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Chapitre 1 : Du texte au genre

3. Le genre littéraire en classe de langue

3.5. Vous avez dit authentique ?

3.5.1. La question de l’authenticité

Est appelé document authentique « tout message élaboré par des francophones à des fins de communication réelle : elle désigne donc tout ce qui n’est pas conçu à l’origine pour la classe. Le document authentique renvoie à un foisonnement de genres bien typés et à un ensemble très divers de situations de communication et de messages écrits, oraux, iconiques et audiovisuels, qui couvrent toute la panoplie des productions de la vie quotidienne, administrative, médiatique, culturelle, professionnelle, etc. » (Dictionnaire de didactique). Ces documents ont pourtant aux yeux de certains chercheurs en didactique une durée de vie brève ; c’est le cas de Porcher quand il affirme : « [les documents authentiques] sont vite périmés, et cette péremption rapide induit aisément de fausses représentations sur les pratiques culturelles dont ils sont censés être représentatifs. Ils traduisent un état momentané, un instant, mais leur durée de validité est si brève qu’ils n’autorisent aucune conclusion fiable. » (cité par Bouguerrra cité par Charbonneau, 2007 : 177) D’autres affirment aussi que seul le texte littéraire peut être considéré comme authentique puisque « tous les documents que l’on prétend authentiques, dès lors qu’on les déplace dans un élément qui n’est pas naturellement le leur, ne sont plus du tout authentiques » (Migeot, 2010 : 236). Ainsi, une notice d’emploi d’un tube d’aspirine quand vous n’avez pas mal à la tête ne présente pas le moindre intérêt : un document authentique sorti alors de son contexte à des fins pédagogiques n’est plus considéré comme tel. À cette problématique, nous affirmons avec Barna que la question de l’authenticité d’un document « ne se situe donc pas au niveau du document lui- même, mais au niveau du contexte de son utilisation incluant une ou plusieurs tâches proposées à l’apprenant » (2009 : 22).

Cette authenticité peut se révéler ailleurs : dans la thématique des textes.

3.5.2. La thématique des œuvres

Selon Jouve (2010 : 155), la thématique des œuvres qui perdure est, à l’évidence, transculturelle et cite sur ce point Pavel :

Partout et toujours nous trouvons des ensembles thématiques lus ou moins complets, comprenant nos principaux soucis, sociaux ou existentiels. La naissance, l’amour, la

94 mort, le succès et l’échec, le pouvoir et sa perte, les révolutions et les guerres, la production et la distribution des biens, le statut social et la moralité, le sacré et le profane, les thèmes comiques de l’inadaptation et de l’isolement, les fantaisies compensatrices, etc., traversent toute l’histoire de la fiction, depuis les mythes les plus anciens jusqu’à la littérature contemporaine. Les changements de goût et d’intérêt ne modifient que marginalement cet inventaire.

Indépendamment de l’aire géographique, de l’histoire des cultures, les êtres humains ont un certain nombre de choses en commun. Ainsi, une œuvre qui aborde l’une des grandes questions auxquelles nous sommes confrontés acquiert une portée générale.

Les textes littéraires ont alors une propriété particulière que Larson (cité par Jouve, 2010 : 155) nomme la typicité.

3.5.3. La typicité

Pour Larson, le texte littéraire peut désigner à travers un référent unique tous les référents ressemblants, c’est ce qu’il appelle « la typicité ». Cette notion est également au « fondement de l’exemplification artistique définie par Goodman qui pense que si l’œuvre peut nous parler, c’est en tant qu’échantillon d’une catégorie plus générale qu’elle incarne comme objet particulier » (cité par Jouve, 2010 : 156). Ainsi, Jouve affirme que c’est la typicité qui permet de considérer Mme Bovary comme l‘expression d’un mal-être métaphysique et Les Misérables comme représentatif des dégâts humains consécutifs à l’injustice sociale. Il précise que « les œuvres les plus marquantes seraient donc exemplaires de caractéristiques fondamentales de notre condition (et pas seulement de traits sociaux et psychologiques relatifs à un contexte culturel particulier) » (Jouve, 2010 : 156) ; la citation suivante de Danto appuie bien son opinion : « Les grands textes sont ceux qui nous présentent une métaphore de notre propre vie en nous permettant de nous reconnaître dans certaines composantes – générales et transculturelles- de la représentation. » (cité par Jouve, 2010 : 156 ).

3.5.4 Adaptation ou transposition didactique d’une œuvre littéraire ?

Devrions-nous parler de transposition didactique quand il s’agit d’une œuvre littéraire ou d’adaptation ? À cette question, Chnane-Davin est formelle : un auteur ne se transpose pas,

95 nous devrions parler d’adaptation. Nous remarquons effectivement qu’extraire un passage d’une œuvre c’est le décontextualiser, mais avons-nous vraiment le choix ? Il est faisable d’adapter une œuvre théâtrale en classe de langue ou d’étudier l’intégralité d’un livre d’une vingtaine de pages pour les classes du primaire ou des nouvelles pour les collégiens. Cette tâche est nettement plus difficile quand il s’agit de lycéens : leur proposer de lire une œuvre d’une centaine de pages c’est se confronter à un refus catégorique de leur part. Notre seule et unique alternative pour introduire des textes littéraires dans ces classes c’est d’en extraire les passages les plus représentatifs de l’œuvre et qui mobilisent le plus l’autotélisme littéraire. Pour ce faire, une connaissance des savoirs savants au sujet des caractéristiques des genres est indispensable pour l’enseignant.

Si le texte littéraire est par excellence le support écrit qui aborde les thèmes de notre vie, la presse écrite l’associe dans cette tâche. Ce support est également présent dans les institutions scolaires. Mais avant d’aborder ce point, nous nous autorisons une passerelle entre ces deux types de texte en évoquant l’utilité de la grammaire en classe de langue.