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Comparer les langues pour mieux les apprendre ou l'intercompréhension au service de la didactique des langues étrangères

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Comparer les langues pour mieux les apprendre ou l'intercompréhension au service de la didactique des langues

étrangères

DERVEY, Ludmilla

Abstract

Ce travail vise à montrer qu'une approche intégrée de l'enseignement des langues axée sur les principes de l'intercompréhension est applicable à l'école primaire, d'une part au regard du plan d'études, et d'autre part par une adaptation des moyens d'enseignement. Nous avons donc tenté de délimiter les piliers d'une approche intercompréhensive en examinant les concepts d'intercompréhension et de didactique des langues afin d'analyser le Plan d'études romand, les moyens d'enseignement romands d'anglais utilisés au primaire et de proposer des pistes d'adaptations des tâches proposées dans ces moyens quand cela s'avérait nécessaire. Nous traitons également de la pertinence didactique du recours à la comparaison interlinguistique à l'école primaire, et notamment du recours à la L1 durant les cours de langue, ainsi que du lien entre l'intercompréhension et le développement d'une conscience métalinguistique.

DERVEY, Ludmilla. Comparer les langues pour mieux les apprendre ou

l'intercompréhension au service de la didactique des langues étrangères. Master : Univ. Genève, 2017

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:91893

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DERVEY LUDMILLA

COMPARER LES LANGUES POUR MIEUX LES

APPRENDRE OU L’INTERCOMPRÉHENSION AU SERVICE DE LA DIDACTIQUE DES LANGUES ÉTRANGÈRES

Directeur : M. François Grin Jurée : Mme Véronique Sauron

Mémoire présenté à la Faculté de traduction et d’interprétation (Département de français) pour l’obtention de la Maîtrise universitaire en traduction, mention traduction spécialisée

Année académique 2016-2017/ janvier 2017

(3)

1 Déclaration attestant le caractère original du travail effectué

J’affirme avoir pris connaissance des documents d’information et de prévention du plagiat émis par l’Université de Genève et la Faculté de traduction et d’interprétation (notamment la Directive en matière de plagiat des étudiant-e-s, le Règlement d’études de la Faculté de traduction et d’interprétation ainsi que l’Aide-mémoire à l’intention des étudiants préparant un mémoire de Ma en traduction).

J’atteste que ce travail est le fruit d’un travail personnel et a été rédigé de manière autonome.

Je déclare que toutes les sources d’information utilisées sont citées de manière complète et précise, y compris les sources sur Internet.

Je suis consciente que le fait de ne pas citer une source ou de ne pas la citer correctement est constitutif de plagiat et que le plagiat est considéré comme une faute grave au sein de l’Université, passible de sanctions.

Au vu de ce qui précède, je déclare sur l’honneur que le présent travail est original.

Dervey Ludmilla

(4)

2

Table des matières

1 Introduction ... 5

2 L’intercompréhension ... 7

Définitions préalables ... 7

2.1 2.1.1 La langue ... 7

2.1.1.1 La langue : un système ... 7

2.1.1.2 La langue : un concept flou ... 8

2.1.2 Les familles de langues ... 9

2.1.2.1 Définition ... 9

2.1.2.2 Principales familles de langues... 10

2.1.2.3 Le groupe indo-européen ... 11

L’intercompréhension ... 12

2.2 2.2.1 Origine du terme ... 12

2.2.2 Vers une définition du concept ... 12

2.2.3 Délimitation du concept ... 14

2.2.3.1 Intercompréhension ... 15

2.2.4 Eléments clefs de l’intercompréhension ... 15

2.2.4.1 Continuum langagier ... 16

2.2.4.2 Intentionnalité ... 16

2.2.4.3 Prédictibilité par le contexte et par la forme ... 17

2.2.4.4 Stratégie du transfert ... 17

2.2.4.5 Stratégie de l’approximation ... 18

2.2.4.6 Stratégie de l’entrée par l’écrit ... 18

2.2.5 Zoom sur deux méthodes ... 19

2.2.5.1 Euromania ... 19

2.2.5.2 EuroCom ... 20

3 La didactique des langues étrangères... 22

Clarifications terminologiques... 22

3.1 3.1.1 Langue maternelle - L1 – langues premières ... 23

3.1.2 Langue de scolarisation ... 23

3.1.3 Langues étrangères ... 23

3.1.4 L2, L3,… ... 23

Approches plurielles ... 24

3.2 3.2.1 La didactique des langues intégrée ... 25

3.2.2 L’intercompréhension ... 28

3.2.3 L’éveil aux langues ... 29

Proximité linguistique ... 31

3.3 3.3.1 Stratégie de superposition ... 32

4 L’intercompréhension au service de la didactique des langues ... 32

Méthodologie proposée par Doyé (2005) ... 32

4.1 4.1.1 Présentation de la méthodologie ... 33

(5)

3

4.1.2 Ressources cognitives des élèves ... 33

4.1.2.1 Connaissances générales ... 34

4.1.2.2 Connaissances culturelles ... 35

4.1.2.3 Connaissances situationnelles ... 36

4.1.2.4 Connaissances comportementales ... 36

4.1.2.5 Connaissances pragmatiques... 36

4.1.2.6 Connaissances scripturales ... 38

4.1.2.7 Connaissances phonologiques ... 39

4.1.2.8 Connaissances grammaticales ... 39

4.1.2.9 Connaissances lexicales ... 39

Méthodologie adaptée au primaire ... 40

4.2 4.2.1 Caractéristiques ... 41

4.2.2 Principe méthodologique de base ... 43

4.2.3 Analyse des besoins des élèves ... 43

4.2.4 Identification et activation des ressources cognitives... 43

4.2.5 Stratégies à enseigner... 48

4.2.5.1 Stratégie d’anticipation ... 48

4.2.5.2 Stratégie de comparaison ... 48

4.2.5.3 Stratégie du transfert ... 48

4.2.5.4 Stratégie de l’approximation ... 49

4.2.5.5 Stratégie de compréhension ... 49

4.2.6 Principes généraux ... 52

4.2.7 Intégration dans le curriculum ... 52

Pertinence didactique de l’intercompréhension... 53

4.3 4.3.1 Habiletés mentales développées ... 54

4.3.1.1 Taxonomie d’Anderson et Krathwohl (2001) ... 54

4.3.1.2 Habiletés mentales en jeu dans l’intercompréhension ... 55

4.3.2 Un nouveau rôle pour la L1 ... 58

4.3.3 Elaboration d’une conscience métalinguistique ... 60

4.3.4 Avantages didactiques de l’intercompréhension ... 61

5 L’intercompréhension dans le PER ... 62

Le Plan d’études romand (PER) ... 62

5.1 Méthodologie pour l’analyse du PER ... 63

5.2 Remarques préliminaires ... 65

5.3 Résultats de l’analyse des Commentaires généraux du domaine Langues ... 66

5.4 Résultats de l’analyse des Objectifs d’apprentissage du domaine Langues . 67 5.5 5.5.1 Remarques préalables ... 67

5.5.2 Résultats ... 68

5.5.3 Conclusion ... 69

6 Analyse des moyens d’enseignement romands (MER) d’anglais et propositions d’adaptations ... 72

Remarques préalables ... 73 6.1

(6)

