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Chapitre III. La création des personnages principaux

C. Hérodias et Salomé

1. Hérodias et les répétitions

Nous allons, dans un premier temps, regarder comment Hérodias est décrite dans la Bible. La description de l’Évangile selon Saint Marc, chapitre 6, versets 17-28 :

Car c'était lui, Hérode, qui avait fait arrêter Jean et l'avait mis en prison. En effet, il avait épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe, et Jean lui disait : « Tu n'as pas le droit de prendre la femme de ton frère ». Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mettre à mort. Mais elle n'y arrivait pas parce qu’Hérode avait peur de Jean : il savait que c'était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l'avait entendu, il était très embarrassé, et pourtant, il aimait l'entendre. Cependant, une occasion favorable se présenta lorsqu’Hérode, pour son anniversaire, donna un banquet à ses dignitaires, aux chefs de l'armée et aux notables de la Galilée. La fille d'Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi tout ce que tu veux, je te le donnerai ». Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c'est la moitié de mon royaume ». Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu'est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean Baptiste ». Aussitôt la jeune fille s'empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que tout de suite tu me donnes sur un plat la tête de Jean Baptiste ». Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment fait devant les convives, il ne voulut pas lui opposer un refus. Aussitôt il envoya un garde avec l'ordre d'apporter la tête de Jean. Le garde s'en alla, et le décapita dans la prison. Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.

D’autre part la description de l’Évangile selon Saint Matthieu, chapitre 14, versets 3-14 :

En ce temps-là, Hérode, prince de Galilée, apprit la renommée de Jésus et dit à ses serviteurs : « Cet homme, c'est Jean le Baptiste, il est ressuscité d'entre les morts, et voilà pourquoi il a le pouvoir de faire des miracles ». Car Hérode avait fait arrêter Jean, l'avait fait enchaîner et mettre en prison, à cause d'Hérodiade, la femme de son frère Philippe. En effet, Jean lui avait dit : « Tu n'as pas le droit de vivre avec elle ». Hérode cherchait à le mettre à mort, mais il eut peur de la foule qui le tenait pour un prophète. Lorsqu’arriva l'anniversaire d'Hérode, la fille d'Hérodiade dansa devant tout le monde, et elle plut à Hérode. Aussi s'engagea-t-il par serment à lui donner tout ce qu'elle demanderait. Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste ». Le roi fut contrarié, mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner. Il envoya décapiter Jean dans la prison. La tête de celui-ci fut

apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui l'apporta à sa mère. Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, l'ensevelirent et allèrent en informer Jésus.

Ici, en lisant le verset 8 « Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste » », on a l’impression qu’Hérodias participe plus directement à la mise à la mise à mort de Jean Baptiste. De toute façon dans la Bible, il est écrit qu’Hérodias souhaite la mort de ce dernier. La raison est qu’il a dénoncé son mariage avec Hérode. L’épisode est assez simple.

Par contre, dans l’œuvre de Flaubert, l’image de l’héroïne est plus complexe. Ce qui est remarquable, c’est qu’Hérodias craint la force de Iaokanann beaucoup plus que les autres personnages :

Ses discours, criés à des foules, s’étaient répandus, circulaient ; elle les entendait partout, ils emplissaient l’air. Contre des légions elle aurait eu de la bravoure. Mais cette force plus pernicieuse que les glaives, et qu’on ne pouvait saisir, était stupéfiante ; et elle parcourait la terrasse, blêmie par sa colère, manquant de mots pour exprimer ce qui l’étouffait. [TC, p. 115]

À la différence de Vitellius, Hérodias ne craint pas la force physique comme le pouvoir ou l’armée, mais elle a peur de la force interne dans les phrases de Iaokanann. La conscience de l’héroïne reflète celle que Flaubert a pour les mots. De plus, dans la conception à la Bible à l’origine de ce conte, les mots sacrés transcendent toute réalité.

