• Aucun résultat trouvé

L’aisance de plusieurs élèves du profil A à prouver leur interprétation

CHAPITRE 3: DÉMARCHE DE RECHERCHE

4.2 L’appui sur des éléments du texte Dragon et le recours à des connaissances personnelles pertinentes pour formuler des interprétations

4.2.1 L’aisance de plusieurs élèves du profil A à prouver leur interprétation

Les élèves du profil A qui lient des éléments du texte entre eux pour interpréter

Près des trois quarts des élèves du profil A (17/23) lient des informations du texte entre elles ou lient des informations du texte à leurs connaissances personnelles pour proposer une interprétation. En réponse à la question d’interprétation Relis les lignes 35 à 39. Pourquoi un chevalier dit-il à l’autre que « sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas »?, certains affirment que ce passage signifie que tout est possible et que le contexte est favorable aux voyages dans le temps. Par exemple, Simon croit que cette information du texte est un signe avant-coureur de rencontres farfelues :

I : Si on relit les lignes 38 et 39, est-ce que ça renforce ton hypothèse ou ça la fait changer? Ce n’est pas vrai, murmura le second chevalier en fermant les yeux. Sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas. […] Y’a un chevalier qui dit à l’autre que le temps n’existe pas, est-ce que cet extrait-là renforce ton hypothèse, est-ce que le fait qu’y disent que le Temps n’existe pas, est-ce que ça annonce quelque chose?

é : Ouais, je pense que c’est sûr c’est annonciateur de, de, un coup que t’as lu le texte là, c’est annonciateur que les, les deux appartiennent pas au même temps là, les chevaliers puis les chauffeurs de train.

I : Ok, donc ça nous donnerait un indice comme quoi…

é : Y sont pas à la même époque puis qu’y vont se rencontrer mais qu’y, y’appartiennent pas au même temps là parce que le Temps n’existe pas dans cette terre.

Samuel-A est également d’avis que ce passage du texte permet la cohabitation d’éléments qui pourraient sembler à priori incompatibles :

é : Bien ça c’est, le Temps n’existe pas, c’est, ça veut peut-être dire que dans le fond, les deux époques peuvent coexister sans pour autant avoir de rapport.

Ces deux élèves établissent donc un lien entre la phrase prononcée par un des deux chevaliers au début de l’histoire et la présence d’un train à la fin de l’histoire. Plus précisément, ils tirent profit de l’information du texte selon laquelle le Temps n’existe pas pour résoudre une partie de l’énigme. En effet, ils ont sans doute repéré au fil de leur lecture de multiples indices qui laissent croire que l’histoire se déroule au Moyen Âge : un château, des chevaliers, leurs armures, leurs lances, leurs chevaux… Or, ils ont également relevé des indices à la fin du récit qui suggèrent fortement que l’histoire se déroule à la fin des années 1800 ou au début des années 1900 : des chefs de train, un train à vapeur, du charbon pour l’alimenter… Pour trouver la solution à ce problème soulevé par le texte, ils utilisent les indices fournis par l’auteur.

Pour ce qui est des réponses à la question d’interprétation Relis les lignes 81 à 84. Pourquoi l’auteur termine-t-il son histoire en mentionnant que le train disparait à tout jamais?, des élèves mentionnent que le train retourne à l’époque de laquelle il provient. Au départ, Gabrielle semble perplexe lorsque l’intervieweur lui relit ce passage, mais elle en tire rapidement profit pour renforcer son interprétation :

I : Ok, super! Maintenant, la dernière, dernière phrase du texte. On va la relire ensemble, puis tu me diras ce que t’en comprends. Il laissait derrière lui… Parce que là, on parle du train… une fumée si épaisse qu’elle stagnait dans l’air froid des minutes après qu’il fut passé et eut disparu à tout jamais. Pourquoi l’auteur aurait écrit que le train eut disparu à tout jamais, d’après toi?

Quelques secondes de silence. é : Euh… je le sais vraiment pas là. I : Ok.

é : Ah peut-être parce que c’est un train qui vient du futur genre ou… I : Ok. Ce serait un train qui arriverait du futur?

é : Ouais, puis là, y retourne genre dans son époque là si on veut.

Même chose pour Simon, qui se sert de la question posée par l’intervieweur pour conforter son point de vue :

I : Dans le dernier paragraphe là, le narrateur dit que le train, à la fin, toute fin du texte, on dit que Il laissait derrière lui une fumée si épaisse qu’elle stagnait dans l’air froid des minutes après qu’il fut passé et eut disparu à tout jamais. Pourquoi tu penses que l’auteur nous dit que le train disparait à

é : Euh, bonne question! Pourquoi qu’un train disparaitrait à tout jamais? Parce que c’est, parce que c’est pas son temps, y’a pas d’affaire là, fait que ça serait comme si, si y’était pas à la bonne époque là.