4

Choix du corpus ... 75

6.2 Analyse des activités ... 76

6.3 6.3.1 Méthodologie ... 76

6.3.2 Bilan de l’analyse ... 78

Analyse du lexique ... 81

6.4 6.4.1 Méthodologie ... 81

6.4.2 Bilan de l’analyse ... 81

Analyse des recommandations pédagogiques ... 82

6.5 Conclusion de l’analyse des MER... 84

6.6 Adaptations des MER ... 85

6.7 6.7.1 Mise à disposition d’autres textes ... 86

6.7.2 Réalisation de l’activité en trois langues ... 86

6.7.3 Entrée par l’écrit ... 87

6.7.4 Vérification de la compréhension ... 87

6.7.5 Mise en évidence du connu et des liens interlinguistiques... 87

6.7.6 Explicitation des sigles ou abréviations ... 88

7 Conclusion... 88

8 Bibliographie ... 91

9 Cahier des annexes... 99

Annexe 1 : taxonomie d’Anderson et Krathwohl (2001) ... 99

Annexe 2 : analyse des Commentaires généraux du domaine Langues ... 104

Annexe 3 : analyse des Objectifs d’apprentissage du domaine Langues ... 111

Annexe 4 : corpus de base ... 118

Annexe 5 : grille d’analyse des activités de 7H ... 147

Annexe 6 : grille d’analyse des activités de 8H ... 155

Annexe 7 : grille d’analyse du lexique ... 166

Annexe 8 : description des « word tips » ... 171

Annexe 9 : ressources pour les enseignants ... 172

(7)

5

1 Introduction

La rédaction de ce mémoire est partie d’une observation effectuée dans les salles de classes : le contact entre les langues enseignées est souvent évité par peur d’entraîner de la confusion auprès des élèves. Le recours à la comparaison interlinguistique n’est donc pas exploité et les élèves apprennent fréquemment des structures langagières par « chunks », c’est-à-dire par « morceaux » appris par cœur et pouvant être réutilisés dans différents contextes. L’accent n’est pas mis sur l’observation de la structure de la langue, mais sur la communication.

Pourtant, il nous semble plus facile d’apprendre une langue en tissant des liens avec nos connaissances antérieures et plus particulièrement avec nos connaissances langagières dans d’autres langues. D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre que plus l’on sait de langues, plus il est facile d’en apprendre de nouvelles. Il nous paraît alors difficile d’apprendre une langue sans s’intéresser à son architecture et à ses ressemblances avec d’autres langues.

Etant donné le contexte plurilingue des classes, de la Suisse et de l’Europe, l’intercompréhension pourrait apporter des outils intéressants à l’enseignement des langues. Celle-ci peut se décliner sous plusieurs formes en milieu scolaire : « la sensibilisation (je mesure que le monde est multilingue) ; l’initiation (j’entre dans le plurilinguisme) ; l’apprentissage (je construis des compétences plurilingues » (Escudé

& Janin, 2010 : 110). Or, il semblerait que pour l’instant seuls les deux premiers paliers de cette échelle sont mis en œuvre dans les classes, notamment par des activités d’éveil aux langues :

« Mais après avoir acquis la conscience de la diversité des langues, qu’en fait-on ? Passés les stades de la sensibilisation, de l’initiation, quelles pratiques propose l’école ? Force est de constater que le paysage est terriblement monocolore. » (Escudé & Janin, 2010 : 111)

Ce constat nous a menée à l’interrogation suivante : les principes de l’intercompréhension peuvent-ils être mis au service de la didactique des langues étrangères, à l’école primaire notamment ? Les propos de Caddéo et Jamet (2013 : 137) font écho à notre questionnement :

(8)

6 « Les principes de l’intercompréhension, à savoir développer ou renforcer la compétence de compréhension en langue étrangère, sur la base de la parenté ou du voisinage et des stratégies inductives, peuvent être mis au service de l’apprentissage d’une seule langue cible, à condition néanmoins de réaménager les parcours désormais traditionnels – et cela serait une nouveauté dans le panorama de l’enseignement institutionnel. »

Nous sommes donc partie de cette question et avons émis l’hypothèse que l’intercompréhension, ou une approche intercompréhensive de l’enseignement des langues, est applicable à l’école primaire dans le contexte de la Romandie. Même si les langues concernées - L1 (FR), L2 (DE) et L3 (EN) - n’appartiennent pas à proprement parler à la même famille de langues, nous pensons qu’une approche intégrée de l’enseignement de ces langues axée sur les principes de l’intercompréhension est applicable à l’école primaire, d’une part au regard du plan d’études et d’autre part par une adaptation des moyens d’enseignement.

Pour répondre à notre question de recherche, nous nous sommes tout d’abord intéressée à la littérature scientifique afin d’essayer d’éclaircir les concepts d’intercompréhension et de didactique des langues étrangères ; d’esquisser les piliers d’une méthodologie basée sur l’intercompréhension ; et d’expliquer la pertinence didactique d’une telle approche. Ensuite, nous avons tenté d’évaluer la faisabilité d’une mise en œuvre en Romandie en analysant, d’une part le Plan d’études romand (PER) et, d’autre part, les moyens d’enseignement (MER) d’anglais1 de 7ème et 8ème HarmoS (désormais 7-8H). De cette analyse, nous tirons un bilan et esquissons quelques pistes pour une adaptation éventuelle des tâches proposées par les MER.

Finalement, nous avons compilé quelques documents pouvant servir aux enseignants intéressés à intégrer l’approche intercompréhensive à leurs cours de langue.

Notre propos n’est pas de révolutionner l’enseignement-apprentissage des langues en chamboulant toute la didactique actuelle avec des projets tels que celui évoqué par Caddéo et Jamet (2013 : 137-138) d’entrer dans les langues principalement par l’écrit au travers d’un module d’une trentaine d’heures d’intercompréhension, mais plutôt d’intégrer les principes de cette approche aux pratiques actuelles afin d’accélérer

1 Nous avons décidé de ne pas analyser les MER d’allemand car ceux-ci allaient être prochainement remplacés au moment du choix de notre problématique.

(9)

7 l’apprentissage des langues par une observation réfléchie de la langue. Le but de ce mémoire est de montrer que la comparaison interlinguistique est un puissant levier d’apprentissage qui permet de reconsidérer la langue comme un objet d’étude en soi et de ne pas se limiter à son aspect purement communicatif.

2 L’intercompréhension

Le but de cette première partie est d’expliquer le concept d’intercompréhension en définissant préalablement certaines notions telles que celles de langue et de famille de langues. Cet approfondissement terminologique nous permettra de mieux cerner notre objet d’analyse et d’aboutir à une délimitation conceptuelle propre à ce mémoire. Cette partie constitue également un premier aperçu théorique qui servira de base à notre analyse ultérieure.

Définitions préalables 2.1

2.1.1 La langue

Il n’est pas envisageable de parler d’incompréhension sans définir ce que nous entendons par langue. Il ne s’agira pas ici de faire un exposé détaillé de la question, qui pourrait d’ailleurs à lui seul faire l’objet d’un mémoire, mais bien d’isoler les caractéristiques pertinentes de ce concept en vue d’une meilleure compréhension de notre thématique centrale.

2.1.1.1 La langue : un système

Nous tenons tout d’abord à souligner le fait qu’une langue n’est pas une simple liste de mots, mais bien un système organisé. C’est Ferdinand de Saussure qui fut l’un des premiers à mettre en avant cette caractéristique de la langue. Pour lui, une « langue […] est de nature homogène [,] c’est un système de signes où il n’y a d’essentiel que l’union du sens et de l’image acoustique » (Saussure, 1971 : 32). Cette distinction est importante car elle implique que l’apprentissage d’une langue ne consiste pas simplement à apprendre par cœur du vocabulaire, mais également et surtout à connaître l’architecture de cette langue, c’est-à-dire la richesse des liens qui la constituent. Plus un locuteur maîtrisera la structure d’une langue, plus il sera en

(10)

8 mesure de faire des ponts avec d’autres langues, soit d’autres systèmes linguistiques, et donc de se les approprier.

