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La critique poétique, phénoménologique et psychanalytique

Chapitre I. La G enèse des idées des Trois contes

A. L’Histoire de la critique des Trois contes

2. La critique poétique, phénoménologique et psychanalytique

En revanche Ferdinand Brunetière a souvent condamné les œuvres de Flaubert : « éclairé par la critique, averti de son originalité vraie, l'auteur s'avisait un jour qu'il faisait fausse route ». Mais quant aux Trois contes, il a fini néanmoins sa critique sur ces lignes : « Comme on a mis en appendice le compte-rendu du procès intenté naguère à l'auteur, témoignage de l'innocence et de la pureté de ses intentions, on y mettra désormais Un cœur

simple, qui dira quelles patientes études, quelles monographies laborieuses ont permis à M.

Flaubert de donner ce relief et cette intensité de vie aux personnages de Madame Bovary. Allons ! tout est bien qui finit bien ; M. Flaubert n'aura pas à se repentir d'avoir débuté par son chef-d'œuvre et d'en avoir vécu ! »54. Émile Zola, lui, a fait l’éloge de toutes les œuvres de Flaubert en le définissant comme un écrivain naturaliste : « La première caractéristique du roman naturaliste, dont Madame Bovary est le type même, est la reproduction exacte de la vie, l'absence de tout élément romanesque. La composition de l'œuvre ne consiste plus que dans le choix des scènes et dans un certain ordre harmonique des développements »55.

Pourtant Flaubert était mécontent de l’étiquette qu’on lui avait collée au moment de la publication de Madame Bovary, c’est-à-dire celle d’un écrivain réaliste ou encore de celle d’écrivain naturaliste donnée par son ami Émile Zola qui ne changea jamais d’avis jusqu’à sa mort.

2. La critique poétique, phénoménologique et psychanalytique

Après la mort de Flaubert, ses œuvres sont relues et donnent lieu à une nouvelle interprétation. Le Bovarysme de Jules de Gautier , paru en 1902, provoque ce changement.

53

Théodore de Banville, Le National, 14 mai 1877 (Centre Flaubert de l’Université de Rouen, http://flaubert.univ-rouen.fr).

54

Ferdinand Brunetière, Revue des Deux Mondes, 15 juin 1877 (Centre Flaubert de l’Université de Rouen, http://flaubert.univ-rouen.fr).

55 Émile Zola « Sur Madame Bovary, Salammbô, L'Éducation sentimentale, La Tentation de saint

Antoine », Le Messager de l’Europe, novembre 1875, (Centre Flaubert, Université de Rouen,

http://flaubert.univ-rouen.fr). Voir aussi Émile Zola, « Causerie », La Tribune, 28 novembre 1869 (Centre Flaubert, Université de Rouen, http://flaubert.univ-rouen.fr).

Le mot « Bovarysme » très en vogue à l’époque signifiait « l’insatisfaction affective et sociale, la vanité, la mythomanie, la fuite dans l’imagination des jeunes femmes »56

. Flaubert a été reconnu comme un écrivain qui décrit le désir typique de la société moderne. Cependant les années vingt ont été une période de grand changement en ce qui concerne les critiques formulées envers les œuvres de Flaubert. Contestant l’incompréhension de Ferdinand Brunetière à l’égard de Flaubert et remarquant le rapport étroit entre l’inconscient de l’écrivain et ses romans, Albert Thibaudet a fait l’éloge du style de Flaubert dans Gustave Flaubert en 192257. Puis Marcel Proust aussi a donné son jugement au sujet de la prose, du style, du discours direct et indirect, et surtout de la beauté de la description du « blanc » du temps : « L'un de ceux qui me touchent le plus parce que j'y retrouve l'aboutissement de modestes recherches que j'ai faites, est qu'il sait donner avec maîtrise l'impression du Temps. À mon avis la chose la plus belle de L’Éducation

sentimentale, ce n'est pas une phrase, mais un blanc »58.

