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L’organisation et le fonctionnement du football en ligue ouverte

Dans le document Jérémie  BASTIEN   THÈSE (Page 118-121)

Régime international

2.2.1. L’organisation et le fonctionnement du football en ligue ouverte

Au contraire des ligues sportives majeures nord-américaines qui reposent sur le principe de ligues dites « fermées » (encadré 5), le football professionnel européen, comme de nombreux sports professionnels en Europe à l’instar du rugby par exemple, repose sur une organisation et sur un fonctionnement en ligue dite « ouverte ». Conformément aux valeurs

portées par le mouvement de professionnalisation du sport via son foyer européen, les ligues ouvertes se sont constituées sur l’« « esprit de noblesse » de l’Angleterre victorienne » (Helleu, 2007, p. 69). Le sport, duquel n’est pas exclu le sport professionnel, doit être nécessairement accessible au plus grand nombre. L’accession aux compétitions supérieures repose ainsi sur un principe de méritocratie. Dès lors, l’institutionnalisation du sport en ligue ouverte conduit les clubs qui la composent à répondre à une incitation primordiale : obtenir de bons résultats sportifs. En effet, performances et résultats sportifs sont les conditions pour accéder aux divisions nationales supérieures tout comme ils sont indispensables à l’accès aux compétitions supranationales. Cette forme de méritocratie sur critères sportifs souligne à nouveau que les compétitions nationales et supranationales coexistent dans les ligues ouvertes européennes. Dans notre cas d’application au football, l’espace naturel de compétition sportive des clubs professionnels est le territoire national. Les clubs d’un même pays s’affrontent les uns les autres dans le championnat national ainsi que dans les Coupes nationales. Néanmoins, le cadre européen des compétitions sportives s’est progressivement installé puis développé à partir du milieu du XXe siècle. Ainsi, les compétitions supranationales, appelées compétitions européennes interclubs, se sont adjointes aux compétitions nationales.

Encadré 5 – Le modèle d’organisation du sport professionnel nord-américain : la ligue fermée

Dans un modèle de ligue fermée, telles que sont organisées les ligues majeures nord-américaines, les incitations des clubs sont essentiellement de nature financières. En effet, d’une part, il n’existe pas de relégation sportive, et, d’autre part, l’accès aux compétitions est conditionné à des critères d’ordre pécuniaire (Andreff, 2007d). Dès lors, il n’y a pas d’enchevêtrement de compétitions, dans le sens où les clubs ne sont pas sollicités sur plusieurs compétitions durant une même saison. Il n’existe qu’un seul niveau de confrontation, les clubs étasuniens (et quelques clubs canadiens) s’opposant les uns aux autres dans une compétition dite « domestique » (i.e. national), sans être intégrés à une quelconque compétition supranationale ou internationale. Il n’y a pas de passage d’une ligue à une autre.

En outre, par l’existence d’un droit d’entrée financier, cette dernière est en mesure de sélectionner les clubs qui vont la composer, ce qu’exclut l’organisation pyramidale du sport européen. Il y a une forme de rationnement en quantité des clubs au travers de cette barrière à l’entrée (ibid.). Autrement dit, l’accès à la ligue est limité à un nombre restreint de franchises. Dès lors que la ligue autorise un club à s’implanter sur un territoire, le club jouit d’un pouvoir de monopole sur cet espace géographique dans la mesure où il est le seul à proposer un spectacle sportif de cette nature, i.e. du sport qu’il représente (Andreff, 2009b ; Bourg, 2003). Sur ce point, une précision est indispensable : dans les grandes villes, la ligue peut autoriser la présence de plusieurs franchises dès lors qu’elle juge que le marché est assez porteur pour accueillir plus d’un club. Ainsi, en NBA, les Clippers et les Lakers « cohabitent » à Los Angeles.

La priorité des clubs nord-américains est donc de s’assurer de la préservation voire du renforcement de leur pouvoir financier. Ils sont des organisations à buts lucratifs. Leur capacité financière est indispensable à leur maintien dans la ligue majeure, et ce quelles que soit leurs performances sportives.

C’est pourquoi les clubs nord-américains sont qualifiés de franchises. C’est la taille (démographique) et la rentabilité de leur marché qui importe dans leur intégration à la ligue. Dans l’éventualité où le marché sur lequel est implanté la franchise perd de sa rentabilité, il est permis aux franchises de se délocaliser sur un autre territoire sous condition de l’acceptation de la Ligue (Andreff, 2009b). Cela est permis par le fait que le versement du droit d’entrée donne lieu à une licence qui lie juridiquement la Ligue à un propriétaire et non à une ville. Il n’y a pas d’ancrage territorial pour un club comme cela est le cas en Europe. En conséquence, seule une franchise dont le marché s’effondre et/ou qui juge qu’un marché est plus porteur, et seule l’émergence d’un nouveau marché peuvent conduire à une redistribution ou à une augmentation des places constitutives de la ligue majeure concernée. Dans les ligues fermées, la mobilité est donc géographique, i.e. se faisant au rythme de la structure des marchés locaux. De fait, la mobilité des franchises est plutôt faible. Il n’existe pas une rotation régulière des clubs en fin de saison selon leurs résultats sportifs. Il s’agit d’une mobilité horizontale au sein d’une Ligue unique. Les ligues nord-américaines organisées en ligues fermées peuvent donc influer directement sur le choix de localisation des clubs en soutenant les marchés porteurs. L’idée est d’assurer la profitabilité collective de la Ligue via ses franchises, ce qui souligne l’esprit d’entreprise à l’origine des ligues fermées nord-américaines et la primauté de leur logique commerciale (Szymanski & Zimbalist, 2005).