2.1.1.2 La langue : un concept flou

Pour la plupart des gens, le concept de langue est une notion claire et bien circonscrite se limitant souvent à un espace national ou à une grammaire particulière :

« Selon l’opinion la plus répandue dans le public, une langue est un code écrit et structuré par une grammaire de type scolaire, qui possède un statut national et/ou officiel ainsi qu’une tradition littéraire. Une langue est conçue comme un ensemble homogène, clos sur lui-même et surtout identifiable. Son unicité et sa légitimité ne doivent pas être mises en cause. […] Tout ce qui ne semble pas correspondre à la définition ci- dessus est taxé de patois ou de dialecte. » (Yaguello, 1988 : 33-34)

Or, comme le précise Yaguello (1988 : 23), « une langue est par définition un ensemble flou » dont il n’est pas facile de cerner les limites. En effet, le linguiste, pour sa part, donne souvent deux définitions de la langue : une linguistique et une politique. Pour les besoins de notre exposé, nous nous concentrerons sur la première et nous allons voir qu’une langue n’est pas une catégorie étanche, mais plutôt une partie d’un continuum dialectal difficilement séparable en unités précises :

« D’un point de vue linguistique, la langue est l’ensemble de tous les dialectes, répartis dans l’espace social ou régional, qui assurent une intercompréhension2 suffisante […] entre leurs locuteurs respectifs. […]

Dans cette optique, tout à fait contraire à la conception la plus courante, la langue française est donc la somme des dialectes dont les locuteurs se reconnaissent eux-mêmes comme francophones natifs, par-delà les classes sociales et la variation régionale ; qu’ils soient marseillais, dakarois ou québécois, loubards de banlieue ou PDG. » (Yaguello, 1988 : 34-35)

Il ressort de cette définition que la langue est un concept flou : les frontières séparant deux langues sont bien plus progressives que clairement définies. D’ailleurs, « c’est

2 Précisons que dans cette phrase, le mot « intercompréhension » est utilisé selon son acception usuelle et qu’il ne fait pas référence au concept scientifique que nous étudions dans cette partie. Ici, il revêt le sens que lui donne Le Robert (2011), à savoir, « Faculté de compréhension réciproque entre locuteurs, entre groupes humains ». Cet exemple de polysémie, qui peut porter à confusion, illustre la nécessité de délimiter adéquatement l’objet de notre étude.

(11)

9 seulement aux extrémités du continuum, lorsque l’intercompréhension3 n’est plus assurée, qu’on peut dire qu’on est sorti de la langue pour entrer dans une autre langue » (Yaguello, 1988 : 35).

Nous tenons à insister sur la fluidité du concept de langue, car une vision trop étanche et trop fragmentée du paysage linguistique mondial est un frein à l’intercompréhension. En effet, comme nous le verrons plus en avant, c’est cette porosité qui existe entre les différentes langues qui permet aux locuteurs de faire des liens et des ponts entre celles-ci et donc d’accéder au sens du message.

2.1.2 Les familles de langues

2.1.2.1 Définition

Pour comprendre et bien délimiter le concept d’intercompréhension, il est nécessaire de faire un détour par la définition du concept de famille de langues.

Les linguistes se sont beaucoup intéressés à la question du classement des langues et ont opté pour différents types de critères (phonétiques, lexicaux, etc.). Finalement, c’est « la classification généalogique ou historique, qui opère avec des niveaux hiérarchiques et qu’on représente sous la forme d’un arbre, [qui] s’impose encore » (Peyraube, 2005 : 328-332).

Le concept de famille relève donc de l’approche généalogique qui classe les langues en plusieurs centaines de familles linguistiques (Peyraube, 2005 : 332). Ainsi, une famille de langues « désigne un ensemble de langues regroupées par des liens de parenté génétique [et l]es différences qui les séparent résultent d’évolutions distinctes à partir d’une même langue source, appelée protolangue » (Garric, 2007 : 6). Cette parenté génétique peut notamment se caractériser par « des analogies de phonétique, de grammaire ou de vocabulaire » (Malherbe, 1995 : 27).

D’après Garric (2007 : 8), la comparaison des quelque six mille langues du monde permet d’aboutir à un classement des familles de langues constitué de sous-groupes se divisant également en diverses sous-catégories. Ainsi, chaque langue s’inscrit dans une filiation. La famille indo-européenne, par exemple, « intègre, entre autres, une branche germanique qui comprend le germanique occidental dans lequel se trouvent

3 Même remarque que pour la note précédente.

(12)

10 l’anglais et l’allemand, et une branche italique qui comprend le groupe occidental, où se situent le français, l’italien et l’espagnol » (Garric : 8).

Nous tenons à souligner la réserve qu’émet Malherbe (1995 : 147-148) par rapport à ces diverses classifications :

« Il ne faut pas oublier que de nombreuses langues sont le résultat de mélanges tels qu’on ne peut définir clairement leur appartenance à un groupe ou, ce qui revient au même, qu’on ne peut fixer avec rigueur les limites d’un groupe ».

Nous insistons sur ce point-là car nous ne désirons pas rester dans une vision figée et compartimentée des familles de langues. Ce concept est pratique dans la mesure où il permet de classer les langues en fonction de leurs ressemblances génétiques, mais il n’est pas parfait dans la mesure où il ne tient pas compte d’autres types de ressemblances acquises par d’autres moyens tels que les emprunts.

2.1.2.2 Principales familles de langues

Bien qu’il n’existe pas encore de consensus4, Garric (2007 : 7) identifie les principales familles suivantes :

- « indo-européenne : langues germaniques, celtiques, italiques, helléniques, baltes, slaves, iraniennes, indiennes5 ;

- sino-austrienne : langues d’Asie, de Polynésie, du Cambodge et du Vietnam ; - sémito-chamitique : arabe, hébreu, éthiopien, berbère et égyptien ;

- ouralo-altaïque : langues finno-ougriennes, turques et mongoles ; - dravidienne : langues du sud de l’Inde ;

- nigéro-congolaise : langues bantou notamment ; - américaine : langues amérindiennes ;

- austronésienne : malgache, langues d’Indonésie et des Philippines. »

4 Selon Ross (1999 : 28), « les linguistes s’opposent [principalement] pour savoir jusqu’où ils peuvent remonter dans la généaologie des langues ».

5 Cette liste n’est pas exhaustive. Il manque par exemple l’albanais et l’arménien.

(13)

11 2.1.2.3 Le groupe indo-européen

Nous décrivons brièvement ce groupe en particulier car les trois langues abordées dans l’enseignement primaire en Romandie (le français, l’allemand et l’anglais) en font partie.

Le groupe indo-européen regroupe près de la moitié des locuteurs du monde (Malherbe, 1995 : 149). Chacune des langues appartenant à ce groupe a ses propres particularités, mais les linguistes ont dégagé certaines caractéristiques globales.

L’une des très grandes marques de parenté de ce groupe est « la permanence d’un stock de vocabulaire d’origine commune, qui subsiste, plus ou moins érodé, dans chacune de ces langues et dont on peut suivre l’évolution dans le temps et dans l’espace » (Malherbe, 1995 : 150). Cette information laisse donc entendre que l’anglais, l’allemand et le français pourraient être intercompréhensibles bien que ces trois langues n’appartiennent pas à la même famille de langues, mais seulement au même groupe.