De son côté, en 1921, Charles Du Bos place Flaubert dans un nouveau courant dans « Sur le milieu intérieur chez Flaubert » :

Je voudrais seulement revenir, après beaucoup d’autres, sur le « milieu intérieur » selon la précieuse expression de Claude Bernard d’où l’œuvre de Flaubert est issue, que le constant labeur de son génie a eu pour objet de dominer d’abord, puis de canaliser.59

Malgré ces réactions abondantes, il est assez clair que les Trois contes ne paraissent pas avoir une grande importance, du fait que même Albert Thibaudet ne s’intéresse pas seulement aux Trois contes mais aussi à ceux, inédits, de sa jeunesse. Cependant Claude Digeon a consacré une partie considérable aux Trois contes dans Le Dernier visage de

Flaubert60. Même son commentaire est du même ordre que celle d’Albert Thibaudet, il s’est contenté de signaler que les contenus des contes étaient plus limités que ceux des

56

Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse, Librairie Larousse, 1982.

57

Albert Thibaudet, Gustave Flaubert, Gallimard, 1935. Il a publié son livre pour la première fois en 1922, et l’a remanié en 1935.

58

Marcel Proust, « À propos du « style » de Flaubert », in Flaubert savait-il écrire ? Une querelle

grammaticale (1919-1921), Textes réunis et presents par Gilles Philippe, Université Stendhal

Grenoble, ELLUG, 2004, p. 91.

59

Charles Du Bos, « Sur le milieu intérieur chez Flaubert » in Flaubert, texts recueillis et presents par Raymonde Debray-Genette. Paris, FDD, coll. « Miroir de la critique », 1970, p. 57.

60

romans : bien qu’il ait eu de l’estime pour la perfection des Trois contes, il considérait qu’ils n’étaient que l’étude permettant de recommencer Bouvard et Pécuchet.

Dans les années cinquante, les œuvres de Flaubert ont été souvent l’objet de nouvelles critiques qui recherchaient la structure cachée, non pas du point de vue de la relation entre la vie de l’écrivain et ses œuvres, mais entre celle-là et l'autonomie du texte. Par cela, les romans de Flaubert étaient vivement discutés dans le domaine non seulement de la critique de la conscience et de la thématique, mais aussi des critiques psychologique, narratologique, sémiotique et sociologique.

D’abord, dans Mimésis61, Erich Auerbach donne un aperçu de la scène du repas

d’Emma et de Charles, qui ne représente pas leur vie quotidienne mais la vue intérieure du désespoir d'Emma lié à l’essence de ce roman, et où on peut retrouver la modernité de Flaubert. Puis Georges Poulet, reprenant les idées d’Edmund Husserl, a récusé la critique fondée sur le positivisme, ainsi que les critiques biographique et historiciste, et a suggéré la possibilité d’une approche nouvelle, proposant une critique de la conscience dans les

Études sur le Temps humain62 et dans les Métamorphoses de cercle63 : il analyse les romans

de Flaubert sous l’angle du temps et de l’espace. Dans « La pensée circulaire de Flaubert », il constate que le mouvement circulaire constitue le monde imaginaire de Flaubert : « Du centre à la circonférence, et de la circonférence au centre, il y a de mouvants et pourtant de constants rapports. Ce sont ceux mêmes que la conscience établit entre chacun des moments où elle vit, chacun des points locaux où elle se situe, et d’autre part son milieu à la fois intérieur et extérieur »64.

En ce qui concerne les Trois contes, Georges Poulet a présenté la même idée :

De fait, toutes les œuvres de la vieillesse de Flaubert ont pour thème l’existence rétrécie ou circonscrite. Songeons aux paroles de saint Jean dans Hérodias : « Pour qu’il croisse, il faut que je diminue. » La décapitation est un rétrécissement. La surdité aussi, comme le montre le passage suivant, tiré d’Un cœur simple : « Le petit cercle de ses idées se rétrécit encore. Et le carillon des cloches, le mugissement des bœufs n’existaient plus. [...] Un seul bruit arrivait maintenant à ses oreilles, la voix du perroquet ».

61

Erich Auerbach, Mimésis, Traduction française par Cornelius Heim, Paris, Gallimard, 1968. Ce livre a été publié en Allemagne en 1946.

62

Georges Poulet, Études sur le Temps humain, Paris, Plon, 1949.

63

Georges Poulet, Métamorphoses de cercle, Paris, Plon, 1961.

64

Ce perroquet, d’abord vivant, ensuite empaillé, est le seul objet qui subsiste finalement dans le cercle minuscule où la vieille servante continue son existence. […] Le dernier des Trois

contes a pour sujet l’histoire de saint Julien l’Hospitalier, dispersant sa vie de chasse en chasse,

jusqu’au moment où les animaux poursuivis se retournent contre lui, l’entourent, le pressent, « faisant autour de lui un cercle étroit ». 65

Mais il a traité, lui aussi, les Trois contes comme un récit complémentaire à ceux de

Madame Bovary ou de L’Éducation sentimentale.

