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C. De quelques sujets particuliers

4. L'impact des règlements d'exemption par catégorie

Les règlements d'exemption par catégorie507 interviennent dans la liberté des parties d'organiser à leur guise les conditions de leurs relations d'affai-res. En effet, «l'idée directrice devant guider les concédants pour organiser leurs réseaux doit être la plus proche du règlement»sos. Certains voient même dans les règlements d'exemption par catégorie de véritables contrats types en raison de l'énumération des clauses interdites, des clauses licites et des clauses exemptées509. En particulier, le règlement (CE) n° 1475/95 concer-nant l'application de l'art. 81 § 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles révèle nettement le souhait de la Commission de réglementer en détail les rapports contractuels dans un secteur économique particulier510. «La main invisible de la concurrence est remplacée par la main beaucoup plus visible de la DG 4»511.

La CJCE, dans son arrêt VAG c. Magne, a précisé que l'exemption, individuelle ou par catégorie, est une simple déclaration d 'inapplicabilité de l'art. 81 § 1 CE et qu'elle n'a donc pas pour effet direct de modifier le contenu d'un accord ou de le rendre nul si celui-ci ne remplit pas toutes les condi-tions du règlement512 . L'exemption par catégorie donne uniquement la pos-sibilité aux opérateurs économiques de faire échapper certaines clauses à l'interdiction de l'art. 81§1 CE.

Toutefois, cette belle déclaration n'efface pas l'effet pervers des exemp-tions par catégorie: les clauses des accords sont évaluées par référence aux

507 Les règlements d'exemption par catégorie sont des actes communautaires, adoptés par la Commission pour des raisons de sécurité juridique et d'allègement du fardeau admi-nistratif, qui clarifient les conditions auxquelles une entente restrictive de concurrence est réputée répondre aux critères de l'art. 81 § 3 CE.

508 Contes, p. 38; Whish, p. 15; Waelbroeck/Frignani, n° 740.

509 Idot, Réseaux de distribution, p. 39.

510 Le règlement est l'aboutissement d'âpres et longues négociations entre constructeurs automobiles, concessionnaires, consommateurs et équipementiers (cf. Contes, p. 35).

Cf. infi'a p. 256.

511 Whish, p. 15. La DG 4 est devenue la DG de la concurrence.

512 CJCE du 18.12.86, VAG c. Magne, att. 12. Cf. ég. CJCE du 15.2.96, Grand garage albigeois, att. 15. Greaves, Block exemption, p. 123-124; Waelbroeck/Frignani, n° 667.

513 Commission, Suivi du Livre vert sur les restrictions verticales, p. 16.

règlements au lieu de l'être par référence à leurs effets réels ou potentiels anticoncurrentiels. Le règlement d'exemption «procède par énumération des clauses exemptées (dites clauses "blanches"), de sorte que tout le reste se trouve exclu du bénéfice de l'exemption»513. La Commission a tendance à considérer qu'un contrat ne remplissant pas toutes les conditions prescrites est ipso facto interdit. Une telle pratique incite les opérateurs à couler leurs rapports contractuels dans les catégories établies par la Commission, qu'el-les soient ou non appropriées 514, et décourage l'introduction de formuqu'el-les commerciales novatrices.

La réglementation excessive par les exemptions catégorielles a pour conséquence l'apparition dans certains secteurs (distribution d'automobi-les, de bière ou d'essence515) de structures contractuelles caractérisées par une uniformité croissante.

L'autorité suisse de la concurrence a également établi des directives de comportement touchant les contrats de distribution dans la branche automo-bile. En édictant des conditions-cadres, la Commission des cartels a concré-tisé les vœux des importateurs qui souhaitaient que soient établies des rè-gles uniformes valables pour toute la branche. Les accords de distribution qui sont en harmonie avec les conditions-cadres suisses ou avec le règle-ment communautaire répondent aux exigences de la Commission des car-tels516.

