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L’exploration 630 d’un territoire : la mobilité individuelle

une appropriation choisie ou contrainte de l’espace ?

I- L’exploration 630 d’un territoire : la mobilité individuelle

L’exploration d’un territoire, sa découverte « spatiale » peut être cernée à travers l’étude de la mobilité. Dans le cadre sociétal, cette dernière peut recouvrir plusieurs dimensions : physique, sociale, culturelle, affective, cognitive… Notre propos se centrera surtout sur la mobilité physique, même si celle-ci n’exclut évidemment pas les autres dimensions631. En effet, la mobilité est une action éminemment sociale, car elle met en relation les individus et les espaces, plus précisément les individus entre eux au sein d’un espace donné et référent qui se voit alors constitué en tant que territoire. Ainsi, « on peut définir la mobilité comme la relation sociale au changement de lieu, c’est-à-dire comme l’ensemble des modalités par lesquelles les membres d’une société traitent la possibilité qu’eux-mêmes ou d’autres occupent successivement 11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111

627. ALVERGNE Christel, Introduction au séminaire Temps et territoire, Prospective Info, 2001, 7 p.

628. Depuis quelques années est ainsi apparue, notamment dans les enquêtes sur la gestion des temps de la vie quotidienne, la notion de « chronomobilité », c’est-à-dire l’organisation du temps en liaison avec la mobilité.

629. « Cette grande porosité entre l’espace et le temps contribue à transformer la géographie mentale du territoire », REMY Jean, « Culture de la mobilité et nouvelles formes de territorialités », VODOZ Luc, PFISTER GIAUQUE Barbara, JEMELIN Christophe, Les territoires de la mobilité : l’aire du temps, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004, p. 32.

630. Egalement appelée « errance » dans certains travaux, par exemple : LARDON Sylvie, MUREL Pierre, PIVETEAU Vincent (dir.), op. cit.. Le terme d’exploration lui a été préféré car il implique, selon nous, une volonté des individus dans leur mobilité, qu’elle soit quotidienne ou plus exceptionnelle.

631. C’est donc bien la mobilité au sens géographique du terme qui sera ici prise en considération. En effet, « la polysémie du terme de mobilité et la diversité des problématiques développées derrière ce vocable amènent finalement deux constats : les acceptions du terme de mobilité sont diverses et attestent de la constitution progressive de champs de recherche cloisonnés, ce que l’on entend par mobilité sociale en sociologie et par mobilité en économie des transports n’a par exemple, rien à voir. La première acception renvoie à un mouvement dans l’espace social, tandis que la seconde fait référence aux déplacements de la vie quotidienne », BASSAND Michel, KAUFMANN Vincent, « Mobilité spatiale et processus de métropolisation : quelles interactions ? », BONNET Michel, DESJEUX Dominique, Les territoires de la mobilité, Paris, PUF, 2000, p. 131.

plusieurs localisations »632. Cette mobilité peut recouvrir différentes formes. Qualifiée « d’intra-territoriale », elle décrit les pratiques quotidiennes et routinières des individus sur leur espace de vie. Lorsqu’elle devient « extra-territoriale », la mobilité fait alors référence à des mouvements de « va-et-vient » sur le territoire et permet de mettre en évidence les mouvements d’arrivée, de départ et de retour sur ce dernier. Enfin, la mobilité géographique, physique, ne peut être totalement dissociée de la mobilité culturelle ou plus exactement de ce que Vincent Kaufmann appelle la « motilité », c’est-à-dire les ressources sociales sur lesquelles peuvent s’appuyer les individus pour envisager leur mobilité.

1- La mobilité intra-territoriale

La mobilité intra-territoriale fait référence à l’ensemble des déplacements des individus au sein de leur espace de vie. Ces déplacements se font généralement dans le cadre des activités quotidiennes, telles que nous avons pu les décrire dans le précédent chapitre. Notre objet n’est évidemment pas ici, de réexposer l’ensemble de ces pratiques territoriales, mais bien de mettre en évidence ce qu’elles impliquent en termes de mobilité pour les habitants du territoire.

