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L'interprétation d'une nouvelle littéraire résistante par des adolescents québécois de 14 à 17 ans

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Academic year: 2021

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L’interprétation d’une nouvelle littéraire résistante

par des adolescents québécois de 14 à 17 ans

Mémoire

Cindy Pelletier

Maitrise en didactique

Maitre ès arts (M.A.)

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L’interprétation d’une nouvelle littéraire résistante

par des adolescents québécois de 14 à 17 ans

Mémoire

Cindy Pelletier

Sous la direction de :

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Résumé

L’objectif général de notre projet est d’étudier les capacités d’adolescents de 14 à 17 ans à interpréter une nouvelle littéraire difficile. Des rencontres avec 39 élèves nous ont permis de collecter nos données par l’intermédiaire de la méthode de la pensée à voix haute et de l’entretien semi-dirigé. Nous avons effectué une analyse de ces données grâce à la méthode de l’analyse de contenu. Plus précisément, nous avons d’abord regroupé les élèves dans des profils d’interprètes selon leurs interprétations du texte Dragon (Bradbury, 1986). Nous avons ensuite étudié le lien entre l’interprétation proposée par chacun d’eux et leur recours à des éléments du texte ou à des connaissances personnelles pertinentes pour interpréter. Enfin, nous avons dégagé le lien entre le degré global de compréhension et la plausibilité des interprétations avancées pour chaque profil créé. Globalement, nos résultats convergent vers les observations suivantes :

1) les élèves qui ont proposé les interprétations les plus plausibles sont ceux qui se sont le plus appuyés sur des éléments du texte et sur des connaissances personnelles pertinentes;

2) les élèves dont la compréhension des enjeux centraux de l’histoire était adéquate ont, de façon générale, formulé des interprétations pertinentes pour expliquer le non-dit;

3) les élèves qui n’ont pas cerné le genre du texte lu ont eu plus de difficulté à le comprendre et à l’interpréter.

Ces résultats montrent l’importance d’enseigner aux élèves des stratégies métacognitives polyvalentes à utiliser pour la compréhension et l’interprétation de textes de tous genres, notamment le retour au texte et l’utilisation de connaissances personnelles. De plus, nos résultats suggèrent un travail en classe de français sur des textes peu communs afin d’élargir l’expérience de lecture des élèves et les préparer à surmonter les défis générés par les singularités des textes.

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Table des matières

RÉSUMÉ III

TABLE DES MATIÈRES IV

LISTE DES TABLEAUX VIII

LISTE DES FIGURES IX

LISTE DES SIGLES ET DES SYMBOLES X

REMERCIEMENTS XI

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE 3

1.1 L’approche interprétative dans le système scolaire actuel : état des lieux 3

1.1.1 L’émergence de l’interprétation en lecture dans les programmes d’études 3

1.1.2 L’écart entre les pratiques du primaire et celles du secondaire 4

1.1.3 Les pratiques enseignantes observées dans les écoles secondaires 5

1.2 Les capacités des élèves en lecture 8

1.2.1 Les aptitudes à interpréter chez les jeunes lecteurs 8

1.2.2 Les difficultés en compréhension 9

1.2.3 Les difficultés propres à l’interprétation 14

1.3 Le rôle de l’enseignant pour favoriser l’interprétation en lecture 17

1.3.1 L’utilisation de textes résistants 17

1.3.2 La gestion de la multiplicité des interprétations 18

1.3.3 L’explicitation des critères de validité d’une interprétation 19

1.3.4 L’instauration de pratiques pédagogiques propices au développement de la compétence à

interpréter 20

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1.4.1 Notre étude : un complément pour mieux comprendre les difficultés d’adolescents québécois

à interpréter des textes 22

1.4.2 Objectif général et objectifs spécifiques de notre étude 22

1.4.3 Pertinence de nous intéresser aux capacités d’adolescents québécois en lecture par rapport

au critère interprétation 23

CHAPITRE 2: CADRE THÉORIQUE 24

2.1 La limite entre la compréhension et l’interprétation 24

2.1.1 Définition de la compréhension 24

2.1.2 Définition de l’interprétation 26

2.1.3 L’émergence simultanée de la compréhension et de l’interprétation grâce à l’engagement du

lecteur 27

2.2 Les rôles interactifs de l’auteur, du texte et du lecteur 29

2.2.1 L’auteur 29

2.2.2 Le texte 30

2.2.3 Le lecteur 31

2.2.4 Bilan et présentation du modèle retenu par rapport à la relation entre l’auteur, le texte et le

lecteur 35

2.3 La validation d’une interprétation 36

2.3.1 La source du problème de validation d’une interprétation 36

2.3.2 La définition de critères de validité d’une interprétation 37

2.3.3 La démarche d’analyse d’interprétations 42

2.4 Retour sur les objectifs de recherche 43

CHAPITRE 3: DÉMARCHE DE RECHERCHE 44

3.1 Le projet de recherche duquel proviennent nos données : présentation globale 44 3.2 Le texte soumis aux participants 45

3.2.1 Le choix d’une nouvelle littéraire résistante 45

3.2.2 Le résumé du texte 46

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3.3.2 L’entretien semi-dirigé 49

3.4 L’analyse de contenu pour traiter l’ensemble des données 52

3.4.1 Le codage et l’extraction de données spécifiques en fonction des objectifs de notre étude 52

CHAPITRE 4: RÉSULTATS 62

4.1 Présentation des quatre profils d’interprètes 62

4.1.1 Portrait du profil A 63

4.1.2 Portrait du profil B 64

4.1.3 Portrait du profil C 65

4.1.4 Portrait du profil D 69

4.2 L’appui sur des éléments du texte Dragon et le recours à des connaissances personnelles

pertinentes pour formuler des interprétations 70

4.2.1 L’aisance de plusieurs élèves du profil A à prouver leur interprétation 70 4.2.2 La difficulté de plusieurs élèves du profil B à prouver leur interprétation 74

4.2.3 Les exceptions des profils A et B 76

4.2.4 Les insuccès des élèves du profil C dans leurs tentatives de prouver leur interprétation 80

4.2.5 Le « silence interprétatif » de l’élève du profil D 83

4.3 L’influence de la compréhension de la nouvelle Dragon sur l’interprétation pour chacun

des profils 84

4.3.1 Le profil A : quand compréhension assurée rime avec interprétation pertinente 84 4.3.2 Le profil B : une compréhension adéquate, mais une interprétation qui fait fi de certains

éléments du texte 85

4.3.3 Les profils C et D : quand la difficulté à lier des éléments du texte entre eux entraine une

escalade de déductions erronées ou stoppe l’imagination 86

4.4 Bilan des résultats présentés 87

CHAPITRE 5: INTERPRÉTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 91

5.1 La compréhension globale d’un texte : un tremplin pour les hypothèses interprétatives 91 5.2 S’appuyer sur le texte : une attitude propice à la formulation d’interprétations pertinentes 92 5.3 Les critères de validité d’une interprétation : une balise pour évaluer la nécessité (ou non) d’aller au-delà du texte pour interpréter 94

(7)

5.4 Les singularités d’un texte : un frein à la compréhension? 96 5.5 Bilan des éléments qui ont nui à l’interprétation des élèves 98

5.5.1 Le format peu conventionnel du texte proposé 98

5.5.2 Les difficultés de compréhension 99

5.5.3 La prise en compte insuffisante des éléments du texte 99

5.5.4 Le format des entretiens semi-dirigés 100

CONCLUSION 102

ANNEXE A: TEXTE LE DRAGON 104

ANNEXE B: SCHÉMA D’ENTRETIEN 107

ANNEXE C: RÉSUMÉ DES RÉPONSES DES ÉLÈVES AUX DEUX

QUESTIONS D’INTERPRÉTATION ANALYSÉES 109

(8)