La Commission européenne a reconnu «l'effet asphyxiant» des règle-ments d'exemption en vigueur et a adopté une approche qu'elle considère comme plus économique tout en offrant un niveau raisonnable de sécurité juridique517. L'approche retenue consiste à ne définir que ce qui n'est pas exempté (clauses interdites ou clauses <<noires») au lieu de définir ce qui l'est. Elle convient que l'énumération des clauses «blanches» revient à ré-glementer les relations contractuelles de manière trop rigide dans un contexte économique évolutif518.

514 Riley, p. 490; Whish, p. 15; Waelbroeck/Frignani, n° 740-741.

515 S'agissant de la bière et de l'essence, l'ancien règlement (CEE) n° 1984/83 est venu à échéance le 31 mai 2000 et a été remplacé par le règlement (CE) n° 2790/1999, qui se limite à énoncer les clauses interdites et ne prévoit pas de régime particulier pour ces deux produits.

5l6 Cf. Public. CCSPr 3/1996 p. 233ss et décision du 3 février 1997, DPC 1997/1p.55.

517 Commission, Suivi du Livre vert sur les restrictions verticales, p. 15-16. Le nouveau règlement d'exemption par catégorie pour les accords verticaux, le règlement (CE) n° 2790/1999, a été adopté le 22 décembre 1999 et est applicable dès le 1er juin 2000.

518 Commission, Suivi du Livre vert sur les restrictions verticales, p. 4 et 16; considérant 6 du règlement (CE) n° 121511999 modifiant le règlement n° 19/65/CEE; Riley, p. 489.

S. Le rôle des pouvoirs publics

Il s'agit ici d'étudier l'applicabilité des règles de droit de la concurrence lorsque les autorités nationales recommandent ou encouragent l'uniformi-sation des conditions générales ou encore en étendent la portée par une dé-claration de force obligatoire.

Les entreprises parties à un accord horizontal ne peuvent se voir repro-cher un comportement qu'elles n'ont pas librement choisi. Si le comporte-ment anticoncurrentiel leur est imposé par l'autorité publique, les art. 81 CE et 5 LCart seront inapplicables.

L'art. 81 CE cesse d'être applicable lorsque l'intervention de l'Etat mem-bre a une incidence décisive sur le comportement des entreprises519 . Selon Waelbroeck/Frignani, <<Une "recommandation" pressante aura souvent pour conséquence de ne pas laisser à l'entreprise destinataire d'autre choix prati-que prati-que de s'inclinern520. Il n'y a en tout état de cause pas d'accord libre-ment conclu si les pouvoirs publics exigent que les entreprises s'entendent pour restreindre la concurrence521.

5 I9 CJCE du 16.12.75, Suiker Unie, att. 65.

520 Waelbroeck/Frignani, n° 145.

521 Au sein de la Communauté européenne, les Etats sont tenus à certaines obligations de coopération. S'il est vrai que les art. 81 et 82 CE concernent le comportement des entre-prises et non pas des mesures législatives ou réglementaires des Etats membres, «il n'en reste pas moins vrai aussi que le Traité impose [à ceux-ci] de ne pas prendre ou mainte-nir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile» de ces dispositions (CJCE, arrêt du 16.11.77, SA G.B.-Inno-B.M. c. Association des détaillants en tabac (ATAB), aff. 13-77, Rec. 1977 2115, att. 31 ). Les autorités publiques sont tenues, conformément à l'art. 10 al. 2 CE en combinaison avec les art. 3 let. g et art. 81 CE, de ne pas porter atteinte à l'objectif d'une concurrence non faussée (CJCE, arrêt du 21.9.88, Pascal Van Eycke c. Société anonyme ASPA, aff. 267/86, Rec. 1988 4769, att. 16). Elles ne peuvent imposer la conclusion d'accords contraires à l'art. 81 CE (CJCE, arrêt du 17.11.93, Bundesanstalt fiir den Gtïte1fernverkehr c. Geb1: Reiff GmbH & Co. KG, aff. C-185/91, Rec. 1993 I-5801, att. 14). Elles ne sauraient non plus renforcer les effets d'une entente contraire à l'art. 81 CE, que ce soit en en étendant aux tiers les obligations assumées par les parties (CJCE, arrêt du 2.12.87, Bureau national inte1professionnel du cognac c.