Jean-Pierre Richard, héritier des théories de Gaston Bachelard qui a essayé d’élucider les rapports entre l’imaginaire et la science, développe une critique thématique, acceptant la polysémie du texte, et clarifiant la structure potentielle basée sur la sensation caractéristique dans Littérature et sensation. Dans ce livre il remarque que la particularité de l’imaginaire de Flaubert est le pouvoir de pénétrer dans les objets comme de l’eau : « Flaubert rêve peu sur les eaux courantes : elles déchirent l’être avant de l’absorber, et c’est à la perméabilité, au lent passage d’un élément dans l’autre qu’il est d’abord sensible. Dans l’eau, vers l’eau, tout est enrobement, continuité »66. Indiquant une caractéristique visuelle à travers les motifs de la fenêtre, Jean Rousset analyse la rêverie de Flaubert qui fait surgir la structure de celle d’Emma67

. Puis Pierre Danger affirme que dans le monde flaubertien, les descriptions et les objets peuvent être interprétés comme des sensations et des sentiments68. Malgré ces critiques passionnantes pour les œuvres de Flaubert, les Trois contes restent toujours un peu à part.

Puis en réfléchissant aux relations entre Flaubert et sa famille au travers de sa correspondance et toutes ses œuvres, dans L’Idiot de la famille69

, Jean Paul Sartre insiste sur le fait que Flaubert se considère comme une existence accidentelle, choisit de vivre en tant qu’acteur pour truquer la vision de lui-même, et essaie de devenir écrivain afin d’avoir confiance en lui-même, Dans cette œuvre incomplète, s’intéressant surtout à La Légende de

Saint Julien l’Hospitalier, il constate que le parricide de Julien est le désir de Flaubert

même.

65

Ibid., p. 110.

66

Jean-Pierre Richard, « La création de la forme chez Flaubert » in Littérature et sensation, Paris, Seuil, 1954, p. 157.

67

Jean Rousset, « Madame Bovary ou le Livre sur rien » in Forme et signification, Paris, José Corti Rennes, 1962.

68

Pierre Danger, Sensation et objets dans le roman de Flaubert, Paris, Armand Colin, 1973.

69

Jean-Paul Sartre, L'Idiot de la famille : Gustave Flaubert de 1821 à 1857, 3 vol., Paris, Gallimard, 1971-1972.

Ainsi en 1953, mentionnant que Flaubert établit « une écriture professionnelle bourgeoise »70 dans Le Degré zéro de l'écriture, Roland Barthes suggère une nouvelle possibilité de l’interprétation des œuvres de Flaubert du côté du structuralisme. De plus, dans l’attitude du processus de création de Flaubert qui n’arrête pas de corriger des phrases, Roland Barthes tire la conclusion que « l’écriture est un être total » dans « Flaubert et la phrase » :

écrire c’est vivre (« Un livre a toujours été pour moi, dit Flaubert, une manière spéciale de

vivre »), l’écriture est la fin même de l’œuvre, non sa publication. […] écrire et penser ne font

qu’un, l’écriture est un être total. 71

À propos des Trois contes, Roland Barthes a mentionné la fonction narratif du perroquet : « l’intrusion du perroquet dans la maison de Félicité a pour corrélation l’épisode de l’empaillage, de l’adoration etc. »72. De plus il le nomme « l’effet de réel » comme au sujet d’un baromètre dans la pièce de Madame Aubain dans Un cœur simple :

le baromètrede Flaubert, la petite porte de Michelet ne disent finalement rien d’autre ceci : nous

sommes le réel ; c’est la catégorie du « réel » (et non ses contenus contingents) qui est alors

signifiée. […] il se produit un effet de réel, fondement de ce vraisemblable inavoué qui forme l’esthétique de toutes les œuvres courantes de la modernité. 73

La publication de Figures I de Gérard Genette qui applique la sémiologie à la critique littéraire et établit la narratologie sur des bases systématiques, permet un grand changement dans la critique littéraire. Dans « Le silence de Flaubert », analysant les descriptions en s’attardant sur les temps verbaux, il affirme que l’originalité de Flaubert est l’interruption de l’histoire c’est-à-dire le silence de l’auteur, et que « ce livre (L’Éducation sentimentale) était le premier à opérer cette dédramatisation, on voudrait presque dire déromantisation du roman car c’est par là que commencerait toute la littérature moderne »74.

