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Tableau 12. Activités permettant une approche intercompréhensive

Nombre et (%)

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L’analyse que nous avons effectuée semble corroborer notre hypothèse selon laquelle les MER d’anglais actuels permettent une approche intercompréhensive et peuvent être adaptés en conséquence. En effet, il ressort que l’ensemble des activités sélectionnées dans le manuel de 7H et le 65,22 % de celles de 8H sont compatibles avec une telle approche, à condition parfois d’adapter légèrement la tâche (cf.

tableau 12). Notons toutefois que, pour que ces tâches soient abordées selon les principes d’une approche intercompréhensive, il est nécessaire dans tous les cas que l’enseignant active les différentes ressources cognitives des élèves et qu’il favorise le développement de stratégies de compréhension et la mise en œuvre de certains transferts en adaptant son enseignement.

D’après notre examen, les ressources décrites dans notre méthode sont toutes exploitables dans plus de la moitié des activités à l’exception de CSIT et de CSCRIP (cf.

tableau 13). Les connaissances lexicales semblent constituer le plus grand réservoir de savoirs pour les élèves : elles sont presque tout le temps exploitables, quelle que soit l’activité. Cela s’explique notamment par le grand nombre de mots internationaux véhiculés par l’anglais, et par les nombreuses correspondances lexicales que les élèves peuvent établir tant avec leur langue de scolarisation qu’avec leurs connaissances de la langue allemande. L’anglais partageant à la fois un fond latin et germanique, les élèves peuvent également fortement s’appuyer sur leurs connaissances grammaticales. Les connaissances générales des élèves se révèlent également particulièrement utiles car les thématiques abordées, l’école dans le cas des deux unités étudiées, font partie de la culture des élèves. Quant aux connaissances

80 comportementales, elles s’avèrent particulièrement utiles dans les activités de 7H, notamment grâce à la richesse des illustrations et donc à la volonté des concepteurs de la méthode de simplifier l’accès au sens pour les élèves. En 8H, par contre, nous avons observé une diminution du nombre d’activités présentant des images facilitant la compréhension. Finalement, CSIT et CSCRIP sont les ressources sur lesquelles les élèves semblent le moins pouvoir s’appuyer. Concernant les connaissances situationnelles, nous expliquons ce résultat par un effet de « brouillage » induit par la mise en page et par l’absence de situation authentique : il peut être parfois difficile pour les élèves de distinguer ce qui appartient au message et ce qui appartient à la didactisation de l’activité (consigne, remarques, etc.). En effet, afin de motiver les élèves et de leur fournir des supports visuels, les concepteurs enrichissent la mise en page des textes. Or, parfois, cette mise en page empêche les élèves de percevoir le genre textuel étudié et donc de s’appuyer sur leurs connaissances situationnelles.

Certaines activités du manuel de 8H ne permettent pas selon nos résultats l’application d’une approche intercompréhensive. Voilà une synthèse des principales causes à l’origine d’une telle incompatibilité :

- la compréhension exigée pour réaliser la tâche est trop fine ;

- le vocabulaire à manipuler n’est pas suffisamment intercompréhensible ; - ou le message à comprendre n’est pas suffisamment contextualisé (par du

texte ou par des images) et se résume parfois à de simples lexèmes ou à des phrases isolées.

Ce dernier point fait écho aux propos de Caddéo et Jamet (2013 : 80) :

« Nous avons du reste montré (Jamet, 2010b) que des textes courts et pourtant très familiers de niveau A2, comme un menu ou une annonce, peuvent se révéler beaucoup plus difficiles que prévu, précisément parce que rien ne permet de deviner, si la forme est opaque, quel est le sens du mot isolé dans une liste ou dans un bref paragraphe. »

Ainsi, pour qu’un texte ou une activité soit intercompréhensible, celui-ci ou celle-ci doit être suffisamment contextualisé(e) pour que les élèves puissent s’appuyer sur leurs déjà-là. Cela semble évident, mais cela implique concrètement d’exposer les élèves à des textes relativement complexes dès les premières leçons d’anglais. Or, ce

81 principe n’est pas réellement mis en œuvre par MORE ! qui ne propose que des textes très brefs dans sa première unité de 7H.