Yi1es Aubert, aff. 136/86, Rec. 1987 4789, att. 24) ou en transformant ces obligations purement contractuelles en obligations légales (CJCE, aiTêt du 1.10.87,ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus c. ASBL Sociale Dienst van de Plaatselijke en Oewestehijke Overheidsdiensten, aff. 311 /85, Rec. 1987 3801, att. 23). En définitive, une réglementa-tion étatique doit formuler elle-même les restricréglementa-tions à la concurrence, se suffire à elle-même et ne pas être précédée d'une entente entre opérateurs économiques (CJCE, arrêt du 17.11.93, Procédure pénale c. Ohra Schadeverzekeringen NV, aff. C-245/91, Rec.

1993 I-5851, att. 11-13). La jurisprndence de la CJCE a dès lors un impact sur la procé-dure d'adoption des mesures législatives ou réglementaires par les Etats membres et la composition des commissions de travail: cf. CJCE, arrêt du 17 .11.93, Bundesanstaltfiïr den Gtïteifernverkehr c. Geb1: Reiff GmbH & Co. KG, aff. C-185/91, Rec. 1993 I-5801,

En droit suisse, l'article 3 al. 1 LCart dispose que le droit de la concur-rence ne s'applique pas aux restrictions de droit public522. Les limitations apportées par l'Etat à la liberté de concurrence sont généralement motivées par l'idée que certains domaines ne petmettent pas à la concurrence de rem-plir complètement ses fonctions. Néanmoins, réglementer un secteur ne si-gnifie pas automatiquement le soustraire aux règles de la concurrence. «Tous les secteurs économiques, y compris les secteurs réglementés, sont en prin-cipe soumis à la LCart, à moins que celle-ci ne soit incompatible avec les régimes de caractère étatique»523. Une interprétation des normes de droit public doit rendre clair que la concurrence efficace est exclue dans le sec-teur concerné aux yeux du législasec-teur524. L'art. 3 al. 1 LCart doit être inter-prété restrictivement: une dérogation à la LCart ne sera admise que si elle s'avère indispensable au bon fonctionnement de la réglementation en cause.

Si, malgré l'intervention de l'autorité publique, des possibilités de concmTence ne sont pas totalement exclues, notamment sur d'autres

para-att. 17-22; CJCE, arrêt du 5.10.95, Centra Servizi Spedipo110 Sri c. Spedizioni Marittima del Go((o Sri, aff. C-961/94, Rec. 1995 I-2883, att. 22-28; CJCE, arrêt du 1.10.98, Autotrasporti Librandi Snc di Librandi F. & C. c. Cuttica spedizioni e servizi internazionali Sri, aff. C-38/97, Rec. 1998 I-5955, att. 29). Dernier arrêt en date sur le sujet: TPI, arrêt du 30.3.2000, Consiglio Nazionale degli spedizionieri Doganati, aff.

T-513/93, non encore publié au recueil, pts 58ss.

Fo1i justement, Waelbroeck/Frignani, n° 149, remarque qu'«en contraignant en prati-que les autorités publiprati-ques à adopter des mesures obligatoires alors qu'une action vo-lontaire pourrait suffire, le formalisme de la jurisprndence communautaire va à l 'encon-tre tant de la règle de proportionnalité que de l'intérêt légitime des Etats à organiser la concertation avec les agents économiques sur une base volontaire».

522 Cf. Carron, p. 60-61. Borer, n° 3 ad ati. 3 LCart, estime que la réserve ne se limite pas aux prescriptions légales de droit public, mais s'étend aux dispositions de droit privé impératif (bail, travail, consommateurs).