Liste des tableaux

Tableau 1: Codes utilisés pour annoter les transcriptions des rencontres avec les

élèves 58

Tableau 2: Comparaison du niveau de compréhension globale et de la pertinence de l’interprétation des quatre profils d’interprètes 88

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Liste des figures

Figure 1: Évolution de la compréhension et de l’interprétation du lecteur

pendant qu’il lit un texte 28

Figure 2: Les rôles interactifs de l’auteur, du texte et du lecteur 36 Figure 3: Les critères qui permettent de valider une interprétation 39

Figure 4: La subjectivité du lecteur et sa distanciation du texte pour l’interpréter 41 Figure 5: Les étapes pour formuler une interprétation à la suite de la lecture

d’un texte résistant 43

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Liste des sigles et des symboles

MELS : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

MEQ : Ministère de l’Éducation du Québec

MPVH : Méthode de la pensée à voix haute

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

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Remerciements

Je remercie mon directeur de recherche, Érick Falardeau, qui m’a formulé plusieurs commentaires tout au long du processus de rédaction de mon mémoire. Son sens critique m’a forcée à préciser certains propos, à les nuancer ou à les appuyer davantage, et ce, toujours dans l’optique d’augmenter la qualité du produit final que je propose.

Je remercie Marion Sauvaire et Hélène Makdissi, qui ont accepté d’évaluer mon mémoire et qui m’ont fourni des encouragements et de précieux conseils tout au long de ma rédaction.

Je remercie également ma sœur Daisy qui a agi comme une conseillère de premier plan jusqu’à la fin de mon projet. Lorsqu’elle rencontrait des problèmes dans la rédaction de son propre mémoire, elle les résolvait, puis me transmettait les solutions pour que je sauve du temps lorsque je ferais face aux mêmes embuches. Au final, j’ai dû lui poser des centaines de questions – peut-être même que nous frôlons le millier – auxquelles elle a patiemment pris le temps de répondre.

Je remercie mes parents, Yvon et Helen, qui m’ont toujours encouragée à aller jusqu’au bout de mes rêves. Depuis que je suis jeune, ils m’enseignent à persévérer pour atteindre mes objectifs. Ils n’ont jamais remis en question ma décision de poursuivre mes études et ils ont toujours su que je complèterais ce mémoire.

Je remercie mon conjoint, Jean-Nicol, qui a patiemment écouté le récit de mes aventures de rédaction. Il m’a encouragée à améliorer l’organisation et la gestion de mon emploi du temps et m’a soutenue pour que je mène ce projet d’études supérieures à terme.

Je remercie mes collègues de travail du 8e étage de la tour des sciences de l’éducation qui ont agrémenté mes journées de rédaction par leur humour ou par leurs témoignages : Sylvie, Anthony, Jessica, Julie-Christine, Florent, Marie-Pierre, Kim et Caroline. Ces gens comprenaient parfaitement ma situation parce qu’ils sont tous passés par la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse.

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Je remercie Nicolas, le conjoint de ma sœur, qui s’est proposé pour m’aider à effectuer la mise en page de mon travail. Il m’a permis de sauver un temps précieux lors de la dernière étape avant le dépôt du mémoire.

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Introduction

Soucieuse de rédiger un mémoire de maitrise1 répondant à des questions émergeant du

milieu enseignant, nous avons longuement réfléchi à l’orientation à donner à notre recherche. Nos passages répétés dans diverses écoles secondaires nous ont amenée à prendre conscience de la difficulté pour plusieurs élèves à générer des inférences, c’est-à-dire déduire des informations qui ne sont pas mentionnées explicitement dans les textes qu’ils lisent. Ce problème de lecture peut nuire fortement à la réussite scolaire parce qu’il n’a pas seulement une incidence en classe de français, mais également dans d’autres cours (ex. : univers social et mathématiques) où la compréhension d’une mise en situation ou d’une consigne influence directement la résolution du problème. Nous avons donc choisi de mettre en évidence certaines procédures appliquées par des adolescents – autant ceux qui éprouvent des difficultés que ceux qui réussissent – pour interpréter une nouvelle littéraire. De cette manière, nous croyons que les enseignants et les autres professionnels de l’éducation auront un portrait concret de la situation et pourront cibler des interventions en conséquence.

Le premier chapitre permet de dégager des pratiques enseignantes fréquentes observées en classe de français pour travailler la lecture. Il met également en perspective les difficultés rencontrées par les élèves pour comprendre et interpréter des textes de même que le rôle de l’enseignant pour favoriser le développement de la compétence à interpréter. Le deuxième chapitre présente les définitions de la compréhension et de l’interprétation auxquelles nous adhérons et précise le type d’interaction qui agit entre ces deux processus. Les rôles de l’auteur, du texte et du lecteur y sont aussi circonscrits, ce qui permet de converger vers la définition de deux stratégies centrales dans notre analyse : l’utilisation d’éléments du texte et l’appui sur des connaissances personnelles pour interpréter. Le troisième chapitre décrit les outils et les méthodes que nous avons utilisés pour collecter et pour analyser nos données. Le quatrième chapitre expose les résultats obtenus par rapport à chacun des objectifs spécifiques que nous avons fixés. Ces résultats sont appuyés par des extraits de

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rencontres auprès d’élèves ayant participé à notre projet. Finalement, le cinquième chapitre présente des observations et des tendances qui sont ressorties de l’analyse qualitative des résultats en mettant en relief, d’une part, la démarche adoptée par les lecteurs qui formulent des interprétations pertinentes d’un texte et, d’autre part, celle des élèves qui éprouvent des difficultés à interpréter.

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CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE

Dans ce premier chapitre, nous présenterons d’abord quelques constats par rapport à l’enseignement de la lecture dans les classes primaires et secondaires du Québec. Nous décrirons ensuite les difficultés et les aptitudes des élèves pour comprendre et interpréter des textes. Ce bilan des capacités des élèves nous mènera à nous pencher sur l’influence de l’enseignant dans le développement de la compétence à interpréter en lecture. À la lumière de l’ensemble de ces considérations émergeant du milieu scolaire, nous énoncerons notre problème et nos objectifs de recherche.

1.1 L’approche interprétative dans le système scolaire actuel : état des lieux

Le travail sur l’interprétation des textes en lecture par les enseignants dans les écoles primaires et secondaires québécoises a énormément évolué au cours des dernières décennies.

1.1.1 L’émergence de l’interprétation en lecture dans les programmes d’études

Les programmes d’études québécois de 1980 et de 1995 ne traitent pas explicitement de l’interprétation en lecture bien que certains des objectifs s’y trouvant pourraient y être associés. Ce n’est qu’en 2000 pour le primaire et en 2006 pour le secondaire que ce terme est inséré dans les compétences à développer du Programme de formation de l’école québécoise. Des attentes très ambitieuses sont alors formulées. Pour le primaire, l’expression de sa propre interprétation d’un texte figure notamment parmi les critères évalués dès le premier cycle. À la fin de la sixième année, il est attendu que les élèves dégagent des éléments d’information tant explicites qu’implicites en recourant à des stratégies variées et appropriées (MEQ, 2006). Pour le secondaire, à la fin du premier cycle, il est souhaité que les élèves appuient leurs hypothèses interprétatives des textes sur des extraits ou des exemples. Enfin, en terminant le secondaire, les adolescents devraient fonder leurs interprétations sur des éléments pertinents d’un texte, sur leurs connaissances textuelles et linguistiques et sur leurs repères culturels (MEQ, 2006). Cependant, il semble que les méthodes d’enseignement de la lecture ne se sont pas adaptées rapidement à ces changements. En effet, si l’interprétation est maintenant une compétence à développer dès

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Croix & Ledur, 2001; Tauveron, 1999; Daunay, 2007) ont pourtant montré qu’en pratique, le travail conscient sur l’interprétation est principalement effectué par les enseignants du secondaire.

