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Parallèlement au développement des consommations dans les milieux ouvriers, l’alcool distillé, l’opium et le cannabis intéressent également les assemblées éduquées des scientifiques et des artistes.

Dès 1822, un écrivain anglais, Thomas de Quincey fait paraître son livre : « Confessions of an English Opium Eater »166. Il y décrit son expérience propre de la consommation d’opium. Il présente les plaisirs que cette substance produit puis les souffrances qui découlent de sa prise régulière et prolongée. Mais les lectures postérieures de cette œuvre, et notamment celles de Musset et de Baudelaire retiennent essentiellement les fortes impressions qui ressortent des descriptions des agréments de l’intoxication.

Il semble en effet que dans ce siècle de bouleversements socio-politiques et de développement scientifique et industriel, l’humeur soit à la mélancolie et à la nostalgie. Les observateurs de l’époque, dont Châteaubriand et Musset, parlent de « mal du siècle » pour rendre compte de cet état d’esprit de la jeunesse intellectuelle française. C’est sur ce sentiment que germe le courant français du romantisme. Ayant perdu l’élan des penseurs des Lumières, les jeunes intellectuels et artistes cherchent à s’évader du monde matérialiste et laborieux qui les entoure et

165 Bergeron, Sociologie de la drogue. op.cit. 166

Thomas De Quincey, Confessions of an English Opium Eater (1821), Revised edition edition (London ; New York: Penguin Classics, 2003).

sont en quête d’une beauté et d’une vérité « ailleurs ». Dans leurs milieux créatifs, l’alcool et notamment l’absinthe, est consommé, mais également l’opium et le cannabis dont l’attrait de la puissance psychotrope est doublé par celui de leurs origines exotiques.

Un psychiatre, Jacques-Joseph Moreau dit Moreau de Tours, va apporter une forme de caution aux explorations des poètes. Grand voyageur, il expérimente méthodiquement les effets du chanvre indien (cannabis) sur lui-même et en publie en 1845 les résultats dans un livre scientifique intitulé « Du Hachisch et de l’aliénation mentale »167. À la même époque il crée le Club de Haschischins et convie de nombreux artistes, poètes et intellectuels à des réunions où ils expérimentent collectivement les effets de l’opium et du cannabis sous différentes formes dans une atmosphère de mystère, d’exotisme, de raffinement et de recherche. Baudelaire, Musset, Delacroix, Daumier, Dumas, Nerval entre autres grands artistes, poètes et écrivains de l’époque fréquentent ces réunions. Alfred de Musset, membre fidèle du club des Haschischins, écrit en 1846 une nouvelle éponyme qui relate son expérience au sein du club. Cette aventure sera également utile à Charles Baudelaire dans la préparation de ses « paradis artificiels ».

Ainsi, en ce milieu de 19ème siècle, les cercles artistiques, intellectuels et scientifiques conservant une certaine distance avec les bouleversements sociaux et influencés par les idées du romantisme concourent à diffuser une image plaisante des états modifiés de conscience qui permettent à la fois une nouvelle sociabilité et un accroissement des capacités imaginatives et créatrices. Même s’il y a un prix à payer qui n’est pas caché par les « Haschischins », c’est l’image d’un nouveau monde d’expériences lénifiantes et fascinantes qui est suggéré et qui restera pour de nombreuses générations de jeunes en état de « spleen » un horizon d’apaisement séduisant.

Ce romantisme des stupéfiants conservera son influence au cours de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle. Une même quête mêlant curiosité scientifique et recherche esthétique et intellectuelle se retrouve dans les travaux de Sigmund Freud sur la cocaïne et de Walter Benjamin sur le cannabis, ainsi que chez les artistes et écrivains bohèmes de Montmartre puis Montparnasse.

167

Jacques Joseph Moreau, Du hachisch et de l’aliénation mentale: études psychologiques (Paris: Fortin, Masson et Cie, 1845).