523 Tercier/Venturi, p. 69; Carron, p. 358ss.

524 Cf. Secrétariat de la Commission de la concurrence, rapport du 21.5.97, Adjudication de l'affichage sur le domaine public de la Ville et du Canton de Genève, DPC 1997/2 p. 132, pts l 3ss; idem, rapport du 30.11.98, Tarifs pratiqués par les Hôpitaux universi-taires de Genève (HUG) en matière de soins ambulatoires, DPC 1998/4 p. 562, pts 1 Oss (cf. ég. Conseil fédéral, arrêté du 3.2.99, DPC 1999 /1p.184 consid. 5 et 6). Carron, p. 369ss. Selon Zach, n° 236, il faudrait non seulement prouver que le législateur a constaté les déficiences du marché, mais encore qu'il a voulu consciemment exclure toute concurrence par l'adoption des prescriptions légales. Borer, n° 4 ad art. 3 LCart, estime en revanche que le second élément n'a pas besoin d'être démontré.

La Commission de la concurrence peut adresser aux autorités publiques des recomman-dations visant à promouvoir la concurrence efficace en ce qui concerne l'élaboration et l'exécution des prescriptions de droit économique ou leur élimination (ait. 45 al. 2 LCart).

En suggérant des modifications ou adaptations, elle peut exercer une certaine pression afin d'obtenir la correction législative de restrictions à la concurrence.

mètres, le droit de la concurrence demeure applicable525. Dans une telle situation, il importe d'autant plus que les entreprises s'abstiennent de pren-dre des mesures ayant pour effet d'éliminer la marge de concurrence qui subsiste encore526.

En droit communautaire, le fait qu'une entente soit autorisée ou approuvée par l'autorité nationale ne la met pas à l'abri del 'interdiction de l'art. 81 CE527 . Lorsque la mesure étatique étend aux tiers des obligations qui lient les parties à l'entente, elle n'a pas pour effet de soustraire l'entente à l'application del 'art. 81 CE528. Les accords entre entreprises uniformisant les conditions générales d'affaires, qui ont été approuvées par les autorités publiques nationales ou que les autorités ont déclaré de force obligatoire générale, n'échappent pas au contrôle de la Commission.

Il semble que la situation juridique soit différente en droit suisse. L'en-tente approuvée par l'autorité publique conformément à des prescriptions légales de droit public échappe à la LCart529 . Il devrait en aller de même lorsque l'autorité délègue à des entreprises privées la tâche de fixer les conditions de transactions et qu'elle donne par la suite force obligatoire à l'œuvre uniformisée530. Ces accords entre acteurs du secteur privé doivent trouver leur origine dans des règles étatiques qui excluent la concurrence et se cantonner au domaine d'exception.

525 Commission du 20.7.78, Fedetab, consid. 88; CJCE du 29.10.80, van Landewyck, att.

131-133; CJCE du 10.12.85, SS/, att. 29. Commission de la concuiTence, décision du 6.9.99, Sclnveizerische Meteorologische Anstalt, DPC 199913 p. 415, pts 24-25;

Commission de la concurrence, décision du 19.4.99, Spitallisten bei Halb-privatversicherungen mit eingeschriinkter Spitalwahlfreiheit, DPC 199912 p. 220, pts 37 et 39. Cf. Borer, n° 5 ad art. 3 LCart; Ziich, n° 236.

526 Commission du 15.7.82, SS/, consid. lOOd (décision confirmée par la CJCE).

527 Commission du 6.8.84, Zinc Producer Group, consid. 74; Commission du 5.12.84, Assurances incendie, consid. 28; CJCE du 17.1.84, VEVE et VBEE, att. 40.

528 CJCE, arrêt du 30.1.85,Eureau national interprofessionnel du cognac c. Guy Clair, aff.

123/83, Rec. 1985 391, att. 23. Selon Waelbroeck/Frignani, p. 150 note 149, la CJCE n'a accordé aucune importance au fait que la conclusion de l'accord n'était qu'une étape dans la procédure d'adoption d'une mesure réglementaire étatique d'application générale.