1.1.2 L’écart entre les pratiques du primaire et celles du secondaire

Hébert (2002) relève un écart considérable entre les habitudes de lecture ancrées au primaire (« la lecture/plaisir ») et les exigences définies par les principes directeurs du programme (« la lecture/critique ») (p. 15). Les élèves arrivant du primaire disent préférer des romans courts et proches de leur contexte immédiat, ce qui pourrait s’expliquer par leur expérience scolaire et extrascolaire de lecteurs : « ils n’ont pas été exposés, ni à l’école, ni en dehors […] à des textes plus résistants2

[…] et qui seraient de nature à susciter un travail sur le texte, un début de distanciation » (p. 15). En effet, les œuvres lues au primaire ne présenteraient pas des caractéristiques dominantes telles que la difficulté, la polysémie ou la résistance (De Croix & Ledur, 2001). Or, le travail en classe sur des textes d’un niveau de difficulté adéquat favorise l’engagement des élèves et optimise ainsi leur progression (Allington & Gabriel, 2016).

La variété des œuvres travaillées (longueur, degré de difficulté, thèmes abordés) ne serait pas le seul trait distinctif expliquant le fossé entre les deux ordres d’enseignement. Entre le début du primaire et le secondaire, il y aurait un changement d’attitude majeur des enseignants par rapport à l’ouverture à la multiplicité des interprétations (Tauveron, 2004). À la maternelle, l’enseignant laisse les enfants exprimer toute forme d’hypothèse ou de réaction à la lecture offerte sans nécessairement rectifier leurs propos. À l’opposé, au secondaire, les droits du texte sont défendus, mais parfois confondus avec ceux que s’octroie l’enseignant de se servir de sa propre interprétation comme balise pour gérer les réponses aux questionnaires et les discussions en groupe (Tauveron, 2004).

Plus globalement, Tauveron (1999) critique la conception de l’apprentissage de la lecture à l’école, « conçu comme l’apprentissage de la plongée sous-marine, par paliers successifs

2

Un texte résistant est un texte difficile à comprendre ou difficile à interpréter. Plus précisément, il sera ardu de résumer un tel texte ou d’en dégager la symbolique (Tauveron, 1999).

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qui ménagent l’organisme » (p. 12). Elle considère que le système scolaire actuel réserve le travail sur la compréhension littérale aux élèves novices, puis celui sur la compréhension fine aux élèves du dernier cycle du primaire, pour enfin en arriver à aborder l’interprétation au secondaire, après avoir appris à comprendre au primaire. D’ailleurs, selon Giasson (2007), les enseignants du primaire posent cinq fois plus de questions littérales que de questions inférentielles. Conséquence : les élèves parviennent parfois à répondre à un questionnaire concernant un texte sans l’avoir réellement compris parce que le repérage des réponses leur suffit pour répondre aux questions posées. Daunay (2007) appuie lui aussi l’idée selon laquelle l’interprétation n’est pas travaillée assez tôt dans le cheminement scolaire. Il affirme que l’accent devrait être mis sur la continuité des apprentissages entre le primaire et le secondaire plutôt que sur « le corpus disponible selon le développement de l’élève » (p. 169). Il précise dans quel contexte cette continuité sera réalisable :

Une telle option est possible quand la lecture littéraire n’est pas réifiée comme une forme de lecture particulière et corrélée à des savoirs ou savoir-faire spécifiques à un niveau scolaire donné, mais pensée plus généralement comme une alternance de niveaux d’interprétation, ce qui laisse la place à une conception longitudinale du développement de l’élève et des variations dans l’exigence de maîtrise3 de tel ou tel niveau (p. 169).

Somme toute, si la lecture d’œuvres peu résistantes et la prédominance de tâches liées à la compréhension littérale au primaire compliquent la transition vers le secondaire, il semblerait que certaines pratiques à ce dernier ordre d’enseignement ne facilitent pas non plus l’atteinte des objectifs – ambitieux, certes – établis par le Programme de formation de l’école québécoise.

1.1.3 Les pratiques enseignantes observées dans les écoles secondaires

Plusieurs études ont permis de constater que les questionnaires en lecture étaient une pratique surreprésentée dans les classes. Dans le cadre de son enquête menée auprès d’enseignants du secondaire en Belgique francophone, Dufays (2011) a identifié cette tâche comme la plus fréquente. Il a également observé que les tâches décontextualisées, bien

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qu’elles côtoient de plus en plus les tâches complexes, sont encore très répandues. Cèbe et Goigoux (2007) ont eux aussi montré « [la place disproportionnée occupée par les questionnaires] au détriment des tâches de rappel, de résumé et de reformulation » (p. 193).

Une vaste enquête menée par Van Grunderbeeck, Théorêt, Chouinard, Cartier et Garon (2003) dans des classes de cheminement particulier de première, deuxième et troisième secondaires a révélé que les pratiques enseignantes ne laissent pas suffisamment de place à la verbalisation par les élèves de leurs choix de stratégies et de leurs processus métacognitifs4 : « l’enseignement [est] assez conventionnel, centré sur le texte [et] les

élèves ne sont pas invités à s’exprimer sur leurs stratégies et la prise de conscience de ce qui se passe dans leur tête pendant la lecture » (Van Grunderbeeck & Paquette, 2007, p. 75). À ce sujet, Hébert (2004) croit que des tâches traditionnelles comme les questionnaires de compréhension factuels ne favoriseront pas nécessairement une prise de conscience par les élèves de la nature évolutive de la compréhension de même que de la pluralité des interprétations. Le type de questions qui composent les questionnaires est fortement critiqué par Vaubourg (2007) :

Les élèves sont habitués à des questions faisant suite à la lecture d’un texte, portant chacune sur un seul élément du texte, concernant peu la levée des implicites et ne nécessitant pas la mise en lien d’éléments épars. Parfois, ces questions suivent même l’ordre du texte (p. 287).

Pourtant, un questionnement moins fermé par rapport à une œuvre et impliquant l’activation des processus de haut niveau permettrait une plus grande implication des élèves dans la compréhension de cette œuvre. Par exemple, l’enseignant pourrait demander aux élèves de porter un jugement moral sur les actions d’un personnage ou de justifier pourquoi ils apprécient ou non sa personnalité plutôt que de les interroger à propos du schéma

4 Les processus sont les opérations effectuées par le lecteur pendant la lecture afin de comprendre un texte

(Giasson, 2011). Plus précisément, les processus métacognitifs incluent la conscience métacognitive et la capacité d’autorégulation (Irwin, 2007). La conscience métacognitive correspond à la connaissance de ses propres caractéristiques de lecteur (forces et difficultés), des caractéristiques du texte et de l’éventail de stratégies pertinentes à utiliser pour le comprendre. Pour ce qui est de la capacité d’autorégulation, il s’agit globalement du contrôle des stratégies avant, pendant et après la lecture, notamment la détection de bris de compréhension et la remédiation à ces bris par le biais de stratégies métacognitives (Schmitt, 2005). Dans le cadre de notre mémoire, nous nous intéressons à l’autorégulation, ce deuxième volet des processus métacognitifs.

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actanciel (Langlade, 2007). La production d’un tel schéma par les élèves comme objet d’évaluation est un exemple d’activité liée aux aspects formels de la structure narrative et souvent non transférable dans d’autres contextes5. Inversement, des activités réflexives qui

mettent l’accent sur le questionnement et le raisonnement permettent aux élèves de retenir la démarche à laquelle ils ont recouru pour résoudre un problème de lecture et non seulement la réponse. Ils développent ainsi des compétences en compréhension de textes qu’ils pourront transférer dans d’autres disciplines ou, du moins, dans d’autres situations de lecture littéraire. Et à leurs yeux, ce transfert donne du sens aux apprentissages (Dumais, 2011).