Analyse du lexique 6.4

6.4.1 Méthodologie

Pour analyser le lexique des unités 1 de 7H et de 8H, nous avons listé l’ensemble du vocabulaire que les élèves sont censés maîtriser en fin de séquence et, pour chaque mot ou expression, nous avons recherché un ou plusieurs termes allemand ou français permettant d’établir un pont interlinguistique. Nous n’avons pas fait une recherche étymologique approfondie, mais plutôt mentionné des termes ou des expressions que les élèves sont en mesure de connaître et donc sur lesquels ils pourraient s’appuyer pour décoder le sens du ou des lexèmes en question. Nous n’avons donc pas effectué de traduction, mais listé des lexèmes ou des structures linguistiques formellement proches en allemand et en français, ne possédant parfois que quelques sèmes communs. Nous avons classé chaque item dans un tableau et avons grisé les lignes de ceux pour lesquels il n’existe aucune correspondance dans les deux autres langues (annexe 7). Ensuite, nous avons brièvement décrit les conseils ou « word tips » qui accompagnent ces deux listes de vocabulaire et qui s’adressent aux élèves (annexe 8). Finalement, nous nous sommes prononcée sur l’éventualité d’une approche intercompréhensive à l’aune des données obtenues.

6.4.2 Bilan de l’analyse

Cette analyse du lexique de deux unités de la méthode d’anglais MORE ! semble étayer notre hypothèse selon laquelle une approche intercompréhsensive est possible pour l’apprentissage de l’anglais par des élèves majoritairement francophones et ayant déjà suivi deux ans de cours d’allemand. Les élèves peuvent effectivement s’appuyer sur leurs connaissances linguistiques en français et en allemand pour décoder le sens de lexèmes anglais qui leur sont encore inconnus. Dans l’unité 1 de 7H, seuls 10 items sur 43 ne présentent aucune similitude avec les deux autres langues du répertoire langagier des élèves et dans celle de 8H le bilan est encore plus positif avec seulement 8 sur 55. Cela signifie qu’en moyenne, entre ces deux unités, le 81 % des items de notre analyse permettent aux élèves de créer des liens interlinguistiques.

Certains pourraient contrer ces résultats en disant que deux unités ne sont pas

82 représentatives de toute la méthode. Or, les thèmes abordés dans les autres unités (sport, shopping, alimentation, etc.) laissent présager une grande part de vocabulaire international et donc un pourcentage tout autant élevé de correspondances potentielles.

Il apparaît donc que le vocabulaire abordé dans ce MER, autant en 7H qu’en 8H, permet une approche intercompréhensive. De plus, la méthode met clairement l’accent sur des stratégies de comparaisons interlinguistiques pour l’apprentissage du vocabulaire en poussant les élèves à confronter leurs connaissances en anglais, en français, en allemand et dans d’autres langues de leur répertoire plurilingue.

L’approche du Word Book est donc compatible avec une approche intercompréhensive et vient confirmer en partie notre dernière hypothèse.

Analyse des recommandations pédagogiques

46

6.5

Notre analyse ne serait pas complète sans un détour par les recommandations et les principes méthodologiques des deux Guides Pédagogiques 47de MORE ! (GP désormais) Nous avons donc parcouru l’introduction ainsi que les chapitres consacrés à l’unité 1 des GP de 7H et de 8H à la recherche d’éléments permettant ou non une approche intercompréhensive.

Nous constatons que plusieurs points sont parfaitement compatibles avec une telle approche. Citons par exemple :

- l’existence d’une rubrique « Language Links » visant l’explicitation de certaines correspondances interlinguistiques48 ;

- la volonté de s’inscrire dans la cadre d’une didactique intégrée des langues49 ; - l’inclusion du recours au Portfolio des langues50 et donc le désir de développer un

répertoire plurilingue auprès des élèves ;

- la recommandation d’aider les élèves à développer des stratégies de lecture : lecture globale, prédictions, activation des déjà-là, approximation du sens, etc.51 ;

46 Pour des questions de lisibilité, les références de ce point figurent toutes en notes de bas de page.

47 Puchta et al. (2013d et 2014d).

48 Puchta et al. (2013d : 8 ; 2014d : 8).

49 Puchta et al. (2013d : 20 ; 2014d : 21).

50 Puchta et al. (2013d : 27 ; 2014d : 31).

51 Puchta et al. (2013d ; 2014d).

83 - et le conseil de travailler les mots internationaux avec les élèves52.