529 Secrétariat de la Commission de la concurrence, rapport du 30.11.98, Tarifs pratiqués par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en matière de soins ambulatoires, DPC 1998/4 p. 562. Carron, p. 60; Pierre Tercier, Les avocats et la concurrence, L'avo-cat suisse, 160/1998 p. 4, 8.

53o «Il faut que [ ... ] les paramètres économiques essentiels soient soumis à la surveillance pe1manente d'autorités administratives» (Carron, p. 369). La délégation implicite que Thévenoz dégage de l'art. 11 LBVM, n'est pas, à mon avis, suffisamment précise pour soustraire de l'application de la LCart les directives adoptées par l' ASB concrétisant les devoirs d'information, de diligence et de fidélité. Cf. Luc Thévenoz, Les règles de conduite des négociants, RSDA 1997 numéro spécial, p. 20-21.

D. Conclusion

L'analyse des ententes portant sur l'uniformisation des conditions montre qu'il ne faut pas négliger l'impact de telles ententes sur la concurrence. La plupart d'entre elles affectent notablement la concurrence si les parties à l'entente occupent une part suffisamment impo1tante du marché. C'est indé-niablement le cas des accords portant sur les clauses de rabais, de conditions de paiement, de modalités de livraison, de responsabilité au sens large et de durée des contrats. Pour d'autres clauses, une analyse plus fine des situa-tions particulières est nécessaire pour démontrer leur importance au vu des produits ou services concernés et de la structure du marché.

Les ententes ne sont pas nécessairement préjudiciables du seul fait qu'elles restreignent la concurrence. Les autorités de la concurrence ont la possibilité de les faire bénéficier d'une exemption ou de leur reconnaître un motif de justification531.

En l'absence de bénéfices compensatoires, les autorités de la concur-rence peuvent exiger la dissolution des cartels. Le cocontractant pourra en théorie à nouveau susc'iter des offres concurrentielles et choisir les condi-tions générales les plus favorables.

Il faut encore relever que la présence d'une offre uniforme sur un mar-ché n'implique pas nécessairement l'existence d'une entente entre offrants.

Si l'accès au marché est libre et le marché transparent, les comportements parallèles des opérateurs économiques en matière de conditions commer-ciales peuvent être la conséquence d'une forte pression concurrentielle et de l'uniformité des goûts des clients en la matière. L'offre uniforme sera équi-table532.

III. Ententes verticales incorporant des conditions générales

Les entreprises qui incorporent des conditions générales à leur contrat sont parties à une entente verticale si elles sont situées à des échelons différents de l'économie. Le présent travail prend à titre d'exemple essentiellement la

531 Cf infra p. 267ss.

532 Cf. infra p.135.

distribution de biens finals. Il faut toutefois garder à l'esprit que la notion d'accord vertical couvre un domaine plus large533.

Le contrat de distribution a pour objet ou effet de fixer les conditions auxquelles les entreprises vendent, achètent ou revendent les produits ou services. Il peut se présenter sous forme d'un contrat standard préimprimé qui ne comprend que très peu de points à négocier avec le fournisseur ou le distributeur et qui ne laisse, par conséquent, pratiquement aucune latitude aux arrangements particuliers534. Il semblerait même que les conditions gé-nérales constituent la norme contractuelle habituelle des relations d'affaires entre fournisseurs et distributeurs535. Les autorités chargées d'appliquer le droit de la concurrence spécifient parfois explicitement que le contrat en cause a été établi sur la base d'un contrat type et que les clients ne peuvent que l'accepter comme tel ou renoncer à conclure536. C'est pourquoi il s'im-pose d'examiner, dans le cadre de ce travail, la compatibilité avec le droit de la concurrence des clauses préformulées dans les rapports verticaux.

Les art. 81 CE et 5 LCart n'étant applicables qu'aux rapports entre des entreprises, ils n'ont de portée pratique que pour les conditions générales-entrepreneurs. En revanche, l'application des art. 82 CE et 7 LCart aux conditions générales-consommateurs est envisageable.