On retrouve cet élan après la seconde guerre mondiale, chez Henri Michaux par exemple lorsqu’il expérimente, sous contrôle médical, les effets de la mescaline sur ses capacités créatrices. Mais il faut évidemment penser au mouvement contestataire des années 1960 à 1980 qui est parti des États-Unis pour s’étendre ensuite à l’ensemble du monde occidental et qui a promu la consommation de psychotropes, et d’hallucinogènes en particulier, comme un outil de libération face aux multiples aliénations sociales et comme un moyen de développer une nouvelle forme de lien social compatible avec la libération sexuelle, l’idéal pacifiste et l’éveil personnel. Timothy Leary, à la fois écrivain et scientifique qui a expérimenté sur lui-même et ses étudiants le LSD et d’autres hallucinogènes, est une figure marquante de cette époque.

Bien que cette figure normative n’ait pas été portée par la puissance d’un discours officiel comme ce fut le cas de la figure hygiéniste, elle a marqué fortement les représentations collectives des produits psychotropes. Par rapport à elle se sont également dessinées des trajectoires déviantes. Se situant dans une position de marginalité quelque peu élitiste, la figure romantique critique le sujet qui accepte la morosité et la médiocrité de sa vie. Celui que n’a pas le courage de transgresser certaines règles établies, de désobéir, pour accéder à un niveau supérieur de conscience qui seul permettrait d’établir de nouvelles modalités d’être ensemble, plus juste, pacifiée et joyeuse, est jugé sans intérêt voire complice de son aliénation.

Le sujet hypermoderne : individu «

moderne-liquide » ou « incertain » ?

Les auteurs de la postmodernité ou de l’hypermodernité soulignent la mutation sociale, le changement voire la rupture par rapport à un état social ancien et ainsi tendent à masquer la persistance de modèles normatifs préexistants. Le sujet hypermoderne est héritier des figures normatives qui l’on précédé. Et comme tout héritier, il est dans un rapport de réaction, de tentative de réinvention tout en étant à son insu dans un mouvement de continuation et de reproduction.

Zygmunt Bauman168 définit la notion de « modernité liquide » à partir de l’idée d’une « modernité solide », issue des Lumières et qui a été notre paradigme social depuis la chute des anciens régimes en Europe. Son approche de la modernité vaut pour l’ensemble des sociétés occidentales, mais son modèle est la France post révolutionnaire. Cette modernité solide est caractérisée par des institutions et des liens sociaux stables dans le temps et l’espace. Cette stabilité préside à la répartition du pouvoir et des libertés au sein de la société. Elle concerne l’ensemble des couches sociales et des pouvoirs institués, politique, éducatif, sanitaire, judiciaire… Bauman rappelle que cette stabilité s’accompagne d’une rigidité importante et qu’elle tend à reproduire les injustices sociales comme le montre volontiers une sociologie post foucaldienne. Toutefois, Bauman s’intéresse moins aux conséquences problématiques de la modernité qu’à sa philosophie première, à son horizon idéal. Pour cet auteur, la devise de la Révolution Française constitue un manifeste de la modernité et permet, par contraste, de définir les maximes de la modernité liquide. Ainsi, la liberté des Lumières est une revendication, un acte d’émancipation face à un ancien ordre de servitude physique et spirituelle. Mais ce rejet de l’hétéronomie qui restitue à l’individu une grande part de liberté n’est pas sans coût :

En moins d’un siècle, le progrès continu vers la liberté individuelle d’expression et de choix a atteint le point où le prix de ce progrès, la perte

de sécurité169, commence à être perçu par un nombre croissant d’individus

libérés (ou forcés à l’émancipation) comme exorbitant – intolérable et inacceptable. (p.135)

La valeur de sécurité tend ainsi à entrer en concurrence avec celle de liberté et, selon Bauman, à progressivement la remplacer. L’Homme moderne-liquide lui semble ainsi prêt à renoncer à une part de sa liberté chèrement gagnée. Corrélativement, il semble qu’il soit également prêt à accepter comme une fatalité une certaine dose d’inégalités au sein de la société. Pour notre auteur et dans cette même idée de déplacement des valeurs, la notion de parité se substitue manifestement à l’idéal d’égalité. Là où l’égalité visait un nivellement par le haut