Pour certains auteurs, cette mobilité « de proximité » peut se définir très simplement, suivant la distance des déplacements par rapport au lieu d’habitation. En effet, « la notion de mobilité locale comprend l’ensemble des déplacements dont les origines et les destinations sont à moins de 80 km (à vol d’oiseau) du domicile »633. Cette définition nous semble quelque peu réductrice pour deux raisons principales. D’abord, parce qu’il nous parait délicat de tracer une limite kilométrique qui vaudrait pour l’ensemble des habitants, quel que soit leur âge, leur lieu d’habitation, leur moyen de locomotion… Ensuite parce que, comme nous l’avons déjà décrit, le Berry est un territoire où les distances augmentent facilement. Il n’est d’ailleurs pas rare que les individus s’éloignent de plusieurs dizaines de kilomètres de leur domicile, quotidiennement, pour se rendre sur leur lieu de travail, par exemple.

« Moi, beaucoup de mes collègues habitent Bourges. Et inversement, je connais aussi des gens de Vierzon qui vont travailler à Bourges. Non, non, c’est très faisable »634.

Les témoignages des habitants nous montrent bien la capacité des individus à se déplacer sur leur territoire, quel que soit le nombre de kilomètres à parcourir. En fait, sur un espace à dominante rurale, tel que le Berry, la mobilité est surtout mesurée à l’aune des temps de parcours. Les habitants ne situent pas tant les différents lieux qui composent leur espace de vie en fonction de leur éloignement kilométrique, qu’en fonction du temps qu’ils mettent à y accéder. Ces temps de parcours délimitent alors des zones d’activités différenciées.

« Mais notre territoire, on le ressent, une heure, c’est trop loin, on n’y va pas. Pour une soirée, on ne va pas à Châteauroux, alors qu’on va à Argenton »635.

Les individus se déplacent donc en fonction du temps qu’ils souhaitent accorder à chacune de leurs activités, y compris les temps de parcours. Pour certains habitants, une heure de trajet peut être acceptable dans le cadre professionnel, tout en paraissant exagérée pour un déplacement de loisirs. A contrario, d’autre sont prêts à parcourir de longues distances – temporellement parlant – pour assouvir leur passion tout en souhaitant que domicile et lieu de 11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111

632. LEVY Jacques, « Les nouveaux espaces de la mobilité », BONNET Michel, DESJEUX Dominique, Les territoires de la mobilité, Paris, PUF, 2000, p. 155.

633. ORFEUIL Jean-Pierre, « La mobilité locale : toujours plus loin et plus vite », BONNET Michel, DESJEUX Dominique, Les territoires de la mobilité, Paris, PUF, 2000, p. 53.

634. Femme, 53 ans, Vierzon (18).

635. Homme, 31 ans, Fontgombault (36).

travail soient proches. La mobilité est donc différente selon les activités. Certains auteurs distinguent d’ailleurs une mobilité de consommation, qui serait centrée sur le quartier – ou le village – où habitent les individus, et une mobilité de sociabilité, avec une multiplication des lieux fréquentés essentiellement pour les loisirs et les réseaux sociaux636.

Ces différentes formes de mobilité dessinent alors de nouveaux territoires de vie, qui ne sont plus forcément formés d’un seul tenant géographique, mais d’une série de micro-espaces sur lesquels les habitants se déplacent de manière privilégiée. C’est ce phénomène que Jean Viard a décrit sous le nom de territorialisation en « archipel » : chaque habitant d’un territoire s’approprie une série d’« îlots » autour des différents lieux qu’il fréquente régulièrement637. Certaines « zones de vie », dessinées par les habitants rencontrés au début de leur entretien montrent d’ailleurs très bien ce phénomène. Sur la première carte proposée ici, la personne rencontrée délimite clairement deux zones de vie : la première, autour de Châteauroux, correspond à l’espace de sa vie quotidienne et de sa vie professionnelle, tandis que la seconde, autour de Châteaumeillant, correspond plutôt à un espace de loisirs. Remarquons au passage qu’à chacune de ces zones de vie correspond des temporalités différentes : la semaine pour celle autour de Châteauroux et le week-end ainsi que les vacances pour celle autour de Châteaumeillant.

