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3. Propriétés paramétriques des solutions de non coopération

3.1 L’impact du nombre des pays concernés par le problème environnemental

L’établissement de résultats de statique comparative monotone sur les équilibres d’un jeu est toujours plus aisé quand on connaît la forme que prennent ces derniers. L’un des avantages majeurs du recours à la théorie des jeux supermodulaires, cependant, est qu’elle fournit quelques théorèmes généraux très utiles à ce sujet.

L’objet de ce paragraphe est d’examiner à quel niveau se fixent les équilibres du jeu des émissions globales en fonction du nombre de pays en interaction. La question fondamentale qui est traitée peut être formulée de la façon suivante : dans quelle mesure le comportement stratégique des pays est-il influencé par le nombre des autres pays ? et s’il l’est, de quelle façon ? En d’autres termes, on cherche à établir le sens d’évolution des niveaux d’émissions d’équilibre lorsque le nombre de pays concernés par le problème environnemental augmente. A noter que ces comportements ont, à leur tour, des conséquences sur les niveaux de richesse économique qui peuvent-être atteints par les pays.

Sur le plan formel, le paramètre auquel on prête attention n’apparaît pas de manière explicite dans les fonctions de paiement des pays. Pour établir nos résultats de statique comparative monotone, on s’appuie donc essentiellement sur les propriétés structurelles du jeu des émissions globales. Dans ce contexte, l’hypothèse de symétrie des pays prend toute son importance. On montre que, plus le nombre de pays concernés par le problème environnemental est grand, plus le paiement retiré par chaque pays de ses activités de consommation et de production est faible. Cette relation est vérifiée quelle que soit la nature postulée des interactions. Cependant, elle n’est pas nécessairement liée à une réduction des niveaux d’activités individuels de la part des pays. Mis à part ce résultat, il nous faut donc aller plus en avant avec les hypothèses retenues pour établir le sens d’évolution des niveaux d’émissions individuels et globaux d’équilibre.

La proposition qui suit établit l’évolution des équilibres non coopératifs dès lors que les pays présentent globalement des complémentarités stratégiques. Dans ce cas, la décroissance des fonctions de paiement provient du fait que plus le nombre de pays en interaction est grand, plus les dommages globaux sont conséquents.

Proposition 1.5 :

Sous les hypothèses de la Proposition 1.1, les équilibres du jeu des émissions globales sont tels que :

a) Les niveaux d’émissions cumulées maximum et minimum d’équilibre des (n – 1) pays, Y* et

Y*, sont non décroissants en n ;

b) Les niveaux globaux d’émissions maximum et minimum d’équilibre, Z* et

Z*, sont non décroissants en n ;

Sous les hypothèses de la Proposition 1.1, on a pu établir qu’il existait au moins un équilibre symétrique et aucun équilibre asymétrique. La Proposition 1.5 apporte des précisions : plus il y a de pays concernés par le problème environnemental et plus les niveaux d’émissions globaux à l’équilibre, Y* et Z*, se fixent à un niveau élevé. De plus, en présence de complémentarités stratégiques les équilibres sont Pareto-ordonnés, le plus petit équilibre X* étant l’équilibre Pareto préféré. La Proposition 1.5 ne nous permet toutefois pas de tirer de conclusions sur l’évolution des niveaux d’émissions individuels à l’équilibre. Les deux sens sont envisageables et, comme dans le paragraphe 2.1, ils dépendent de l’hypothèse postulée sur la fonction de dommage. Les Propositions 1.6 et 1.7 reprennent respectivement les hypothèses des Propositions 1.2 et 1.3 et concluent sur les niveaux d’émissions établis par chaque pays en fonction du paramètre n.

Proposition 1.6 :

Sous les hypothèses de la Proposition 1.2, l’unique équilibre est tel que le niveau d’émissions de chaque pays x* est non croissant en n.

Cette proposition est directement liée à la décroissance des fonctions de meilleure réponse individuelles établie au paragraphe 2.1. Sous les hypothèses de la Proposition 1.6, l’unique équilibre est tel que le niveau des émissions de chaque pays est décroissant avec le paramètre n. Autrement dit, chaque pays fixe un niveau d’activités d’autant plus bas que le nombre des autres pays est important. On retrouve ici l’idée de substituabilité des stratégies individuelles. Celle-ci se traduit par un certain degré de concurrence entre les pays. Malgré tout, globalement, on vérifie toujours que les émissions totales sont croissantes avec le nombre de pays en interaction : les émissions croissent avec le nombre de pays mais moins que proportionnellement.

Proposition 1.7 :

Sous les hypothèses de la Proposition 1.3, l’ensemble des niveaux d’émissions individuels d’équilibre est tel que ses sélections extrêmes,

X* et X*, sont non décroissantes en n.