Gisèle Séginger remarque que la politique du XIXe siècle influence le plan d’Hérodias :

Quelques mois avant de commencer Hérodias, après les intrigues et les traductions qui aboutirent à la nomination par l’Assemblée Nationale des membres à vie du Sénat, Flaubert écrit à Gerorge Sand : « Il a dû se passer dans les couloirs de l’Assemblée des dialogues inouïs, de grotesque et de bassesse. Le XIXe siècle est destiné à voir périr toutes les religions. Amen ! Je n’en pleure aucune »381 [Corr. IV, p. 997]. Les années qui précèdent immédiatement la rédaction d’Hérodias sont donc aussi des années où Flaubert revient à une réflexion sur le rapport entre politique et religion. 382

381

Lettre à George Sand, le 16 décembre 1875.

382

Gisèle Séginger, « L’Écriture du politique dans Hérodias », Revue Flaubert, no 5, 2005, p. 6, Centre Flaubert de l’Université de Rouen (http://flaubert.univ-rouen.fr). Elle suggère aussi que la guerre et la Commune influencent l’idée de Flaubert (ibid., p. 1).

Alors comment s’est-elle créée sous la plume de Flaubert, la personnalité d’Hérodias ? Flaubert l’a créée sous deux points de vue :

personnages Hérodias

Juive. mais par ses aïeux et de nature, monarchique

Ses ancêtres avaient été rois et sacrificateurs. – et le peuple en voulait aux Asmonéens qui

s’étaient imposés aux gds-prêtres. [NAF23663 fo 701 ro (extrait)]

Par cela, ses ancêtres « roi » et « prêtre » ont une relation profonde avec elle. Regardons dans un premier temps sa relation avec ses ancêtres royaux et son côté historique. Au début de la note de lecture, fo 743 ro, Hérodias est décrite ainsi:

Elle voulut être souveraine

Antipas fut l’instrument dont elle se servit.

Dans ce plan, elle est supposée être simplement ambitieuse.

À l’étape suivante, les mots « politique », « puissance » et « pouvoir » apparaissent souvent avec son nom. Par contre, Flaubert ne les utilise jamais pour son mari, la personne au pouvoir en réalité. Par la suite, au fo 723 ro, l’ambition d’Hérodias s’agrandit davantage :

[Cela dérangeait tous les plans

sa politique

d’Hérodias, fidèle aux Romains comme H le gd

. Son idéal d’ambition –

avait suscité contre lui une émeute qui avait manqué – puis

Elle l’avait fait saisir, avec ordre, s’il se défendait le tuer – enfin elle avait fait jeter dans son cachot des serpents. Mais ils étaient morts.

Il était en prison dans <M> le château. Mais c’était un secret. [NAF23663 fo 723 ro (extrait)]

Elle se reconnaît comme le successeur d’Hérode le Grand383

. Atsuko Ogane remarque la relation étroite entre Hérodias et le Hérode le Grand :

383

On trouve la même intention d’Hérodias au fo 749 v o : « son idéal à elle. il fait suivre la politique d’H le gd

Hédodias n’a cessé d’avoir des relations clandestines et étroites avec les Romains. Elle est tellement fière de son sang royal que son désir de pouvoir la fait choisir la politique du Grand Hérode, qui a gagné l’admiration des Romains, en extirpant les obstacles dans le domaine religieux pour la domination de la Judée. […]

Juste au moment où Hérodias fait son apparition, Vitellius témoigne certes du respect à Antipas, mais surtout à Hérode le Grand défunt : « Il répondit que le grand Hérode suffisait à la gloire d’une nation » [TC, p. 119]. Un tel contexte n’évoque-t-il pas une certaine affinité entre Hérodias et le Grand Hérode, ou le rêve ambitieux d’Hérodias ?384

De plus, écrivant « Il avait fait jeter dans son cachot des serpents », Flaubert montre que c’est elle qui veut activement tuer Jean Batiste. On comprend clairement que c'est Hérodias qui a fait élire Hérode, au prix de nombreuses ruses :

dire à tes Hérodias entre d’un air triomphant – Réjouis-toi, tu pourras ce soir < faire > hôtes

– annonce ce soir à tes convives que tu es roi sans contestes [NAF23663 fo 732 ro (extrait)]

Et son mari ne la considère pas comme une simple femme, car au fo 714 v o:

admire son habileté et sa en même temps qu’il Antipas trouve qu’elle est habile hardiesse et rêve est un peu effrayé de sa férocité . [NAF23663 fo 714vo (extrait)]

Dans le texte définitif, Flaubert nous montre clairement l’idée d’Hérodias :

Elle songeait aussi, que le Tétrarque, cédant à l’opinion, s’aviserait peut-être de la répudier. Alors tout serait perdu ! Depuis son enfance, elle nourrissait le rêve d’un grand empire. C’était pour y atteindre que, délaissant son premier époux, elle s’était jointe à celui-là, qui l’avait dupée, pensait-elle. [TC, p. 115]

En fait, Hérodias qui n’était que la femme d’Hérode dans la Bible, se forme en une personne désirant le pouvoir absolu plus que son mari selon les indications des manuscrits.