Malgré la proportion que semble occuper le questionnaire dans les classes de français, d’autres types de pratiques, favorables à un travail sur l’interprétation, sont en émergence. En effet, Rouxel (2005) souligne que des rencontres intersubjectives et des conflits des interprétations s’observent de plus en plus. Toutefois, l’adoption de pratiques telles que les cercles de lecture n’implique pas automatiquement un développement de la compétence à interpréter : tout dépend de la manière dont se déroulent les activités. À ce sujet, les résultats d’une enquête menée par Hébert (2004) montrent la dominance de la compréhension littérale (44 %) comme mode de lecture verbalisé dans les cercles littéraires autonomes par des élèves de première secondaire.

Considérant que les enseignants du primaire et ceux du secondaire semblent rencontrer des défis semblables sur le plan des choix didactiques, davantage de dialogues entre les deux ordres d’enseignement serait souhaitable, comme le suggèrent Soussi et al. (2007) : « Une ouverture et une plus grande collaboration interniveaux d’enseignement permettraient […] une meilleure compréhension de l’enseignement de la lecture aux différents moments de son apprentissage » (p. 49). En effet, en commençant le travail interprétatif avec leurs élèves dès l’entrée à l’école, les enseignants du primaire rendraient un fier service à leurs collègues du secondaire, qui accueilleraient des adolescents déjà habitués à composer avec

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le non-dit d’un texte. Encore faut-il changer la perception selon laquelle les jeunes enfants n’ont pas le bagage nécessaire pour interpréter.

1.2 Les capacités des élèves en lecture

Les enseignants peuvent travailler avec leurs élèves la compétence à interpréter en lecture dès l’entrée à l’école. Un développement précoce de cette compétence est d’autant plus souhaitable que les difficultés de lecture sont réelles.

1.2.1 Les aptitudes à interpréter chez les jeunes lecteurs

Bien que les enfants développent leur capacité à inférer au fur et à mesure qu’ils vieillissent, ils fondent dès leur jeune âge leurs inférences sur des expériences antérieures (Giasson, 2007). Lebrun (2004) affirme qu’il est possible, par l’intermédiaire des comités de lecture, de former des lecteurs interprètes critiques, et ce, dès l’initiation à la littérature en classe. Un projet qu’elle a mené a permis de constater que des élèves de la maternelle peuvent participer avec succès à ce genre de comité : ils formulent un jugement de gout par rapport à un livre en fonction de critères, ne se laissent pas influencer par l’opinion des autres et parviennent à se décentrer. Tauveron et Sève (1999) ont également montré à quel point la lecture en réseau révèle le potentiel d’analyse des enfants et catalyse leur activité interprétative. Ils ont fourni à des élèves de cycles deux et trois différentes versions d’une histoire comportant le même titre et les ont jumelés de manière à ce que les membres d’un réseau n’aient pas en main la même version de l’histoire. Les élèves devaient identifier la version originale et justifier leur choix. Cette confrontation entre le texte source et ses adaptations a permis aux enfants de développer leur investigation et leur compréhension fine en repérant habilement certains stéréotypes. Malgré ce potentiel des jeunes élèves pour interpréter, il semble que cette compétence ne soit pas suffisamment développée à l’école primaire. Paradoxalement, les enseignants du premier cycle du primaire travaillent peu l’inférence parce que cette tâche est jugée trop difficile pour les élèves, tandis que ceux du deuxième cycle déplorent les difficultés des élèves sur ce plan (Giasson, 2007).Puisque le

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travail sur la compréhension littérale domine celui sur la compréhension fine6 (Giasson,

2007), plusieurs élèves arrivent au secondaire avec d’importantes difficultés en lecture.

1.2.2 Les difficultés en compréhension

Les quatre grandes catégories de difficultés que nous présentons dans cette section n’intègrent pas l’ensemble des obstacles potentiels en compréhension. Cependant, elles regroupent un grand nombre de difficultés majeures rencontrées par les élèves du secondaire7 et recensées par plusieurs auteurs. Par ailleurs, les catégories ne sont pas toutes

hiérarchiquement équivalentes, c’est-à-dire que les deux premières – la mobilisation de stratégies de lecture et l’autorégulation de la lecture – chapeautent les deux dernières – la prise en compte du texte comme un tout cohérent et la compréhension de l’implicite d’un texte. Plus précisément, les difficultés incluses dans les deux premières catégories peuvent être des causes potentielles de celles faisant partie des deux dernières catégories. Enfin, les quatre ensembles ne sont pas hermétiques, c’est-à-dire que certaines difficultés que nous avons choisi d’insérer dans une catégorie donnée auraient également pu être classées dans une autre.

Recourir fréquemment à diverses stratégies de lecture

Le choix des stratégies à utiliser et leur fréquence d’utilisation constituent des traits distinctifs entre les élèves qui connaissent du succès en lecture et ceux qui réussissent moins bien. Hébert (2004) compare les caractéristiques des élèves forts et celles des élèves en difficulté en lecture : « Les bons lecteurs, de même que ceux qui sont très engagés émotionnellement dans leur lecture, utiliseraient […] une plus grande variété de stratégies, et cela à une plus grande fréquence » (p. 610). Plus précisément, les résultats de deux études (Smith, 1991; Ehrlich, Kurtz-Costes, & Loridant, 1993) rapportés par Van Grunderbeeck et Paquette (2007) montrent que « les bons lecteurs utilisent en moyenne

6 La compréhension fine inclut tout ce qui ne relève pas de la compréhension littérale, c’est-à-dire la

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deux stratégies de plus que les mauvais […], font plus appel à leurs expériences personnelles pour s’aider dans leur compréhension et […] gèrent plus de stratégies que les mauvais lecteurs » (p. 79). De plus, les lecteurs avertis utilisent davantage les stratégies métacognitives8 que les lecteurs en difficulté qui mettent plutôt l’accent sur la connaissance

du vocabulaire d’un texte (Van Grunderbeeck & Paquette, 2007). Enfin, Van Grunderbeeck et Paquette (2007) soutiennent que la capacité de lecture évolue peu à partir de douze ans sans aide spécifique. Le début du secondaire serait ainsi un moment clé pour l’apprentissage et le développement des stratégies de lecture.

Autoréguler son activité de lecture

Au même titre que le recours fréquent à une variété de stratégies de lecture, l’autorégulation de l’activité de lecture (détecter ses bris de compréhension et y remédier) départage les lecteurs assurés des lecteurs faibles. Ces derniers éprouvent des difficultés à remettre en cause les représentations et les interprétations élaborées au début de leur lecture d’un texte, c’est-à-dire qu’ils ne traitent que les informations congruentes avec le sens qu’ils ont construit dès le premier paragraphe (Goigoux, 2000). À l’inverse, les élèves forts sont davantage enclins à réajuster leur hypothèse initiale en cours de lecture : « [ils] conservent plus longtemps leur interprétation ouverte et attendent d’autres informations du texte pour donner une interprétation définitive » (p. 151). De plus, les lecteurs en difficulté régulent peu leurs processus pendant leur lecture puisqu’ils ne mobilisent pas de stratégies pour détecter ou pour réparer les pertes de compréhension (ex. : moduler la vitesse de lecture) (Goigoux, 2000).