De la même façon, cette proposition est directement liée au fait que les correspondances de meilleure réponse individuelle sont croissantes. Dans ce cas, il existe une multiplicité d’équilibres Pareto-ordonnés. Ces équilibres sont tels que le niveau d’activités fixé par un pays est d’autant plus important que le nombre total de pays en interaction est grand. Cette idée est une conséquence directe de l’hypothèse de complémentarité, elle se traduit par un

phénomène d’émulation ou d’effets de renforcement dans les stratégies des pays. Au niveau global, on vérifie que les émissions totales croissent plus que proportionnellement avec le nombre de pays concernés par le problème environnemental.

Enfin, la proposition qui suit établit l’évolution des équilibres non coopératifs lorsque les pays présentent globalement des substituabilités stratégiques. Contrairement au cas précédent, la décroissance des fonctions de paiement avec le paramètre n est liée au fait que plus les pays sont en nombre, plus la taille du gâteau à partager devient petite. La part qui revient à chacun diminue donc aussi.

Proposition 1.8 :

a) Sous les hypothèses de la Proposition 1.4 a), tous les équilibres asymétriques tels que

m<n

, sont invariants en n.

b) Sous les hypothèses de la Proposition 1.4 b), l’équilibre symétrique est tel que le niveau des émissions jointes des (n – 1) pays y* est non décroissant en n, tandis que le niveau des émissions par pays x*, le niveau des émissions globales z*, et le bénéfice net de chaque pays f *, sont non croissants en n.

Sous les hypothèses de la Proposition 1.4, il est bon de rappeler que les pays sont caractérisés par une forte relation de concurrence dans la fixation de leur niveau d’activités. Dans le premier cas, où seuls certains d’entre eux ont des émissions positives les autres choisissant de ne pas produire, les équilibres sont invariants en n. Par exemple, pour l’équilibre en coin où seul un pays rejette des émissions (m = 1), le niveau établi par ce dernier est indépendant du nombre potentiel de pays avec lequel il est en interaction. Ce résultat apparaît très clairement si on considère sa fonction de paiement qui ne dépend plus que de sa propre stratégie. On peut faire le même raisonnement lorsque m pays, avec 1 < m < n, ont des émissions strictement positives.

Dans le second cas, on se situe sur la partie intérieure des fonctions de meilleure réponse. Celles-ci sont fortement décroissantes, ce qui implique qu’à l’équilibre le niveau d’activités établi par un pays est d’autant plus petit que le nombre de pays avec lequel il est en interaction est grand. Enfin, la diminution du niveau global des émissions est liée au fait que les niveaux individuels décroissent plus que proportionnellement avec n.

A l’exception de la Proposition 1.7, les faits établis dans ce paragraphe sont en concordance parfaite avec ceux déjà présentés par la théorie économique à travers des cas particuliers. Ils constituent donc une généralisation relativement conséquente des résultats existants de statique comparée. La Proposition 1.7 appelle cependant plus de commentaires de par son originalité. A notre connaissance, l’idée selon laquelle les pays peuvent présenter des complémentarités au plan individuel dans leurs activités de consommation et de production n’a jamais été évoquée dans le cadre du jeu des émissions globales. Dans cette configuration, on peut par exemple interpréter les pays comme étant des partenaires commerciaux. Or, dans cette éventualité, le niveau global des émissions est d’autant plus élevé que le nombre de pays en interaction est important. Cette idée évoque le fait que l’intensification des échanges commerciaux entre les pays se traduit par un accroissement de même ampleur du niveau global des émissions et donne tout son sens au problème de l’accumulation des GES dans l’atmosphère. D’après la théorie des échanges internationaux, la libéralisation des échanges conduit généralement à un enrichissement de l’ensemble des pays engagés dans le processus (même dans le cas de pays symétriques). Dans notre modèle, ce point s’observe à travers l’accroissement des bénéfices liés à l’existence d’effets de renforcement entre les stratégies des pays. Néanmoins, ce résultat s’inverse avec la prise en compte de l’impact des émissions sur l’environnement : l’accroissement des niveaux d’activités des pays ne se traduit dès lors plus nécessairement par un accroissement de leur richesse.

Dans le paragraphe qui suit, on s’intéresse à un second paramètre : le ratio bénéfice-coût des émissions. Dans les applications de la théorie économique, les équilibres de Nash sont généralement exprimés en ce paramètre noté γ ou, indifféremment, en son inverse, le ratio coût-bénéfice. On s’intéresse donc ici à l’évolution des niveaux d’émissions d’équilibre établis à la section 2 quand ce paramètre varie.

3.2

L’impact de la perception des dommages environnementaux

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