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La L1 étant la langue maternelle d’une personne, les L2, L3,… représentent les langues étrangères apprises ultérieurement. La L2 est donc la première langue étrangère apprise par une personne, la L3, la deuxième, etc. Ainsi, à l’école primaire, comme indiqué ci-dessus, la langue de scolarisation est la L1 de certains élèves et la L2 d’une partie de la classe. Par conséquent, l’allemand, qui est la première langue étrangère enseignée à l’école en Suisse romande, est en règle générale la L2 des élèves dont la L1 est le français et la L3 des élèves dits allophones.

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Approches plurielles

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3.2

Une approche plurielle est une démarche pédagogique dans laquelle l’élève développe des compétences dans plusieurs langues en travaillant simultanément sur celles-ci, c’est-à-dire sans les isoler les unes des autres (Candelier, Oomen-Welke & Perregaux, 2003 : 19). Une telle démarche s’oppose à l’approche singulière qui a dominé le siècle passé, notamment par le biais de la méthode directe et du behaviorisme, et qui se caractérisait par un isolement des différentes langues enseignées à l’école ; le recours à la langue maternelle, par exemple par des exercices de traduction, y était totalement banni (Candelier et al. : 19).

Aujourd’hui, de nombreuses recherches mettent en exergue l’importance d’effectuer des synergies entre les langues et ce principe est désormais l’un des concepts clés du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) du Conseil de l’Europe qui intègre notamment la notion de compétence plurilingue et pluriculturelle (Candelier et al., 2003 : 19). Cette compétence est décrite comme suit dans le CECR (Conseil de l’Europe, 2001 : 129) :

« [Il s’agit de la] compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser. »

On sort donc d’une conception cloisonnée de l’apprentissage des langues, ce qui permet aux enseignants d’oser faire des liens entre les différentes langues étrangères enseignées. En effet, la constitution d’un répertoire plurilingue n’est plus pensée comme le résultat d’une « simple juxtaposition de connaissances et de savoir-faire dans des langues différentes mais comme une recherche de complémentarité et de

12 Nous avons opté pour le terme « approches plurielles ». Nous sommes consciente qu’il existe d’autres termes très proches tels que « didactique du plurilinguisme », mais il n’est pas pertinent dans le cadre de ce mémoire d’insister sur les différentes nuances formant la matrice conceptuelle de l’enseignement des langues étrangères. Pour un complément d’informations, se référer à Troncy, Christel (dir.), de Pietro, Jean-François, Goletto, Livia & Kevran, Martine (2014), Didactique du plurilinguisme. Approches plurielles des langues et des cultures. Autour de Michel Candelier, Presses universitaires de Rennes, Rennes.

25 synergie entre les connaissances et les apprentissages linguistiques » (Goullier, 2006 : 104).

La définition du CECR présuppose donc que la compétence plurilingue d’un individu est inévitablement déséquilibrée et que celle-ci peut évoluer car « les différents niveaux de compétences dans les différentes langues qui composent la compétence plurilingue ne peuvent être identiques dans toutes les langues et pour toutes les activités langagières » (Goullier, 2006 : 104). Il n’importe donc plus de maîtriser parfaitement les cinq niveaux de compétences d’une langue - « écouter-lire-écrire-prendre part à une conversation- s’exprimer oralement en continu » (Goullier : 39) – mais plutôt d’étoffer son répertoire langagier afin de pouvoir y puiser des ressources pour différentes situations langagières.

D’après Goullier (2006 : 105), l’enjeu pédagogique est désormais de se demander :

« Comment tirer profit, pour l’enseignement d’une langue, des apprentissages antérieurs ou parallèles d’autres langues ? Comment faciliter chez les élèves une complémentarité efficace entre leurs apprentissages linguistiques différents ? ».

Candelier et al. (2003) distinguent trois types d’approches plurielles : la didactique des langues intégrée, l’intercompréhension entre les langues parentes et l’éveil aux langues. Nous allons donc nous intéresser à ces trois approches afin de comprendre leurs ressemblances et leurs différences. Pour ces trois notions, nous partirons à chaque fois de la définition donnée par le PER.

3.2.1 La didactique des langues intégrée

Cette approche préconise d’établir des liens entre les différentes langues enseignées dans le cadre d’un programme scolaire (Candelier et al., 2003 : 20). Le but est « de prendre appui sur la langue maternelle (ou la langue de l’école) pour faciliter l’accès à une première langue étrangère, puis sur ces deux langues pour faciliter l’accès à une deuxième langue étrangère, etc. » (Candelier et al. : 20).

