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La jurisprudence a dégagé des principes d'interprétation applicables parti-culièrement aux conditions générales et défavorables à leur utilisateur lors-qu'il n'a pas fait preuve de clarté dans la formulation des clauses. Dans la mesure où ces principes devraient inciter les rédacteurs de conditions géné-rales à être plus transparents, il convient ici de les mentionner.

Bien qu'elles soient rédigées en termes généraux et abstraits pour régir un nombre indéterminé de contrats, les conditions générales s'interprètent selon les mêmes principes généraux que les contrats négociés 681 . Il faut te-nir compte des circonstances de chaque cas: seul est déterminant le sens que les deux parties ont donné à leur contrat ou devaient lui donner selon les règles de la bonne foi. Il est par conséquent possible qu'une même clause reçoive, suivant les circonstances, des interprétations différentes682.

679 Gilliéron, p. 96.

680 Gilliéron, p. 96.

681 TF, SJ 1995 436 consid. 3b/aa; Kramer, n° 218 ad ait. 1 CO; Jaggi/Gauch, n° 462ss ad art. 18 CO; Stauder, Droit suisse, p. 111; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, n° 1158 et 1241.

Cf. les règles particulières d'interprétation dans le cadre de l'art. 8 LCD, infra p. 168 et 224.

Le droit suisse rejette l'interprétation objective et uniforme des conditions générales du droit allemand (Normentheorie): la pratique allemande se fonde sur le fait que les conditions générales sont établies unilatéralement et que leur contenu ne dépend pas des circonstances. Cf. ATF 51 II 230 consid. 1; Forstmoser, p. 131-133; Sticher, p. 34; Gauchi Schluep/Schmid/Rey, n° 1240.

682 Jaggi, n° 490 ad ait. 1 CO, observe que ce sera rarement le cas; Jaggi/Gauch, n° 466-467 ad art. 18 CO; Kramer, n° 219 ad art. 1 CO; Gauch/Schluep/Tercier, n° 866.

On ne peut manquer de relever une certaine contradiction entre le fondement de l'utili-sation de conditions générales (clauses préformulées créées pour pouvoir renoncer à la prise en considération des particularités individuelles) et le principe de la confiance, qui considère comme déte1minant ce qui aurait dû être compris selon la bonne foi au regard de l'état de fait de la situation individuelle. «Les éléments subjectifs de la conclusion du contrat ne peuvent avoir, en cas d'incorporation globale des clauses, qu'une importance limitée. A défaut de pouvoir déterminer la volonté véritable des deux parties (souvent

Confo1mément à l'art. 18 CO, le juge recherche la réelle et commune intention des parties sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexac-tes dont elles ont pu se servir. Il détermine le sens des mots utilisés par les parties en tenant compte du contexte général du contrat et, à titre complé-mentaire, de toutes circonstances du cas d'espèce, notamment du lieu et du moment de la conclusion du contrat, del 'attitude des parties avant l'accord (correspondance, projet de contrat), des intérêts enjeu et des usages envi-gueur dans la branche économique concernée683.

En l'absence d'une réelle et commune intention des parties, les condi-tions générales doivent être interprétées en application du principe de la confiance684. Le sens d'une condition particulière est celui que le client pou-vait lui donner de bonne foi dans les circonstances donriées.

Si un doute persiste sur le sens à donner à une déclaration après l'utilisation des moyens principaux d'interprétation, le juge peut recourir à des règles subsidiaires d'interprétation685. Une clause contractuelle dont le sens est incertain, parce qu'obscure ou ambiguë, doit être interprétée en défaveur de la partie qui en est l'auteur (in dubio contra proferentem, Unklarheitsrege/)686. La pratique utilise cette règle avant tout pour l'interprétation des conditions générales, en particulier dans le domaine des assurances (in dubio contra assecuratorem)687. De surcroît, le juge incertaine lorsque la partie qui est soumise aux conditions générales n'en a pas effecti-vement pris connaissance), seuls des éléments objectifs, tels que le texte, la systémati-que ou la téléologie des clauses, permettent de dégager le sens de celles-ci. L'applica-tion du principe de la confiance lors de ! 'interprétaL'applica-tion des condiL'applica-tions générales mène donc souvent à une certaine objectivation qui rapproche patiiellement le droit suisse du droit allemand» (Stauder, Droit suisse, p. 111 ). En outre, le principe de ! 'interprétation individuelle n'interdit pas de faire appel à des circonstances qui se répètent dans d'autres cas. En effet, le fait que les conditions générales aient été formulées en considération d'un grand nombre de contrats constitue un moyen d'interprétation, s'il était reconnais-sable pour le patienaire contractuel de! 'utilisateur au moment de la conclusion du contrat.

Cf. not. Gauch/Schluep/Schmid/Rey, n° 1242.

683 ATF 105 II 16, JT 1979 I 484 consid. 3-4; Stauder, Droit suisse, p. 109-11 O.

684 ATF 113 II 49, JT 1987 I 3 73 consid. 1 b; Ramstein/Kuster, p. 21.

685 ATF 99 II 290, JT 1974 I 361 consid. 5; Gauch/Schluep/Tercier, n° 859s; Gauch/Schluep/

Schmid/Rey, n° 1231-1232.