Nous avons regroupé dans le tableau 1 les principales langues et le nombre de locuteurs à titre de L1 des deux familles de langues impliquées dans notre analyse ultérieure (Malherbe, 1995 : 155 et 167) :

Tableau 1. Principales langues et locuteurs des langues latines et germaniques Langues latines Langues germaniques

Langues concernées

Français, espagnol,

portugais, italien, roumain, catalan, provençal, corse, occitan, galicien, sarde, romanche, etc.

Anglais, allemand, néerlandais, langues scandinaves, alsacien, suisse-allemand, etc.

Nombre de locuteurs utilisant ces langues à titre de L1

Environ 450 millions

 8% de l’humanité

Plus de 450 millions

 plus de 8% de l’humanité

(14)

12 Malherbe (1995 : 167) précise toutefois :

« [La famille des langues germaniques] n’est pas parmi les plus homogènes de celles qui composent l’indo-européen : la compréhension de l’anglais par un Allemand ou le contraire nécessite plus de travail qu’entre locuteurs de deux langues latines ou de deux langues slaves ».

L’intercompréhension 2.2

2.2.1 Origine du terme

Le terme d’intercompréhension serait apparu pour la première fois dans des textes de Jules Ronjat au début du XXe siècle afin de décrire « la capacité de locuteurs à comprendre des dialectes de différentes langues de même famille » (Escudé & Janin, 2010 : 35).

2.2.2 Vers une définition du concept

Aujourd’hui, toute une littérature scientifique foisonne autour de ce terme adopté notamment par la didactique des langues étrangères. Il a été défini de diverses manières par de nombreux auteurs. Voici cinq définitions qui nous aideront à délimiter le concept d’intercompréhension ; celles-ci ont été choisies aléatoirement mais nous semblent suffisamment représentatives des différentes acceptions existantes :

D1 « Pour en parler sous l’angle de la politique linguistique, on partira d’une définition simple de l’intercompréhension […]. Pour nous, l’intercompréhension signifie simplement l’activation par les acteurs des compétences réceptives dont ils disposent dans des langues dites étrangères (mais, en général, directement apparentées à leur langue maternelle), permettant à chacun, à l’intérieur d’une famille de langues ainsi apparentées, de s’exprimer dans sa propre langue maternelle tout en étant compris par les autres. » (Grin, 2008 : 80-81)

D2 « [U]n socle commun peut être dégagé des diverses manifestations du concept : la vision de l’intercompréhension comme activité cognitive

(15)

13 consistant, pour le locuteur qui n’a pas appris une langue donnée, à néanmoins pouvoir partiellement comprendre sans aide externe ni humaine ni matérielle – une partie des messages émis dans cette langue. » (Harmegnies & Piccaluga, 2008 : 170)

D3 « [D]émarche didactique relevant essentiellement des approches interlinguistiques, qui a pour caractéristique de faire travailler la compréhension dans une perspective plurilingue et intégrée, en jouant sur la proximité des langues issues d'une même source (langues romanes, langues germaniques,…). La compréhension s'appuie dès lors sur les ressemblances entre mots de langues différentes, sur certaines similitudes structurelles. » (Lexique Langues, Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin [CIIP], 2010a : 63)

D4 « [C]apacité de comprendre une langue étrangère sur la base d’une autre langue sans l’avoir apprise. » (Meissner, Meissner, Klein &

Stegmann, 2003 : 31)

D5 « D’un point de vue des compétences linguistiques, l’intercompréhension s’appuie sur l’exploitation des ressemblances et transparences entre les langues. Pour comprendre un texte dans une langue cible, les locuteurs du même groupe linguistique disposent déjà de nombreux éléments pour l’apprentissage au niveau lexical, phonologique, morphologique et syntaxique auxquels s’ajoutent les indices discursifs, textuels ou culturels liés à une communauté linguistico-culturelle déterminée. […] Un des principaux objectifs de l’intercompréhension est principalement celui de faire apparaître la parenté et donc les ressemblances entre les langues de manière à accroître la capacité de compréhension. » (EuRom, 2012)

En lisant ces définitions, on remarque que le concept d’intercompréhension est à chaque fois décrit légèrement différemment en fonction du contexte dans lequel il apparaît. En effet, la définition ancrée dans un contexte de politique linguistique (D1) met l’accent sur le fait que l’intercompréhension se passe entre des locuteurs qui doivent pouvoir se comprendre tout en continuant à parler leur langue maternelle,

(16)

14 alors que celles ancrées dans un contexte didactique (D3, D4 et D5) mettent plutôt l’accent sur la capacité des locuteurs à comprendre un message (écrit ou oral) dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas.

Le tableau 2 synthétise les points de convergences et/ou de divergences de ces définitions :

Tableau 2. Convergences et divergences des cinq définitions proposées Convergences

L’intercompréhension :

- vise prioritairement la compréhension et non la production d’un message en langue étrangère ;

- vise une compréhension partielle et non totale ;

- permet à un locuteur d’une langue x de comprendre une autre langue qu’il ne maîtrise pas de prime abord ;

- se base sur les ressemblances interlinguistiques.

Divergences

L’intercompréhension peut :

- être une faculté - ou une approche

didactique - se faire uniquement à

l’intérieur d’une même famille de langues6

- ou entre des langues plus éloignées

- impliquer la nécessité d’adapter sa manière de parler dans sa langue maternelle afin d’être plus

« intercompréhensible »

- ou non

2.2.3 Délimitation du concept

Comme nous pouvons le constater, l’intercompréhension est un concept très large qui peut recouvrir de très nombreux domaines. Dans le cadre de ce mémoire et sauf précision de notre part, nous utiliserons le terme ci-dessous avec l’acception suivante.

6 Par exemple au sein de la famille des langues romanes ou de la famille des langues germaniques.

(17)

15 2.2.3.1 Intercompréhension

Faculté, capacité ou activité mentale permettant à un locuteur d’une langue maternelle x de comprendre partiellement un texte en langue étrangère sans pourtant maîtriser cette langue. Cette langue étrangère doit présenter une proximité linguistique suffisamment grande avec la langue maternelle ou l’une ou l’autre des langues du répertoire langagier des apprenants pour que ceux-ci puissent accéder à du sens en tissant des liens entre les différents systèmes linguistiques. Il est difficile de se prononcer sur le degré minimum de proximité linguistique que les langues doivent présenter pour permettre l’application d’une approche intercompréhensive car le potentiel intercompréhensif d’un texte dépendra à la fois des compétences métalinguistiques et générales ainsi que du profil linguistique des élèves, du degré de difficulté du texte et de la proximité effective existant entre les langues concernées.

L’intercompréhension se limite à des compétences réceptives, elle n’implique pas de compétences productives.

Nous limitons volontairement l’intercompréhension à la compréhension écrite car cela nous paraît plus raisonnable dans l’optique d’un enseignement des langues avec de jeunes élèves. De plus, nous partons du principe qu’une intercompréhension est possible même entre des langues n’appartenant pas à la même famille linguistique.

Par exemple, dans notre cas, nous estimons que des élèves francophones peuvent bénéficier des avantages de l’intercompréhension pour l’apprentissage de l’anglais.

Afin de pouvoir analyser le plan d’études et les MER d’anglais, nous devons tout d’abord chercher à comprendre quels sont les piliers d’une approche intercompréhensive. Pour ce faire, nous nous sommes intéressée aux concepts opérationnels et aux stratégies proposés par Escudé et Janin ainsi qu’aux fondements de deux méthodes intercompréhensives ayant déjà fait leurs preuves.

