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Chapitre III. La création des personnages principaux

C. Hérodias et Salomé

2. L’apparition de Salomé

Comme on l’a déjà examiné, surtout au XIXe siècle, beaucoup d’artistes se sont intéressés à Salomé en tant qu’un des symboles de la femme fatale qui peut dominer les hommes et même les décapiter. Il est donc évident que Flaubert a essayé de créer une Salomé originale, qui ne s’était jamais trouvée dans les autres œuvres non seulement littéraires mais aussi artistiques.

D’abord regardons les scènes où Salomé apparaît dans Hérodias. On en trouve deux. L’une est connue, elle danse pour prendre la tête de Iaokanann dans le troisième chapitre :

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Gisèle Séginger indique que Flaubert essaie d’effacer progressivement les éléments religieux dans les manuscrits : « Flaubert tient a distance les explications religieuses. On le voit lorsque dans un scénario plus tardif, pour expliquer l’attitude d’Hérode à l’égard de saint Jean, il note : « Jean est envoyé de Dieu, cela lui donne une force inexplicable » (fo 712 ro). Mais il rature aussitôt l’explication. L’irrationalité de l’histoire ne doit pas être compensée sur le plan religieux » (Gisèle Séginger, « L’Écriture du politique dans Hérodias », art. cité, p. 12).

Mais il arriva du fond de la salle un bourdonnement de surprise et d’admiration. Une jeune fille venait d’entrer.

Sous un voile bleuâtre lui cachant la poitrine et la tête, on distinguait les arcs de ses yeux, les calcédoines de ses oreilles, la blancheur de sa peau. Un carré de soie gorge-de-pigeon, en couvrant les épaules, tenait aux reins par une ceinture d’orfèvrerie. […]

Puis, elle se mit à danser.

Ses pieds passaient l’un devant l’autre, au rythme de la flûte et d’une paire de crotales. [TC, p. 138]

Salomé incarne dans cette scène l’image de la femme orientale au XIXe

siècle, et se trouve dans la correspondance de Flaubert pour la première fois. Pendant son voyage en Orient, il envoya une lettre à Louis Bouilhet de l’Égypte le 13 mars 1850, où il rapporte qu’il est allé chez Kuchiouk-Hânem : « le bas du corps caché par ses immenses pantalons roses, le torse tout nu couvert d’une gaze violette, […]. Un triple collier d’or était dessus. On a fait venir les musiciens et l’on a dansé » [Corr. II, p. 225]396

. Dans le Voyage en Égypte, Flaubert la décrit ainsi : « une femme debout, en pantalons roses, n’ayant autour du torse qu’une gaze d’un violet foncé. [...] pour bracelet, deux tringlettes d’or tordues ensemble et tournées l’une autour de l’autre – triple collier en gros grains d’or creux – boucles d’oreilles : un disque en or, un peu renflé, ayant sur sa circonférence des petits grains d’or »397. Le corps de Kuchiouk-Hânem était couvert de tissus transparents aux reflets violets, et portait un collier en or, tout comme le corps de Salomé couvert de voiles transparents bleuâtres et orné par des accessoires d’or et d’argent. Par ces couleurs froides, et par ces ornements, les images de Salomé et de Kuchiouk-Hânem se ressemblent beaucoup.

Toutes les deux sont des femmes orientales et ont l’intention de séduire les hommes, et elles entretiennent l’érotisme comme une arme, ne se dévoilant qu’à moitié. Flaubert écrit des lettres pour Bouilhet afin de lui raconter les événements qui se déroulaient en Égypte. On peut ainsi penser que la relation entre Flaubert et Kuchiouk-Hânem, prostituée très connue à l’époque, était réelle. Mais quand Flaubert commença à écrire cette réalité dans sa correspondance, ce passage de sa vie entra dans le monde de sa création398. Cette scène

397

Flaubert, Voyage en Égypte, édition intégrale du manuscrit original établie et présentée par Pierre-Marc de Biasi, Paris, Bernard Grasset, 1991, p. 281-282.

