• Aucun résultat trouvé

L’influence de la compréhension de la nouvelle Dragon sur l’interprétation pour chacun des profils

CHAPITRE 3: DÉMARCHE DE RECHERCHE

4.3 L’influence de la compréhension de la nouvelle Dragon sur l’interprétation pour chacun des profils

Des liens étroits s’observent entre le degré de compréhension de la nouvelle littéraire Dragon par les participants et les interprétations qu’ils verbalisent.

4.3.1 Le profil A : quand compréhension assurée rime avec interprétation pertinente

La compréhension globale des élèves du profil A est adéquate : ils comprennent l’association entre le dragon et le train et ils saisissent que les personnages sont réellement des chevaliers malgré la présence d’un train à la fin de l’histoire. Les adolescents constituant ce groupe de l’échantillon semblent conscients que l’histoire peut être invraisemblable. En effet, ils acceptent l’idée que des éléments associés à deux époques distinctes (les chevaliers et le train) puissent cohabiter dans le même récit. Selon les critères qui valident une interprétation (Jouve, 2001; Reuter, 2001), les élèves du profil A sont ceux qui proposent l’hypothèse interprétative la plus plausible. En effet, plusieurs éléments du texte mentionnés précédemment l’appuient. Le narrateur, non participant, décrit une ambiance invraisemblable au début du récit : rien du décor ne bougeait sauf l’herbe soufflée

légèrement par le vent; aucun oiseau n’avait volé à cet endroit depuis des siècles; les pierres ne s’étaient pas déplacées par quelque mouvement que ce soit depuis une éternité. De plus, le narrateur mentionne que les chevaliers endossent des armures, possèdent des épées et des lances, montent des chevaux. Or, il serait très difficile de se doter d’un tel attirail des siècles après qu’on eut cessé de s’en servir pour se battre. Ajoutons qu’on raconte à la fin du récit que le train disparait pour toujours. Le choix de mot – à tout jamais – ne peut simplement signifier que le train n’est plus visible, d’autant plus qu’il relève du narrateur et que ce dernier n’est pas impliqué dans l’histoire.

Du point de vue des personnages, un chevalier mentionne que personne ne sait d’où arrive le dragon (le train) et où il se rend puisqu’il disparait. Or, si les lieux étaient réels, quelqu’un finirait bien par observer à quel endroit il se dirige. De plus, un des chefs de train affirme à son collègue qu’il souhaite continuer son chemin parce que la lande l’effraie et qu’il n’a rien vu la dernière fois que la situation s’est produite et qu’il s’est arrêté. Nous pouvons donc penser que le train, aussitôt qu’il frappe les chevaliers, quitte l’univers irréel de la lande et retourne à son époque. Sinon, il serait étonnant qu’un des chefs de train qui jure avoir happé un chevalier en armure ne voie plus rien une fois le train immobilisé. Enfin, un combattant affirme à son complice que le Temps n’existe pas. Cette déclaration ne prouve rien, mais il s’agit d’un indice qui, amalgamé aux autres, oriente le lecteur vers l’hypothèse d’un voyage dans le temps par le train ou d’un mélange d’époques. En résumé, les lecteurs du profil A formulent des interprétations très plausibles qui vont de pair avec leur compréhension assurée de l’histoire.

4.3.2 Le profil B : une compréhension adéquate, mais une interprétation qui fait fi de certains éléments du texte

La compréhension globale des élèves du profil B est plutôt adéquate parce qu’ils comprennent que le dragon et le train ne font qu’un, c’est-à-dire qu’il n’y a pas réellement de dragon dans l’histoire. Cependant, ils ne croient pas que les personnages sont vraiment des chevaliers. Ils considèrent l’histoire comme vraisemblable et y cherchent une logique. Plus précisément, contrairement aux élèves du profil A, ils semblent exclure la possibilité que des éléments associés à deux époques différentes se côtoient dans un même récit. Les

moyennement plausible. En effet, bien qu’elle soit appuyée par quelques éléments du texte, des passages précédemment cités – les mêmes qui renforcent l’hypothèse des élèves du profil A – la contredisent de manière plus ou moins explicite (Jouve, 2001; Reuter, 2001). Mais il y a plus : s’il est difficile pour qui que ce soit de se procurer un équipement de chevalerie à l’époque moderne, ce l’est d’autant plus pour des fous… Enfin, les indices énoncés par le narrateur ne mentent pas parce qu’il ne participe pas à l’histoire. D’aucuns diront que c’est ce même narrateur qui laisse croire au lecteur qu’un dragon fait partie de l’histoire. Mais il guide tout de même le lecteur vers l’association dragon-train explicitée à la toute fin du récit. À l’inverse, le narrateur n’énonce aucun indice qui pourrait mener le lecteur vers une remise en question de l’ambiance surnaturelle décrite au début de l’histoire. Au final, les élèves du profil B, bien qu’ils comprennent plutôt adéquatement l’histoire, ne tiennent pas compte de l’ensemble des indices présents dans le texte pour l’interpréter, ce qui diminue quelque peu la plausibilité de leur hypothèse.

4.3.3 Les profils C et D : quand la difficulté à lier des éléments du texte entre eux entraine une escalade de déductions erronées ou stoppe l’imagination

La compréhension globale des élèves du profil C est inadéquate : soit ils ne comprennent pas l’association entre le dragon et le train, soit ils attribuent une identité farfelue aux chevaliers. Ils ont également la particularité d’esquiver certains éléments du texte et de les substituer par des segments d’histoire inventés. Autrement dit, ils surinterprètent pour expliquer « l’inexplicable ». Trois des quatre élèves classés dans ce profil recherchent une vraisemblance à l’histoire (comme les élèves du profil B) tandis qu’un seul est ouvert à l’invraisemblance (comme les élèves du profil A). Bref, les lecteurs inclus dans le profil C, dont la compréhension de l’histoire est lacunaire, suggèrent des hypothèses interprétatives qui ne sont pas plausibles selon les critères de validité d’une interprétation proposés par Jouve (2001) et Reuter (2001). Certains éléments du texte leur servent de point de départ pour élaborer leur hypothèse. Cependant, leurs difficultés liées aux processus d’intégration les mènent à construire une chaine de liens qui s’éloignent de plus en plus du contenu du texte et se rapprochent de plus en plus de leur imaginaire.

Pour ce qui est de l’élève classée dans le profil D, comme la plupart des élèves des profils B et C, elle recherche une vraisemblance à l’histoire. Et à l’instar des élèves du profil C,

elle éprouve des difficultés majeures de compréhension, c’est-à-dire que non seulement elle n’établit pas le lien entre le dragon et le train, mais elle ne considère pas qu’il y a un train dans l’histoire. Cependant, plutôt que d’inventer des éléments à l’histoire comme l’ont fait les lecteurs du profil C, elle choisit de s’abstenir de proposer quelque forme d’hypothèse interprétative que ce soit. Dans son cas, les difficultés à activer des processus d’élaboration ne mènent pas à un éloignement du contenu du texte. Au contraire, elles freinent la verbalisation.