2.2.4 Eléments clefs de l’intercompréhension7

Escudé et Janin (2010 : 37) identifient trois principaux concepts opérationnels dans la didactique de l’intercompréhension : « le continuum langagier, l’intentionnalité, la

7 L’ensemble de ce point fait référence à Escudé et Janin (2010). Pour une question de lisibilité, nous ne citons qu’une fois les auteurs et l’année, puis nous nous limitons à la mention des pages concernées.

(18)

16 prédictibilité par le contexte et par la forme ». Sur ces concepts viennent ensuite se greffer les stratégies du transfert, d’approximation ainsi que de l’entrée par l’écrit.

2.2.4.1 Continuum langagier

Le concept de continuum langagier est à la base même de celui d’intercompréhension.

En effet, il n’est possible de se comprendre entre deux langues que s’il existe une certaine porosité entre celles-ci. Comme nous l’avons vu précédemment, une langue est un concept flou qui n’est pas délimité par des frontières clairement définies. Ainsi, une famille de langues forme un continuum langagier : chaque langue partage des points communs avec les autres idiomes de sa famille. Quelles sont les limites du continuum ? Pour Escudé et Janin, il n’y en a pas vraiment : même lorsque de grandes ruptures apparaissent, des permanences subsistent souvent par exemple dans le lexique ou dans la morphologie (p. 39). Notons d’ailleurs que :

« [L]es trois grandes familles de langues européennes (slaves, germaniques et romanes) ont bien plus d’éléments communs que de traits de distanciation, puisqu’appartenant toutes trois à la source indo- européenne, mais aussi pour avoir massivement et conjointement forgé par exemple des néologismes scientifiques sur des racines grecques et latines » (pp. 39-40).

2.2.4.2 Intentionnalité

Pour que l’intercompréhension fonctionne, le locuteur doit ressentir « un sentiment d’appartenance commune » qui aura une influence sur son comportement et sur son attitude (p.40). Escudé et Janin parlent d’intentionnalité pour décrire ce phénomène.

Un locuteur qui accepte la variabilité sera donc plus enclin à entrer dans un processus d’intercompréhension qu’un locuteur qui reste bloqué dans une conception fermée de sa langue. Une didactique de l’intercompréhension exige donc de passer de la notion de « contiguïté des langues » à celle de « continuité » (p.40).

(19)

17 2.2.4.3 Prédictibilité par le contexte et par la forme

Pour Escudé et Janin, l’opacité des langues que l’on appelle « étrangères » peut être dépassée de deux manières : d’une part grâce à l’attention portée au contexte et d’autre part grâce à celle portée à la forme (p.42).

Le contexte dans lequel le message est produit peut donner beaucoup d’indications au locuteur sur le sens du message. Ce contexte peut être un contexte physique dans le cadre d’une conversation orale ou un contexte paratextuel par exemple dans le cadre d’un message écrit (p.42).

La forme du message et de la langue permet également l’entrée dans l’intercompréhension car elle fournit de nombreuses informations. Il convient donc de se demander quelles sont les ressemblances et les différences entre nos langues.

Le rôle de l’enseignant sera d’aider les élèves à trouver des régularités et du sens derrière les particularités et les différences. Il s’agira principalement de « créer des ponts » et de « provoquer le réflexe de prédictibilité » (p.43).

Les ponts sont donc « des phénomènes de régularités graphiques et/ou phoniques de langue en langue » ; par exemple, un élève pourra très vite remarquer que les noms se terminant en –té en français se terminent souvent par –ty en anglais (p.43).

L’apprentissage de l’intercompréhension se basera alors sur un apprentissage de « la régularité formelle » (p.44). Les élèves devront toutefois garder à l’esprit que ces régularités ne constituent pas forcément des règles toujours applicables.

2.2.4.4 Stratégie du transfert

Pour définir le transfert, Escudé et Janin se fondent sur la définition suivante de Cuq :

« L’ensemble des processus psychologiques par lesquels la mise en œuvre d’une activité dans une situation donnée sera facilitée par la maîtrise d’une autre activité similaire et acquise auparavant. » (Cuq in Escudé &

Janin, 2010 : 44)

Selon ces deux auteurs, l’apprentissage d’une langue étrangère bénéficie des connaissances de l’apprenant dans sa langue maternelle ou dans une autre langue, notamment grâce au phénomène de transfert : « l’apprentissage se construit sur un

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18 passage réflexif de L1 à L2, de L2 à L1, mais aussi de L3 ou L4 vers L1 » (p.45).

L’ensemble de tous les transferts constitue un réseau de langues, qui permet aux élèves de se représenter le concept de langage et de comprendre le code propre à chacun des systèmes linguistiques (pp.45-46).

2.2.4.5 Stratégie de l’approximation

La stratégie de l’approximation implique que l’élève va partir du vague pour se rapprocher du précis. Une telle stratégie est vitale en intercompréhension car elle permet aux apprenants de ne pas être submergés par un sentiment d’incompréhension. L’approximation permet de ne pas freiner la communication et prévient les blocages. Il s’agit donc d’une aide pertinente dans une approche intercompréhensive.

La technique du « mot vide » qui consiste « à remplacer le terme opaque par machin ou chose pour pouvoir aller au bout de la phrase ou du texte […et] qui permet d’en dégager le sens global » (p.46) permet par exemple de ne pas rester bloqué devant un obstacle. En effet, l’intercompréhension ne se fonde pas sur l’apprentissage de listes de mots, mais sur des principes globaux d’inférence8 et d’interaction (p.47).

Nous retenons donc qu’une approche intercompréhensive implique nécessairement un droit à l’imprécision et que, comme le soulignent Escudé et Janin, « l’approche approximative reste trop souvent considérée comme une démarche illicite, en particulier dans un environnement scolaire ou universitaire attaché à la recherche d’une stricte exactitude » (p. 47).

2.2.4.6 Stratégie de l’entrée par l’écrit

Le parti pris d’Escudé et de Janin de se fonder uniquement sur l’écrit confirme notre décision de délimiter notre approche intercompréhensive à ce support. Les auteurs argumentent leur choix en se référant à Claire Blanche Benveniste, l’une des

8 En se référant à McKoon et Ratcliff, Bougé et Cailliès (2004 : 80) définissent comme suit le concept d’inférence : « Effectuer une inférence est un processus par lequel le lecteur établit lors de la compréhension de textes une relation entre les propositions sémantiques en cours de traitement et les propositions antérieurement traitées et/ou les connaissances stockées en mémoire à long terme (McKoon & Ratcliff, 1992). Ce processus permet de rendre explicite l’information implicite véhiculée par le texte et d’enrichir la représentation mentale du contenu du texte et par conséquent de construire un modèle de la situation évoquée par le texte. »

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19 pionnières de l’intercompréhension, qui a également opté pour « l’approche d’une langue nouvelle par la compétence de réception et (même si les textes sont oralisés) de réception écrite, c’est-à-dire de lecture », bien qu’une telle approche partielle soit bien sûr en contradiction directe avec les traditions didactiques de la conception communicative et de l’ancienne didactique basée sur la surgrammaticalisation (p.48).

Les deux principaux arguments de ces auteurs pour une entrée par l’écrit sont (pp.48- 49) :

- l’écrit est de plus en plus présent dans notre société (Internet, médias, sms, etc.) ;

- l’écrit, parce qu’il permet de « fossiliser » l’oral, est pertinent dans le cadre d’une approche basée sur des phénomènes de transfert : il est plus facile de constater des ressemblances ou des différences sur un support fixe et durable.

