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B. Restrictions de concurrence

3. Caractère sensible ou notable de la restriction

Le législateur suisse a limité l'intervention des organes chargés de veiller au maintien de la concurrence aux ententes qui limitent notablement la concur-rence (art. 5 al. 1 LCart). Les autorités communautaires n'appliquent l'art. 81

§ 1 CE qu'aux accords dont l'objet ou l'incidence sur la concurrence est sensible472.

L'intensité des effets restrictifs de concurrence dépend des faits de cha-que cas, en particulier des circonstances économicha-ques formant le contexte d'application de l' accord473 . La nécessité d'établir un test clair et certain pour faciliter l'administration du droit de la concurrence et améliorer la sé-curité juridique a conduit la Commission européenne à adopter une commu-nication sur les accords d'importance mineure (commucommu-nication de minimis ), ainsi qu'un projet de lignes directrices sur l'applicabilité de l'art. 81 CE aux coopérations horizontales474 . Ces deux textes indiquent à quelles conditions les accords sont soustraits à l'application de l'art. 81 CE.

Les ententes en matière de conditions générales échappent à l'art. 81 CE ou·à l'art. 5 LCart si elles lient des entreprises qui occupent sur le mar-ché une position si faible qu'il n'en résulte pas une influence suffisamment importante du marché. En effet, le nombre et l'importance des entreprises participants à l'entente ont un impact plus ou moins grand sur les

possibili-471 Comité économique et social, Avis «Les consommateurs dans le marché des assuran-ces», pt 3.7.5.2. Il faut relever ici qu'aussi bien le projet de LFors que la LDIP et la Convention de Lugano ont des règles spéciales pour les contrats de consommation (cf.

supra p. 31 s).

472 CJCE, arrêt du 7.7.69,Franz Volk c. S.P.R.L. EtsJ. Vervaecke, aff. 5-69, Rec. 1969 295, att. 7; Communication de la Commission de 1997 concernant les accords d'importance mineure.

473 CJCE du 25.11.71, Béguelin, att. 16-18.

474 JO 1997 C 372/13 et JO 2000 C 1128/14. Les lignes directrices sur l'applicabilité de l'art. 81 CE aux coopérations horizontales se limiteront aux accords générant potentiel-lement des gains d'efficience (cf. pt 10). La doctrine suisse appelle de ses vœux une communication sur les accords n'entraînant que des atteintes légères. Cf. Zach, n° 283;

Hoffet, n° 67 ad art. 5 LCart; Meier-Schatz, Horizontale, p. 817.

tés de choix s'offrant au client475, Le projet de lignes directrices sur les coopérations horizontales confirme que le pouvoir de marché limité des par-ties à l'entente «détermine, avec d'autres facteurs structurels, la capacité de la coopération d'affecter de façon significative la concurrence»476. La communication de minimis fixe des seuils de parts de marché en dessous desquels les accords échappent à l'interdiction del' art. 81 § 1 CE: les accords horizontaux entre entreprises détenant ensemble une part de marché infé-rieure ou égale à 5% n'ont pas une incidence sensible sur la concurrence477.

Les accords d'achat ou de commercialisation dont les membres détiennent ensemble moins de 15% du marché ne restreignent en principe pas notable-ment la concurrence478.

L'analyse des cas d'espèce doit tenir compte de paramètres relatifs à la concurrence actuelle et potentielle, interne et externe, et de la puissance des acheteurs. Outre les parts de marché cumulées des parties, les parts de mar-ché détenues individuellement, la position et le nombre de concurrents ainsi que les barrières à l'entrée, la stabilité des parts de marché sur la durée et la puissance des cocontractants figurent panni les critères à utiliser.

Les paramètres de concurrence ne sont pas d'importance égale; cer-tains sont particulièrement sensibles. La récente communication de minimis introduit une nouvelle conception de restrictions particulièrement sérieuses qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme d'importance mineure en raison de leur objet. Ces accords qui fixent les prix, imposent des quotas ou partagent les marchés, sont considérés perse comme restrictifs479. Aux

475 Commission du 15.5.74, Verre d'emballage, consid. 50iii; Commission du 12.12.88, Publishers Association, consid. 60; cf. Avocat général D. Ruiz-Jarabo Colomer dans CJCE du 21.1.99,Bagnasco, pt 37: «comme l'immense majorité des banques italiennes sont membres de 1 'ABI, les clients voient leurs possibilités de choix considérablement réduites». Ils ne peuvent espérer obtenir des avantages en s'adressant à une banque plutôt qu'à une autre. En droit suisse, Zach, n° 283; Mercier/Mach/Gilliéron/Affolter, p. 641; Secrétariat de la Commission de la concurrence, rapport du 10.10.97,Faclzhandel fiir Produkte des hztebedwfs, DPC 1997 /4 p. 452, pts 33ss; Commission de la

concur-rence du 6.9.99, Verkauf preisgebundener Verlagserzeugnisse, pts 77ss; Commission de recours pour les questions de concurrence, décision du 23.9.99, X, DPC 1999/3 p. 503 pts 3.1 et 4.5-4.6.