384

Et c’est par cette ambition violente que se construit ce grand empire et la divergence entre Hérodias et Iaokanann devient la raison de son exécution.

Regardons maintenant ses liens avec ses ancêtres « prêtres ». Au moment où la dispute religieuse excite violemment les convives dans la salle du festin, Hérodias apparaît ainsi :

Les panneaux de la tribune d’or se déployèrent tout à coup ; et à la splendeur des cierges, entre ses esclaves et des festons d’anémones, Hérodias apparut, – coiffée d’une mitre assyrienne qu’une mentonnière attachait à son front ; ses cheveux en spirales s’épandaient sur un péplos d’écarlate, fendu dans la longueur des manches. Deux monstres en pierre, pareils à ceux du trésor des Atrides se dressant contre la porte, elle ressemblait à Cybèle accotée de ses lions. [TC, p. 137-138].

Remarquant que Cybèle est « couronnée de tours »385, Atsuko Ogane trouve le symbole de Cybèle dans la coiffure d’Hérodias : « Et naturellement, « la mitre assyrienne » dont Hérodias est coiffée prolonge cette image des « tours », qui symbolise originellement les enceintes des montagnes où la Déesse devient Cybèle. Cette coiffure symbolise donc la puissance »386. Cécile Matthey constate l’importance de Cybèle dans ce conte :

Flaubert, dans les manuscrits préparatoires, souligne une curieuse similarité entre les prêtres de Cybèle et le ministère de saint Jean Baptiste : « Religion orientales – et romaines, prêtres de Cybèle baptisaient. On les appelait des baptes » [fo 678 ro]. Suit une prise de notes sur le baptême mithriaque (c’est-à dire, une purification par le sang d’une victime animale). Avec la figure de Cybèle-Hérodias, Flaubert identifie une force tellurique comparable à celle du prophète : « Il avait peau de chameau autour des reins, et sa tête ressemblait à celle d’un lion. Dès qu’il m’aperçut, il cracha sur moi toutes les malédictions des prophètes » [TC, p. 115]. [...] Hérodias voit en Iaokanann un être léonin qui partage avec elle l’attribut de la déesse. Ces deux figures que tout oppose dans la légende chrétienne voient ici leurs différences nuancées par un rapport commun qu’ils entretiennent avec la Mère des dieux. 387

385

Asuko Ogane, La Genèse de la danse de Salomé, op. cit., p. 60.

386

Ibid., p. 66-67.

387

Cécile Matthey, L’Écriture hospitalière, op. cit., p. 95-96. Voir aussi Cécile Matthey, « Fertilité de la pierre dans Hérodias de Flaubert », op. cit., p. 86. Dans « Méduse en Machæeous », Cécile Matthey indique le changement de Cybèle en Europe : « Déesse transportable, Cybèle se caractérise aussi par ses migrations, en Grèce, à Rome, notamment. Celle que Philippe Borgeaud surnomme la « Mère itinérante » est née en Orient, mais s’exporte en Occident, où elle est confondue, entre autres, avec Rhéa et Vesta » (Cécile Matthey, L’Écriture hospitalière, op. cit., p. 98]. Rappelons « la pendule au milieu, représentait un temple de Vesta » [TC, p. 44] dans la salle de la maison de

Ce point de vue est né justement de sa relation fictive avec Iaokanann. Dans la Bible, c’est parce qu’il a reproché à Hérode de ne pas se marier avec la femme de son frère que Iaokanann est emprisonné. Mais dans le plan, fo 719 vo, la raison de son emprisonnement est indiqué ainsi :

si rigoriste, violent hostile

Le désordre enfin il était devenu personnellement agressif en tonnant contre Antipas et Hérodias, comme incestueux , qu’il avait fallu l’enfermer. [NAF23663 fo 719 vo (extrait)]

Dès le début, Iaokanann reproche à tous les deux leur inceste. Déjà dans la première étape des manuscrits, les mots de Iaokanann sont destinés non seulement à Hérode mais aussi à Hérodias.