2.2.5 Zoom sur deux méthodes

Afin d’esquisser les bases d’une approche intercompréhensive adaptée au primaire, il est utile de faire un détour par deux méthodes d’intercompréhension reconnues. Cela nous permettra d’observer les différences d’application envisageables et d’isoler les aspects les plus pertinents pour une mise en œuvre dans les classes romandes. Pour chacune de ces méthodes, nous tâcherons d’examiner entre autres le public cible, les langues concernées et les principes didactiques adoptés.

2.2.5.1 Euromania9

Euromania est une méthode d’apprentissage disciplinaire en intercompréhension des langues romanes destinée à des élèves de la fin du primaire. Nous avons décidé de nous intéresser à cette méthode car il s’agit d’une des seules qui ait été élaborée pour des élèves de cet âge. Le tableau 3 synthétise les principales caractéristiques d’Euromania.

9 Toutes les informations de ce point sont issues de Capucho et Escudé (2005).

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20 Tableau 3. Descriptif de la méthode Euromania

Définition de

l’intercompréhension

« Capacité à coconstruire du sens dans des contextes multiculturels et multilinguistiques, préalable à une production de sens en situation pragmatique concrète. » (Capucho & Cox, dans Capucho & Escudé, 2005 : 5)

Public Elèves de 8 à 11 ans de pays de langue romane

Langues Romanes

Type

d’intercompréhension

Entre langues d’une même famille Particularité de la

méthode

Disciplinaire

Objectif Construction de savoirs métalangagiers permettant de parfaire la maîtrise de la langue de départ

Principes didactiques

- Précocité

- Transdisciplinarité (géométrie, géographie, histoire…)

- Capacités métalangagières

Les concepteurs de cette méthode mettent l’accent sur l’importance pour les apprenants de revenir sur la langue première afin de construire des compétences métalangagières qui sont la base de la maîtrise d’une langue. D’après eux, il est plus facile pour les élèves d’analyser leur langue première après l’avoir quittée, ce que permet l’intercompréhension et le contact avec d’autres langues. A la fin de chaque module, Euromania propose donc aux élèves de revenir sur leur langue première en leur posant des questions telles que « Qu’as-tu appris sur ta langue grâce aux langues romanes traversées ? » (p.6).

2.2.5.2 EuroCom10

Bien que la méthode EuroCom ne s’adresse pas à des enfants, nous avons choisi de la faire figurer dans ce mémoire car ses concepteurs décrivent très précisément les

10 Toutes les informations de ce point sont tirées de Klein (2004).

(23)

21 principes didactiques en jeu. Il est donc utile d’en faire un examen précis afin d’isoler les piliers d’une bonne méthode intercompréhensive (cf. tableau 4).

Tableau 4. Descriptif de la méthode EuroCom

Définition de

l’intercompréhension

« Capacité de comprendre une variété de sa propre langue ou une langue étrangère sur la base d’une autre variété ou langue sans l’avoir apprise. » (Klein, 2004, p. 405)

Public

Européens adultes disposant de bonnes connaissances d’une langue romane, germanique ou slave

Langues Romanes, germaniques ou slaves (méthodes séparées)

Type

d’intercompréhension

- Entre langues d’une même famille

- Compétence de lecture et compétence auditive

Particularité de la méthode

Départ d’une langue non maternelle (= base de transfert)

 Raison : en apprenant une nouvelle langue à partir d’une base de transfert qui n’est pas notre langue maternelle, on améliore nos connaissances au sujet de cette langue.

Objectif Obtenir rapidement une compétence de décodage dans les langues cibles

Principes didactiques

- Valorisation des pré-connaissances comme bases de transfert en se servant de sept tamis11 - Décodage dans un premier temps

- Intégration par la suite des apprentissages dans le lexique mental

11 Dans le cas d’EuroCom, il s’agit de « sept filtres qui sont capables d’offrir aux apprenants l’inventaire des transferts pour le passage d’une langue de départ (par exemple le français) vers les autres langues de la même famille (les autres langues romanes) » (Klein, 2008 : 119). Soit en particulier : le lexique international (1) ; le lexique panroman (2) ; les correspondances phonétiques (3) ; les graphies et la prononciation (4) ; les structures syntaxiques (5) ; les éléments morphosyntaxiques (6) ; et les préfixes, suffixes, « eurofixes » (7) (Klein, 2008).

(24)

22 La méthode EuroCom met l’accent sur la conscientisation des apprenants. Klein relève que l’approche intercompréhensive de l’enseignement des langues est à la fois une didactique de transfert et de préconnaissances : elle se limite au début à une phase de décodage, impliquant des activités d’identification et de reconstruction.

Le descriptif de ces deux méthodes illustre la diversité avec laquelle une approche intercompréhensive peut être déployée. Le contexte jouera donc un rôle important dans l’élaboration de notre méthodologie adaptée pour le primaire.

3 La didactique des langues étrangères

Cette deuxième partie a pour but de délimiter le deuxième concept central de notre question de recherche : la didactique des langues étrangères. Cette thématique étant très complexe et largement documentée, nous n’entrons pas dans une description détaillée des différentes approches existantes. Pour nous, le but principal de la didactique des langues étrangères est l’appropriation par l’apprenant d’une ou de plusieurs langues non maternelles. Il est toutefois important de comprendre quelle est la place de la didactique de l’intercompréhension dans tout ce magma théorique.

Il s’agira donc dans un premier temps de clarifier certains termes qui nous seront utiles dans ce mémoire, puis de donner un aperçu des approches dites plurielles afin de différencier les notions d’éveil aux langues, de didactique des langues intégrée et d’intercompréhension, et finalement d’aborder le lien entre la proximité linguistique et l’enseignement des langues étrangères.

Clarifications terminologiques 3.1

Nous estimons utile de clarifier notre acception de certains concepts théoriques avant de nous lancer plus en avant dans cette deuxième partie. Pour les concepts de langue maternelle, de L1, de langues premières et de langue de scolarisation, nous adopterons les définitions du Lexique Langues du PER (CIIP, 2010a) et nous clarifierons d’autres notions telles que celles de L2, L3, etc. et de langues étrangères.

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23 3.1.1 Langue maternelle - L1 – langues premières

Définition du PER :

« Langue-s maternelle-s : la-les première-s langue-s apprise-s par un enfant, en général dans un contexte familial. On parle également de langue-s première-s ou L1. »

3.1.2 Langue de scolarisation

Définition du PER :

« Langue de scolarisation : langue dans laquelle tous ou la plupart des enseignements scolaires sont prodigués. La langue de scolarisation est souvent la langue commune et la langue première (ou la langue maternelle) des personnes vivant dans la région où se trouve l'établissement scolaire (p. ex. le français comme langue de scolarisation en Suisse romande), mais la langue de scolarisation peut aussi différer, au plan individuel et collectif, des langues premières (ou maternelles) parlées dans la région de l'établissement scolaire. »

3.1.3 Langues étrangères

Dans ce mémoire, nous considérerons comme langue étrangère toute langue qui n’est pas la langue maternelle ou L1 d’une personne. Il semble déjà pertinent de préciser que, dans le contexte scolaire, la langue de scolarisation peut donc être considérée comme la L1 de certains élèves et comme une langue étrangère pour d’autres.

3.1.4 L2, L3,…

La L1 étant la langue maternelle d’une personne, les L2, L3,… représentent les langues étrangères apprises ultérieurement. La L2 est donc la première langue étrangère apprise par une personne, la L3, la deuxième, etc. Ainsi, à l’école primaire, comme indiqué ci-dessus, la langue de scolarisation est la L1 de certains élèves et la L2 d’une partie de la classe. Par conséquent, l’allemand, qui est la première langue étrangère enseignée à l’école en Suisse romande, est en règle générale la L2 des élèves dont la L1 est le français et la L3 des élèves dits allophones.