Carte 7 : « Zone de vie » d’une femme, 49 ans, Châteauroux (36)

Sur la seconde carte, proposée ci-après, la personne rencontrée a dessiné ses différentes zones de vie au fur et à mesure du récit des ses diverses pratiques territoriales. Ainsi, sa zone de vie principale, située autour de Bourges, est celle de sa vie quotidienne, ainsi que celle de sa vie professionnelle. Au moment d’évoquer ses loisirs, elle ajoutera alors un demi-cercle englobant Bourges, afin de montrer que cette ville est le symbole de ces divers loisirs, tout en dénommant le premier espace d’un « T » significatif (zone du travail). Un peu plus tard, elle parle de ses racines, de sa famille, et notamment de son père, vivant dans une troisième zone, qu’elle va alors s’empresser de matérialiser.

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636. RAMADIER Thierry, « Rapport au quartier, représentations de l’espace et mobilité quotidienne : le cas d’un quartier périphérique de Québec-Ville », Espaces et Sociétés, « Espaces, modes d’emploi », n°108-109, 2002, pp. 111-131.

637. LACAZE Jean-Paul, L’aménagement du territoire, Paris, Flammarion, 1995

Carte 8 : « Zone de vie » d’une femme, 53 ans, Vierzon (18)

Cette dernière habitante, dans son récit de vie, précise par ailleurs que l’espace géographique situé entre les extrémités de ses différents cercles n’est qu’un espace de mobilité, qu’elle ne mentionne que pour mieux relier ses zones de vie en « îlot », pour reprendre la dénomination de Jean Viard. De ce fait, elle se déclare peu attachée à ces espaces de transition d’un lieu à un autre. Ce témoignage permet bien de montrer que « la façon dont on pratique un espace, dont on inscrit son corps en un lieu, est déterminante dans la relation que l’on crée au lieu »638. Encore une fois, pratiques et représentations s’enchevêtrent : la mobilité a bien partie liée avec les images d’un territoire et des différents lieux qui le composent aux yeux de ses habitants.

Les différentes formes de mobilité intra-territoriale évoquées jusqu’ici se rapportent principalement aux activités de la vie quotidienne : consommation, travail, loisirs réguliers.

Notons également qu’une mobilité intra-territoriale plus exceptionnelle – au sens d’exception par rapport à un quotidien – est parfois mise en évidence par certains des habitants rencontrés. Cette mobilité concerne les activités de « découverte » d’aspects ou de lieux du territoire de vie que les individus ne sont pas habitués à fréquenter. Ces derniers sont quelques fois amenés à se faire

« touristes » sur leur propre zone de vie.

« La Maison de George Sand, ça fait au moins trois ou quatre fois que je la visite. J’aime bien aller visiter dans le Boischaut sud. Donc tout ce qui est vers Neuvy-Saint-Sépulchre, La Châtre. Récemment, avec mon copain, on s’est fait une journée, on est allés à Sarzay, donc on a visité le château de Sarzay, qui est en pleine rénovation. On a visité la Maison de George Sand, on a été à la Mare au Diable »639.

Plusieurs personnes mentionnent les différentes destinations touristiques intra-territoriales auxquelles ils ont pu se rendre. Mais, ainsi que le soulignent certains acteurs locaux, la mobilité touristique ne va pas de soi. Elle implique, comme d’ailleurs toutes les formes de mobilité, une capacité à la fois physique et psychologique de la part des habitants du territoire.

« Il faut des gens qui déjà aient un petit peu un intérêt, et qui ont le courage de prendre leur voiture pour aller voir des choses. Parce qu’on a quand même ce problème là, on a peu de choses qui sont vraiment regroupées. Si on veut en découvrir, il faut prendre sa voiture, forcément, et […] il y a quand même beaucoup de kilomètres entre tous ces endroits là, qui sont vraiment magnifiques. Donc il faut des gens qui puissent se donner le temps et les moyens de se véhiculer »640.

11111111111111111111111111111111111111111111111111111111111 638. PREVEL Anaïs, op. cit., p. 89.

