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Chapitre I. La G enèse des idées des Trois contes

C. La faillite et les motivati ons de la création des Trois contes

3. De « quelque chose, de court » aux Trois contes

Avant les Trois contes, Flaubert n’écrivait que des œuvres longues comme Madame

Bovary, Salammbô, L’Éducation sentimentale et La Tentation de Saint Antoine. De plus,

224

Lettre à Léonie Brianne, le 3 mars 1877.

225

lorsqu’il a commencé à écrire le roman Bouvard et Pécuchet, juste avant La Légende de

Saint Julien l’Hospitalier, dans une lettre du 29 juillet 1874 à Tourgueneff, il écrit : « il

m’est impossible de faire une chose courte. Je ne puis exposer une idée sans aller jusqu’au bout » [Corr. IV, p. 843]. Il est donc difficile à dire pourquoi Flaubert a écrit les Trois

contes, en tenant compte du fait qu’il les a commencés sans réelle envie d’en faire une

œuvre et avant l’abandon de son roman.

Du fait, Raymonde Debray-Genette a essayé de rechercher des particularités de ces contes de Flaubert :

Les Trois contes posent au narratologue des problèmes épineux quand il s’agit de définir le ou les genres auxquels ils appartiennent. On sait que le mot « conte » ne résout rien : il semble que ce soit une sorte d’appellation commerciale pour désigner un récit court. Il ne serait pas même pertinent de vouloir l’opposer au terme « nouvelle ». Nous avons pourtant le sentiment de la parenté formelle et générique des trois récits, en même temps que de leur différence.226

Elle a analysé La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, du point de vue de la légende et de l’histoire et a conclu que « La légende se fait mythe en même temps qu’en émanent des effluves romanesques. Tel est un des secrets de l’« à-peu-près » final. […] La Légende de

Saint Julien l’Hospitalier est donc bien un exemple d’une forme simple actualisée en forme

savante par Flaubert, après bien d’autres écrivains »227

.

De plus, Flaubert a commencé La Légende de Saint Julien l’Hospitalier sans aucune préparation. Quant aux deux autres contes qui suivent, il a établi leur plan au cours de l’élaboration du conte de La Légende de Saint Julien l’Hospitalier et les a écrits au fur et à mesure. Et comme il n’écrivait jamais la préface pour expliquer ses idées, c’est pour cette raison qu’il n’y a que dans sa correspondance que l’on peut suivre le processus de création de ses œuvres. Je voudrais donc analyser la signification des Trois contes d’un nouveau point de vue, c’est-à-dire comment il arrive à la forme du conte et pourquoi il a créé chaque conte.

226

Raymonde Debray-Genette, « Saint Julien : forme simple, forme savante », in Métamorphoses

du récit, op. cit., p. 131.

227

Hans Peter Lund dit que « « conte » est un terme souvent employé au XIXe siècle pour designer un récit bref »228 ; le conte fantastique, la nouvelle et le récit court ressemblant à la légende. Il remarque que les Trois contes correspondent à cette formule :

Le titre de Flaubert regroupe des textes disparates en ce qui concerne l’histoire racontée : histoire d’une vie entière dans le cas de Félicité, histoire d’une vie coupée en épisodes dans celui de Julien, ou formée d’un seul épisode dans celui d’Hérode. Les textes – passant ainsi de l’ensemble au fragment – semblent davantage obéir à des principes internes qu’à ceux d’un genre. Le premier a l’apparence d’une nouvelle inspirée du roman réaliste, le seconde celle d’un conte fantastique, le troisième celle d’un récit inspiré du roman historique. 229

Pourtant au commencement de La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, il n’a pas vraiment défini cette œuvre comme un conte. Le 25 septembre 1875, au centre de repos de Concarneau, il a raconté pour la première fois à sa nièce Caroline son projet de conte : « J’ai même essayé de commencer quelque chose de court, car j’ai écrit (en trois jours) ! une demi-page du plan de La Légende de Saint Julien l’Hospitalier » [Corr. IV, p. 961]. Au début, il voulait l’appeler « Quelque chose, de court » et ensuite il a sans cesse changé d’appellation. Le 2 octobre 1875, à Edmond Laporte il le nomme « cette histoire » [Corr.