En réalité, l’idée précédente est adoptée et on les retrouve dans les mots de Iaokanann en prison, d’ailleurs ce sont ses seules phrases. Au fo

714 ro, ces phrases sont résumées ainsi :

les paroles de Jean qui roulent sur trois points 1o Je suis

la voix du désert... Sa mission.. 2o l’annonce du Messie (sans dire le mot) 3o invectives à l’inceste. [NAF23663 fo 714 ro (extrait)]

Dans le troisième résumé, Iaokanann vilipende l’inceste mais ne désigne pas d’interlocuteur particulier. Mais au fo 703 vo, Hérodias se présente clairement comme l’interlocuteur :

Trois points 1o Je suis la voix du désert 2o annonce du Messie (sans prononcer le mot) 3o invectives à Hérodias. [NAF23663 fo 703 ro (extrait)]

Au début, Iaokanann reproche l’immoralité de leur inceste au couple, mais ces reproches visent de plus en plus personnellement Hérodias.

Plus on avance dans les manuscrits, leur situation passe d’un ordre hiérarchique c’est-à-dire, du prophète au personnage corrompu, à une relation plus équilibrée. À l’étape du brouillon du plan, Iaokanann en arrive à appeler Hérodias ainsi :

Madame Aubain. Cette déesse donne une atmosphère païenne au monde d’Un cœur simple et semble suggérer la sainteté du perroquet empaillé) .

Ah ! s/c’est toi ! je te reconnais. Tu as séduit son cœur avec le claquement de ta chaussure. [NAF23663 fo 570 ro (extrait)]

Ici, Iaokanann raconte directement à Hérodias qu’il n’y a pas la place pour une troisième personne dans leur relation et les mots de Iaokanann présentent un caractère personnel. Dans la Bible, Hérode était le seul interlocuteur de Iaokanann, mais dans l’œuvre l’existence d’Hérode disparaît, et les mots de Iaokanann sont destinés exclusivement à Hérodias.

Dans le texte définitif, les mots les plus longs et les plus impressionnants de Iaokanann, sont des insultes à Hérodias : « L’Éternel exècre la puanteur de tes crimes ! Maudite, maudite ! Crève comme une chienne » [TC, p. 128]. Ces phrases montrent Hérodias comme la seule adversaire de Dieu et en même temps, elle est signifiante aux yeux de Dieu. Le reproche émis contre elle a la même importance que la mission de Iaokanann donnée par Dieu et aussi l’annonce de l’apparition du Messie dans le texte définitif. Et c’est pourquoi l’on considère qu’Hérodias joue un rôle de prêtre en quelque sorte, comme elle est la seule personne admise par Élie qui est Iaokanann. Hérode le Grand, son idéal, garde aussi le souhait d’être le Messie.

Au niveau du texte définitif, Flaubert écrit deux scènes qui s’opposent. Hans Peter Lund a établit le schéma suivant :

Phanuel Salomé Mannaëi (Jéses)…Iaokanann> <Hérode> <Hérodias...Romains Jacob Juifs

Il est intéressant de noter, à ce propos, que la solidarité règne dans le groupe Phanuel-Jésus-Jacob, alors que l’inimitié caractérise le groupe Mannaëi-Romains-Juifs. 388

Dans une scène, Hérodias raconte sa première rencontre avec Iaokanann et dans l’autre Iaokanann accuse Hérodias à partir de la cave. Dans la première scène, Hérodias raconte l’apparence et l’acte de Iaokanann et le lui reproche. Hérodias elle parle à son mari de Iaokanann ainsi : « Sur un monticule, à côté, un homme parlait. Il avait une peau de

388

chameau autour des reins, et sa tête ressemblait à celle d’un lion » [TC, p. 115]. Quand Iaokanann apparaît dans le conte, « Un être humain était couché par terre, sous de longs cheveux se confondant avec les poils de bête qui garnissaient son dos » [TC, p. 125]. C'est seulement dans les dialogues d’Hérodias que l'on peut comprendre quelle est l'apparence de Iaokanann, avant qu'il soit enfermé dans une prison souterraine.