Toutefois, nous relevons certains points allant à l’encontre de notre hypothèse. Par exemple, bien que MORE ! affirme à plusieurs reprises vouloir aider les élèves à créer des ponts entre les langues, aucun des objectifs opérationnels du GP ne va dans ce sens. La plupart sont des objectifs communicationnels liés à une situation précise, mais aucun ne vise l’acquisition de stratégies métalinguistiques ou interlinguistiques.

Le GP propose donc des objectifs du type « lire et comprendre une bande dessinée comportant des expressions courantes simples »53, mais aucun du type « être capable d’identifier à l’intérieur d’un texte des mots présentant des correspondances graphiques avec d’autres langues connues ». Cela est certainement lié au fait que cette méthode souhaite travailler la grammaire de manière implicite en recourant à des exemples en contexte54. MORE ! semble donc accorder plus d’importance à l’aspect communicatif qu’aux compétences métalinguistiques des élèves. Le GP s’explique en disant que « la plupart des élèves préadolescents ne sont pas encore capables de comprendre des règles de grammaire abstraites, mais assimilent plutôt la grammaire par des chunks porteurs de sens en les utilisant dans des activités »55. Or, bien qu’ils soient incapables de les comprendre, les élèves, d’après le GP, sont censés « induire la règle de grammaire à partir de l’exemple »56. Si les élèves sont capables d’induire une règle de grammaire, alors ils devraient également être capables d’induire des correspondances graphiques interlinguistiques et cette compétence pourrait donc être un objectif.

L’entrée par l’oral dans l’apprentissage de l’anglais est un autre obstacle à une approche intercompréhensive. A plusieurs reprises57, le GP met l’accent sur la nécessité de passer d’abord par l’oral et donne le conseil suivant : « Il est très important que les élèves écoutent et répètent les mots nouveaux le plus de fois possible avant de les voir sous leur forme écrite. » 58 L’absence de référence directe à l’intercompréhension est également déplorable. En effet, MORE ! dit s’inscrire dans le cadre d’une didactique intégrée des langues et renvoie les enseignants vers des

84 manuels d’éveil aux langues59 pour les encourager à enseigner des stratégies de transferts de connaissances interlinguistiques, mais ne mentionne à aucun moment l’intercompréhension. Finalement, bien que la méthode propose des « Language links », ceux-ci n’apparaissent que sporadiquement dans les différentes unités et ne portent que sur des éléments lexicaux décontextualisés. Cela est regrettable car cette stratégie de comparaison devrait si possible être activée systématiquement au côté des stratégies de lecture mentionnées précédemment.

En résumé, les recommandations et les principes des GP sont à l’image du PER. Ils prétendent vouloir s’inscrire dans le cadre d’une didactique intégrée des langues et vouloir favoriser la création de liens entre les langues, mais ils sont frileux dans la mise en œuvre ou dans l’affirmation de ces principes, notamment par leur concrétisation en objectifs. Tout comme le PER, les recommandations du GP s’opposent à une approche intercompréhensive au primaire dans la mesure où elles prônent une entrée par l’oral et une découverte implicite de la grammaire. Par contre, comme pour le plan d’études, le reste des recommandations est tout à fait compatible avec un enseignement par l’intercompréhension, comme l’illustrent plusieurs des stratégies de lecture proposées (approximation du sens, prédiction, etc.). Soulignons que, si nos conclusions pour l’analyse des recommandations des GP sont si proches de celles obtenues pour le PER, c’est parce que cette méthode a été tout particulièrement adaptée pour les cantons romands et pour une adéquation avec les principes du plan d’études officiel60.