Ces lecteurs utilisent la dernière phrase du texte pour confirmer leur hypothèse (Simon) ou pour la construire (Gabrielle). Cette phrase n’est que la pièce finale du casse-tête assemblé par les élèves du profil A parce que plusieurs autres indices insérés au fil du récit les guident vers l’hypothèse du voyage dans le temps par un train ou du mélange d’époques.

Les élèves du profil A qui lient des éléments du texte à des connaissances personnelles pertinentes pour interpréter

Lorsqu’Anthony affirme que le train passait par un portail temporel pour changer d’époque, il lie des informations du texte avec certaines de ses connaissances personnelles. Le texte n’évoque en aucun temps l’existence de ce portail. Il s’agit plutôt d’une représentation de l’histoire qui combine un concept de science-fiction que l’élève connait – le portail temporel – à une action centrale du récit – le voyage dans le temps par un train :

I : Mais ça, ça se déroule à l’Ère moderne tu dis ou à l’époque des chevaliers?

é : Hum, chevaliers. C’est comme si, les trains y’auraient pris un genre de patente euh, temporelle puis y’étaient rendus là.

I : On serait à l’époque des chevaliers, puis tu me dis que pour expliquer que… Parce qu’on s’entend que ce sont deux époques là qui normalement ne se côtoient pas là. Mais toi pour expliquer le, l’apparition du train à l’époque des chevaliers, tu me dis… Répète ton hypothèse s’il te plait.

é : Un portail temporel là. I : Un portail?

é : Un genre de truc que tu passes, puis que tu te retrouves un petit peu plus bas dans le temps.

I : Plus bas dans le temps. Ok, fait que c’est le train qui s’insèrerait à l’époque des chevaliers.

é : Puis là bien eux autres y, y, y’avaient jamais vu ça de leur vie, fait qu’y ont peur, puis y se mettent à l’attaquer en pensant que c’est un dragon, puis là y meurent.

Mathieu-C abonde dans le même sens qu’Anthony, mais il nomme plutôt le dispositif permettant le passage du train d’une époque à l’autre comme une trace dimensionnelle :

I : Ok, explique-moi donc ton hypothèse voir.

é : Bien, je sais pas moi dans ma tête ça sonne un peu comme dans voyage, retour dans le passé ou quelque chose de même là.

I : Ok.

é : Genre que le train avait apparu à un moment donné à cause d’une affaire, une trace dimensionnelle ou quelque chose de même.

I : (rires) Un truc ultradimensionnel, ok.

é : Puis là, bien en voulant repartir y’ont frappé deux chevaliers puis y’est retourné dans son époque là.

I : Ok. Puis y venait d’où ce train-là? é : Du futur.

Philippe propose que l’engin doive atteindre une vitesse plus élevée que celle de la lumière pour voyager à travers les époques. Encore une fois, le texte n’en fait pas mention, mais il s’agit d’une hypothèse pertinente basée sur des connaissances sur le monde. Il s’inspire d’un populaire film de science-fiction pour bâtir sa représentation de l’histoire :

é : Peut-être que c’est comme dans le film Retour vers le futur. Ça c’était un retour, mais là peut-être que ça va être un genre…

I : Ok. […]

I : Mais pourquoi l’auteur ferait ça, le croisement entre deux époques, est-ce qu’y aurait un but en particulier?

é : Bien j’sais pas, peut-être que ça va avec la vitesse. Parce que y’a certaines théories qui disent que si on gravit une certaine vitesse on peut reculer ou avancer dans le temps là.

[…]

I : Bien y’a des façons plus simplistes… Est-ce que tu vois d’autres possibilités? Le croisement d’époques, est-ce que c’est quelque chose d’impossible quand on écrit un texte?

é : Bien non.

I : Dans quel genre de texte on peut faire croiser des époques? é : Science-fiction, fantastique.

Quant à Amélie, elle croit qu’une faille dans le temps serait l’élément magique qui permettrait au train de voyager. Elle se sert donc de sa connaissance de la science-fiction pour construire sa représentation de l’histoire :

I : Puis le train, le train arriverait comme tu l’as dit tantôt par magie puis y disparaitrait par magie.

é : Ouais. I : Ok.

é : Ce serait comme une faille dans le temps genre. […]

é : Quand le train disparait. I : Quand le train disparait.

é : Fait que le train y fait juste comme je voyage en temps normal, une faille, 900, une faille, je repars.

Pour ces élèves du profil A, le fait de s’appuyer sur l’image d’un dispositif ou d’une méthode qui permet le passage d’un engin d’une époque à une autre – un portail temporel, une trace dimensionnelle, une faille dans le temps ou une accélération jusqu’à l’atteinte d’une vitesse supérieure à celle de la lumière – facilite la visualisation de l’action. Cette imagerie mentale est particulièrement utile considérant l’ambiance fantastique que propose le récit. Bref, dans le cas présent, lier des éléments du texte à des connaissances personnelles ne représentait pas une opération obligatoire pour comprendre et interpréter adéquatement Dragon, mais bien un atout ou un complément.