686 ATF 85 I 148, JT 1959 I 544 consid. 2; ATF 87 II 89, JT 1961 I 529 consid. 3; ATF 87 II 234, JT 1962 I 206 consid. 4; ATF 1 OO II 153, JT 1975 I 174 consid. c; ATF 113 II 49, JT 1987 I 373 consid. 1 b; Jaggi/Gauch, n° 451 ss ad art. 18 CO.

Dans le cadre de ! 'art. 8 LCD, si plusieurs interprétations sont possibles, la règle de

! 'interprétation des clauses ambiguës reste hors jeu (Gauch/Schluep/Schmid/Rey, n° 1242;

cf. infra p. 224).

687 ATF 81 II 155 consid 4b; ATF 82 II 445, JT 1957 I 360 consid. 2; ATF 92 II 342 consid.

le; ATF 97 II 72 consid. 3; ATF 99 II 67, JT 1973 I 572 consid. 3; ATF 115 II 264, JT 1990 I 57 consid. 5a.

interprétera dans un sens restrictifla clause qui conduit à une limitation des droits du client ou qui, plus largement, déroge au droit dispositif688. Le moindre doute sur l'étendue d'une clause exonératoire de responsabilité profite au consommateur: une clause limitant la responsabilité du débiteur n'aura d'effet qu'en matière contractuelle, à moins qu'elle ne spécifie expressément qu'elle vise également la responsabilité extracontractuelle.

Ces règles traduisent l'idée qu'il appartient au rédacteur des clauses contractuelles d'exprimer sans équivoque qu'il entend se libérer de certai-nes obligations ou imposer à son partenaire des clauses exorbitantes du droit commun, et «sanctionnent» l'auteur qui ne respecte pas les exigences de transparence. Il doit supporter le risque de ne pas pouvoir tirer profit des dérogations lorsque leur formulation a plusieurs sens. L'art. 33 LCA est l'expression codifiée de cette idée: la disposition des conditions générales d'un assureur qui limite le risque assuré n'est valable que si elle exclut de l'assurance certains événements d'une manière précise et non équivoque.

La règle in dubio contra proferentem doit aussi être appliquée lors-qu'une partie propose les conditions générales préparées par un tiers689. Elle doit être traitée comme si elle en était la rédactrice du point de vue de l 'in-terprétation. Cette règle est sujette à exception lorsque le texte soumis par le contractant est rédigé par le tiers dans l'intérêt de l'autre partie ou est rédigé par l'autre partie elle-même, lorsque les deux parties sont dans un rapport identique vis-à-vis du texte (notamment parce qu'elles appartiennent toutes les deux à la même association) ou lorsqu'il était évident pour les deux parties, lors des négociations précontractuelles, que les conditions généra-les seraient incorporées, de telle sorte qu'il est sans importance de savoir qui en a formellement proposé l 'utilisation690 . De plus, la règle d'interpréta-tion des clauses ambiguës n'est pas applicable lorsque les deux parties ont participé à la rédaction de la clause69I.

688 ATF 83 II 401, JT 1957 I 582 consid. 2; ATF 91II344, JT 1966 I 530 consid. 2a; ATF 109 II 24, JT 1983 I 258 consid. 4; ATF 116 II 459 consid. 2a. Jiiggi/Gauch, n° 447 ad art. 18 CO.

Avec raison, Stauder, Droit suisse, p. 113, remarque que «dans la mesure où cette règle [l'interprétation restrictive] s'applique à une clause obscure [c'est d'ailleurs une des conditions d'application des règles d'interprétation subsidiaires], elle se confond avec la règle del 'interprétation des clauses ambiguës et ne devrait pas être reconnue comme règle autonome d'interprétation».

689 Jaggi/Gauch, n° 453 ad art. 18 CO.

690 Jaggi/Gauch, n° 455 ad art. 18 CO; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, n° 1233-1234.

691 ATF 99 II 290, JT 1974 I 361 consid. 5; Gauch/Schluep/Tercier, n° 861.

L'adage in dubio contra proferentem est consacré par les droits positifs allemand(§ 5 AGBG)692, français (art. 1162 CCfr. et art. L. 133-2 al. 2 du Code de la consommation) et italien (art. 1370 CCit.). S'agissant de clauses utilisées à l'égard des consommateurs, l'ensemble des Etats membres de la Communauté européenne ont été tenus d'adopter ce principe, car il figure à l'art. 5 du règlement 93/13/CEE.

Il peut sembler paradoxal de décrire les règles d'interprétation dans un chapitre consacré à la promotion de la transparence. En effet, ces règles ne trouvent application qu'en cas de défaut de transparence! Les conséquences de leur application (interprétation en défaveur de l'auteur) peuvent toute-fois dissuader les rédacteurs de conditions générales de formuler leurs clau-ses de manière ambiguë. Si l'utilisateur d'un contrat standard veut pouvoir se fonder sur les clauses qui ont été rédigées en sa faveur, il a intérêt à les écrire d'une manière claire. Indirectement, l'information du consommateur s'en trouve améliorée.