398

Voir Jean Bruneau, « Autour du style épistolaire de Flaubert », Revue d'Histoire de la France, no 4-5 1981, p. 532-541. Bruneau dit que pendant le voyage en Orient, Flaubert prit des notes tous

décrite dans une de ses lettres, sera plus tard publiée après son retour de voyage en Orient, dans une de ses œuvres. Ce récit fut réécrit grâce à ses notes de voyage.

Voyage en Orient fut donc écrit à son retour, mais garde le caractère immédiat de sa

correspondance avec de nombreux détails réfléchis. Ainsi on trouve l’image de Salomé dans ses récits de voyage. Pendant son séjour Flaubert a eu plusieurs relations avec des femmes, mais seule Kuchiouk-Hânem le fit rêver, ce que Flaubert estime comme le plus important en amour. Salomé porte presque la même tenue, les mêmes couleurs et ornements que Kuchiouk-Hânem. Dans le Voyage en Égypte, Flaubert écrit que Kuchiouk-Hânem a ramené un chapeau de Turquie, et en son centre était fixée une petite pierre verte, semblable à une émeraude. Or, quand Hérode voit Salomé pour la première fois elle portait une tunique « avec un péplum à glands d’émeraude ». De même, le gland du chapeau de Kuchiouk-Hânem est bleu, tout comme « les lanières bleues » qui enfermaient la chevelure de Salomé. Dans le Voyage en Égypte, Flaubert accentue la blancheur de la peau de Kuchiouk-Hânem, tout comme il décrit la blancheur de la peau de Salomé sous son voile. On observe alors de nombreuses coïncidences au point de vue du corps, des vêtements et de la couleur des ornements. Salomé est aussi une femme qui fait profondément rêver les hommes. Si l’apparence de Salomé symbolise l’aspect calme de la femme orientale, sa danse en revanche accentue son aspect mouvant.

Cette danse de Salomé possède la force d’attirer tous les gens dans la fête, et ainsi par son charme elle finira par convaincre Hérode de couper la tête à Jean Baptiste ; or Kuchiouk-Hânem, danse de la même façon afin d’allumer le désir de Flaubert. Elle effectue une danse particulière : en s’inclinant elle prend entre ses dents une tasse de café, pour ensuite se redresser brutalement399. D’autre part, « Sans fléchir ses genoux en écartant les jambes, elle [Salomé] se courba si bien que son menton frôlait le plancher » [TC, p. 139]. Cette danse attisait le désir des soldats et des vieux prêtres, tout comme Kuchiouk-Hânem fit avec Flaubert.

Cependant la danse de Salomé n’est pas qu’une copie de celle de Kuchiouk-Hânem. En effet, Salomé présente des points communs avec les danses de nombreuses autres femmes dans le voyage en Égypte. Flaubert a rencontré une danseuse aussi connue que les jours, pour ensuite les envoyer à ses amis et à sa famille, pour à la fin écrire le Voyage en Orient, grâce à ses lettres.

399

Flaubert, Voyage en Égypte, op., cit., p. 286 : « On met par terre une tasse de café – elle danse devant – puis tombe sur les genoux et continue à danser du torse, […] – cela continuant toujours, peu à peu la tête basse – on arrive jusqu’au bord de la tasse que l’on prend avec les dents – et elle se relève vivement d’un bond ».

Hânem à Douane, elle s’appelle Azizeh400

. Flaubert dit que Kuchiouk-Hânem est plus belle que cette dernière, mais du point de vue de la danse Azizeh reste plus raffinée. L’originalité de la danse d’Azizeh est sa technique très rapide à se mouvoir, en particulier ses jambes. Flaubert mentionne que cette danse n’est plus égyptienne mais africaine. Cette danse est le fondement de la première partie de la danse de Salomé : « Ses pieds passaient l’un devant l’autre » [TC, p. 138].

