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Le déclenchement du processus d’européanisation du football professionnel La deuxième période qui permet de retracer l’évolution historique du football moderne

Dans le document Jérémie  BASTIEN   THÈSE (Page 108-111)

Régime international

2.1. Le football comme construit historique et social : du football professionnel au football européen

2.1.2. Le déclenchement du processus d’européanisation du football professionnel La deuxième période qui permet de retracer l’évolution historique du football moderne

est celle ouverte de l’entre-deux-guerres jusqu’aux années 1970. Elle est une période transitoire dans la mesure où le football s’écarte de plus en plus des valeurs morales et éthiques du sport pour s’inscrire progressivement dans un modèle de marchandisation (Bourg & Gouguet, 2012). Elle illustre une spectacularisation accrue des compétitions sportives. L’essor du sport-spectacle concourt au développement de la billetterie comme source de financement à part entière des clubs (Andreff, 2000). Par ailleurs, la radio se substitue                                                                                                                

88 Il est ici fait référence au baron Pierre de Coubertin qui est à l’origine des Jeux Olympiques (JO) modernes. La première édition a eu lieu en 1896. On lui prête d’avoir associé au sport des valeurs d’humanisme et d’égalité, bien que cela ne fasse pas consensus (Brohm, 1981, 2008).

progressivement à la presse écrite dans la mesure où elle propose des retransmissions de plus en plus régulières des évènements sportifs, à commencer par les rencontres de football. Le salariat se développe dans le football comme il se généralise dans la société (Bourg & Gouguet, 2012), le professionnalisme se diffusant massivement à l’ensemble des pays européens. L’ « amateurisme marron », qui consiste en la rémunération de sportifs amateurs en nature voire en espèces, se propage puis laisse progressivement place aux rétributions des joueurs professionnels (Eisenberg & al., 2004). Après des conflits entre défenseurs de l’amateurisme et tenants du professionnalisme, le métier de footballeur professionnel trouve une réelle légitimité (Wahl & Lanfranchi, 1995). Le spectacle proposé par le football professionnel tend par ailleurs à se diffuser hors des frontières européennes, notamment du fait de l’apparition des premières compétitions européennes. En effet, un processus d’unification progressive de l’espace de compétition à l’échelle européenne s’engage, alors que l’espace pertinent était jusqu’alors exclusivement national.

La création des compétitions européennes, et plus précisément d’une Coupe européenne en 1955, contribue à faire coexister les compétitions nationales et les compétitions européennes. Il est intéressant de noter que la mise en place de la première édition de la Coupe d’Europe de football est indépendante du pouvoir sportif dans la mesure où elle fut instaurée par le journal sportif l’Équipe. À nouveau, est mis ici en exergue le caractère instrumental du football. Si l’affection du journal pour le sport et ses valeurs peut expliquer un investissement dans un tel projet, il s’explique avant tout par une logique commerciale : « L’organisation de cette Coupe d’Europe est (…) perçue comme un excellent

vecteur commercial (pour l’Équipe et son hebdomadaire spécialisé France Football) destiné à

dynamiser des milieux de semaine atones, seulement nourris par quelques rencontres internationales amicales » (Montérémal, 2007)89. La plupart des fédérations nationales ont accueilli positivement ce projet de construction d’une compétition européenne, à commencer par celles dont les clubs avaient été choisis par le journal sportif pour y participer. La

Fédération Internationale de Football Association (FIFA), qui a été créée en 1904, puis

l’Union des Associations Européennes de Football, appelée UEFA (Union of European

Football Associations), qui a quant à elle été créée en 1954, ont toutes deux décidé, dans un

premier temps, de ne pas rejoindre le projet. La première se déclarait incompétente car focalisée sur les équipes de sélection nationale, la seconde se déclarant de son côté en                                                                                                                

89 Le journal l’Équipe n’en est pas à son coup d’essai : le journal l’Auto, à partir des vestiges duquel il s’est constitué, est à l’origine de la création du Tour de France cycliste en 1903.