533 Les accords ve1ticaux englobent les accords de licence de droits de propriété indus-trielle et intellectuelle et peuvent également avoir pour objet la distribution de services, de biens inte1médiaires, de biens soumis à un processus de transformation (cf. Commis-sion, Suivi du Livre vert sur les restrictions verticales, p. 16). La modification du règle-ment n° 19/65/CEE concernant] 'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE à des catégories d'accords et de pratiques concertées a notamment pour objet d'étendre Je champ d'application des exemptions par catégorie relatives aux accords verticaux (cf. considérant l 0 du règlement (CE) n° 1215/99/CEE et art. l er § 1 let. a du règlement n° 19/65/CEE modifié). Cf. art. l er du règlement (CE) n° 2790/1999 concernant ] 'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE à des catégories d'accords verti-caux.

534 Cf. notamment Commission des cartels de 1994, Marché des automobiles, p. 256;

considérant 3 du règlement (CE) n° 1475/95 de la Commission du 28 juin 1995 concer-nant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles.

535 Ronzano, La distribution, p. 413; Pigassou, p. 161.

536 CJCE du 13.1.94, Metro c. Cartier, att. 5; Commission du 23.12.92, Scholler, consid.

44; Commission du 17 .6.98, AAMS, consid. 14; Commission, décision 1999/4 73/CE du 16.6.99, Bass, JO 1999 L 186/1, consid. 39.

A. Concours de volontés ou comportement unilatéral

Seuls les art. 82 CE et 7 LCart s'appliquent aux comportements unilatéraux des entreprises; celles-ci doivent alors détenir une position dominante sur le marché concerné537. Lorsqu'une telle position ne peut être démontrée, les autorités doivent alors établir l'existence d'une entente restrictive de concurrence au sens des art. 81 CE ou 5 LCart.

Comme les conditions générales établies par hypothèse par le fournis-seur sont imposées aux distributeurs, ceux-ci se prévalent de manière récur-rente de l'absence de concours de volonté pour faire échec à l'application des art. 81 CE et 5 LCart. Cet argument est invariablement rejeté par la Commission européenne, qui se fonde sur une jurisprudence ancienne et constante: lorsque le comportement unilatéral du fabricant «s'insère dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient avec les revendeurs» 538

ou «dans l'ensemble des relations commerciales continues établies entre le fabricant et ses clients»539, les autorités communautaires retiennent l' exis-tence d'un accord au sens de l'art. 81 CE.

Dans la majorité des cas, les conditions générales règlent les relations entre le fournisseur et ses acheteurs(-revendeurs ). Je désignerai ce type d'en-tentes sous la dénomination d' «end'en-tentes verticales de premier degré».

Parfois, les ententes verticales fixent les conditions que le revendeur est tenu d'imposer dans ses relations avec ses propres clients540. Ce cas de figure implique la conclusion de deux contrats qui se suivent dans le temps:

le premier accord vertical restreint la liberté du revendeur de déterminer les prix ou les conditions commerciales à l'égard des contrats qu'il sera amené à conclure avec les tiers (contrats subséquents)541 . Je désignerai ce type

537 Cf. infra p. 232ss.

53 8 CJCE, arrêt du 25.10.83, Allgemeine Elektricitiits-Gesellschaft AEG-Telefimken AG c.

Commission, aff. 107/82, Rec. 1983 3151, att. 38; CJCE, arrêt du 17.9.85, Ford-Werke AG et Ford of Europe !ne. c. Co111111issio11, aff. jtes 25 et 26/84, Rec. 1985 2725, att. 21.

53 9 CJCE, atTêt du 11.1.90, Sandoz prodotti.farmaceutici SpA c. Commission, aff. C-277/

87, Rec. 1990 1-45. Ainsi, la mention «exportation interdite» au recto d'une facture ne

87, Rec. 1990 1-45. Ainsi, la mention «exportation interdite» au recto d'une facture ne