Un exemple issu de la NBA nous semble particulièrement bien résumer l’ensemble des configurations de délocalisations possibles et les difficultés qu’elles peuvent poser. En 2002, les Charlotte

Hornets se délocalisent à la Nouvelle-Orléans sur un marché que les propriétaires de la franchise jugent plus porteur. En conformité avec la Ligue, un groupe d’investisseurs décide de réimplanter une nouvelle franchise à Charlotte : naissent alors les Charlotte Bobcats en 2004. En 2014, sous l’impulsion de Mickael Jordan qui les avait acquis en 2010, les Bobcats redeviennent les Charlotte Hornets puisque, dans le même temps, les New Orleans Hornets sont devenus les New Orleans Pelicans sous la forme d’une franchise d’expansion. Il est intéressant de noter que la Nouvelle-Orléans avaient déjà suscité la création de la franchise des Jazz en 1974, qui se sont délocalisés cinq ans après dans l’Utah.

Le bon fonctionnement de cette coexistence des compétitions nationales et supranationales dans le football professionnel européen compte tenu de son institutionnalisation en ligue ouverte repose sur un système de promotion-relégation (Sloane, 2006 ; Szymanski, 2006c). Cela signifie que l’accès aux divisions nationales supérieures est conditionné par l’obtention de bons résultats sportifs dans les divisions inférieures. A contrario, de mauvaises performances sportives peuvent conduire un club à être relégué en division inférieure. La logique est similaire pour l’accès aux compétitions européennes. Il faut obtenir de bons résultats sportifs dans les compétitions nationales les plus prestigieuses afin d’y accéder. Dès lors, les compétitions européennes interclubs regroupent l’ensemble des meilleurs clubs européens. La concurrence est donc supranationale même si elle ne concerne qu’une minorité de clubs professionnels chaque saison. De ce système naît une organisation pyramidale du football vantant la performance sportive. Ce fonctionnement qui revendique l’universalité et la méritocratie rend a priori possible l’accès à l’élite du football par tout club amateur parti d’un championnat local (Mignon, 2002). Un exemple significatif est celui du club français de l’AJ Auxerre. Le club bourguignon s’est hissé des divisions amateurs

françaises (Promotion d’honneur et Division d’honneur) à la première division nationale, avant d’accéder à la C3 pendant la saison 1984/85. L’AJ Auxerre atteint même la prestigieuse C1 lors de la saison 1996/97. Toutefois, au-delà de la seule institutionnalisation du football en ligue ouverte, il est important de préciser que l’accès aux meilleures divisions est aussi rendu possible par l’existence de mécanismes de solidarité et de redistribution des revenus inter et intra-ligues93.

Dans le football européen, la mobilité des clubs est donc verticale et fonction des performances sportives. Par conséquent, la mobilité des clubs d’une division à une autre est forte puisqu’au terme d’une saison sportive : (a) les clubs les moins performants sont relégués en division inférieure ; (b) les clubs les plus performants hors première division sont promus en division supérieure ; (c) les clubs les plus performants en première division accèdent aux compétitions supranationales. S’opère donc un renouvellement permanent des clubs d’une division d’une saison à l’autre, le nombre de participants dans chaque ligue restant fixe. Dès lors, en principe, tout club est en mesure d’accéder aux meilleures divisions quelle que soit la taille de son marché d’implantation. Un club situé sur un petit marché peut accéder aux meilleures divisions en fonction de ses résultats sportifs, pendant qu’un gros marché peut ne contenir aucun club résident. A contrario, plusieurs clubs peuvent être implantés sur un gros marché, ce qui fragmente de facto les revenus potentiels du club. Par exemple, durant la saison 2016/17, six clubs de Premier League résidaient à Londres et dans sa banlieue : Arsenal, Chelsea, West Ham, Tottenham, Crystal Palace et Watford. L’histoire du football italien est quant à elle notamment marquée par la coexistence de l’AS Rome et de la Lazio de Rome dans la Capitale transalpine. Enfin, coexistent à Madrid les clubs du Real et de l’Atlético.

Dans le document Jérémie  BASTIEN   THÈSE (Page 118-121)

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