168 Zygmunt Bauman, L’éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?, Climats (Paris: Flammarion, 2009).

des engagements des individus dans la vie sociale et de la répartition de ces bénéfices, la parité170 semble se contenter d’une reconnaissance égale au sein d’une vie collective inégalitaire : « La ‘parité’ n’est en aucun cas l’ ‘égalité’ ; ou plutôt, elle est une égalité réduite au droit à la reconnaissance, au droit à la solitude et au droit d’être abandonné. » (p.137)

Enfin, Bauman soutient que l’idéal de fraternité évolue vers l’idée de réseau. La fraternité qui évoque les liens du sang, situe le citoyen par rapport à ses pairs dans un tissage transgénérationnel et l’inscrit dans une logique de filiation. L’interdépendance entre individus-citoyens est essentielle. À l’opposé, les réseaux qui apparaissent dans la modernité liquide sont sans Histoire, sans passé. Ils donnent l’illusion d’un tissage de liens mais ne sont que des juxtapositions de maillages relationnels lâches dont chaque individu constitue séparément le centre de gravité : « Chaque individu est présumé porteur, sur lui, de son propre réseau. » (p.138). De plus ces réseaux ne sont pas inscrits dans le temps. Ils n’ont de durée que celle que l’agent leur accorde. « (Les réseaux)171

naissent en cours d’action et ne sont maintenus en vie (ou plutôt recréés/ressuscités de façon continuelle et répétitive) que grâce aux actes de communication successifs. » (p.138)

La nouvelle formulation de l’horizon idéal de la société moderne-liquide serait donc Sécurité, Parité et Réseaux. Pour Bauman, cette devise est celle d’individus résignés, hors-temps et reliés par des liens cassables :

Les relations fixées et soutenues par une connectivité de type « réseau » se rapprochent de l’idéal d’une « relation pure » : une relation fondée sur des liens solubles basés sur un seul facteur, à durée indéterminée172, sans conditions, sans engagements à long terme. (p.138)

Dans « L’individu incertain », Alain Ehrenberg (1999)173 reprend les différents mouvements sociétaux qui, au cours des 19ème et 20ème siècles, accompagnent l’ascension de la place de l’individu dans la société. Dans le même mouvement que

170 La parité correspond dans l’approche de Bauman à l’ensemble des discours revendiquant une horizontalité et une équivalence dans l’espace social. La question de la parité homme-femme en est l’emblème mais pas le seul lieu problématique.

171 Nda

172 L’expression ne fait évidemment pas référence à la notion de contrat à durée indéterminée du droit du travail français qui est au contraire synonyme, dans notre espace social, de sécurité

contractuelle et d’engagement à long terme. Elle signifie plutôt l’absence de projection de la relation dans l’avenir.

Bauman, il relève que la solitude de l’individu contraint de se définir lui-même et la confusion qui s’opère entre espace public et espace privé sont des caractéristiques de cette nouvelle société des individus. Toutefois il s’érige contre les discours qui font du renforcement de l’individualisme une négation du lien social. Pour ce sociologue, ces théories, qui font de l’extension de la sphère privée l’élimination de l’espace public collectif et partagé, empêchent de penser l’individualisme comme un lieu d’ancrage d’une nouvelle sociabilité. « Si l’on veut comprendre l’expérience contemporaine de l’individu, il faut le penser comme une relation et non comme

une substance. Il est placé à l’articulation entre souci pour soi et pour autrui »

(p.311-312).

L’avènement de l’individualisme ne fait donc pas rupture avec un ordre social stable et partagé hérité de la tradition mais exige une définition des pouvoirs et des limites de l’individu faute de quoi ce dernier se trouve empêtré dans son rapport à lui-même, seul et souffrant. Ehrenberg revient aux « 30 glorieuses » et décrit le contexte économique et social dans lequel s’établissent « les jouissances du présent » (p.15) que sont le confort domestique et la consommation de masse. Dans cette période de santé économique et de croissance importante, les citoyens se détournent de la réflexion sur leur dessein commun.