La dépendance des élèves en difficulté au questionnaire soumis après la lecture d’un texte représente un autre grand constat : « Leur première lecture d’un texte est souvent réduite à un repérage thématique et à une localisation des informations qui seront éventuellement utiles […] pour répondre aux questions posées » (Goigoux, 2000, p. 151). Le questionnaire semble donc être l’enjeu qui guide leur activité de lecture, ce qui va à

8 Par exemple, il pourrait s’agir pour un lecteur de réaliser qu’il ne comprend plus le texte qu’il lit et de

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l’encontre du principe d’autorégulation. De plus, les lecteurs faibles ciblent mal les difficultés posées par un texte et ne peuvent donc pas adopter des stratégies de lecture efficaces (De Croix, 2010). Plus encore, ils confondent le travail linguistique et celui de compréhension : « Habitués à traiter des questions littérales, des questions d’interprétation et des points de langue à partir des textes, [les élèves] ne savent pas toujours sur quel registre est placée l’activité du moment » (Vaubourg, 2007, p. 288). Enfin, certains entretiennent une croyance nuisible par rapport à la manière de lire un texte : « ils pensent qu’il ne faut pas s’arrêter et que s’ils le faisaient, ils perdraient le fil de la lecture » (p. 288). Les profils mentaux de bons et de mauvais compreneurs établis par Martel (2003) dans le cadre de son étude9 résument bien la situation. Une différence entre ces deux groupes a été

observée sur le plan des capacités métacognitives :

Les mauvais compreneurs ont de la difficulté à trouver les mots pour décrire ce qui se passe dans leur tête, ils sont imprécis et sont peu capables de gérer avec efficacité leurs évocations. Ces constats confirment que les habiletés métacognitives des bons élèves sont plus développées que celles des élèves faibles, ils sont capables de remarquer leurs pertes de compréhension et de gérer celles-ci alors que les faibles ont du mal à évaluer leur mécompréhension (Van Grunderbeeck & Paquette, 2007, p. 86).

Le recours insuffisant à des stratégies de lecture efficaces et la faible autorégulation de l’activité de lecture entrainent souvent d’autres difficultés plus spécifiques.

Considérer le texte comme un tout cohérent

Plusieurs problèmes de lecture sont liés au mode de traitement des informations d’un texte. En effet, certains élèves l’analysent un paragraphe à la fois ou même une phrase à la fois sans se prêter à l’exercice de trouver le fil conducteur, c’est-à-dire d’amalgamer l’ensemble des éléments pour bâtir un tout cohérent. Hébert (2004) rapporte les résultats d’enquêtes françaises (Leclercq, 1981; ministère de l’Éducation nationale, 1993) selon lesquels « environ 50 % [des élèves qui entrent au secondaire] seraient encore au stade de la reconnaissance des mots ou du décodage et 40 % ne dépasseraient pas la compréhension

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d’un texte simple » (p. 607). Goigoux (2000) a d’ailleurs établi un lien entre les difficultés des lecteurs faibles à identifier les mots écrits et leurs capacités à mobiliser des processus de compréhension et d’interprétation :

[les processus d’identification des mots] sont souvent très lents, faiblement automatisés et donc très coûteux en ressources attentionnelles. Dans la mesure où les capacités cognitives de chaque individu sont limitées, l’attention portée à l’identification des mots se fait au détriment des autres traitements qui devraient assurer progressivement la compréhension du texte (p. 152).

La difficulté à comprendre les mots ou les syntagmes ne serait pas la seule à générer des problèmes par rapport à la compréhension globale d’un texte. Goigoux (200010) a observé

que les élèves qui contrôlent la compréhension au niveau de la phrase (mais pas au niveau interphrastique et global) et ceux qui croient que la compréhension de tous les mots d’un texte mènera nécessairement à une compréhension univoque traitent le texte différemment de leurs pairs. Ils analysent chacune des phrases comme étant isolée :

[Les lecteurs en difficulté ignorent] la nécessité d’élaborer des représentations provisoires au fur et à mesure de la lecture du texte, de consacrer une partie de leur attention à mémoriser les informations les plus importantes et de procéder à des inférences pour mettre en relation les diverses données du texte (p. 151).

Puisqu’un texte facile à comprendre signifie pour eux qu’il ne comporte pas trop de mots difficiles, les microprocessus et les processus d’intégration sont mobilisés au détriment du troisième niveau, soit la construction d’une représentation mentale du texte (Goigoux, 2000).

La difficulté des lecteurs faibles à considérer le texte comme un tout cohérent leur complique également la tâche lorsqu’ils doivent sélectionner et combiner des informations du texte pour construire un sens plausible :

[Les lecteurs en difficulté picorent] des informations éparses dans le texte, [se construisent] des représentations juxtaposées, fragmentaires, chacune

10 L’étude menée par Goigoux (2000) concernait les élèves en grande difficulté de lecture et les

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renvoyant à des compréhensions partielles […] mais qui ne présentent aucune articulation d’ensemble. On parle parfois à ce propos de compréhension « en ilots ». Le plus souvent, le caractère erroné des interprétations produites échappe au lecteur lui-même et il est donc incapable de les corriger sans aide (Fayol, 2000, cité dans Cèbe & Goigoux, 2007, p. 192).

Cette sélection laborieuse d’informations peut nuire aux élèves lorsqu’ils répondent à des questions à propos d’un texte : « ils citent parfois des éléments du texte à l’appui d’une thèse fausse mais localement cohérente » (Vaubourg, 2007, p. 296). À ce sujet, De Croix (2010) a montré que les difficultés des élèves à répondre à une question de lecture surviennent notamment dans les situations suivantes : lorsqu’ils doivent reformuler un passage du texte; lorsqu’ils doivent mettre en relation plusieurs informations disparates du texte pour former la réponse; lorsqu’ils doivent considérer le texte comme un tout cohérent pour construire un sens global et formuler des hypothèses interprétatives11. L’interrelation

entre les processus de lecture explique donc qu’un maillon faible, quel qu’il soit, fragilise la chaine entière de la compréhension.

Saisir l’implicite d’un texte

Travailler avec le non-dit d’un texte représente un autre défi pour plusieurs élèves du secondaire. Hébert (2004) rapporte des résultats de l’enquête internationale PISA menée en 2000, selon lesquels « 27 % des élèves québécois âgés de 15 ans ne dépassent pas le niveau de l’inférence simple et […] seulement 45 % d’entre eux peuvent réussir des tâches de lecture complexes, comme interpréter le sens à partir de nuances de la langue et évaluer de manière critique un texte » (p. 607). Parmi les principales difficultés de lecture chez les adolescents, Hébert (2004) recense « [le manque de tolérance des élèves] aux ambiguïtés du texte et l’exagération des inférences pour les combler12 » (p. 12). Ce constat semble partagé

par Vaubourg (2007), qui évoque la tendance de certains élèves à extrapoler lorsqu’un travail sur l’anticipation de la suite du texte est mal encadré.

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Parmi les items les moins réussis par les élèves du dernier cycle du primaire à une épreuve de compréhension en lecture, Van Grunderbeeck et Paquette (2007) rapportent notamment la reconnaissance de marqueurs temporels implicites13. Or, les élèves qui saisissent plus ou

moins l’implicite d’un texte répondent difficilement à des questions de lecture impliquant des inférences locales ou globales (De Croix, 2010). Plus précisément, deux types de lecteurs faibles se distinguent selon leurs capacités à inférer : d’un côté, ceux qui ne produisent pas suffisamment d’inférences au-delà de la phrase; de l’autre, ceux qui allient des éléments du texte incompatibles pour construire du sens : « One of these subgroups appeared to engage in very little inference generation beyond the sentence; the other appeared to engage in relation-building but with the relations involving relatively irrelevant pieces of information » (van den Broek, 2012, p. 46).

À ce sujet, Helder, Leijenhorst, Beker et van den Broek (2013) identifient les deux groupes d’élèves éprouvant des difficultés à inférer comme étant les « elaborators » et les « paraphrasers ». Les premiers génèrent autant d’inférences que les « bons compreneurs », mais celles-ci ne sont pas liées à la structure centrale du texte. Quant aux seconds, ils tendent très souvent à répéter des passages du texte ou à les reformuler plutôt que de produire de réelles inférences. Ces difficultés liées à un processus de haut niveau – la génération d’inférences – embrouillent la compréhension globale du texte et augmentent les risques d’éprouver des difficultés à interpréter.