Le PER promeut une telle approche qu’il définit de la manière suivante :

« Didactique qui vise à coordonner l'enseignement/apprentissage des diverses langues enseignées à l'école, à tous les niveaux pertinents (formation des enseignant-e-s, plans d'études, moyens d'enseignement, pratique enseignante en classe), en mettant en lumière les parts

26 communes des différentes didactiques de langues individuelles et en planifiant l'ordre d'apparition des contenus d'apprentissage dans les diverses langues afin d'éviter les incohérences et de créer des synergies positives. » (Lexique Langues du PER, CIIP, 2010a)

Dans son cours de didactique de l’anglais, en se référant à divers auteurs (Wokusch, Wiater, Hutterli, Stotz & Zappatore), Zappatore (2014) met en exergue 8 principes de la didactique intégrée des langues :

- « développement de compétences fonctionnelles efficaces dans chaque langue enseignée ;

- développement d’une compétence plurilingue13 ; - curriculum diversifié et coordonné ;

- enseignement centré sur l’apprenant et sur les processus d’apprentissage, tenant compte des savoirs et des savoir-faire langagiers déjà acquis ;

- cohérence et continuité des démarches proposées aux élèves ; - mise en place d’une posture d’observation et de comparaison ; - exploitation du potentiel de transfert des savoir-faire langagiers

généraux et des processus de haut niveau (y compris la métacognition) ;

- développement de stratégies de communication et d’apprentissage efficaces chez les élèves (y compris la métacognition) ».

Dans le contexte romand, il s’agirait de mettre sur pied un enseignement des langues permettant aux élèves de prendre appui dans un premier temps sur la langue de scolarisation (le français) pour apprendre l’allemand, puis de s’aider de ces connaissances (en français et en allemand) pour construire de nouvelles compétences en anglais. L’enseignant devrait veiller à optimiser les synergies envisageables dans l’apprentissage de ces trois langues. Il pourrait décider de traiter un même objectif grammatical, par exemple les déterminants possessifs, de manière simultanée dans les trois langues ou de manière consécutive en fonction des gains de temps et de l’aide qu’un tel choix pourrait apporter aux élèves. L’enseignant devrait mettre l’accent sur

13 Telle que décrite dans le CECR.

27 l’élaboration du répertoire plurilingue des élèves et sur l’acquisition de stratégies transférables entre les trois langues abordées à l’école et surtout tenir compte des apprentissages déjà réalisés antérieurement dans le domaine langagier.

Comme l’illustre la figure 1 tirée du cours de Zappatore (2014), les élèves seront parfois confrontés à des tâches similaires dans les deux langues à peu de temps d’intervalle. Dans de tels cas, il est important d’anticiper et d’adapter son enseignement. Dans l’exemple suivant, l’élève pourrait se dire qu’il a déjà réalisé cette tâche communicative, à savoir décrire son animal de compagnie, et donc se sentir démotivé. L’enseignant devrait donc adapter la tâche en la transformant quelque peu.

Il pourrait proposer aux élèves par exemple de décrire l’animal de compagnie d’un ami. Cette tâche travaillerait les mêmes objectifs langagiers tout en tenant compte de ce qui a déjà été fait dans l’autre langue étrangère. De plus, il pourrait inciter les élèves à comparer les structures dans les différentes langues. Une telle capacité d’adaptation et de coordination est un exemple de mise en œuvre d’une didactique intégrée de l’enseignement des langues au primaire.

Figure 1. Deux exemples d’activités similaires dans deux méthodes différentes.

Finalement, il est intéressant de noter que la didactique intégrée doit être mise en œuvre dans l’enseignement des langues en Romandie, d’une part car elle est prescrite dans une décision de la CIIP (2007 : 1) selon laquelle l’enseignement de l’anglais au primaire « s’inscrit dans une perspective de didactique intégrée cherchant à coordonner les démarches et les apprentissages réalisés en langues étrangères et en français » ; d’autre part car sans cette approche, il serait très difficile d’atteindre le niveau souhaité avec la dotation horaire allouée. En effet, comme le souligne

28 Zappatore (2014), les niveaux d’attente en allemand et en anglais sont les mêmes en fin de scolarité selon le PER, alors que les élèves auront bénéficié de beaucoup moins de périodes d’anglais, l’enseignement de cette langue commençant deux ans après celui de l’allemand. La grille horaire des différents cantons est donc fixée en ayant pris en considération les connaissances préalables que les élèves ont acquis en allemand et en français.