476 Pts 19 et 27ss.

477 Pt 9.

478 Commission, Projet de lignes directrices sur les coopérations horizontales, pts 122 et 141.

479 La liste de l'art. 81 CE change de nature: elle n'est plus seulement illustrative. Toute-fois, la notion d'interdiction per se est pour le moment récusée par la CJCE, qui a confirmé la nécessité d'une affectation sensible même pour les accords compottant une protection territoriale absolue (p. ex. CJCE, arrêt du 28.4.98, Javico International et Javico AG c. Yves Saint Laurent Parfums SA, aff. C-306/96, Rec. 1998 I-1983 att. 17;

yeux du législateur suisse, ces mêmes ententes sont présumées éliminer la concurrence (art. 5 al. 3 LCart). Or, les accords fixant les conditions de tran-saction ne sont pas mentionnés parmi les accords particulièrement restric-tifs. Il s'ensuit que la concurrence de prix a, semble-t-il, une valeur plus élevée que la concurrence sur les conditions et que, par voie de conséquence, la restriction de la concurrence par le prix est plus grave qu'une restriction portant sur les conditions de transaction.

Lorsque l'entente de conditions vient renforcer une entente sur les prix, il n'y a aucun doute: la restriction est notable. Comme presque toutes les conditions (rabais, délai et lieu de livraison, conditions de paiement, régime de responsabilité ... ) influencent à des degrés divers la formation du prix, l'uniformisation des conditions générales pennet de prévenir les «triche-ries» de certains membres à une entente de prix en les empêchant d'offrir des conditions plus favorables aux acheteurs480. C'est une des raisons pour lesquelles une entente sur les prix implique souvent une entente sur les conditions afin d'éviter toute échappatoire à la première481. Si tous les ven-deurs utilisent les mêmes conditions générales, le contrôle du respect de l'entente de prix est plus facile482.

L'appréciation à donner aux pures ententes de conditions est plus controversée. Certains auteurs sont d'avis que les obligations de conditions sont rarement propres à affecter sensiblement la concurrence, aussi long-temps que celle-ci reste possible sur le terrain des prix, et que, par consé-quent, elles ne tombent probablement pas sous le coup de l'art. 81 § 1 CE ou de l'art. 5 LCart483. D'autres considèrent que l'application de conditions contractuelles uniformes par des entreprises concurrentes constitue une res-triction importante de la concurrence même en l'absence de dispositions en

CJCE, arrêt du 28.5.98,John Deere Ltd c. Co111mission, aff. C-7/95P, Rec. 1998 I-3111, att. 77). Cf. Laurence Idot /Jean-Bernard Blaise, Chronique- Concurrence, RTDE 1999, p. 111pt54.

480 Commission des caiiels de 1993,Marchédu ciment, p. 115-116. Commission du 16.12.71, VCH, consid. l 6e; Commission du 13. 7.83, Vzmpoltu, consid. 39; Commission du 10.7.86, Revêtements bitumés, consid. 73ii et 74iii (cadeaux, rabais); Commission du 2.12.77, CBR, consid. 26 et 27 (garantie maximale, rabais); Commission du 22.12.72, Cimbel, consid. 6c et 13b (frais divers, délais de paiement); Commission du 20.7.78, Fedetab, consid. 86 (délais de paiement).

Immenga, 1/M, n° 52 ad§ 2 GWB, souligne la difficulté, résultant du droit allemand, de distinguer entre prix et conditions, et, au sein des conditions, entre conditions «simples»

et conditions se rapportant au prix. Cf. ég. Wolter, p. 43-45.

48! Cf. p. ex. Merz, Massenvertrag, note 41p.160.

482 Cooter/Ulen, p. 251-252.

483 Kiinig, p. 96; Merz, Richterliche Kontro!le, p. 82; Nordmann, p. 54.

matière de prix484. Je me range à l'avis des seconds. Il ne découle pas néces-sairement de la communication de minimis et del 'art. 5 al. 3 LCart qu'on ne puisse pas considérer qu'une entente de conditions entraîne une limitation notable de la concurrence. En droit communautaire, dès lors que l'art. 81

§ 1 CE mentionne expressément les ententes portant sur les conditions de transaction, on peut partir de! 'idée que ces dernières constituent une infrac-tion primaire. Par ailleurs, «il n'est pas nécessaire qu'un accord ou une pra-tique limite les parties quant à l'ensemble des paramètres» pour enfreindre l'art. 81 § 1 CE ou l'art. 5 LCart 485.

En définitive, le seuil d'intervention des autorités de la concurrence dépendra de l'ensemble du contexte économique et juridique, principale-ment des parts de marché des entreprises en cause et de leurs principaux concurrents.

C. De quelques sujets particuliers