IV, p. 967] et le 3 octobre 1875 il en parle à George Sand sous le titre de « quelque chose »

[Corr. IV, p. 971]. Le même jour, Flaubert a écrit à Edma Roger des Genettes « quelque chose » [Corr. IV, p.970], et à Tourgueneff « quelque chose » [Corr. IV, p. 972], puis le 4 octobre 1875 le qualifie de « ma petite historette » [Corr. IV, p. 981] à Commanville. Le 2 octobre 1875, il a écrit à Léonie Brainne « petit conte » [Corr. IV, p. 965]. Mais il a tout de suite changé cette appellation. Par cela, on peut supposer que Flaubert lui-même le considère comme une simple étude et jamais comme son œuvre.

Cependant, ce qui attire notre attention est que l’on trouve le mot « conte » dans ses lettres sans pour autant qu’il y ait un lien avec La Légende de Saint Julien l’Hospitalier. Par exemple, il écrit à Edma Roger des Genettes que « dans mes moments de désœuvrement, et ils sont nombreux, je lis quelques passages d’un Saint-Simon qu’on m’a prêté et, pour la millième fois, les contes de ce polisson de Voltaire »230 [Corr. IV, p. 981]. Il a dit la même chose à Edmond Laporte le 19 octobre 1875 puis à Caroline et à Tourgueneff le 21, comme

228

Hans Peter Lund, Gustave Flaubert : Trois contes, Paris, P.U.F., 1994, p. 31. 229Ibid., p. 31-32.

230

s’il était obsédé par les contes de Voltaire. De fait, les contes de Voltaire, qui n’étaient en aucun cas des documents spécialisés pour l’œuvre de La Légende de Saint

Julien l’Hospitalier, étaient des documents qu’ils pouvaient facilement se procurer à la

campagne. Flaubert décrit une partie de sa vie quotidienne sans intérêt particulier , mais suite à la lecture des contes de Voltaire, il ne parlera plus de ses contes comme de « quelque chose » ou de « ma petite historette ». On ne peut pas ignorer l’influence des contes de Voltaire sur les Trois contes231, car Flaubert parle souvent de l’enthousiasme pour les contes de Voltaire depuis sa jeunesse. Il a écrit à Louis de Cormenin en 1844 : « j’avoue que j’adore la prose de Voltaire et que ses contes sont pour moi d’un ragoût exquis. J’ai lu

Candide vingt fois » 232 [Corr. I, p. 210].

Est-ce par hasard qu’il a repris dès sa jeunesse l’idée d’écrire un conte dans une situation où il a été obligé de renouveler doucereusement sa vie ? De toute façon, après avoir parlé de la lecture des contes de Voltaire, il écrivit à sa nièce Caroline : « Le petit

Julien l’hospitalier n’avance guère et m’occupe un peu ; c’est là le principal »233

[Corr. IV, p. 983]. Dans cette lettre, il avait compris l’importance de cette œuvre pour sa condition mentale. Le 19 octobre, il écrit à Edmond Laporte : « j’ai écrit à peu près dix pages de mon

Saint Julien » [Corr. IV, p. 984] et à sa nièce que « malgré mes résolutions, Saint Julien

n’avance pas vite » [Corr. IV, p. 985]. Le fait qu’il n’emploie pas de mots ambigus et nomme son œuvre à chaque occasion montre sa décision sérieuse d’en faire une œuvre à part entière.

Mais on se rend compte qu’il voulait simplement finir La Légende de Saint

Julien l’Hospitalier et n’a pas encore l’intention d’écrire les Trois contes. Il a raconté une

idée à George Sand, le 16 décembre 1875 :

Vous savez que j’ai quitté mon grand roman, pour écrire une petite bêtise moyenâgeuse, qui n’aura pas plus de 30 pages ! Cela me met dans un milieu plus propre que le monde moderne et me fait du bien.

231

Pierre-Georges Castex a remarqué l’influence de Voltaire sur Madame Bovary : « Il ressort de ces textes (lettres de Flaubert) que Flaubert se rattache à la philosophie des lumières et l’esprit voltarien ; qu’il se réfère à ce système de pensée auquel M Homais, dans Madame Bovary, donne une expression caracturale » (voir Pierre-Georges Castex, Les Cours de Sorbonne : Flaubert,

« L’Éducation sentimentale », Paris, Centre documentation universitaire, 1967, p. 88).