Par malheur, le bien-être avait un prix politique : l’aliénation. La consommation détournait les classes populaires de leurs véritables intérêts politiques au profit de la satisfaction immédiate de plaisirs illusoires et de besoins artificiels, tandis que les classes moyennes se livraient à la comédie du standing. (p.15).

Le ralentissement économique des années 1980 a entrainé un remaniement de cet hédonisme collectif avec la promotion de figures individuelles de réussite. C’est l’entreprise individuelle qui est alors valorisée dans la personne du self-made man. « Son épanouissement, (l’individu) n’allait le devoir qu’à lui-même » (p.15). Libéré des déterminismes sociaux, l’individu nouveau a la possibilité (et la contrainte) de saisir ses chances de mobilité sociale et de construire sa réussite. Il est un battant, un conquérant. C’est lui que représentait bon an mal an jusqu’à la crise de 2008 le personnage du trader.

Pourtant dès les années 1990, la montée du chômage et la réapparition des inégalités sociales sont venues assombrir cette mythologie collective de la réussite

individuelle à la portée de tous. La marche du monde laisse de côté un nombre croissant de personnes issues de milieux socialement vulnérables mais aussi de ceux qui étaient jusqu’alors des cadres à succès.

L’apologie des gagneurs, du narcissisme de masse et du cocooning bienheureux, qui s’est diffusé sur le déclin des formes politiques de la société de classes, s’est brutalement éteinte, et nous sommes entrés dans une conjoncture plus sombre, de laquelle sourd une longue plainte : l’individu

souffrant semble avoir supplanté l’individu conquérant. Pourtant l’un ne

succède pas à l’autre, ils sont deux facettes du gouvernement de soi, suscitées par les styles de relations sociales et les modèles d’action aujourd’hui dominants. (p.18).

C’est ici qu’apparaît l’individu incertain confronté seul aux contradictions de sa nature (sociale) : conquête et souffrance, liberté et dépendance, élan vers soi et élan vers l’autre. « Il est l’expression d’une tension entre un mouvement d’émancipation à l’égard de toute transcendance s’imposant a priori et de conflit avec un ordre (ou un désordre) qui se trouve à l’intérieur de nous. » (p.22).

Pour Ehrenberg, le lieu de la difficulté de l’individu incertain est celui de sa distance à lui-même. Il est sommé par le corps social, et n’a d’autre choix, que de réduire cette distance à soi, de développer et de cultiver son rapport à soi. Mais simultanément, il doit maintenir cet espace ouvert pour préserver son rapport avec les autres. C’est cette sorte d’injonction paradoxale qui est à la source de la crise de subjectivité que décrit Ehrenberg. Ce qu’il appelle la drogue est alors à la fois le révélateur et une solution cherchée à cet état critique. Cette drogue peut être une drogue illicite, un alcool, un médicament ou un comportement dès lors qu’il permet à l’individu d’opérer artificiellement une réduction de la distance à soi. Il va alors rentrer dans la liste des techniques d’amélioration de soi (on peut penser au dopage et aux pratiques d’enhauncement) et simultanément mettre en exergue « les limites du droit à disposer de soi au-delà desquelles on ne fait plus société » (p.24).

De nombreux autres auteurs pourraient être ici convoqués pour dessiner l’espace social hypermoderne et souligner le système de norme qui y émerge. Toutefois le rapprochement des idées de Bauman et d’Ehrenberg nous semble propre à en présenter une image intéressante. Bauman est engagé dans une prospective dans

laquelle il voit les liens de toutes natures se liquéfier sous l’effet d’une mutation sociale qui emporte dans son flot toute subjectivité. Ehrenberg de son côté semble porter son regard moins loin et laissant au sujet une marge d’existence et de manœuvre dans un environnement d’incertitude, donc toujours ouvert aux altérations. Mais pour nos deux auteurs, la figure normative du sujet hypermoderne qui se dessine est celle d’un individu libre-non-libre. À ce titre, et Ehrenberg a été l’un des premiers à le souligner, il présente une parenté nette avec l’addicté. Cette proximité a incité certains auteurs à s’interroger sur les potentialités « addictogènes » de la société postmoderne.