Bertrand Marchal comparant la description de la danse de Salomé et celles de la danse de Kuchiouk-Hânem et d’Azizeh conclut ainsi :

La danse en trois temps de Salomé dans Hérodias fait donc se succéder la danse de Kushuk-Hanem et celle d’Azizeh, le pas alterné de l’une et la tête renversée de l’autre, la sensualité encore ordonnée et la lascivité désordonnée, l’harmonie et la sauvagerie, et le personnage de Salomé réalise ainsi la superposition des deux danseuses égyptiennes, superposition que réalisait déjà le manuscrit du Voyage en Égypte, car Flaubert, après avoir découvert successivement les deux danseuses les 6 et 9 mars, en vint à son retour à Esneh à la date du 26 avril à retrouver l’une dans l’autre :

Kushiuk danse-mouvement du col se détachant, comme Azizeh, son charmant pas antique, la jambe passant l’une devant l’autre.401

D’autre part, une autre personne influence la danse de Salomé. Cette autre personne n’est pas une femme, mais un travesti nommé Hassan el Bibesi. À l’époque, au Caire la danse d’hommes déguisés en femme était très à la mode. « il joue des crotales – torsion de ventre et de hanche splendides – il fait rouler son ventre comme un flot »402. Et Salomé danse comme lui : « elle se tordait la taille, balançait son ventre avec des ondulations de houle, faisait trembler ses deux seins » [TC, p. 138] .

Pour Flaubert les danses qu’il vues en Orient sont les mêmes qu’à l’époque de Bible. Il a écrit son impression sur les danses orientales au docteur Jules Cloquet pendant son voyage : « Les danses que nous avons fait danser devant nous ont un caractère trop

400

Ibid., p. 295.

401

Bertrand Marchal, Salomé : entre vers et prose Baudelaire, Mallarmé, Flaubert, Huysmans, Paris, José Corti, 2005, p. 115. Les dernières phrases sont citées de Flaubert (Flaubert, Voyage en

Égypte, op., cit., p. 363).

402

Ibid., p.195. Flaubert se référa à la représentation de Salomé sur le tympan de la cathédrale de Rouen pour écrire Hérodias (voir « L'imagination » in Corpus Flaubertianum. II. Hérodias, op. cit., p. 100).

hiératique pour ne pas venir des danses du vieil Orient, lequel est toujours jeune, parce que

là rien ne change. La Bible est ici une peinture de mœurs contemporaines » [Corr. I, p. 564]403. Par tout cela, on comprend que Salomé est un personnage fait du mélange des

femmes que Flaubert rencontra en Orient. En ce qui concerne son apparence, elle est le portrait de Kuchiouk-Hânem à Esnèh, et pour sa danse elle ressemble à Azizeh à Douane, et Hassan au Caire et aussi à Kuchiouk-Hânem. Au fo 734 vo, Flaubert écrit « H l’avait fait élever à l’écart en Égypte ». Cela signifie que Salomé est un personnage né, cristallisé de la fusion de femmes différentes et de régions différentes. Une des originalités de Salomé réside notamment dans le fait qu’elle soit influencée par le caractère d’un homme déguisé en femme, qui transcende sa sexualité.

Alors existe-t-il d’autres liaisons entre Salomé et Hérodias, et les personnages dans les autres romans de Flaubert ? L’autre scène où Salomé apparaît se trouve au moment où Hérode aperçoit la jeune fille dans la ville en bas, depuis le balcon de son palais :

Le Tétrarque n’écoutait plus. Il regardait la plate-forme d’une maison, où il y avait une jeune fille, et une vieille femme tenant un parasol à manche de roseau, long comme la ligne d’un pêcheur. Au milieu du tapis, un grand panier de voyage restait ouvert. Des ceintures, des voiles, des pendeloques d’orfèvrerie en débordaient confusément. La jeune fille, par intervalles, se penchait vers ces choses, et les secouait à l’air. Elle était vêtue comme les Romaines, d’une tunique calamistrée avec un péplum à glands d’émeraude ; et des lanières bleues enfermaient sa chevelure, trop lourde, sans doute, car, de temps à l’autre, elle y portait la main. L’ombre du parasol se promenait au-dessus d’elle, en la cachant à demi. Antipas aperçut deux ou trois fois son col délicat, l’angle d’un œil, le coin d’une petite bouche. Mais il voyait, des hanches à la nuque, toute sa taille qui s’inclinait pour se redresser d’une manière élastique. Il épiait le retour de ce mouvement, et sa respiration devenait plus forte. [TC, p. 116]