(26)

24

Approches plurielles

12

3.2

Une approche plurielle est une démarche pédagogique dans laquelle l’élève développe des compétences dans plusieurs langues en travaillant simultanément sur celles-ci, c’est-à-dire sans les isoler les unes des autres (Candelier, Oomen-Welke & Perregaux, 2003 : 19). Une telle démarche s’oppose à l’approche singulière qui a dominé le siècle passé, notamment par le biais de la méthode directe et du behaviorisme, et qui se caractérisait par un isolement des différentes langues enseignées à l’école ; le recours à la langue maternelle, par exemple par des exercices de traduction, y était totalement banni (Candelier et al. : 19).

Aujourd’hui, de nombreuses recherches mettent en exergue l’importance d’effectuer des synergies entre les langues et ce principe est désormais l’un des concepts clés du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) du Conseil de l’Europe qui intègre notamment la notion de compétence plurilingue et pluriculturelle (Candelier et al., 2003 : 19). Cette compétence est décrite comme suit dans le CECR (Conseil de l’Europe, 2001 : 129) :

« [Il s’agit de la] compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser. »

On sort donc d’une conception cloisonnée de l’apprentissage des langues, ce qui permet aux enseignants d’oser faire des liens entre les différentes langues étrangères enseignées. En effet, la constitution d’un répertoire plurilingue n’est plus pensée comme le résultat d’une « simple juxtaposition de connaissances et de savoir-faire dans des langues différentes mais comme une recherche de complémentarité et de

12 Nous avons opté pour le terme « approches plurielles ». Nous sommes consciente qu’il existe d’autres termes très proches tels que « didactique du plurilinguisme », mais il n’est pas pertinent dans le cadre de ce mémoire d’insister sur les différentes nuances formant la matrice conceptuelle de l’enseignement des langues étrangères. Pour un complément d’informations, se référer à Troncy, Christel (dir.), de Pietro, Jean-François, Goletto, Livia & Kevran, Martine (2014), Didactique du plurilinguisme. Approches plurielles des langues et des cultures. Autour de Michel Candelier, Presses universitaires de Rennes, Rennes.

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25 synergie entre les connaissances et les apprentissages linguistiques » (Goullier, 2006 : 104).

La définition du CECR présuppose donc que la compétence plurilingue d’un individu est inévitablement déséquilibrée et que celle-ci peut évoluer car « les différents niveaux de compétences dans les différentes langues qui composent la compétence plurilingue ne peuvent être identiques dans toutes les langues et pour toutes les activités langagières » (Goullier, 2006 : 104). Il n’importe donc plus de maîtriser parfaitement les cinq niveaux de compétences d’une langue - « écouter-lire- écrire-prendre part à une conversation- s’exprimer oralement en continu » (Goullier : 39) – mais plutôt d’étoffer son répertoire langagier afin de pouvoir y puiser des ressources pour différentes situations langagières.

D’après Goullier (2006 : 105), l’enjeu pédagogique est désormais de se demander :

« Comment tirer profit, pour l’enseignement d’une langue, des apprentissages antérieurs ou parallèles d’autres langues ? Comment faciliter chez les élèves une complémentarité efficace entre leurs apprentissages linguistiques différents ? ».

Candelier et al. (2003) distinguent trois types d’approches plurielles : la didactique des langues intégrée, l’intercompréhension entre les langues parentes et l’éveil aux langues. Nous allons donc nous intéresser à ces trois approches afin de comprendre leurs ressemblances et leurs différences. Pour ces trois notions, nous partirons à chaque fois de la définition donnée par le PER.

3.2.1 La didactique des langues intégrée

Cette approche préconise d’établir des liens entre les différentes langues enseignées dans le cadre d’un programme scolaire (Candelier et al., 2003 : 20). Le but est « de prendre appui sur la langue maternelle (ou la langue de l’école) pour faciliter l’accès à une première langue étrangère, puis sur ces deux langues pour faciliter l’accès à une deuxième langue étrangère, etc. » (Candelier et al. : 20).

Le PER promeut une telle approche qu’il définit de la manière suivante :

« Didactique qui vise à coordonner l'enseignement/apprentissage des diverses langues enseignées à l'école, à tous les niveaux pertinents (formation des enseignant-e-s, plans d'études, moyens d'enseignement, pratique enseignante en classe), en mettant en lumière les parts

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26 communes des différentes didactiques de langues individuelles et en planifiant l'ordre d'apparition des contenus d'apprentissage dans les diverses langues afin d'éviter les incohérences et de créer des synergies positives. » (Lexique Langues du PER, CIIP, 2010a)

Dans son cours de didactique de l’anglais, en se référant à divers auteurs (Wokusch, Wiater, Hutterli, Stotz & Zappatore), Zappatore (2014) met en exergue 8 principes de la didactique intégrée des langues :

- « développement de compétences fonctionnelles efficaces dans chaque langue enseignée ;

- développement d’une compétence plurilingue13 ; - curriculum diversifié et coordonné ;

- enseignement centré sur l’apprenant et sur les processus d’apprentissage, tenant compte des savoirs et des savoir-faire langagiers déjà acquis ;

- cohérence et continuité des démarches proposées aux élèves ; - mise en place d’une posture d’observation et de comparaison ; - exploitation du potentiel de transfert des savoir-faire langagiers

généraux et des processus de haut niveau (y compris la métacognition) ;

- développement de stratégies de communication et d’apprentissage efficaces chez les élèves (y compris la métacognition) ».

Dans le contexte romand, il s’agirait de mettre sur pied un enseignement des langues permettant aux élèves de prendre appui dans un premier temps sur la langue de scolarisation (le français) pour apprendre l’allemand, puis de s’aider de ces connaissances (en français et en allemand) pour construire de nouvelles compétences en anglais. L’enseignant devrait veiller à optimiser les synergies envisageables dans l’apprentissage de ces trois langues. Il pourrait décider de traiter un même objectif grammatical, par exemple les déterminants possessifs, de manière simultanée dans les trois langues ou de manière consécutive en fonction des gains de temps et de l’aide qu’un tel choix pourrait apporter aux élèves. L’enseignant devrait mettre l’accent sur

13 Telle que décrite dans le CECR.

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27 l’élaboration du répertoire plurilingue des élèves et sur l’acquisition de stratégies transférables entre les trois langues abordées à l’école et surtout tenir compte des apprentissages déjà réalisés antérieurement dans le domaine langagier.

Comme l’illustre la figure 1 tirée du cours de Zappatore (2014), les élèves seront parfois confrontés à des tâches similaires dans les deux langues à peu de temps d’intervalle. Dans de tels cas, il est important d’anticiper et d’adapter son enseignement. Dans l’exemple suivant, l’élève pourrait se dire qu’il a déjà réalisé cette tâche communicative, à savoir décrire son animal de compagnie, et donc se sentir démotivé. L’enseignant devrait donc adapter la tâche en la transformant quelque peu.

Il pourrait proposer aux élèves par exemple de décrire l’animal de compagnie d’un ami. Cette tâche travaillerait les mêmes objectifs langagiers tout en tenant compte de ce qui a déjà été fait dans l’autre langue étrangère. De plus, il pourrait inciter les élèves à comparer les structures dans les différentes langues. Une telle capacité d’adaptation et de coordination est un exemple de mise en œuvre d’une didactique intégrée de l’enseignement des langues au primaire.

