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E QUILIBRE DE C OURNOT N ASH VERSUS EQUILIBRE DE

1. Le jeu des émissions globales étendu

On considère à nouveau le problème de l’accumulation des GES dans l’atmosphère et lié aux activités économiques de consommation et de production d’un ensemble de pays. On rappelle que ces émissions, qui s’accumulent de manière uniforme dans l’atmosphère, génèrent des externalités négatives sur l’ensemble des pays, que ces derniers soient à l’origine des émissions ou pas. Le jeu de base sur lequel s’appuie notre analyse est toujours le jeu des émissions globales présenté à la section 1 du chapitre 1, avec cependant deux différences : le nombre de pays est restreint à deux et ces derniers ne sont pas nécessairement identiques. Sur le plan formel, on retient les définitions qui suivent. Pour N = 2, on note x et y, respectivement, le niveau des émissions du Pays 1 et celui du Pays 2. La fonction de paiement de chaque pays se présente de la façon suivante :

) ( ) ( ) , ( 1 1 1 x y B x D x y f = − + et f2(x,y)=B2(y)−D2(x+y).

Ainsi, pour un pays, sa fonction de paiement mesure la différence entre les bénéfices qu’il retire de ses rejets de GES dans l’atmosphère Bi(·) et les dommages environnementaux générés par leur accumulation Di(·), i = 1, 2. Dans ce contexte, les pays ne sont plus nécessairement symétriques dans le sens où chacun d’eux peut percevoir différemment les bénéfices de ses émissions et les dommages liés aux émissions agrégées. Par ailleurs, on conserve les mêmes ensembles de stratégiesXi =

[ ]

0,Ki , qui sont des intervalles compacts de l’ensemble des réels, avec Ki la capacité maximale à polluer du pays i. Dès lors, chaque pays choisit son niveau d’émissions de sorte à maximiser cette fonction qui matérialise son bien- être.

Il est important de comprendre que le comportement de maximisation des pays n’est pas le même quand les deux prennent leur décision en même temps et quand ils la prennent l’un après l’autre, le second observant la décision du premier. Avant de présenter l’impact de l’un et l’autre jeu sur les comportements d’équilibre des pays, on introduit une étape préalable dans laquelle les pays choisissent simultanément et indépendamment l’un de l’autre, la date à laquelle ils désirent jouer dans le jeu des émissions globales.

De manière plus précise les pays choisissent s’ils veulent jouer en premier (p) ou en second (s) dans le jeu des émissions globales. Si les dates choisies par les deux pays sont identiques, le jeu qui suit cette première décision est le jeu des émissions globales simultané : les pays choisissent leur niveau d’émissions en même temps. Dans cette éventualité, le

comportement d’équilibre des pays est tel que chacun détermine sa stratégie étant donné l’idée qu’il se fait sur celle adoptée par l’autre. Les équilibres de Nash en stratégies pures qui résultent de ce comportement sont appelés dans ce qui suit « équilibres de Cournot-Nash ». A contrario, si les dates choisies par les deux pays diffèrent, le jeu qui suit cette première décision est le jeu des émissions globales en deux étapes avec l’ordre des décisions tel qu’il est annoncé par les deux pays. Dans ce jeu séquentiel, le pays qui prend sa décision en second observe la décision du premier et choisit son niveau d’émissions étant donné la stratégie adoptée par ce dernier. Le pays en première position est traditionnellement qualifié de « leader » tandis que celui qui prend sa décision en second est appelé « suiveur ». Dans un jeu à information parfaite, les équilibres qui résultent de l’adoption de ce comportement par les deux pays constituent des équilibres parfaits en sous-jeux. Pour rester en concordance avec les termes employés dans la littérature, on les appelle dans ce qui suit « équilibres de Stackelberg ».

A partir de la définition du jeu des émissions globales à deux pays, il existe donc deux façons alternatives dont les pays prennent leur décision. Soit ces derniers choisissent leur niveau d’émissions en même temps, soit ils le font successivement. La première éventualité conduit à la définition du jeu simultané, tandis que la seconde amène à la définition du jeu séquentiel à information parfaite. Chacun de ces postulats n’est pas anodin et modifie aussi bien les stratégies adoptées par les pays que les concepts d’équilibre associés à chacun de ces jeux. Ces derniers sont redéfinis de manière formelle dans le paragraphe 2.1. La Figure 2.1 qui suit donne une représentation sous forme développée du jeu des émissions globales étendu.

p s s p s p 1 2 2 2 2 2 1 1 1 1 1 2 2

Figure 2.1 Le jeu des émissions globales étendu sous forme développée2.

2

Les segments en pointillés correspondent à l’idée que les ensembles de stratégies dans le jeu de base sont des intervalles compacts de IR+.