1.2.3 Les difficultés propres à l’interprétation

Le recours à des éléments du texte et leur mise en relation pour construire une hypothèse interprétative

McCormick (1992, cité dans Van Grunderbeeck & Paquette, 2007) a dégagé de son étude les principales sources d’erreurs des élèves en difficulté14 lorsqu’ils interprètent un texte.

L’une d’elles est le fait que le lecteur « interprète entièrement ou partiellement le texte ou une section du texte à partir de ses connaissances antérieures sans revenir au texte » (p. 80). Vaubourg (2007) est du même avis. Il affirme que « le texte est trop peu convoqué par les

13 Leurs constats proviennent d’une enquête du ministère de l’Éducation nationale en France (1993). 14 Les élèves ayant participé à l’étude de McCormick (1992) étaient à la fin du primaire.

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élèves dans les travaux qui touchent à l’interprétation; il est au départ de leur réflexion puis ne sert plus suffisamment pour étayer les propositions d’interprétation » (p. 288). Soussi et al. (2007) rapportent les conclusions de deux grandes enquêtes sur les difficultés des élèves en lecture – l’enquête PISA menée en 200015 et une enquête réalisée en Suisse romande

(Broi, Moreau, Soussi, & Wirthner, 200316). Les observations qui ressortent de ces études

concernent notamment les problèmes des élèves à interpréter un texte et à en traiter tous les éléments qui ne relèvent pas de l’explicite. Plus précisément, les lecteurs en difficulté réalisent difficilement des tâches complexes; ils se réfèrent davantage à leurs souvenirs ou à leurs croyances qu’au texte lui-même; ils tendent à répondre aux questions interprétatives ou réflexives selon leur propre réalité; ils comprennent difficilement l’implicite d’un texte et les intentions de l’auteur (Soussi et al., 2007). Dans le même ordre d’idées, Sauvaire (2013) relève une opération difficile pour certains élèves, soit la sélection et l’ajout d’éléments du texte pour adopter une posture interprétative :

Lorsque l’interprétation est partielle ou en partie erronée, le lecteur a échoué à mettre en relation divers éléments interprétatifs dans le but de dégager une signification plausible du texte. Les failles dans l’opération de recomposition semblent constituer une cause majeure des difficultés des élèves à interpréter (p. 302).

Si la considération des éléments du texte pour interpréter représente une difficulté pour certains adolescents, d’autres buteront davantage sur la liaison de ces éléments à leurs connaissances personnelles. Effectivement, un lecteur peut, selon son intention de lecture et selon la structure d’un texte, tendre vers l’un ou l’autre de ces deux extrêmes (van den Broek, Young, Tzeng, & Linderholm, 1999). Paradoxalement, le défi pour formuler une interprétation pertinente peut donc être d’entrer dans le texte (repérer et lier entre eux les indices qu’il contient) ou d’en sortir (faire le pont entre les indices du texte et ses connaissances).

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La mise en écho d’éléments du texte avec ses connaissances personnelles

Indépendamment de leur degré de compréhension d’un texte, les lecteurs peuvent tendre vers deux pôles. Soit ils ont tendance à mettre en écho leurs connaissances et les indices du texte pour générer des hypothèses interprétatives, soit ils sont portés à s’en tenir au contenu du texte. En ce sens, Martel (2004, cité dans Van Grunderbeeck et Paquette, 2007) dégage deux profils de lecteurs :

Le premier qu’elle appelle « témoin » est formé d’élèves qui restent collés au texte, qui veulent être les témoins du contenu du texte et qui restent fidèles à celui-ci […]. Le deuxième qu’elle appelle « acteur interprète » est formé d’élèves qui font une large place à l’interprétation et aux hypothèses. Ils recourent à leurs acquis (p. 86).

Autrement dit, les lecteurs forts et les lecteurs en difficulté peuvent se retrouver autant dans le profil des acteurs interprètes que dans celui des témoins du contenu du texte. Ces derniers se limiteront souvent à faire des inférences qui peuvent être prouvées hors de tout doute par le texte. Cette volonté de ne pas sortir du texte peut provoquer des difficultés lorsque vient le temps de l’interpréter. Dans le même ordre d’idées, Squire (cité dans Hébert, 2002) a mené une étude ayant pour objectif d’observer de très bons lecteurs de 10e

et 11e année pendant qu’ils lisaient de brefs récits et verbalisaient leurs réflexions. Or, les élèves forts n’ont pas formulé le même type de commentaires que les lecteurs moins assurés : « ce sont les réponses interprétatives qui ont dominé. Par contre, les élèves moins bons lecteurs, ou de niveaux économiques plus faibles, sont ceux qui en ont fait le moins, mais qui ont fourni plus de réponses de type résumé » (p. 85). Ces deux études montrent donc qu’aller au-delà du texte pour se forger une interprétation n’est pas un réflexe développé par tous les lecteurs.

Sauvaire (2013) est allée encore plus loin dans son analyse en identifiant le type de ressources mobilisées par les élèves pour interpréter. L’étude de cas qu’elle a menée a permis de dégager le portrait des élèves connaissant du succès dans la formulation d’hypothèses interprétatives : « la mise en relation de ressources cognitives, épistémiques, axiologiques et socioculturelles [est] un facteur de réussite pour interpréter un texte » (p. 287). En effet, les apprenants ayant eu recours principalement à des ressources socioculturelles et psychoaffectives ne sont pas parvenus à formuler des interprétations

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claires ou exhaustives : « Ce serait donc l’articulation entre les ressources relevant de l’expérience vécue et de l’ancrage socioculturel avec les ressources relevant de l’acquisition de connaissances et d’habiletés en lecture qui permettrait le développement de l’interprétation, et cela dès la première lecture » (p. 287). Le défi d’en arriver à cette organisation optimale des ressources du lecteur pour interpréter est encore grand. Hébert (2002) rapporte en effet les résultats d’une étude menée par Thompson (1987) selon lesquels « la plupart des adolescents, jusqu’à 14-15 ans, restent au niveau des trois premiers stades, soit ceux centrés sur la progression de l’action, l’empathie et les analogies avec soi-même » (p. 83).

Pour expliquer la situation, Hébert (2002) affirme que « [les difficultés des élèves] à parvenir aux stades d’interprétation et d’évaluation seraient en partie attribuables à une question de maturation dans leur développement intellectuel et moral et aussi à des pratiques scolaires inadéquates » (p. 83). Or, les maitres ne semblent pas soupçonner leurs pratiques pédagogiques comme facteur ayant une incidence sur les compétences interprétatives des élèves. En effet, Soussi et al. (2007) rapportent que les enseignants « [attribuent] surtout les difficultés de leurs élèves à des causes externes telles que le milieu social des élèves, le rapport à l’écrit existant dans leur famille ou encore la motivation à la lecture. Les méthodes d’enseignement de la lecture ou le rôle de l’école ne sont pratiquement pas évoqués » (p. 48). Pourtant, les choix pédagogiques de l’enseignant peuvent fortement influencer les compétences des élèves à interpréter.

1.3 Le rôle de l’enseignant pour favoriser l’interprétation en lecture

L’utilisation de textes résistants par l’enseignant de même que son ouverture à la diversité des hypothèses de lecture formulées par les élèves sont des conditions favorables au travail d’interprétation.

1.3.1 L’utilisation de textes résistants

Langlade (2007) est d’avis que les maitres devraient poursuivre l’objectif de stimuler les élèves en proposant des œuvres qui suscitent des réactions de tous ordres et des lectures

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compréhension ou d’interprétation » (p. 103). Le ministère de l’Éducation (2006) établit d’ailleurs un lien direct entre l’utilisation de textes résistants en classe de français et le développement de la compétence à interpréter :

Plus [les élèves] sont amenés à fréquenter des textes riches offrant des possibilités d’interprétation multiples et plus l’occasion leur est donnée de confronter leur manière d’aborder les textes avec celle d’autres lecteurs, plus ils peuvent s’ouvrir à la réalité de l’interprétation, c’est-à-dire la lecture plurielle, et se familiariser avec les exigences de plausibilité qui rendent une interprétation recevable (p. 178).