70

Roland Barhes, Le Degré zéro de l'écriture, suivi de Nouveau éssais critiques, Paris, Seuil, coll. « Points », 1953, p. 136.

71

Ibid.

72

Roland Barthes, « Introduction à l'analyse structurale des récits » in Œuvres complètes, tome II,

1966-1973, édition établie et présentée par Eric Marty, Paris, Seuil, 1994, p. 82.

73

Roland Barthes, « L’effet de réel » in Œuvres complètes, tome II, op. cit., p, 484. 74Gérard Genette, Figures I, Paris, Seuil, coll. « Points », 1966, p. 243.

En 1979, Raymonde Debray-Genette écrit « La Légende de Saint Julien l'Hospitalier : forme simple, forme savante »75. Dans cet article, elle analyse la structure narrative. Elle considère surtout la dernière phrase: « Et voilà l'histoire de saint Julien l'Hospitalier telle à peu près qu'on la trouve, sur un vitrail d'église dans mon pays » [TC, p. 108]. Elle constate que cette légende appartient non seulement au modèle, « forme simple » de la légende médiévale, mais aussi à la « forme savante » moderne : ajouter le « savoir » et les sentiments de son époque à la légende produit la propre théorie littéraire de Flaubert : c’est ce que les mots « à peu près » symbolisent.

Mentionnant « l’effet de réel », Raymonde Debray-Genette analyse aussi la syntaxe et la rhétorique dans « Les figures du récit dans Un cœur simple ». Elle constate que les effets de la répétition, de la métaphore et de la métonymie dans la description des objets qui semblent insignifiants provoquent une illusion chez les lecteurs :

Nous voici au seuil d’une interprétation réaliste ou symbolique. Flaubert nous impose de ne jamais franchir ce seuil, il nous impose de nous en tenir à l’illusion. Au terme de cette analyse, les figures ne sont figures de rien, sinon d’elles-mêmes. 76

Ensuite, en 1971, se référant au Discours du récit77 de Gérard Genette, elle analyse plus particulièrement la focalisation dans les Trois contes et conclut ainsi :

La focalisation interne opère par un glissement naturel du narrateur vers son objet ; c’est comme un mouvement de sympathie où l’on concentre son regard pour l’intensifier et mieux faire comprendre. Au contraire, la focalisation externe est une restriction comme asséchée de toute compréhension, l’a-pathie du témoin n’est pas naturelle à un narrateur actif. 78

Marie-Julie Hanoulle, elle, va lire ces contes du point de vue du narrateur, et considérer leurs liens étroits, les personnages et les lieux. Bien que les lecteurs puissent deviner à peu près l’histoire des trois contes dès le début, celle-ci n’est pourtant pas dévoilée aux personnages de ces contes. Mais Marie-Julie Hanoulle indique l’existence du système

75

Raymonde Debray-Genette, « La Légende de Saint Julien l'Hospitalier : forme simple, forme savante » in Essais sur Flaubert, Paris, Nizet, 1979.

76

Raymonde De bra y-Ge net te, « Les figures du récit dans Un cœur simple » in Métamorphoses

du récit, Paris, Seuil, 1988, p. 288.

77

Gérard Genette, Discours du récit (1972), Paris, Seuil, coll. « Points », 2007.

78

Raymonde Debray-Genette, « Du mode narratif dans les Trois contes » in Travail de Flaubert, Paris, Seuil, 1983, p. 163.

particulier qui fait que toutes les descriptions ont un lien dans ces contes : après une description, un nouveau personnage apparaît pour lier le récit et la description suivante est racontée du point de vue de ce personnage79.