Salomé n’a presque aucun contact avec les autres personnages, elle ne leur parle presque pas. Elle est juste regardée. En fait, dès qu’Hérode vit Salomé, il fut attiré par elle. Toutes les femmes, les objets d’amour dans les œuvres de Flaubert, ont tendance à attirer les hommes de cette manière, avant qu’une relation réelle ne s’établisse, c'est-à-dire actes et conversations, les hommes vont vers elles juste après les avoir regardées unilatéralement.

Dans Madame Bovary, la scène où Charles est attiré définitivement par la beauté d’Emma, est identique :

403

Elle le reconduisait toujours jusqu’à la première marche du perron. […] On s’était dit adieu, on ne parlait plus ; le grand air l’entourait, levant pêle-mêle les petits cheveux follets de sa nuque, ou secouant sur sa hanche les cordons de son tablier, qui se tortillaient comme des banderoles. Une fois, par un temps de dégel, l’écorce des arbres suintait dans la cour, la neige sur les couvertures des bâtiments se fondait. Elle était sur le seuil ; elle alla chercher son ombrelle, elle l’ouvrit. L’ombrelle, de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, éclairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure. Elle souriait là-dessous à la chaleur tiède ;404

Ainsi quand on compare Hérodias à Madame Bovary, on trouve quelques points communs. Afin de réveiller le désir d’Hérode, Salomé se courbe et se relève. Mouvement que l’on retrouve dans Madame Bovary. Quand Charles allait à la ferme du père Rouault, Emma accomplissait la même action :

Et il [Charles] se mit à fureter sur le lit, derrière les portes, sous les chaises; elle [la cravache] était tombée à terre, entre les sacs et la muraille. Mademoiselle Emma l’aperçut ; elle se pencha sur les sacs de blé. Charles, par galanterie, se précipita et, comme il allongeait aussi son bras dans le même mouvement, il sentit sa poitrine effleurer le dos de la jeune fille, courbée sous lui. […] Au lieu de revenir aux Bertaux trois jours après, comme il l’avait promis, c’est le lendemain même qu’il y retourna, […]. 405

Dans cette scène de Madame Bovary, Emma et Charles viennent juste de se voir, et Emma est décrite unilatéralement, seulement au travers du regard de Charles. Emma apparaît soudainement comme une illusion dans le monde naturel. Cette description d’Emma ressemble beaucoup à celle de Salomé. Comme Charles, dès qu’Hérode voit Salomé qui apparaît brusquement dans le brouillard matinal, son regard ne peut plus se détacher d’elle.

On remarque aussi qu’il y a toujours des objets mouvants auprès des apparitions de ces femmes. Ainsi, les bijoux et autres objets que Salomé fait bouger, peuvent paraître comme un épisode insignifiant, mais c’est ce qui attire le plus Hérode au départ. Quant à Emma c’est sa ficelle de tablier soufflée par le vent.

Leur charme se trouve dans le mouvement subtil des objets qui leur appartiennent, mais ne sont pas elles-mêmes. De plus, leurs visages sont décrits à distance. Ainsi, même le

404

Gustave Flaubert, Madame Bovary, op. cit., 1994, p. 103.

405

parasol devient un élément important lorsque Salomé, comme Emma, apparaît furtivement dans son ombre. Le parasol joue un rôle qui cache à demi le personnage regardé directement. Dans le monde imaginaire de Flaubert, la beauté des femmes est confirmée seulement par les regards et les objets indirects et ambigus.

On trouve le même charme chez Madame Arnoux, dans L’Éducation sentimentale, qui est l’œuvre aux éléments biographiques les plus forts de tous les écrits de Flaubert.

Madame Arnoux, apparaît soudainement devant Frédéric sur le bateau :

Ce fut comme une apparition : […]

Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses, qui palpitaient au vent, derrière elle. […]. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle était en train de border quelque chose ; et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l’air bleu.406

La description de cette apparition est comme une peinture seulement regardée. Le visage de Madame Arnoux est aussi à demi caché par son chapeau, qui en s’envolant attire l’attention de Frédéric et domine définitivement sa vie, et devient l’élément clé qui changera son personnage.