L’emploi de textes résistants présente des avantages qui vont au-delà du développement des habiletés à interpréter. Dans le cadre de l’étude qu’elle a menée, De Croix (2010) a observé que ce type de textes a fortement contribué au développement de la métacognition et à l’implication des élèves.

À l’opposé, l’emploi répétitif en classe de textes trop courts, trop simples, construits pour un usage spécifique (ex. : un récit dont la forme originale aurait été modifiée par le maitre au profit d’une forme qui respecte le schéma narratif traditionnellement enseigné), manifestant de manière évidente une propriété recherchée et présentant une forme ambigüe ne permet pas un développement de la compétence des élèves à interpréter (Tauveron, 1999). Néanmoins, le travail sur des textes générant des lectures plurielles permet à l’enseignant de s’ouvrir aux multiples hypothèses interprétatives qui seront proposées par les élèves.

1.3.2 La gestion de la multiplicité des interprétations

Selon Tauveron (1999, cité dans Vaubourg, 2007), l’enseignant doit composer avec un rôle à deux volets pour orienter les élèves dans leurs choix d’hypothèses. Il adopte « [une] double posture lorsqu’il est à la fois “en réserve” et “garant des droits du texte” » (p. 291). En effet, « [il] aide […] les élèves à repérer si certaines réponses d’interprétation s’écartent de ce que le texte peut signifier. Cette position est cruciale lorsque les histoires […] “restent toujours ouvertes à autre chose” » (Carrière, 1998, cité dans Vaubourg, 2007, p. 292). Il n’en demeure pas moins que le maitre doit doser ses interventions pour éviter de s’approcher de l’un ou l’autre des deux extrêmes : d’un côté, la prescription d’idées par rapport à un texte; de l’autre, la reconnaissance sur un pied d’égalité de toutes les

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hypothèses formulées par les élèves. À ce sujet, Lebrun (2004) pose la question délicate de la frontière entre le statut de l’enseignant – « détenteur d’un savoir sur les textes et persuadé […] que certaines interprétations sont plus légitimes que d’autres » (p. 332) – et la construction libre de significations par les élèves.

Somme toute, le maitre doit travailler en classe avec le pluriel des interprétations parce que le texte perdra son intérêt littéraire s’il perd son ambigüité, cette dernière relevant des multiples voies interprétatives (Lebrun, 2004). Rouxel (2005) précise l’attitude à adopter par les enseignants pour que la subjectivité demeure au cœur des classes de français :

Il faut travailler en classe avec le pluriel des interprétations, non pour y substituer, comme c’est le cas aujourd’hui, une seule interprétation, celle exhaustive et supposée consensuelle qui résulte de l’agrégation de l’ensemble des propositions, mais pour admettre un faisceau d’interprétations voisines ou concurrentes (p. 29).

Pour qu’un tel contexte soit favorable, les élèves doivent connaitre les critères qui confèrent une plausibilité à leurs hypothèses.

1.3.3 L’explicitation des critères de validité d’une interprétation

Hébert (2002) est d’avis que le travail en groupes de pairs serait une formule bénéfique sur le plan de la validation des interprétations : « la négociation du sens en groupe préviendrait […] les interprétations trop subjectives et le consensus collectif agirait ainsi à titre de processus de validation des interprétations » (p. 109). Parallèlement à ce travail d’équipe, les interventions du maitre doivent mener vers un certain jugement des interprétations qui émergent des discussions. Or, le fait de devoir évaluer la pertinence des interprétations reçues représente un défi pour l’enseignant. En effet, un piège doit être évité, soit celui d’accepter toutes les hypothèses interprétatives évoquées sans engager un débat quant à leur validité en fonction des éléments du texte :

Le blanc rempli ad libitum, la tâche de lecture est supposée accomplie. En coulisses, le texte ronge son frein en silence… (il n’accepte pas avec une égale bonne volonté chacune des interprétations mais il n’est pas possible dans l’espace disponible de parler en son nom) (Tauveron, 2004, p. 259).

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populaire. Puis, pour engager l’élève dans la discussion, l’enseignant trouve des preuves pour l’hypothèse proposée, comme il l’aurait fait pour une interprétation plus probable et partagée par plusieurs élèves. En agissant ainsi, il sensibilise les élèves à l’importance du retour au texte pour appuyer une interprétation, mais leur montre également qu’il faut parfois utiliser des éléments extratextuels (par exemple, ses connaissances personnelles) pour appuyer une hypothèse. Cependant, le texte lui-même fournit parfois de fausses pistes, ce qui peut faire en sorte que deux élèves qui s’appuient sur des éléments qui s’y trouvent formulent des interprétations complètement différentes. Il est alors difficile d’infirmer les propositions inadéquates. L’enseignant doit repérer ce type de difficultés propres au texte dès qu’il le choisit (Vaubourg, 2007). Nous le considérons donc comme un médiateur qui dirigera les débats visant à déterminer si les points de vue prononcés respectent les critères de validité établis. Ces critères, dont il sera question dans le prochain chapitre, peuvent être proposés par l’enseignant, puis expérimentés et approuvés par les élèves en classe lorsque des textes difficiles sont travaillés. Ils peuvent également être suggérés par les élèves, mais l’enseignant les mettra alors à l’épreuve dans des contextes de lecture avant de les accepter.

1.3.4 L’instauration de pratiques pédagogiques propices au développement de la compétence à interpréter

Dabène et Quet (1999) affirment que « le professeur dispose […] de connaissances sur les textes et leur environnement qui lui permettent en principe de formuler des hypothèses plus pertinentes que celles des élèves » (p. 112). Ils sont donc d’avis qu’un minimum de « savoirs savants spécifiques » est nécessaire pour apprécier et pour comprendre les textes. Dans ses interventions didactiques en lecture, le maitre devrait tirer profit de sa propre expérience de lecture pour accompagner les élèves et susciter leur engagement, ce qui permettra une ouverture vers d’autres imaginaires individuels (Langlade, 2007). La relation entre l’enseignant et ses élèves ne doit donc pas être asymétrique, c’est-à-dire que « le maître a l’initiative de la question et que l’élève répond » (Jorro, 1999, p. 36). Cette relation unilatérale risque d’empêcher les échanges qui permettent une réflexion approfondie et qui sont nécessaires pour entrer dans l’écrit en tant qu’interprète (Jorro, 1999). Terwagne, Vanhulle et Lafontaine (2003) croient d’ailleurs qu’un enseignant efficace incite les élèves à dépasser la réaction émotionnelle et à approfondir leur point de vue en le confrontant à celui d’un pair ou en le précisant.

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Les expériences menées par Tauveron et Sève (1999) dans le cadre de leur recherche montrent l’efficacité de la lecture en réseaux, notamment pour permettre aux élèves d’expérimenter des pratiques d’interprétation. De Croix (2010) a identifié des avantages reliés au dialogue entre élèves autour d’un texte, soit le déploiement du dialogue solitaire avec le texte et le développement des comportements de discussion (la capacité à partager des impressions et des hypothèses de lecture, à coconstruire et à faire évoluer ses interprétations). Toutefois, pour que des effets bénéfiques soient observés sur le développement de la compétence à comprendre et à interpréter des textes, il faut un étayage constant de l’enseignant. Ce dernier doit notamment relancer les discussions en posant des questions clés et encourager les élèves à justifier leurs hypothèses à partir d’indices du texte. Les élèves se sentiront ainsi davantage confiants par rapport à la tâche et s’impliqueront dans la discussion.