639. Femme, 22 ans, Issoudun (36).

640. Responsable commerciale CIBELE (Lentilles du Berry).

Notons d’ailleurs dans ce dernier extrait l’expression d’une sorte de spécificité qui serait caractéristique des espaces ruraux, « ce problème-là ». En effet, le désir de visiter des points dignes d’intérêt nécessiterait des temps de transport incompressibles, dus à leur caractère dispersé. Or, il existe sans aucun doute une problématique semblable en milieu urbain : il est parfois nécessaire de traverser des zones industrielles ou pavillonnaires avant d’accéder à des lieux plus touristiques.

Au final, au-delà d’une connaissance du territoire – une des formes de la participation territoriale décrite dans le précédent chapitre – ce « tourisme de proximité » permet de mettre en évidence la grande mobilité de la plupart des individus. Cette mobilité leur permet bien de s’approprier leur territoire. Cette appropriation, voire cette incorporation, est à la base de la construction identitaire liée à un territoire donné. Ainsi, « la mobilité corporelle est un élément important du processus par lequel les membres d’un pays donné croient partager une identité commune associée au territoire que cette société occupe ou revendique. Depuis le milieu du 19ème siècle, voyager pour voir les principaux sites, textes, expositions, bâtiments, paysages, et réalisations d’une société a contribué grandement à développer le sens culturel d’une présence nationale imaginée »641. Cette conclusion, tirée à l’échelle d’un pays, est à nos yeux pertinente à l’échelle d’un territoire tel que le Berry. La mobilité individuelle influe sur le sentiment d’appartenance à une collectivité, à une société donnée. En ce sens, ainsi que nous le développerons dans un prochain chapitre, elle est partie intégrante de la construction identitaire territoriale individuelle.

2- Les flux de mobilité : partir, (re)venir, rester

Après avoir étudié les flux de mobilité au sein même du territoire, il convient maintenant de s’intéresser à la mobilité inter-territoriale, c’est-à-dire celle existant entre le Berry et d’autres territoires. Notons tout d’abord qu’il en existe une forme ponctuelle, dans le cadre de voyages, par exemple.

« Et on se plait [à la campagne] parce que moi, ça ne m’empêche pas de voir plein de choses.

Si j’ai envie d’aller à Paris, je vais à Paris, si j’ai envie de me balader à droite, à gauche, ça ne m’empêche pas de le faire »642.

Si cet exemple nous permet de montrer que les Berrichons ne sont pas « enfermés » dans leur territoire, la mobilité touristique n’est cependant pas notre propos principal. En effet, notre objectif est d’étudier les flux de mobilité inter-territoriale durables, ce qui pose une série de questions. Qu’est-ce qui fait que des individus partent ou viennent s’installer sur un nouvel espace de vie ? A quel(s) moment(s) de leur parcours biographique cette mobilité correspond-elle ? Autant de questions auxqucorrespond-elles il est nécessaire d’apporter une réponse, car les phénomènes de départ, d’arrivée et de retour sur le territoire permettent de comprendre l’inscription de la mobilité dans les temps de vie. Presque paradoxalement, c’est également ici que nous étudierons l’absence de mobilité : certains individus ont toujours vécu sur le même territoire et ne sont pas décidés à le quitter. Cette non-mobilité est bien une des modalités de la mobilité inter-territoriale. Par ailleurs, ne pas être mobile hors de son territoire ne signifie pas une absence de mobilité intra-territoriale.

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641. URRY John, Sociologie des mobilités. Une nouvelle frontière pour la sociologie ?, Paris, Armand Colin, 2005, p. 151.

642. Femme, 58 ans, Lourouer-Saint-Laurent (36).

Partir

Le premier mode de mobilité inter-territoriale correspond au départ du territoire. Ce départ est plutôt caractéristique des jeunes générations et correspond alors au temps biographique des études ou bien encore du premier emploi. Si le Berry n’est pas totalement dépourvu dans l’offre de formations supérieures, la mobilité est parfois jugée comme obligatoire par certains habitants ainsi que certains acteurs locaux, notamment dans une logique d’ascension sociale. Les villes de plus grande envergure offriraient des formations plus diversifiées et permettraient ainsi d’aspirer à de meilleures conditions professionnelles. Par ailleurs, le côté

« animé » de ces plus grandes villes est souvent mis en résonance avec le « calme » des villes universitaires berrichonnes, pour expliquer le choix des jeunes générations désireuses de quitter le territoire.