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Plutôt que de considérer le jeu simultané et le jeu séquentiel indépendamment l’un de l’autre, le jeu des émissions globales étendu nous permet d’étudier dans quelle mesure chacun de ces jeux résulte du choix des pays. Autrement dit, on peut établir les conditions sous lesquelles on peut s’attendre à ce que les deux pays prennent leur décision en même temps et celles sous lesquelles un pays prend sa décision avant l’autre. Ainsi, la séquence des décisions dans chaque jeu de base dépend des décisions prises dans la première étape et dans laquelle les agents choisissent simultanément de jouer en premier ou en second. La figure 2.2 donne une représentation sous forme stratégique du jeu des émissions globales étendu. On adopte pour cela les notations suivantes. Si les dates choisies par les deux pays diffèrent, on note f L le paiement d’équilibre du pays qui prend sa décision en premier et f F, le paiement d’équilibre du second. A contrario, si les deux pays choisissent une date identique, les paiements d’équilibre qui en résultent sont notés f CN.

Pays 2

Pays 1 Premier (p) Second (s)

Premier (p) f CN, f CN f L, f F

Second (s) f F, f L f CN, f CN

Figure 2.2. Représentation sous forme stratégique du jeu des émissions globales étendu.

On peut remarquer que l’introduction de l’étape préalable ne modifie pas les paiements d’équilibre du jeu simultané, que les pays déterminent leur niveau d’émissions le plus tôt possible ou qu’ils reportent leur décision au maximum : le temps n’intervient pas dans la détermination des paiements. Par ailleurs, dans ce jeu étendu, un pays ne peut choisir de manière unilatérale d’être un leader ou un suiveur. Cependant il peut choisir de ne pas être un suiveur en choisissant tout simplement de jouer en premier. En outre, la situation dans laquelle les deux pays choisissent leur niveau d’émissions optimal de leader n’est jamais un équilibre de ce jeu étendu. Si les pays choisissent la même position, ils sont ramenés à la situation dans laquelle ils produisent tous les deux leur niveau d’émissions d’équilibre du jeu simultané.

Les équilibres parfaits en sous-jeux de ce jeu étendu conduisent ainsi à un ordre des décisions endogène dans le jeu de base. Notre analyse s’attache uniquement aux équilibres parfaits en stratégies pures. Ceux-ci résultent de la comparaison des paiements d’équilibre du jeu simultané avec ceux du jeu séquentiel, quand un pays est leader et quand il est suiveur. La Proposition 2.0 résume l’ensemble des cas qui sont susceptibles d’émerger. L’unicité des équilibres dans chacun des sous-jeux n’étant pas requise, on définit CN comme étant l’ensemble des stratégies à l’équilibre de Cournot-Nash et Si, l’ensemble des stratégies à l’équilibre de Stackelberg quand le pays i est le leader. Les meilleures réponses n’étant pas nécessairement continues, on doit faire l’hypothèse que chaque pays préfère être un leader plutôt que de jouer en simultané. Enfin, on note E l’ensemble des équilibres parfaits en sous- jeux du jeu étendu. Par abus de notation, on écrit ce dernier comme une paire d’annonces de position (premier ou second) et la conséquence de cette paire d’annonces, à savoir si le jeu de base est joué de manière séquentielle ou simultanée. En d’autres termes, il précise l’ordre de déplacement respectif des Pays 1 et 2, ainsi que l’issue dans le jeu de base qui en résulte. Par exemple, E =

{

(p,p),CN

}

signifie que les deux pays choisissent de jouer en premier, ce qui les amène à produire un de leurs niveaux d’émissions d’équilibre de Nash du jeu de base.

Proposition 2.0 :

Dans le jeu à deux pays où CN ≠φ et φ i

S , i = 1, 2, si chacun est mieux doté en tout point de Si qu’en tout point de CN, alors l’ensemble des équilibres parfaits en sous-jeux et en stratégies pures du jeu étendu est tel que :

a) Si le paiement du pays i est strictement plus élevé à l’équilibre de Nash le moins préféré qu’à n’importe quel point de Sj, j≠ipour j, i = 1, 2, alorsE =

{

(p,p),CN

}

. b) Si le paiement du pays i est strictement plus élevé en tout point de Sj qu’à l’équilibre

de Nash préféré de CN, i = 1, 2, alorsE =

{

(p,s),S1

} {

∪ (s,p),S2

}

.

c) Si les pays sont tels que, par exemple le Pays 1 est comme dans (a) et le Pays 2 comme dans (b), alorsE=

{

(p,s),S1

}

.

Cette proposition confirme que même si les deux pays préfèrent toujours leur position de leader, l’issue du jeu simultané n’émerge pas toujours. Il faut également déterminer comment se positionne le paiement du suiveur par rapport à la solution du jeu simultané. La preuve de cette proposition s’établit de manière immédiate à partir de la forme stratégique du jeu étendu

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(Figure 2.2). Il s’agit en fait de déterminer les équilibres de Nash à partir de la matrice des paiements. Ainsi, si le Pays 1 anticipe que le Pays 2 choisit de jouer en Premier, il choisira de jouer en Premier si f CN > f F et en Second, si non. Par contre, s’il anticipe que le Pays 2 choisit de jouer en Second, il choisira toujours de jouer en Premier, dans la mesure où on considère que f L > f CN est toujours vrai. Le raisonnement pour le Pays 2 est similaire. On peut remarquer que la configuration (f F, f F) n’est jamais un équilibre car on postule que les

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