Figure 1. Deux exemples d’activités similaires dans deux méthodes différentes.

Finalement, il est intéressant de noter que la didactique intégrée doit être mise en œuvre dans l’enseignement des langues en Romandie, d’une part car elle est prescrite dans une décision de la CIIP (2007 : 1) selon laquelle l’enseignement de l’anglais au primaire « s’inscrit dans une perspective de didactique intégrée cherchant à coordonner les démarches et les apprentissages réalisés en langues étrangères et en français » ; d’autre part car sans cette approche, il serait très difficile d’atteindre le niveau souhaité avec la dotation horaire allouée. En effet, comme le souligne

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28 Zappatore (2014), les niveaux d’attente en allemand et en anglais sont les mêmes en fin de scolarité selon le PER, alors que les élèves auront bénéficié de beaucoup moins de périodes d’anglais, l’enseignement de cette langue commençant deux ans après celui de l’allemand. La grille horaire des différents cantons est donc fixée en ayant pris en considération les connaissances préalables que les élèves ont acquis en allemand et en français.

3.2.2 L’intercompréhension

Candelier et al. (2003) considèrent les trois types d’approches plurielles mentionnées ci-dessus comme trois éléments séparés. Pour notre part, nous tenons à préciser que, si l’intercompréhension et l’éveil aux langues sont bien sûr des approches plurielles, elles sont aussi une sous-catégorie de la didactique intégrée des langues.

Le PER définit comme suit l’intercompréhension entre langues apparentées :

« Démarche didactique relevant essentiellement des approches interlinguistiques, qui a pour caractéristique de faire travailler la compréhension dans une perspective plurilingue et intégrée, en jouant sur la proximité des langues issues d'une même source (langues romanes, langues germaniques,…). La compréhension s'appuie dès lors sur les ressemblances entre mots de langues différentes, sur certaines similitudes structurelles. » (CIIP, 2010a)

Nous n’allons pas redéfinir l’approche intercompréhensive car cela a déjà été largement fait dans la première partie de ce mémoire. Nous désirons toutefois souligner le fait que pour Candelier et al. (2003) l’intercompréhension doit se faire entre langues parentes, alors que nous partons de l’hypothèse qu’une telle approche didactique peut servir même entre langues de familles différentes, notamment par le biais d’une langue pont. D’ailleurs, il serait nécessaire de définir ce que l’on entend par « parentes ». Ce terme n’est pas très précis si l’on ne détermine pas le degré de familiarité nécessaire à l’intercompréhension. Les langues étudiées doivent-elles appartenir à la même famille linguistique, par exemple être toutes des langues romanes, ou peuvent-elles simplement entretenir un lien de parenté de par leur appartenance au groupe des langues indo-européennes ? Pour éviter tout malentendu, nous parlerons simplement par la suite d’intercompréhension. Nous reconnaissons la nécessité d’un certain degré de proximité linguistique - une

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29 approche intercompréhensive ne serait bien évidemment pas du tout utile à un élève japonais désirant apprendre le français - mais nous ne désirons pas entrer dans le débat du degré de proximité linguistique nécessaire à une bonne intercompréhension car nous ne l’estimons pas très utile dans le contexte de ce travail. En effet, dans le milieu scolaire, l’intercompréhension n’a pas un enjeu aussi important qu’elle pourrait l’avoir dans un cadre institutionnel où l’on communiquerait par intercompréhension et où une erreur de compréhension pourrait avoir de sérieuses conséquences. Dans notre cadre, l’intercompréhension est un outil au service de l’enseignement des langues permettant aux élèves d’apprendre plus rapidement et de systématiser certains phénomènes linguistiques. Dès lors, même si une langue ne présente que de rares ressemblances avec le français, il peut être utile d’utiliser une approche intercompréhensive pour tirer profit de ces analogies.

Le but d’une approche intercompréhensive dans une optique de l’enseignement des langues réside dans « l’exploitation systématique des pré-acquis des apprenants » tout en « misant sur la rentabilisation de la parenté linguistique » (Meissner, 2004 in Borel, 2012 : 168). Il s’agira donc, pour développer des compétences réceptives et pour faciliter la mémorisation du lexique et de certaines structures syntaxiques, de mettre en exergue les points de convergence et de divergence intersystémiques.

3.2.3 L’éveil aux langues

Il est important de définir ce concept afin de comprendre où se situe la différence entre l’éveil aux langues et l’intercompréhension dans un contexte scolaire. La notion d’éveil aux langues a été décrite par de nombreux auteurs (dont Candelier, Oomen- Welke & Perregaux, 2003), mais nous avons décidé de partir de la définition du PER et des commentaires de De Pietro (2008) afin de rester dans le contexte romand.

Pour mieux cerner cette notion, voilà la définition donnée dans le Lexique Langues du PER (CIIP, 2010a) :

« Démarche didactique relevant essentiellement des approches interlinguistiques, qui a pour caractéristique de faire travailler les élèves sur une grande diversité de langues, sans avoir nécessairement pour but d'enseigner ces langues, mais plutôt de développer chez eux (a) des savoirs à propos de la communication, des langues et de leur diversité, (b) des savoir-faire utiles pour l'apprentissage des langues

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30 quelles qu'elles soient, (c) des attitudes de curiosité et d'ouverture envers la diversité linguistique et culturelle (savoir-être), et leur motivation à apprendre des langues. »

Dans un premier temps, De Pietro (2008 : 199-200) précise :

« L’intercompréhension peut d’une certaine manière être vue comme une

“méthodologie” alors que l’éveil aux langues doit être conçu comme une sorte de cadre soutenant et donnant sens à diverses démarches – intercompréhension, stratégies exolingues, etc. -, le tout s’inscrivant à son tour dans une conception intégrée de l’enseignement/apprentissage des langues et des cultures ».

Pour De Pietro (2008 : 200), ce qui relie ces deux approches, c’est « le constat de départ selon lequel les compétences plurielles initiales, des enfants ou des adultes, sont le plus souvent sous-exploitées, voire déniées, dans les dispositifs d’enseignement/apprentissage ». D’après lui, les élèves ne font pas spontanément des ponts entre les différentes langues étudiées et l’école ne pousse pas suffisamment les élèves à le faire. Dans ce sens, ces deux approches se ressemblent dans la mesure où elles ont pour but d’inciter les élèves à comparer les langues et à utiliser les ressources dont ils disposent déjà. D’après De Pietro (2008 : 203), qui se réfère à Castelloti (2001), ce non-réflexe d’établir des ponts entre les différentes langues est notamment dû au fait « qu’il s’est agi pendant longtemps d’éviter à tout prix le recours à la L1, sources d’interférences, de mélange, de confusion ».

Au final, la principale différence entre l’intercompréhension et l’éveil aux langues est que l’éveil aux langues ne vise pas directement un apprentissage des langues, mais bien plus une ouverture à de nombreuses langues et cultures, alors que l’intercompréhension vise à développer des compétences réceptives dans les langues étudiées. Notons également que l’éveil aux langues peut tout aussi bien porter sur des langues de la même famille que sur des langues ne présentant aucune proximité linguistique (De Pietro, 2008 : 211).

De Pietro (2008) met l’accent sur le fait que ces deux approches ne devraient pas être opposées ou qu’il ne faut pas en choisir une au détriment de l’autre. Pour lui, il faut plutôt les percevoir comme deux approches complémentaires, l’une plutôt réflexive (l’éveil aux langues), et l’autre plutôt pragmatique (l’intercompréhension), ayant

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