Les journaux de lecture et les cercles littéraires font également partie des activités propices à un échange entre pairs. Hébert (2004) affirme même qu’ils doivent être considérés comme des « outils sociaux de construction de sens et une occasion de confronter et de modéliser les interprétations élaborées pendant et après la lecture » (p. 608). De plus, les cercles de lecture permettent aux élèves en difficulté d’être exposés à divers modes et stratégies de lecture. Ils apprivoisent alors certaines stratégies pertinentes utilisées par leurs pairs, mais qui leur étaient auparavant inconnues (Hébert, 2004). Enfin, les comités de lecture développent chez les élèves la capacité à verbaliser leur opinion et à négocier avec leurs pairs pour les convaincre du bienfondé de leur interprétation (Lebrun, 2004). S’il y a eu préalablement un consensus entre l’enseignant et ses élèves au sujet des critères de validité d’une interprétation, la confrontation d’opinions pourra mener à une évolution positive des représentations de chacun.

1.4 Problème et objectifs de recherche

À la lumière des enjeux abordés dans la problématique, nous précisons l’intérêt de notre recherche par rapport aux autres études déjà menées sur des thèmes connexes et présentons les objectifs que nous poursuivons.

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1.4.1 Notre étude : un complément pour mieux comprendre les difficultés d’adolescents québécois à interpréter des textes

Si certaines études anglophones se sont intéressées aux difficultés éprouvées par les élèves à activer leurs processus d’élaboration – nécessaires pour interpréter des textes17 – elles ne

les ont décrites que sommairement en les catégorisant dans deux grands ensembles : celui comprenant les lecteurs qui ont tendance à trop se coller au texte (se restreindre aux mots qu’il contient) et celui formé des lecteurs qui sont portés à trop s’en éloigner (extrapoler en fonction de certains éléments qu’il contient) (voir par exemple Helder et al., 2013). Notre étude permettra d’observer plus précisément les difficultés qui font partie de ces deux grands ensembles en décrivant finement de quelle façon elles se manifestent. De plus, notre analyse, centrée sur des adolescents du deuxième cycle du secondaire, ouvrira de nouvelles perspectives aux travaux menés jusqu’à maintenant qui concernent principalement les élèves du primaire et du premier cycle du secondaire (voir par exemple Buehl, 2007). Enfin, le fait que nos participants soient issus du secteur régulier nous permettra de dégager à la fois les procédures employées par les meilleurs lecteurs et celles utilisées par les lecteurs éprouvant le plus de difficultés pour comprendre et interpréter un texte. Notre étude constituera ainsi un complément aux travaux de Goigoux (2000), qui se sont concentrés sur des élèves en difficulté faisant partie de classes d’adaptation scolaire.

1.4.2 Objectif général et objectifs spécifiques de notre étude

L’objectif général de notre recherche est d’étudier les interprétations d’une nouvelle littéraire résistante formulées par des adolescents québécois de 14 à 17 ans au terme de leur rencontre avec un intervieweur. Plus précisément, il s’agira de :

1. Dégager des profils d’interprètes en fonction des interprétations formulées par des adolescents lors d’une rencontre individuelle;

17 Les processus d’élaboration permettent au lecteur d’aller au-delà du texte en effectuant des inférences que

l’auteur n’avait pas nécessairement prévues et qui ne sont pas obligatoires pour la compréhension littérale d’un texte, mais qui peuvent l’être pour la compréhension fine (ex. : visualiser une partie de l’histoire, activer une expérience personnelle pour la lier à un passage du texte, prédire la suite d’une histoire, interpréter le choix du titre d’un texte) (Giasson, 2011 ; Irwin, 2007).

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2. Étudier le lien entre l’interprétation de la nouvelle Dragon formulée par des adolescents et leur capacité à s’appuyer sur des éléments du texte et sur leurs connaissances personnelles pour interpréter;

3. Étudier le lien entre l’interprétation de la nouvelle Dragon formulée par des adolescents et leur compréhension de ce texte.

1.4.3 Pertinence de nous intéresser aux capacités d’adolescents québécois en lecture par rapport au critère interprétation

Notre étude permettra d’établir un pont entre l’interprétation d’une nouvelle littéraire retenue par les élèves (le produit) et leur démarche d’analyse (le processus). Notre éclairage sur le processus ne sera pas exhaustif, c’est-à-dire que nous ne présenterons pas un portrait de la démarche de chaque participant pour en arriver à un résultat donné – notre méthode et nos objectifs ne sont d’ailleurs pas orientés en ce sens. Néanmoins, nous ciblerons dans notre analyse certains aspects qui, selon nous, influencent fortement la plausibilité d’une interprétation : l’appui sur des éléments du texte et sur des connaissances personnelles pertinentes. Nous tenterons également de dégager de nos résultats des tendances : est-ce que les lecteurs qui comprennent adéquatement l’histoire formulent généralement des interprétations pertinentes? Ou est-ce plutôt l’inverse? Étant donné que notre analyse est qualitative, nous ne pourrons pas tirer de nos résultats des conclusions généralisables. Nous présenterons tout de même des exemples concrets de procédures employées par les élèves pour interpréter une nouvelle littéraire résistante et comprendre ce qui n’y est pas explicité. Nous croyons qu’une meilleure connaissance de la manière dont les élèves procèdent pour comprendre et interpréter un texte – les atouts de ceux qui réussissent et les défis de ceux qui éprouvent des difficultés – favorisera des interventions plus orientées et plus spécifiques dans les classes de français.

(36)

CHAPITRE 2: CADRE THÉORIQUE

Dans ce chapitre, nous définirons dans un premier temps deux concepts centraux dans notre analyse : la compréhension et l’interprétation en lecture. Dans un deuxième temps, nous préciserons le lien entre ces deux concepts selon les modèles théoriques que nous avons retenus. Dans un troisième temps, nous décrirons le type d’interaction qu’entretient le lecteur avec le texte et l’auteur lorsqu’il tente de construire le sens d’un texte et de lui attribuer une signification. Dans un quatrième temps, nous présenterons des aspects à considérer pour valider des hypothèses interprétatives. Les repères théoriques exposés dans ce chapitre, qui constitueront les bases de nos outils d’analyse, seront finalement liés à nos objectifs de recherche.

2.1 La limite entre la compréhension et l’interprétation

Définir la compréhension et l’interprétation nous aidera à établir la frontière qui les délimite et à préciser le lien qui les unit.

2.1.1 Définition de la compréhension

La compréhension relève d’un travail d’objectivation de la part du lecteur (Falardeau, 2003) qui fait appel à ses ressources linguistiques et psychologiques (MELS, 2009) pour suivre les directives proposées par le texte et l’interroger (Reuter, 2001). Le lecteur, lorsqu’il comprend un texte, tente de dégager un sens fidèle aux éléments qu’il contient (Falardeau, 2003; Reuter, 2001; MELS, 2009) et partagé par un ensemble de lecteurs (Falardeau, 2003). Le sens du texte, qui est à construire, peut varier d’un lecteur à l’autre, mais fait généralement consensus sans que des discussions soient nécessaires entre réseaux de lecteurs (Falardeau, 2003).

Mais cet accord de la majorité des lecteurs sur le sens à construire d’un texte ne signifie pas du tout que comprendre rime avec simplicité. D’une part, la compréhension est en constante évolution : le sens n’est pas figé après la première lecture d’un texte (Giasson, 2011) parce que des liens sont toujours à découvrir. D’autre part, lorsqu’il construit le sens d’un texte, le lecteur ne travaille pas seulement sur l’explicite, mais également sur l’implicite : il est appelé à combiner des indices textuels pour tirer des conséquences (Falardeau, 2003). À ce sujet, Giasson (2011) propose trois niveaux de compréhension

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considérée comme une façon d’inciter les élèves à raisonner en utilisant une démarche inductive et/ou déductive. Lorsque les élèves comprennent un problème, ils ont