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Chapitre 1 : Du texte au genre

1. Une didactique des genres

1.1. Le développement des capacités langagières

« Les activités langagières sont destinées à assurer la compréhension nécessaire pour la réalisation des activités collectives générales ; elles se réalisent à travers des textes, qui sont eux-mêmes organisées en genres, d’où le terme « genres textuels » » (Bronckart cité par Fazion Gouvea Lousada, 2015 : 76). Un genre textuel, écrit ou oral, se distingue d’un autre par ses « conditions de fonctionnement » et par son « organisation interne ». Les genres sont dynamiques puisqu’ils sont constamment en mutation, et ce, en fonction des besoins communicatifs de la société ; l’émergence d’autres genres, ou leur disparition ou encore leur transformation est un processus reconnu et admissible par la communauté scientifique. Leur diversité et leur dynamisme font qu’ils « contribuent fortement au développement des capacités langagières des élèves (Dolz, Pasquier & Bronckart cités par Fazion, Gouvea Lousada, 2015 : 76 ). Il y a donc tout intérêt à ce qu’ils figurent dans les programmes scolaires pour que les apprenants soient en mesure de choisir et d’utiliser « les genres appropriés aux situations de communication auxquelles ils sont confrontés (Bueno cité par Fazion, Gouvea Lousada, 2015 : 77) ». Travailler un genre en classe c’est apprendre son fonctionnement, mais c’est aussi développer des capacités langagières ; Dolz, Pasquier et Bronckart, (cités par Lopes Cristovảo. 2015 : 126) en dénombre trois. Pour ces chercheurs, en

effet, trois capacités langagières sont mobilisées dans les interactions par le biais des textes : les capacités d’action, les capacités discursives et les capacités linguistico-discursives. D’après eux, les capacités d’action se constituent par les connaissances et/ou représentations que l’individu construit au sujet de la situation de production d’un texte, la capacité discursive porte sur les opérations d’organisation textuelle, le choix des types de discours et l’organisation séquentielle ; la capacité linguistico-discursive concerne les aspects linguistiques tels que les opérations de textualisation et les opérations énonciatives (ibid.). Travailler un genre en classe c’est aussi sensibiliser les apprenants à ses paramètres.

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1.2. Reconnaître les paramètres et marqueurs de genre

F. Miranda et M-A Coutinho (2015 : 18) soulignent, en se basant sur les recherches de Bronckart, qu’un texte est produit à partir d’un « modèle de genre » qui implique la (re)connaissance de ses traits particuliers. Ces traits sont les paramètres de genre « qui régulent ou orientent, avec plus ou moins de contraintes/liberté, les possibilités d’utilisation des ressources sémiotiques » (ibid.). En réception, ces paramètres sont les pistes qui permettent de reconnaitre un genre, ils sont « constituées de tout mécanisme ou unité textuelle fournissant un trait spécifiquement associé à un genre » (Miranda ,Coutinho,2015 : 19). Ils mentionnent également qu’un marqueur est « une unité ou un procédé sémiotique quelconque qui fonctionne comme indice de l’actualisation d’un paramètre générique à valeur distinctive » (ibid.). Ils distinguent par ailleurs deux classes de marqueurs de genre : les marqueurs autoréférentiels et les marqueurs inférentiels. Les premiers expriment de façon explicite la catégorie générique du texte par la présence d’étiquettes génériques (publicité, roman, rapport, entretien, etc.) placées dans le péritexte de certains exemplaires de genres ou de syntagmes nominaux intégrés au corps du texte qui explicitent le genre dont celui-ci relève (« j’envoie cet e-mail pour… », « le but de cet article est… », « dans la section X de cette thèse nous avons vu.. »). Ils peuvent, en outre, fonctionner de façon isolée et dans ce cas l’identification de ce seul mécanisme permet de reconnaître le genre. Quant aux marqueurs inférentiels, F. Miranda et M-A Coutinho (2015 : 19) indiquent qu’ils renvoient aux paramètres de façon implicite ou indirecte et qu’ils ne sont identifiables qu’au prix d’un travail interprétatif activant les avoirs que l’interprétant s’est construit des textes du genre concerné. Ils proposent comme exemple les expressions ritualisées telles que « Il était une fois.. » (conte), « Par la présente.. » (lettre) et « les températures sont en baisse/ Nuages épars, averses » (prévision météo) (ibid.). Par ailleurs, ils classent les marqueurs inférentiels en six groupes, correspondant à six dimensions de l’organisation interne des textes : une dimension thématique (ou lexico-sémantique), une dimension énonciative, une dimension compositionnelle, une dimension dispositionnelle (présentation matérielle), une dimension stratégique/intentionnelle et une dimension interactive (ibid.).

Tout texte étant ainsi produit à partir d’un « modèle de genre », sa production autant que sa réception impliquent l’identification de ses propriétés différentielles. Pour mener à bien un tel enseignement F. Miranda et M-A Coutinho (2015 : 24) soulignent plusieurs conséquences didactiques que nous résumons comme suit :

67 1) Les différences entre les genres ne relèvent pas d’aspects exclusivement contextuels (externes) ni strictement linguistiques (internes) ; elles ne s’expliquent que par l’interrelation de facteurs psychosociaux et linguistiques.

2) Les genres sont instables, ce qui exige d’accepter qu’il y a différentes possibilités de réalisation de textes d’un même genre. Les paramètres de genre ne sont pas des règles rigides et ils ne fonctionnent pas de façon isolée ; il convient donc que le travail didactique s’attelle à la diversité des possibilités de réalisation textuelle qui émane d’un faisceau de paramètres, au lieu de s’attendre à ce que toutes les productions des élèves soient égales.

3) Il convient d’exploiter en classe, de façon délibérée, l’actualisation variable de différents paramètres de genre. Les unités ou mécanismes linguistiques récurrents dans chaque genre et qui constituent des traits qui lui sont caractéristiques sont les « marqueurs de genre ». Il faut les exploiter aussi car enseigner à produire des textes exige d’enseigner à réfléchir sur les

marques particulières et distinctives de chaque genre.

Ces différentes pistes de recherche seront utiles à l’interprétation des résultats. La question de la littérarité d’un texte introduira le genre littéraire en classe de langue. Il nous semble en effet important de définir les critères de ce concept d’autant plus que certains d’entre eux seront également exploités dans l’interprétation des résultats au second chapitre.