• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : L’éducation des enfants handicapés en France et au Japon: Quelle stratégie pour la

1. La comparaison internationale : entre universalité et particularisme

1.1 La comparaison au service d’une montée en généralité

La comparaison entre les peuples est l’une des méthodes qui concourent au développement de l’anthropologie. Elle suit alors l’évolution de la discipline et est mise au service d’une volonté de découvrir des lois universelles derrière les faits observés, notamment avec la naissance du structuralisme.

Le père de l’anthropologie britannique, Alfred Radcliffe-Brown (1881-1955) analyse comment s’effectue, dans les sociétés traditionnelles d’Océanie et d’Amérique,

l’identification de groupes sociaux à des emblèmes. Il emploie la méthode comparative en appliquant les règles méthodologiques de la biologie :

« Classer systématiquement; comprendre les traits propres à chaque système, soit en rattachant chaque trait à un ensemble organisé, soit en y reconnaissant un exemple particulier d'une classe de phénomènes déjà identifiés ; parvenir à des généralisations valables sur la nature des sociétés ; parvenir à des généralisations valables sur la nature des sociétés humaines, c'est-à-dire formuler des lois sociologiques. » (Radcliffe-Brown,

1972, p.58)

Son hypothèse principale est que la similitude, observée par comparaison, de systèmes de pensées chez des peuples différents n’est pas le résultat accidentel de processus historiques différents mais de l’application systématique du même principe structural.

Son approche est critiquée par la génération suivante de structuralistes, notamment par Claude Lévi-Strauss qui reproche à son prédécesseur de ne pas percevoir la distinction essentielle entre modèle et réalité. Marsh (1967) synthétise en quatre points les faiblesses couramment mises en avant dans l’approche comparative de Radcliffe-Brown :

- Classification souvent tautologique : les résultats sont implicitement contenus dans les critères de classifications de départ.

- Pas de dimension évolutive : l’analyse comparative ne cerne que des problèmes d’ordre synchronique et est rarement liée à la question du changement social et de l’évolution

- Les « lois sociologiques universelles » de Radcliffe-Brown forment un modèle d’équilibre social qui ne tient pas compte des dysfonctionnements et des conflits.

- Alors que Radcliffe-Brown accordait une grande importance programmatique à la comparaison, sa postérité a produit des monographies détaillées plutôt que des comparaisons entre sociétés.

La nouvelle école structuraliste, représentée en particulier par Lévi-Strauss, Leach et Leach et Needham, se fonde sur la critique des méthodes de Radcliffe-Brown. Pour Marsh (1967), leur critique essentielle repose sur l’idée qu’il est plus important de connaître les modèles qui sous-tendent l’organisation de l’expérience sociale que de classifier les traits culturels des différentes sociétés. Leach (1966) accuse ainsi Radcliffe-Brown d’être un « collectionneur anthropologique de papillons », c’est-à-dire de considérer que tout doit être enregistré et classifié, au détriment de l’interprétation et de la généralisation. Pour les structuralistes, l’objectif méthodologique n’est plus de comparer des « types de société et d’institutions, mais des modèles induits logiquement, des relations logiques débarrassées de leur contenu culturel plutôt que des données empiriques » (Marsh, 1967). Lévi-Strauss

insiste particulièrement sur l’importance du « regard éloigné » pour le chercheur qui, d’ethnographe (spécialiste d’une société donnée) doit devenir ethnologue (comparer la société qu’il a observée avec d’autres pour appréhender les différences et similitudes) et enfin anthropologue, pour formuler des hypothèses universelles. Il s’agit donc de rechercher des « invariants », unités de référence de toute société.

L’analyse structuraliste s’appuie sur des principes explicatifs considérés comme les structures épistémologiques fondamentales de l’esprit humain : dualité, complémentarité, opposition, réciprocité, exigences d’une règle en tant que telle. Or, pour Marsh (1967) ces structures deviennent alors des données de base, exogènes, non analysables, situés en dehors du système étudié, ce qui va à l’encontre du principe durkheimien d’explication des faits sociaux par d’autres faits sociaux. De plus, l’analyse structurelle ne précise quelle relation d’interdépendance existe entre le modèle et les faits observés. Marsh critique enfin le fait que les structuralistes ne mettent pas leurs théories à l’épreuve des sociétés modernes.

Aux Etats-Unis, deux écoles ont opposé aux insuffisances de la méthode de Radcliffe- Brown des réponses différentes de celles des structuralistes : les nouveaux anthropologues évolutionnistes (White, Steward) et les sociologues fonctionnalistes (en particulier Parsons et Levy. Les deux courants s’appuient sur un principe commun, l’ambition de déceler les mécanismes du changement social. Ils présentent des travaux complémentaires, dans la mesure où les anthropologues s’intéressent à l’évolution de sociétés traditionnelles (au sens de Durkheim), alors que les sociologues analysent des stades d’évolution « plus avancés ».

L’hypothèse de base de ces courants est la théorie de l’évolution des sociétés (Parsons, 1966), définie par les fonctionnalistes comme un processus croissant de différenciation structurelle et de spécialisation fonctionnelle. Cependant, cette approche repose sur deux présupposés :

- La société (américaine) dont est originaire le sociologue est considérée comme le point d’évolution vers lequel tendent toutes les autres sociétés, même si elles s’en approchent par des itinéraires divers. On peut donc déceler dans cet évolutionnisme une certaine forme d’ethnocentrisme, à moins d’admettre explicitement la possibilité de l’existence de plusieurs centres de convergence (Lallement, 2005).

- Les actions dans un système social découlent des propriétés de ce système, et non des intentions et du sens vécu par les acteurs. Il existe donc une logique objective du système qui produit des effets indépendamment d’une mobilisation intentionnelle de ceux-ci. Cette approche ne peut donc pas prendre en compte le phénomène de construction collective de

sens. Dans une perspective comparatiste, elle s’oppose radicalement aux analyses en termes de culture.

Outline

Documents relatifs