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Chapitre 1 : Du texte au genre

4. La presse écrite à l’épreuve des genres

4.4 Les genres de la presse écrite

4.4.1. La notion de genre

La notion de genre se réfère aux différents aspects de la réalité langagière utilisée à pléthore dans les analyses littéraires et adaptée pour les textes non littéraires par la linguistique du discours. Elle reste toutefois imprégnée de son héritage littéraire et rhétorique par les différents points de vue qui la démarquent : « Entre ceux qui voient dans les genres des invariants du langage, des universaux de la pensée, et ceux qui les considèrent comme des constructions historiques, donc culturellement relatives ; entre ceux qui n’y voient que des catégories descriptives et ceux qui les considèrent comme des normes prescriptives ; entre ceux qui opposent l’œuvre au genre, l’auteur au producteur de discours, l’invention à la

38 répétition, et ceux qui ne voient dans les genres que des conventions utiles pour réguler les échanges. » (Ringoot& Utard, 2009 : 12)

Les traits distinctifs des genres de la presse écrite sont indissociables des coulisses discursives de l’auteur et des figures du narrateur qui sont à leur tour indubitablement liées aux discours des médias. Ces discours se manifestent dans l’interaction des conditions de production représentées par les entreprises, acteurs et technologies avec des situations de communication. Les genres des médias représentent alors la « combinaison variable des ressources linguistiques, sémiotiques, textuelles et énonciatives dans l’intention, pour les producteurs, de rendre la production de leur discours conforme à leur fonction : par exemple, la publicité, le journal radio-télévisé, le jeu radiophonique, le débat, etc. seraient autant de genres médiatiques visant à promouvoir, informer, divertir, cultiver » (Ringoot & Utard, 2009 : 13).. Les genres de la presse écrite obéissent à ces règles, mais non sans difficultés.

4.4.2. Le flou dans la catégorisation des genres

Il faut attendre les années 1950 pour voir une prolifération de manuels du journalisme, chacun avec une catégorisation différente des genres de la presse écrite, car c’est par le genre que se déterminent la production et donc le recueil de l’information, le temps consacré à cet acte et par la suite le type d’écriture adopté. Ce sont en effet les genres de la presse écrite qui sont liés à l’offre informationnelle, aux sources et aux lecteurs, comme l’affirment Ringoot et Utard : « Reportage ou interview, billet ou éditorial, mouture ou brève, les genres conditionnement le recueil d’information, l’écriture, la valorisation visuelle, les horizons d’attente du lecteur.» (2009 : 14) Mais la classification des genres pose un problème dû aux définitions des unités rédactionnelles comme le souligne Adam: « Ces définitions sont, en effet, le plus souvent, très vagues. Ainsi la notion de genre est parfois appliquée au titre et au chapeau, qui ne sont pourtant que des unités péritextuelles, à la mouture et au montage, qui sont quant à elles des opérations de refonte des dépêches d’agence et de communiqués. » (1997 : 4) En ce qui concerne les catégories auxquelles appartiennent les articles, il ajoute : « Quant aux catégories auxquelles appartiennent les articles, les manuels de journalisme les détaillent avec plus ou moins de convergence, et les journaux et magazines ne les signalent explicitement que très irrégulièrement en les nommant : éditorial, dépêche, reportage, commentaire, analyse, courrier des lecteurs, revue de presse, etc. » (ibid.)

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4.4.3. Comprendre ce flou

S’il existe autant de définitions que de manuels et si les catégories se chevauchent, c’est bien en grande partie à cause des critères de classification retenus « qui vont des choix stylistiques micro-linguistiques aux intentions communicatives, en passant par la position énonciative du locuteur et le contenu des articles. Selon que tel ou tel critère est mis en avant, les catégories bougent sensiblement » (Adam 1997 : 11). Le genre est donc bien « le résultat toujours mouvant d’une pratique discursive envisagée comme pratique sociale » (Ringoot & Utard, 2009 : 14). Dans cette même perspective, Agnès suggère: « Nous sommes dans une pratique professionnelle mouvante, changeante, et qui n’a pas à être encadrée de manière rigide. Certains genres prennent des formes écrites variées (portrait, interview, billet par exemple). Certains sont des dérivés de « genres majeurs » (la table-ronde et le micro-trottoir sont dérivés de l’interview), les genres s’interpénètrent (on parlera de compte rendu/ reportage par exemple). » (2009 : 31)

Par ailleurs, les pratiques socio-discursives qui entourent les genres participent de leur évolution ; en effet, selon Lugrin (2000 : 19-20), un rapport semble s’établir entre les phénomènes d’intertextualité et d’interdiscursivité et le renouvellement des genres de discours : le discours de presse, tout en produisant ses propres formes, emprunte à d’autres pratiques sociodiscursives. Le journalisme est constamment en invention, les genres suivent cette évolution et se modèlent à chaque fois. De même, si les différentes catégories génériques sont complexes, c’est à cause, comme le précisent Ringoot et Utard du « foisonnement parfois difficile à maîtriser de genres et de sous-genres » (2009 : 21). D’après eux, nous pouvons recenser pas moins de treize sous-genres de l’interview dans les manuels de journalisme : « Les genres rédactionnels tels qu’ils sont décrits dans les manuels de journalisme sont des produits de l’effectivité de ces règles, mais les systématisations qui en sont proposées masquent la réalité de leur dispersion. Inversement, la difficulté à ériger les genres en système est un symptôme de cette dispersion des produits de la pratique discursive journalistique. » (Ringoot & Utard 2009 : 21)

4.4.4. Une évidence : les genres journalistiques peuvent être définis

L’approche socio-discursive montre bien que les genres journalistiques sont « des configurations historiquement stabilisées d’une pratique discursive mettant en interaction les trois instances que sont les sources, les praticiens et les publics » (Ringoot & Utard, 2009 : 19).

40 Cette approche rend compte que ces interactions peuvent transformer les genres mais sans qu’il y ait une remise en cause de l’identité journalistique. Aussi, si nous admettons l’existence de genres, c’est du fait qu’ils sont régis par une logique collective qui émane de la profession ; ils ne relèvent pas d’une anarchie comme en témoigne leur caractère répétitif dans leur manière de faire l’information d’un numéro à l’autre. Les genres renvoient donc à une identité discursive à laquelle ils sont liés par une relation de « structurant-structuré » (Ringoot & Utard 2009 : 20). Ils représentent l’identité, l’empreinte du journalisme, leur nécessité est sans équivoque et est « affirmée par les formateurs de la profession pour qui les genres sont une forme de rationalisation de la pratique, aussi bien de l’écriture que de la collecte et du traitement de l’information journalistique » (ibid.).

Si les genres de la presse écrite peuvent être définis, ils peuvent alors être classés.