En fait, Salomé apparaît dans son conte avec un aspect qui renferme tous les charmes des femmes décrites avant Hérodias. Elle possède les charmes français, égyptiens et africains. De plus elle n’est pas seulement une femme réelle dans la correspondance et dans le récit du voyage en Orient, mais aussi un personnage fictif dans le roman de Flaubert.

Elle est décrite tout d’abord arbitrairement dans la correspondance, puis devient plus précise, réelle, dans le récit du voyage et à la fin se cristallise dans Hérodias. Alors, je voudrais analyser comment Flaubert créa Salomé dans Hérodias, au fil des modifications apportées dans les manuscrits.

D’abord on va rappeler les scènes de l’apparition de Salomé dans la Bible, trouvées dans les chapitres de l’Évangile de Saint Marc et de Saint Mathieu. Il y a une grande différence pour cette scène entre les versions de la Bible et celle d’Hérodias. Dans la Bible, Salomé n’apparaît que lors de la fête de l’anniversaire d’Hérode, mais dans Hérodias, Hérode l’aperçoit au début depuis le balcon de son palais, avant même de la connaître. De plus, dans la Bible depuis le début tout le monde sait que Salomé est la fille d’Hérodias,

406

alors que dans Hérodias, elle apparaît couverte d’un voile et personne ne sait qui est la jeune fille jusqu’au moment où elle se dévoile.

La scène originale de Flaubert où Hérode découvre Salomé depuis le balcon de son palais n’est écrite ni dans les carnets précédant l’écriture de ses manuscrits, ni dans ses notes. Ce n’est donc qu’au moment de la construction de son plan que Flaubert est inspiré par cette idée pour la première fois. Au fo 708 ro, cette scène est décrite ainsi :

les yeux d'Antipas remarquent sur une des terrasses de la ville, une jeune sous un parasol à pompons.

fille - qu'il ne connaît pas. Elle ne fait qu’apparaître [NAF23663 fo 705 vo (extrait)]

Ce qui est remarquable ici est l’anonymat de Salomé, elle n’est qu’« une jeune fille ». Après ces mots, Flaubert ajoute encore « il ne connaît pas ». Ainsi la particularité de Salomé réside dans le fait qu’elle soit parfaitement inconnue. Détail accentué par le verbe « apparaître »407. De plus à l’étape de l’écriture du brouillon, les sentiments d’Hérode qui ne figurent pas dans le plan sont décrits clairement, de même que la raison de l’anonymat de Salomé. Par exemple dans le premier brouillon sur Salomé, au fo 553 vo, Hérode ne voit que son dos : « une jeune fille, vue de dos ». Il est donc intéressant d’observer qu’au lieu de décrire la visage de Salomé, partie la plus particulière de l’être humain. Au même fo 553 vo, Hérode voit que « sa convoitise s'allume » à cause de son dos.

Sa convoitise devient graduellement claire et forte. Au fo 570 vo, dans la marge à côté de la phrase « On ne lui voyait pas la figure », Flaubert a ajouté ainsi :

de voyage

une corbeille un de ces paniers couverts de en cuir rouge

d'hippopotame [NAF23663 fo 570 vo (extrait)]

Le premier acte de Salomé remarqué par Hérode pour la première fois fut lorsqu’elle sortit de ses paniers de multiples objets, et que l’on constate l’intérêt que cet acte suscite chez Hérode ; dès lors on comprend mieux l’importance de ces paniers. Cela signifie que Salomé arrive d’une autre contrée. Le « cuir rouge d'hippopotame » renforce l’exotisme de la scène.

407

Ces phrases correspondent justement à l’apparition de Madame Arnoux dans L’Éducation

sentimentale : « Ce fut comme une apparition ». La scène de la rencontre de Frédéric et Madame

Arnoux est inspirée de la rencontre réelle entre Flaubert et Madame Schlésinger. Cette apparition