Le terme de société addictogène (addictive society en anglais) semble être apparu dans la littérature spécialisée anglophone à la fin des années 1980174. Il s’agissait pour les auteurs, souvent sensibilisés aux théories sociologiques, de souligner le rôle des évolutions sociales dans un comportement encore largement perçu comme une pathologie individuelle de la volonté. Le psychiatre Alain Morel175 note par exemple :

Comment, justement, ne pas souligner cette évidence que la notion même d’addiction est une construction de la modernité et que leurs développements, de l’une comme de l’autre, sont inséparables ? Il ne m’est pas permis d’approfondir ici les raisons pour lesquelles on peut qualifier la société dans laquelle nous vivons d’addictogène. Pourtant, elle l’est bien. Du fait de ce qu’elle exige des individus, de ce qu’elle distord les liens et les attachements interhumains, du fait de ce qu’elle sur-stimule et engage chacun dans une temporalité nouvelle où la vitesse et l’immédiateté influent sur nos désirs et nos rapports de consommation avec les objets de satisfaction, du fait des grandes difficultés collectives que cette société génère pour réguler certains comportements (les consommations de substances chimiques, mais aussi l’alimentation, l’agressivité, l’argent, etc.). (p.34)

174 Anne Wilson Scheaf semble être la première à employer ce terme dans son ouvrage : Anne Wilson Schaef, When Society Becomes an Addict, Reprint (San Fransisco CA: HarperOne, 1988). 175

Alain Morel, « Place des psychothérapies dans l’accompagnement thérapeutique en addictologie. Théorie et pratique », Psychotropes Vol. 16, no 2 (2010): 31‑48, doi:10.3917/psyt.162.0031.

Jean-Pierre Couteron176, psychologue et président de la Fédération Addiction177 dégage quatre axes de la société addictogène :

 Le premier est constitué par « un estompage des contenant collectifs, du cadre d’appartenance, des mutations du lien social » (p.12). Les théoriciens de la modernité montrent en effet cette fragilisation des cadres traditionnels qui assignaient au sujet sa place et le contexte de son action. Selon Couteron, cela a pour effet d’amoindrir les ressources que le sujet peut mobiliser pour contrôler un comportement d’usage source de plaisir.

 Le second est lié au caractère hyper-stimulant de notre environnement moderne. La production massive de biens et la promotion des comportements de consommation (autour du concept de « jetabilité ») provoquent l’expérience d’une particulière intensité émotionnelle chez l’individu. Cette saturation s’accompagne d’une accélération du temps et d’un raccourcissement des distances qui donne le sentiment de pouvoir accéder à la satisfaction immédiate.  Le troisième axe est la possibilité offerte par les développements de la

neuropharmacologie et des prothèses technologiques de dépasser ses propres capacités individuelles. Le sentiment de fatigue et d’impuissance détaillé par Ehrenberg (2000)178 peut être dépassé par ces nouvelles techniques de soi.

 Le quatrième axe plus classique correspond aux effets de reproduction de classe au sein de la société. Celle-ci organise l’immobilité sociale en renforçant les liens existants entre vulnérabilité psycho-sociale et conduites addictives indépendamment mais en surplus des effets des trois axes précédents.

176 Jean-Pierre Couteron, « Société et addiction », Le sociographe 39, no 3 (2012): 10‑16, doi:10.3917/graph.039.0010.

177 Société savante regroupant depuis 2010 deux associations importantes (ANITEA et F3A) de structures d’aide dans les champs de la toxicomanie et de l’alcoolisme.

Dans son rapport au social, chacune de ces figures porte un idéal de tempérance : l’hygiène de vie dans l’abstinence pour l’hygiéniste, l’exploration des passions humaines comme voyage vers le divin pour le romantique et l’obéissance paradoxale à l’injonction à la libération pour l’hypermoderne. L’échec ou la déviance par rapport à ces corps de norme, et en l’occurrence ceux qui sont associés aux consommations addictives, produisent des jugements collectifs.

3.2. Les « vices » de l’addicté

La psychanalyste Odile Lesourne179 nous rappelle quelques reproches classiques adressés aux personnes qui s’adonnent aux consommations toxiques.