232

Lettre à Louis de Cormenin, le 7 juin 1844.

233

Puis, je cherche un roman contemporain, mais je balance entre plusieurs embryons d’idées. Je voudrais faire quelque chose de serré et de violent. [Corr. IV, p. 997]

Le mot « contemporain » nous suggère le conte contemporain, Un cœur simple, mais Flaubert n’a jamais utilisé le mot conte. De plus Un cœur simple n’est absolument pas « violent ». On peut donc dire que Flaubert reste encore dans un état ambigu.

De fait, il a désigné La Légende de Saint Julien l’Hospitalier comme un conte dans une lettre à George Sand, le 6 février 1876 : « Après mon petit conte, j’en ferai un autre, car je suis trop profondément ébranlé pour me mettre à une grande œuvre » [Corr. V, p. 10]. Il lui raconte dans cette lettre que son sentiment d’insécurité dans l’écriture de Bouvard et

Pécuchet, l’a amené à écrire un autre conte.

Pourtant il a dit à George Sand le 18 février ceci : « Maintenant que j’ai fait mon conte, je vais en faire un autre. Les deux réunis pourront former un petit volume que je publierai cet automne » [Corr. V, p. 19]. On peut penser que la réalisation de La Légende de Saint

Julien l’Hospitalier lui a donné envie de publier un volume. Et il a adressé la même

indication à Léonie Brianne ainsi qu’à Madame Lapierre234. Mais à ce moment-là, il n’a osé écrire que deux contes avec l’ambition de continuer Bouvard et Pecuchet qui avait été interrompu.

Or, la plus grande différence entre ces deux contes est que dans le premier, Flaubert définit d’abord son contenu et son titre, mais dans le deuxième, il fait l’inverse et décide d’écrire un conte en premier. C’était après le 1er

mars 1886 qu’il a commencé à mentionner le contenu du deuxième conte. Il dit ainsi à Edmond Laporte : « Le plan de mon second petit conte est fini. Je cherche maintenant des renseignements sur Pont-l’Évêque » [Corr. V, p. 21]. D’après cette lettre, on peut supposer par le contenu seulement que ce conte est en relation avec la région normande, et on voit que Flaubert n’avait pas du tout décidé du titre.

Après tout, c’était dans la lettre du 15 mars 1876 à Edma Roger des Genettes, c’est-à-dire, plus d’un mois après sa décision d’écrire un autre conte, que le titre a été spécifié. Il est intéressant de voir que cette lettre commence par l’annonce de la mort de Louise Colet, sa maîtresse de jeunesse de 1846 à 1854, à qui Flaubert a adressé le plus grand nombre de lettres :

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Le 18 février, Flaubert a raconté un projet à Léonie Brainne : « J’ai fini mon conte, et je vais en commencer un autre, afin d’avoir à l’automne un petit volume » [Corr. V, p. 15]. Il a aussi écrit les phrases analogues à Valérie Lapierre au même jour [Corr. V, p. 17].

Vous avez très bien deviné l’effet complet que m’a produit la mort de ma pauvre muse. Son souvenir ainsi ravivé m’a fait remonter le cours de ma vie. Mais votre ami est devenu plus stoïque depuis un an. J’ai piétiné sur tant de choses, afin de pouvoir vivre ! Bref, après tout un après-midi passé dans les jours disparus, j’ai voulu n’y plus songer et je me suis remis à la besogne. Encore une fin ! [Corr. V, p. 27]

Après cet aveu, il a raconté ses souvenirs et nommé son travail « Histoire d’un cœur

simple ». Juliette Frølich a d’abord remarqué que « parler du cœur, avec cœur, exprimer, écrire, décrire avec les mots les émotions, les siennes, celles de ses personnages, dès le début de la rédaction de Madame Bovary, on le sait, Flaubert non seulement se l’interdit, mais scelle cet interdit d’un strict tabou »235

. Mais Flaubert raconte souvent dans ses correspondances, surtout à Louise Colet, que l’essence des phrases est le « cœur » : « Il faut avoir, avant tout, du sang dans les phrases, et non de la lymphe, et quand je dis du sang, c’est du cœur » [Corr. II, p. 128]236

. En définissant le « cœur » pour Flaubert, Juliette Frølich a trouvé la relation entre une scène où Félicité et Madame Aubain ont partagé la même tristesse de la mort de Virginie dans Un cœur simple en tant que « cœur » qui se trouve dans l’écriture vivante de Flaubert237.

