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La classification des genres de la presse écrite

Chapitre 1 : Du texte au genre

4. La presse écrite à l’épreuve des genres

4.5. La classification des genres de la presse écrite

4.5.1. Les ressemblances de famille

À l’instar des textes littéraires, nous pouvons appliquer la notion de « dominante » définie par le formaliste russe Tomachevski comme étant la convergence de plusieurs traits pertinents aux textes de la presse écrite. Il y a donc la question de la dominante qui entre en jeu dans toute catégorisation, mais aussi la notion de prototype introduite par Adam. Il affirme en effet que les catégorisations fonctionnent à partir d’un « regroupement autour de prototype » ; il y aurait alors des « airs ou ressemblances de famille ». Selon Adam, les “ ressemblances de famille” sont le meilleur moyen pour « cerner le flou évident qui entoure les énoncés réalisés et leurs relations aux prototypes génériques » (Adam cité par Lugrin, 2000 : 17). Ces mêmes réalisations sont responsables de l’évolution de leur catégorie par un principe de clôture qui est gouverné par des règles et un principe d’ouverture qui déplace les règles. La « ressemblance de famille » implique des critères qui répertorient les genres ; pour ce faire, ce réseau complexe demande de disposer « d’un modèle capable sinon de décrire, du moins de rendre compte de la diversité des phénomènes qui entrent en jeu dans les pratiques langagières » (Adam, 1997 : 13). Cette position, suggérée par Adam, est reprise dans le tableau suivant :

41 2. Les genres sont des configurations prises entre deux principes

contradictoires 2.1.

2.2.

Un principe de clôture

(Passé, répétition, convention, reproduction) GOUVERNÉ PAR DES RÈGLES

Un principe d’ouverture (Futur, variation et innovation) DÉPLAÇANT LES RÈGLES

4.5.2. Les critères définitoires des genres de la presse écrite

Un nombre important de divers critères entre en jeu dans la catégorisation des genres et suppose « un nombre virtuellement illimité de représentations » (Lugrin, 2000 : 21). Cette situation-là pose deux problèmes aux spécialistes de la presse écrite : soit il faut prendre un nombre important de critères et mettre ainsi en péril la clarté du modèle ou sa mise en place, soit prendre un nombre réduit de critères et le modèle risquera alors d’être trop restreint. Cette situation est d’autant plus complexe car le choix des critères est déterminant pour la mise en place d’une typologie, comme l’affirme Lugrin : « Un modèle n’est toujours qu’une représentation partielle et approximative de son objet, mais du choix des critères dépendent non seulement l’efficacité et la pertinence du modèle, mais également sa finalité, ce qu’il a pour but de mettre en évidence. Une typologie doit donc préciser tant ses objectifs que les critères participant à son élaboration.» (2000 : 22)

4.5.3. Faire un tri

Devant la multiplicité de critères de typologisation et leur transversalité, en d’autres termes, le fait qu’un même critère peut se retrouver dans différents genres, Charaudeau suggère de prendre comme point de départ deux questions épistémologiques : ce que l’on veut montrer dans une tentative de typologisation et celle de savoir quels sont les critères définitoires des genres et sous-genres dans un contexte précis. En partant des formes pratiques préalablement

42 admises et des formes théorisées timidement mises en place, Lugrin (2000 : 23) admet que le lecteur, le prescripteur et le spécialiste retiennent les critères les plus pertinents dans la définition des genres et délimitent ainsi trois types de paramètres :

a) des critères de reconnaissance, b) des critères de description,

c) des critères d’archivage et de représentation.

Chacun de ces paramètres renvoie à des activités bien précises (Jost cité par Lugrin, 2000 : 23) : l’interprétation pour le premier paramètre, la production et l’action pour le second et l’archivage pour le troisième. D’après Lugrin (2000 : 23), ces différentes activités trouvent leur explication dans le fait que les manuels de journalisme s’inscrivent avant tout dans une logique de production (produire) afin de favoriser une meilleure interprétation (interpréter) pour vendre leur article (agir). En outre, afin d’optimiser le choix de critères pour une meilleure catégorisation des genres, leur nature a été répartie en trois catégories (Lugrin, 2000 : 24-25) :

– les critères descriptifs discriminatoires (typographie question-réponse dans le cas de l’interview);

– les critères aux caractéristiques plus ou moins partagées par des groupes de genres (les figures rhétoriques pour les genres de l’opinion);

– les critères participant uniquement à l’élaboration des représentations typologiques (dont le plus répandu est le couple information vs commentaire).