incapacité de soutenir un tel projet sans pour autant interdire les clubs européens d’y participer. Néanmoins, dans un second temps, et moins de deux mois après avoir déclaré sa non-adhésion au projet, la FIFA décide d’en reprendre les commandes. Elle souhaite réaffirmer son autorité de tutelle du football mondial et plus précisément affirmer son pouvoir hiérarchique sur l’UEFA. Elle contraint donc l’UEFA à organiser cette compétition européenne : naît alors la Coupe des clubs champions européens en 1955. Certaines fédérations nationales y seront hostiles, à commencer par la fédération anglaise qui empêche Chelsea d’y participer (ibid.). Si son succès n’est pas immédiat, la Coupe européenne de football va se développer progressivement au rythme des avantages, plus particulièrement financiers, qu’y reconnaissent chaque partie : médias, clubs et fédérations. La Coupe des

clubs champions européens a réuni chaque saison les vainqueurs des différents championnats

nationaux en Europe jusqu’en 1992, date à laquelle elle a été remplacée par la Ligue des

champions qui existe encore aujourd’hui. Parce qu’elles mettent en confrontation les

meilleures équipes européennes, tant la Coupe des clubs champions européens que la Ligue

des Champions qui lui a succédé sont aussi appelées C1.

Durant la saison 1960/61, une deuxième coupe européenne a été instaurée. Il s’agit de

la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupes, également dénommée Coupe des coupes ou

C2, qui a été abolie après la saison 1998/99. S’y confrontaient tous les vainqueurs des coupes nationales européennes. En outre, la Coupe de l’UEFA a été créée en 1971 sur les cendres de la Coupe des villes de foires qui visait à faire la promotion des foires locales. À son début, cette compétition mettait en concurrence sportive les clubs ayant obtenu les meilleurs résultats dans leurs championnat national, mais qui n’ont pas remporté ce championnat (ceux-ci participent à la C1) ou une Coupe nationale (ces clubs participent à la C2). C’est pourquoi on l’appelle la C3. Depuis la saison 2009/10, cette coupe est nommée Ligue Europa ou UEFA Europa League. Enfin, même si elle n’a plus cours aujourd’hui dans la mesure où elle été abrogée en 2009, il existait auparavant une C4. Il s’agissait de la Coupe Intertoto, créée en 1967 en remplacement de l’International Football Cup. L’objectif de la C4 était de rendre accessible une compétition supranationale aux meilleurs clubs qui n’étaient pas qualifiés pour toute autre compétition européenne supérieure. Il est à nouveau intéressant de souligner que sa constitution a été stimulée par des organisations extérieures au football. En effet, les organismes de paris sportifs qui souhaitaient disposer de matchs pendant des périodes sportives creuses, i.e. durant l’été, sont à l’origine de la création de la C4. D’où le nom de la

compétition, toto signifiant loto sportif. L’UEFA a décidé de prendre les commandes de cette compétition en 1995, permettant notamment à son vainqueur d’accéder à la C3.

En définitive, si son idée a été suscitée par des intérêts privés qui en ont d’ailleurs constitué les prémices dans certains cas (concernant la C1 et la C4 plus précisément), le processus d’européanisation du football a été dynamisé par les relations entre les centres de décision sportifs. Autrement dit, l’espace européen du sport, avec le football comme moteur, naît et évolue avec l’organisation de compétitions continentales par des fédérations sportives nationales et européennes : « (…) l’espace européen du sport (…) se dessine à mesure que les fédérations sportives nationales et européennes font du continent un espace organisé de compétitions » (Gasparini & Polo, 2012, p. 9). Il est ainsi intéressant de noter que, à l’origine, aucune décision des instances politiques de l’Europe communautaire n’intervient dans la constitution de cet espace : « (…) la construction d’un espace européen du sport n’est pas le fait d’une action volontariste de l’Europe communautaire ou de tout autre grand projet politique d’après-guerre, mais le résultat d’échanges de plus en plus importants entre les instances professionnelles sportives qui s’institutionnalisent » (ibid., p. 9). À ce titre, l’espace européen du sport diffère de celui couramment reconnu par les organisations politiques. Par exemple, furent rapidement inclus dans cet espace les pays de l’Europe de l’Est, la Turquie ou encore Israël. Aujourd’hui, l’UEFA regroupe 53 pays, soit bien plus de pays que l’Union européenne.

2.1.3. Le football comme outil de gestion de l’incertitude sur le marché des biens :

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