Ce changement a peut-être un lien avec la mort de Louise Colet, circonstances que l’on peut analyser à partir de la lettre du 20 avril à Edma Roger des Genettes:

Mon Histoire d’un cœur simple avance très lentement. J’en ai écrit dix pages, pas plus ! Et pour avoir des documents j’ai fait un petit voyage à Pont-l'Évêque et à Honfleur ! Cette excursion m’a abreuvé de tristesse, car forcément j’y ai pris un bain de souvenirs. 238

[Corr. V, p. 35]

Comme on le voit dans cette lettre, Un cœur simple qui se déroule en Normandie, se superpose à la jeunesse de Flaubert. L’afflux de souvenirs qui surgit suite à la mort de sa maîtresse semble avoir été l’un des facteurs pour définir le titre Un cœur simple239. On ne

235

Voir Juliette Frølich, « Poésies du cœur – poétique des choses » in Flaubert et la théorie

littéraire. textes réunis par Tanguy Logé et Marie-France Renard, Bruxelles, Publications des

Facultés Universitaires Saint-Louis, 2005, p. 185.

236

Lettre à Louise Colet, le 22 avril 1854.

237

Juliette Frølich, « Poésies du cœur - poétique des choses », in Flaubert et la théorie littéraire, op.

cit., p. 189-190.

238

Lettre à Edma Roger des Genettes, le 20 avril 1876.

239

Raymonde Debray-Genette suppose la raison de l’effacement du mot « histoire » : « Flaubert a eu ses raisons pour supprimer le mot « histoire », qui peuvent être d’économie. Il ne nous le dit pas. Mais pour nous lecteurs, supprimer ce mot, c’est changer en partie la façon de raconteur, pour ainsi

peut pas ignorer qu’une phrase indiquant la mort de Louise Colet « Encore une fin ! » ressemble a une phrase d’un médecin au moment de la mort de Victor, neveu de Félicité « Bon ! encore un » ! [TC, p. 62].

Ce voyage en Normandie lui a permis non pas seulement de s’adonner à une réflexion sur son passé, mais aussi de se souvenir de sa passion pour la création :

Savez-vous ce que j’ai envie d’écrire après cela ? L’histoire de saint Jean-Baptiste. La vacherie d’Hérode pour Hérodias m’excite. Ce n’est encore qu’à l’état de rêve, mais j’ai bien envie de creuser cette idée-là. Si je m’y mets, cela me ferait trois contes, de quoi publier à l’automne un volume assez drôle. 240

[Corr. V, p. 35-36]

Le projet de parution des deux contes, juste après avoir fini La Légende de Saint Julien

l’Hospitalier, s’est changé en celui des trois contes, lorsqu’il a décidé du titre, Un cœur simple.

C’est à ce moment précis que l’idée des Trois contes semble s’être emparé de Flaubert, et celui-ci a rédigé régulièrement son troisième conte, même s’il venait seulement de commencer son deuxième conte. Le troisième conte est différent des deux autres, du point de vue du changement des titres. Le 20 avril 1876, il donne « L’histoire de Saint

Baptiste » [Corr. V, p. 35] comme titre, et le 3 mai « Iaokanann (traduisez : saint

Jean-Baptiste) »241 [Corr. V, p. 36]. Et le 29 mai, il le nomme « Mon Saint Jean-Baptiste »242 [Corr. V, p. 36].

Au début, il semble que Flaubert ait envisagé Saint Jean-Baptiste comme le héros de son livre, mais au fur et à mesure de ses recherches, l’existence du personnage d’Hérodias s’est affirmée. Le 29 mai 1876, il écrit ceci à George Sand : « J’ai commencé un autre conte intitulé Histoire d’un cœur simple. Mais j’ai interrompu ce travail pour faire des recherches sur l’époque de saint Jean-Baptiste, car je veux écrire le festin d’Hérodiade » [Corr. V, p. 42]. De ce fait, le 19 juin, il arrive enfin au titre définitif d’Hérodias : « L’histoire d’Hérodias, telle que je la comprends, n’a aucun rapport avec la religion »243

[Corr. V,

dire « désobjectiver » le récit, en affaiblissant le rôle du narrateur » (Raymonde Debray-Genette, « Du mode narratif dans les Trois contes » in Travail de Flaubert, op. cit., p. 136).