4.5.4. Les familles événementielles

Si « l’évènement » est l’essence même de tout média, pour la presse écrite, il est la base de toute classification des écrits journalistiques. En effet, les grandes « familles événementielles » telles que les nouvelles politiques, les catastrophes (naturelles, écologiques, accidents d’avions), les voyages/visites (présidentiels, ministériels, royaux, princiers, papaux), les rencontres d’hommes politique, les conflits armés, les conflits sociaux, les décès de personnalités, les manifestations,…, etc. préorganisent la distribution et la reconnaissance de l’information (Adam, 1997 : 6). Ces « familles événementielles » entrent en jeu avec la maquette et le péritexte de chaque journal dans la répartition sémantique des articles en rubriques. Le péritexte entoure directement le texte contrairement à l’épitexte qui circule

43 autour du texte. Le péritexte et l’épitexte sont les composantes du paratexte. Par ailleurs, Adam (1997 : 6) distingue le péritexte du journal de celui de l’article comme suit :

Péritexte du journal Péritexte de l’article

Verbal Icono-graphique 1. Nom du journal 2. Indication de rubrique 3. Surtitre 4. Titre 5. Sous-titre (accroche) 6. Chapeau 7. Intertitre(s) 8. Illustration 9. légende

Un article, quel que soit le genre rédactionnel auquel il appartient, peut comporter toutes ces composantes péritextuelles ou juste une partie qui peuvent correspondre à une « dominante » ou des « dominantes » de traits constitutifs discriminatoires des genres. Notons également que la signature peut être un « critère discriminatoire » dans le cas de la dépêche d’agence.

En amont, les familles événementielles aident à définir les genres et, en aval, elles commandent le recueil d’informations.

4.5.5. Le recueil d’informations

Par le recueil d’informations, nous entendons le temps passé à leur collecte et le mode adopté. Ainsi, le temps passé à la collecte de l’information pour une brève sera faible tandis qu’il sera beaucoup plus long pour une enquête ; concernant le mode, le reportage et l’enquête demanderont au journaliste « d’aller sur le terrain » tandis que les dépêches et les communiqués de presse auront plus besoin de téléphone et d’internet. En fait, la forme que prendra l’article sera déterminante pour le journaliste dans sa manière de recueillir des informations selon qu’il doit écrire des témoignages, des documents, des choses vues,…etc. Par ailleurs, les différentes possibilités de réaliser les articles marquent une opposition entre genres « assis » et genres « debout », et ce, selon que les articles ont été faits au bureau, avec téléphone et internet, comme la brève, le filet, la revue de presse, le résumé de document ou selon que leur réalisation demandent une présence physique sur le terrain. Nous énumérons également, en nous référant à Agnès (2009 : 29), les « genres « courts » et les genres « longs » pour différencier ce qui peut s’écrire en peu de lignes (brève, écho, billet, communiqué…) de ce qui nécessite plus de place (d’abord l’enquête, mais aussi la table-ronde, la chronique…). Il

44 y a également des genres « standard » et des genres « écrits », le premier se contente de l’écriture basique propre à la pyramide inversée ou une simple écriture sans artifices comme c’est le cas du filet, de la synthèse ou de l’interview et le second renvoie à une écriture stylisée comme le reportage, la chronique ou le billet.

4.5.6. Critères définitoires selon Adam et Mainguenau

Dans Les Termes clés de l’analyse de discours, Maingueneau (1996 : 44) détermine cinq contraintes définitoires des genres qui ont été revues par Adam (1997 : 13). Ces contraintes redéfinies par Adam sont :

1. Statut respectif des énonciateurs (journaliste, témoin, expert, interview) et des coénonciateurs (lecteurs à distinguer des auditeurs et téléspactateurs, mais à combiner avec d’autres statuts : citoyen, homme ou femme, classe d’âge, classe sociale, membre d’une communauté sportive ou religieuse, etc.).

2. Circonstances temporelles et locales de l’énonciation (situation d’énonciation).

3. Support et modes de diffusion (presse écrite quotidienne, magazine, organe de presse à distinguer des autres médias et autres situations).

4. Thèmes qui peuvent être introduits (objets du discours inséparables des familles d’événements).

5. Longueur, mode d’organisation (structure compositionnelle des agencements textuels et péritextuelles). Ce critère est essentiel dans la presse écrite car il permet de distinguer la brève, le filet et l’écho de la plupart des autres genres.

Ces critères sont reformulés par Adam dans le tableau suivant (1997 : 17) :

Pour la majorité des genres qui constituent la panoplie des types d’articles, c’est la forme de la rédaction qui est décisive. Mais la catégorisation des genres est bien plus complexe que

Sémantique (thématique)

<<Familles événementielles >> et rubriques Énonciatif Degré de prise en charge des énoncés et identité de

l’énonciateur

Longueur Brièveté vs développement Pragmatique Brut, intentions communicatives Compositionnel Plans de textes et séquences Stylistique Texture micro-linguistique

45 cela ; de ce fait, chaque théoricien tente de la clarifier. Dans ce qui suit, nous allons présenter les principales pistes épistémologiques de cette catégorisation.