Dans la deuxième, Iaokanann décrit l’apparence d’Hérodias en tant que la « fille de Babylone », lui jette une malédiction et lui reproche son mariage incestueux : ses mots sur Hérodias occupent plus que la moitié de son discours. À l'opposé, seules les conversations de Iaokanann nous dévoilent le passé, le présent et le futur d’Hérodias. En même temps des éléments babyloniens influencent l’existence de Iaokanann. Asuko Ogane indique que l’espace babylonien mène Iaokanann vers la décapitation :

L’espace dans lequel Salomé captive le Tétrarque est un lieu clos également marqué par l’influence babylonienne : « Des tapis de Babylone l’enfermaient dans une espèce de pavillon » [TC, p. 131]. C’est dans ce pavillon, enfermé par des tapis babyloniens et surveillé par Hérodias, appelée « fille de Babylone » par Iaokanann, que Salomé effectue sa danse enchanteresse. 389

En fait ces deux personnages se représentent l’un par l’autre. On peut ainsi dire qu’une réciprocité se forme petit à petit par le mélange des deux éléments, le « roi » et le « prêtre » émanant du personnage d’Hérodias.

Dans ce conte, les mots de ces deux personnages sont très importants. Les mots de Iaokanann effraient le monde car ce sont des mots apparaissant dans ceux des prophètes de la Bible. Cette œuvre est, avant tout, une répétition d’un épisode de la Bible. Cette répétition a un rapport étroit avec la formation du personnage d’Hérodias à travers le problème des mots390. Nous remarquons, d’abord, le fait que Flaubert réécrit plusieurs fois la première apparition d’Hérodias dans les manuscrits.

Au f o 545 ro, Hérodias est :

389

Atsuko Ogane, La genèse de la danse de Salomé, op. cit., p. 57. Elle Remarque Iaçim qui est babylonien commandant ses cavaliers est obligé à ouvrir la porte d’une grotte souterraine et que cet acte devient l’occasion de la découvert de Iaokanann que est aussi enfermé dans le sous-sol (ibid., p. 59).

390

Henri Scepi remarque un effet de la répétition dans Salammbô : « La composition par reprises et échos excède les divisions de l’espace et du temps ; elle laisse affleurer, à la surface du texte, les figures d’une architecture profonde qui s’ordonne selon les règles d’une symétrisation systématique de l’écriture » (Henri Scepi, Salammbô de Gusatave Flaubert, Paris, Gallimard, 2003, p. 106).

u/Une d’étoffe blanche et léger flottait

Vêtue d’une longue tunique de blanc et léger – sans manches, laissant simarre

flottait de ses épaules à ses sandales jusqu’à ses pieds. voir ses deux bras […] ses cheveux s’étaient

et une des coques crêpelées du front aplat un peu aplati.

dénoués, une tresse dans le dos et une sur la poitrine. pas d’an de sans collier

pendants d’oreilles, sans bracelets – seulemt le bouton de nez en diamant. [NAF23663 fo545 ro (extrait)]

Ainsi Hérodias a une apparence digne d’une personne qui a du pouvoir. Mais au fur et à mesure des brouillons son apparence se modifie. Au f o 544 r o, elle est décrite ainsi:

de pourpre

Une simarre d’étoffe blanche et légère […] . sans pendants d’oreilles, de

pas de bracelets elle n’avait encore ni pend.[ants]

collier, de bracelet - rien qu’une perle encastrée dans sa narrine droite - ni colliers [NAF23663 fo 544 ro (extrait)]

Nous notons que les ornements, les pendants, le collier et le bracelet, sont rayés dans le brouillon. Dans les quelques brouillons suivants, Flaubert redécrit les bijoux et les ornements mais à la fin, il efface tous les signes ostentatoires du corps d’Hérodias dans le texte définitif : « Une simarre de pourpre légère l’enveloppait jusqu’aux sandales. Sortie précipitamment de sa chambre, elle n’avait ni collier, ni pendants d’oreilles » [TC, p. 113]. La couleur pourpre de la robe d’Hérodias, qui est décrite des manuscrits jusqu'au texte