240

Ibid.

241

Lettre à Tourgueneff, le 3 mai 1876.

242

Lettre à Edmond Laporte, le 29 mai 1876.

243

p. 58]. Sa réflexion de deux mois sur le titre d’Hérodias montre que Flaubert avait préparé suffisamment la documentation pour la création des Trois contes.

De plus, il est intéressant de voir qu’au moment où il s’est arrêté sur l’idée des Trois

contes, Flaubert s’intéressait également à une autre œuvre dont une partie du titre était

« conte ». Le 17 juin 1876, il raconte à Caroline qu’il a reçu un cadeau de Mallarmé :

J’ai reçu un autre cadeau : un livre du FAUNE et ce livre est charmant, car il n’est pas de lui. C’est un conte oriental intitulé Vathek, écrit en français à la fin du siècle dernier par un mylord anglais. Mallarmé l’a réimprimé avec une préface dans laquelle ton oncle est loué. [Corr. V, p. 49]

Mallarmé a estimé la perfection de Salammbô et de La Tentation de Saint Antoine parmi les œuvres orientales dans la préface de réimpression de Vathek de 1876 :

Voile mis, pour les mieux faire apparaître, sur des abstractions politiques ou morales que les mousselines de l’Inde au XVIIIe

siècle, quand régna le Conte oriental ; et, maintenant, selon la science, un tel genre suscite de la cendre authentique de l’histoire les cités avec les hommes, éternisé par le Roman de la Momie et Salammbô. Sauf en la Tentation de Saint-Antoine, un idéal mêlant époques et races dans une prodigieuse fête, comme l’éclair de l’Orient expiré, cherchez ! sur des bouquins hors de mode aux feuillets desquels ne demeure de toute synthèse qu’effacement et anachronisme, flotte la nuée de parfums qui n’a pas tonné. 244

Comme ce cadeau l’a impressionné profondément, il écrit la même chose à Tourgueneff le 25 juin. Analysant l’inflence de l’orientalisme sur les romans du XIXe siècle, Jean Bruneau mentionne l’importance de Vathek :

Les Mille et une Nuits et leurs suites, origine essentielle du pittoresque oriental, n’en sont

pas la source unique. Ces contes ont inspiré, au 18e et au 19e siècle, toute une littérature « orientale ». Parmi ces œuvres, certaines sont des chefs-d’œuvre : les contes orientaux de

244

Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes, tome 2, édition établie et annotée par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2003, p. 5. Voir aussi William Beckford,

Vathek, réimprimé sur l’édition française originale avec préface par Stéphane Mallarmé, Paris,

Crébillon, ceux de Voltaire, Vathek. C’est le comte de Beckford qui a attiré l’attention de Byron sur l’Orient. 245

Ce cadeau de Vathek dont le sous-titre est conte arabe qui lui a été offert par hasard, a rafraîchi sa détermination dans la création d’Hérodias qui est aussi un conte oriental.

En somme, Flaubert a eu besoin de deux mois pour choisir un genre de conte et de huit mois pour se décider à écrire les Trois contes . On ne peut pas nier que la lecture des œuvres de Voltaire et de Beckford, lectures qui l’ont affecté, soit un des facteurs qui l’ont amené à créer les Trois contes, même s’il ne l’affirme pas directement dans ses correspondances. De plus, d’après les nombreux changements des titres et le processus d’écriture des Trois contes, on peut constater que les Trois contes qui avaient commencé comme une étude ont été écrits avec passion à la fin, et deviennent une œuvre qui se déroule de l’Antiquité au temps moderne alors qu’un seul roman y parviendrait difficilement. C’est donc avec cette collection de contes que Flaubert réalise cet exploit. Alors nous allons analyser à partir de quelles motivations il est parvenu à chaque conte.

Il n’a jamais parlé de son intention d’écrire un « conte » de La Légende de Saint Julien

l’Hospitalier dans ses correspondances, mais il y avait une raison pour laquelle il a pu

commencer ceux d’avant, à Concarneau où il est allé se reposer et où il ne possédait aucun document. Le 25 septembre 1875, de Concarneau, il a recommandé à Caroline de lire un livre de Langlois, sur les vitraux de la cathédrale de Normandie pour connaître le contenu