élèves qui se sont appuyés sur des éléments du texte et sur leurs connaissances personnelles pour interpréter, mais qui l’ont fait spontanément à un autre moment qu’au moment où les deux questions couvrant les enjeux du texte leur ont été posées, nous avons relu tous les passages des transcriptions des rencontres qui avaient été codées en interprétation par les membres de l’équipe de recherche27. Lorsque nous avons rencontré un segment codé en interprétation dans lequel

un participant s’exprimait à propos du mélange d’époques ou du mélange d’éléments associés à deux époques, nous l’avons soumis à l’ensemble des critères listés précédemment. Nous avons ainsi pu élargir l’analyse et inclure dans nos résultats les élèves qui se sont exprimés à propos d’enjeux du texte à d’autres moments qu’au moment de répondre aux deux questions ciblées pour répondre à notre deuxième objectif spécifique.

Objectif spécifique 3 : Étudier le lien entre l’interprétation de la nouvelle Dragon formulée par des adolescents et leur compréhension de ce texte

Le regroupement des élèves par profils d’interprètes (objectif spécifique 1) a facilité le traitement des données pour répondre au troisième objectif spécifique. Nous avons pu dégager des observations pour chacun des quatre profils, qui ont été traités comme des touts cohérents. Pour ce volet de notre analyse, l’étude de cas aurait été laborieuse étant donné notre échantillon de 39 élèves. Il nous a donc semblé pertinent d’utiliser les ensembles d’élèves créés selon la ressemblance de leur interprétation de l’histoire.

Nous avons d’abord évalué, pour chacun des quatre profils d’interprètes, si la compréhension de l’histoire était adéquate et si l’interprétation formulée était pertinente. Pour déterminer si la compréhension de la nouvelle Dragon était adéquate ou non, nous avons recouru aux deux critères suivants :

1. L’élève doit comprendre que le dragon est un train.

2. L’élève doit attribuer une identité plutôt plausible aux deux personnages principaux : de vrais chevaliers ou des fous.

Ces éléments correspondent selon nous aux enjeux centraux de l’histoire : leur compréhension permettrait à un lecteur de résumer l’histoire adéquatement à une tierce personne. Ils nous semblaient discriminants pour cibler les profils de lecteurs qui comprennent bien l’histoire.

Pour déterminer si l’interprétation de la nouvelle littéraire Dragon proposée par chaque profil était pertinente ou non, nous nous sommes référée aux critères de validité d’une interprétation que nous avons retenus dans notre cadre théorique :

1. L’interprétation doit s’appuyer sur le plus grand nombre possible d’éléments du texte.

2. L’interprétation ne doit être contredite par aucun élément du texte.

3. L’interprétation doit s’appuyer sur des référents partagés par la communauté de lecteurs : des savoirs, des valeurs, des pratiques et des normes.

Pour choisir l’interprétation la plus plausible de la nouvelle littéraire Dragon, il n’était pas obligatoire d’aller plus loin que le texte comme tel. Nous avons donc recouru principalement aux critères 1 et 2. Le critère 3 nous a simplement permis de revalider l’hypothèse interprétative retenue.

Le fait que les lecteurs soient déjà associés à un profil d’interprète (A, B, C ou D) a accéléré le classement des participants selon leur degré de compréhension de l’histoire et selon la pertinence de leur interprétation. En effet, plutôt que de poser un jugement pour chaque lecteur, nous posions un jugement pour chaque profil d’interprète en nous référant aux descriptions des profils. Tous les lecteurs appartenant à un même profil bénéficiaient ainsi du même jugement. Le recours aux profils d’interprètes plutôt qu’aux lecteurs comme entités distinctes nous a permis de dégager des tendances générales. Globalement, nous nous sommes posé les questions suivantes :

 Est-ce que ceux qui ont compris adéquatement l’histoire l’ont bien interprétée?  Est-ce que ceux qui l’ont mal comprise l’ont également mal interprétée?

Nous avons ensuite analysé individuellement et de manière plus approfondie les exceptions à la règle, c’est-à-dire les élèves qui ne cadraient pas avec les tendances générales

observées. Nous avons ainsi pu formuler des pistes d’explication par rapport à ces cas particuliers.

Les résultats ont été compilés dans un tableau dont la forme est présentée ci-après. Après avoir soumis chaque profil d’interprète aux cinq critères énoncés précédemment – deux pour évaluer si la compréhension est adéquate et trois pour déterminer si l’interprétation est plausible –, nous inscrivions oui, non ou plus ou moins dans les colonnes du tableau afin de répondre à l’objectif d’étudier le lien entre la compréhension et l’interprétation. Nous précisions également dans le tableau les éléments qui nous ont menée à considérer les compréhensions adéquates ou non et les interprétations pertinentes ou non.

Profils d’interprètes L’interprétation formulée est- elle plausible? La compréhension

globale est elle adéquate?

L’interprétation s’appuie-t-elle sur des éléments

du texte ou sur des connaissances personnelles pertinentes? Observations

CHAPITRE 4: RÉSULTATS

Les résultats que nous présentons dans ce chapitre répondent aux trois objectifs spécifiques que nous avons fixés dans le cadre de cette étude. Pour répondre au premier objectif, nous exposerons les caractéristiques des profils d’interprètes qui ont émergé de l’analyse des données. Ensuite, pour atteindre le deuxième objectif, nous illustrerons des cas d’élèves qui se sont appuyés sur des éléments de la nouvelle littéraire Dragon pour l’interpréter et d’autres qui ne l’ont pas fait. Nous montrerons aussi des exemples de lecteurs qui se sont appuyés ou non sur des connaissances personnelles pertinentes pour interpréter le texte. Ces comportements – l’appui sur le texte et l’utilisation de connaissances personnelles pertinentes – seront croisés avec les profils d’interprètes pour dégager certaines tendances. Enfin, relativement au troisième objectif, nous montrerons, pour chacun des profils d’interprètes créés, en quoi la compréhension de la nouvelle littéraire Dragon a eu une incidence sur l’interprétation. À cette étape, les élèves ne seront plus analysés cas par cas : ce seront plutôt les profils qui seront considérés comme des entités distinctes.