Conclusion de l’analyse des MER 6.6

Au vu de ce qui précède, nous arrivons à la conclusion que les MER romands d’anglais de 7-8H permettent une approche intercompréhensive de l’enseignement des langues, tant au niveau du lexique - en grande partie intercompréhensible - , des thématiques abordées - proches des élèves et riches en vocabulaire international - , des activités proposées et des recommandations pédagogiques, qui sont dans la lignée des prescriptions du plan d’études. La plupart des activités analysées se sont révélées compatibles avec la démarche proposée, hormis dans de rares situations.

L’impossibilité de l’intercompréhension était alors due à un manque d’authenticité, à une contextualisation insuffisante ou à une trop grande opacité du lexique.

59 Puchta et al. (2013d : 20).

60 Puchta et al. (2013d : 16 ; 2014d : 16).

85 Bien qu’une approche intercompréhensive soit possible, il faut souligner qu’elle n’est pas pour autant promue de manière explicite. En effet, les activités ne sont pas conçues dans une telle optique et les recommandations pédagogiques ne mentionnent à aucun moment le concept d’intercompréhension, restant uniquement orientées sur des objectifs communicationnels. Ainsi, à l’exception de quelques rapprochements interlinguistiques relativement simplistes, MORE ! ne prévoit aucune tâche impliquant directement une activité intercompréhensive. Ce MER est donc à l’image du PER, qui loue les vertus des approches plurielles, mais qui reste frileux à l’heure de les traduire en objectifs.

Ce constat nous amène à la conclusion que l’intercompréhension ne sera certainement pas utilisée dans les classes romandes au service de l’enseignement des langues, à moins que les enseignants n’aient été formés à ses principes. Comme cette approche ne fait pas partie intégrante des moyens d’enseignement et que, pour être appliquée, elle nécessite l’activation de certaines ressources par les enseignants, elle dépend intégralement de ceux-ci. Il s’agira donc d’inclure l’intercompréhension dans la formation des enseignants, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue, afin notamment de progressivement faire évoluer les mentalités quant au contact interlinguistique dans les cours de langues.

Pour éviter que les enseignants ne fassent que de la sensibilisation à l’intercompréhension, comme c’est souvent le cas aujourd’hui dans le meilleur des cas, la CIIP pourrait mettre à disposition des enseignants un document complémentaire au Guide pédagogique de MORE ! fournissant des propositions d’adaptations ou des conseils pédagogiques pour une mise en œuvre des activités de ce moyen selon les principes d’une approche intercompréhensive.

Adaptations des MER 6.7

Notre analyse de ces deux unités de MORE ! nous a donné quelques pistes quant à la manière dont les enseignants pourraient adapter les MER afin de les utiliser comme support dans le cadre d’une approche intercompréhensive. Elles sont résumées dans les points ci-dessous.

86 6.7.1 Mise à disposition d’autres textes

L’adaptation la plus logique et celle qui ressort le plus dans notre analyse consiste à fournir aux élèves des points de comparaison sous la forme de messages en allemand et/ou en français. Selon les activités, l’enseignant pourra fournir aux élèves divers documents en allemand et/ou en français : des traductions, des textes similaires authentiques, dits parallèles, ou des listes de mots. Par exemple, dans certaines situations, telles que dans l’ex. 1 p. 4 du Student’s Book de 7H, il peut être utile de distribuer aux élèves un texte similaire en allemand et en français (dans le cas présent, un dialogue) afin que ceux-ci puissent plus facilement établir des liens avec les langues qu’ils connaissent déjà. Cette adaptation devra principalement être mise en œuvre dans les débuts car elle donne aux élèves un appui visuel leur permettant d’activer leurs connaissances linguistiques antérieures et de créer des ponts. En comparant les divers textes, les élèves découvriront certaines similarités qu’ils n’auraient peut-être pas identifiées tout seuls. Une fois que les élèves auront acquis le réflexe de tisser des liens au sein de leur répertoire plurilingue, la mise à disposition de textes dans d’autres langues ne sera plus autant nécessaire.

Les enseignants devront donc choisir des textes abordant la même thématique et appartenant si possible au même genre. Il peut s’agir de traductions ou de textes simplifiés, mais il est préférable d’exposer les élèves à des textes authentiques.