Pour sa part, Shoshana Felman analyse les Trois contes en utilisant la narratologie et la psychanalyse. Dans « Illusion réaliste et répétition romanesque », en dénotant « le même mécanisme de répétition et de suggestion »80 dans les paroles du perroquet et la prière de Félicité, elle considère que la répétition dans ce conte est « la figure de ce « livre sur rien » tant rêvé par Flaubert, c’est-à-dire la figure du roman lui-même, en tant que sa propre répétition, en tant que réflexion – et rappel – de ses propres moments linguistiques »81. De plus elle indique que le sang des parents de Julien éclairé par le reflet du vitrail est comme « la signature » de Flaubert :

Le vitrail est inscrit à travers tout le texte comme une écriture qui consiste, précisément, à

tacher des espaces blancs : une écriture – un jeu de couleurs et un jeu de lumière (un

clair-obscur) – qui consiste à teinter les pages blanches du texte de l’encre du sang, ou du sang même de l’encre.

C’est ainsi que la signature de Flaubert clôt la légende en marquant, dans le vitrail, la tache d’encre tracée par la tache de sang.82

La critique littéraire s’unit naturellement à la psychanalyse. Dans En haine du roman, Marthe Robert qui reconstitue le roman familial de Flaubert en portant un regard sur ses œuvres de jeunesse, trouve sa tendance à demeurer un « Bâtard », ce qui motive son écriture : « le Bâtard est chargé de mesurer, de comparer, d’observer, de faire des calculs et de compiler ; c’est lui qui réunit et classe le matériel livresque relatif à chaque sujet ; c’est lui qui entretient une énorme correspondance avec les spécialistes les plus divers »83.

En 1972, dans Le Texte et l’avant-texte84, Jean Bellemin-Noël définit que l’avant-texte est l’ensemble constitué de tous les documents urilisés par un auteur pour écrire son texte.

79

Marie-Julie Hanoulle, « Quelques manifestations du discours dans Trois contes », Poétique, no 9, 1972, p. 41-49.

80

Shoshana Felman, « Illusion réaliste et répétition romanesque » (Change : special issue entitled

La Critique générative, no 16-17, 1973) in La Folie et la chose littéraire, Seuil, 1978, p. 164.

81

Ibid., p. 165.

82

Shoshana Felman, « La signature de Flaubert : La Légende de Saint Julien l’Hospitalier », Revue

des Sciences humaines, no 181, 1981-1, p. 57.

83

Marthe Robert, En haine du roman ; étude sur Flaubert, Paris, Balland, 1982, p. 141.

84

En suivant cette idée, il utilise l’avant-texte pour sa critique psychanalytique. Dans

Psychanalyse et littérature85, il insiste sur la nécessité non pas seulement du concept de l’inconscient de l’auteur mais aussi de celui de l’inconscient du texte. S’intéressant aux

Trois contes et utilisant les manuscrits, il identifie les relations sexuelles dans Le Quatrième conte de Gustave Flaubert86 : dans Un cœur simple, celle entre Félicité sans père et le perroquet, substitute de son père. Indiquant que dans La Légende de Saint Julien

l’Hospitalier la mère de Julien écoutant la prédication du vieillard sacré, peut s’identifier au

lépreux qui devient Jésus-Chrsit accompagnant Julien au ciel, Jean Bellemin-Noël y trouve l’inceste inconscient. Dans Hérodias il interprète Salomé comme étant le symbole sexuel d’Hérodias qui demande la tête de Iaokanann. Dans « Gustave, Poulou, Julien et nous autres », Jean Bellemin-Noël conteste la psychocritique de L’Idiot de la famille de Sartre ; Jean-Paul Sartre y traite souvent le parricide, pour la raison même qu e Sartre le désire lui-même, et il s’identifie trop au Julien de Flaubert pour pouvoir en faire la critique correctement. Jean Bellemin-Noël dit que le vrai père de Gustave-Julien est la mère de Julien, parce que le père, qui lit des histoires à son fils, est efféminé, et que d’autre part, la mère qui écoute la parole du Saint posséderait le phallus, et en outre, le lépreux a beaucoup de traits communs avec elle : « Julien est à la fois Narcisse et Œdipe : étreignant son semblable pourrissant et le corps de sa mère dans un acte de transgression mortelle, que le désir de Dieu, du Moyen-âge et de Flaubert réunis métamorphose en sublime dissipation »87

Gérard Lehmann prend la suite de Jean Bellemin-Noël. Son livre, La Légende de saint

Julien l'Hospitalier ; essai sur l'imaginaire flaubertien88 apporte du nouveau par une

approche jungienne. Gérard Lehmann définit l’originalité de la légende flaubertienne, en réfléchissant sur trois points, celui du mythe héroïque, celui du mythe saint, et celui du