« J’ai vécu à Châteauroux, alors qu’à Limoges, on avait parfois l’habitude de bourlinguer, jusqu’à quatre heures, cinq heures du matin, la vie étudiante, quoi. Autrement, c’est vrai qu’on avait l’impression que c’était une toute petite ville, Châteauroux, quand on est arrivés, il n’y avait pas l’IUT à l’époque. Donc effectivement, dix heures, ça nous a semblé le couvre-feu à Châteauroux. Vraiment, c’était bizarre, on avait même pensé changer après, en se disant qu’on ne reste pas là, qu’il n’y a pas de vie »643.

Ce départ des jeunes générations aboutit à ce que certains acteurs locaux appellent un

« exode », voire une « fuite des cerveaux ». Nous renvoyons le lecteur au chapitre IV, présentant le territoire d’étude, pour la description des conséquences de ces départs, notamment en termes de vieillissement de la population. En effet, les jeunes générations représentent la principale source d’exode du territoire. « Les jeunes de 18 à 29 ans constituent 40 % des personnes ayant quitté l’espace à dominante rurale pour les pôles urbains ; leur départ est motivé par la poursuite de leurs études ou par la recherche d’un emploi en ville » 644. Pour ces jeunes générations, partir du territoire, c’est bien souvent obéir à une double injonction : continuer ses études et trouver du travail.

« Et à 18 ans, comme des milliers et des milliers de Berruyers, je suis dans l’obligation de quitter Bourges, pour aller faire mes études. […] Et à la fin des études à Paris, c’est toujours Paris, parce que c’est net, c’est là où il y a du boulot, c’est là où il y a les amis, les nouveaux amis de fac… »645

Ainsi, si certains jeunes habitants quittent leur territoire d’origine afin de poursuivre leurs études, l’accession à un premier emploi les « empêche » bien souvent d’y revenir, y compris lorsque ce retour était pourtant souhaité et prévu au moment du départ. Par ailleurs, d’autres personnes sont amenées à quitter le territoire dans le cadre professionnel, tout au long de leur vie. Mais ces mobilités d’ordre professionnel sont à peu près compensées par l’arrivée de nouveaux habitants, appartenant aux mêmes générations, et s’installant sur le territoire pour les mêmes raisons. Ce constat nous permet d’insister sur l’effet « cycle de vie » qui permet d’expliquer en partie les modifications dans la structure de la population berrichonne. Comme beaucoup de territoires à dominante rurale, le Berry se caractérise par un solde migratoire négatif en ce qui concerne les jeunes générations et un solde migratoire positif en ce qui concerne les plus âgées.

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643. Homme, 40 ans, Argenton-sur-Creuse (36).

644. INSEE, Les campagnes et leurs villes, INSEE, 1998, p. 58.

645. Homme, 42 ans, Bourges (18).

Pour certains jeunes rencontrés, le départ est rêvé, presque mythifié. Ils se projettent alors dans un « ailleurs » qui sera forcément meilleur qu’un « ici » dont les caractéristiques se résument alors à cette rhétorique du « pas grand-chose » déjà évoquée. Pour d’autres habitants, le départ est pleinement planifié, et réellement réalisé646. Entre le rêve et la réalité, se dressent parfois certains obstacles qui ne sont pas indépendants de la classe sociale à laquelle appartiennent ces jeunes. En effet, seuls partent ceux qui ont les moyens, à la fois matériels et psychologiques, de partir. Nous reviendrons un peu plus loin sur ce dernier aspect. Notons enfin que réaliser le départ envisagé ne signifie pas nécessairement la coupure des liens avec le territoire d’origine. Pour beaucoup de jeunes, ce départ se fait d’abord en pointillé, avec des retours fréquents au domicile parental. Ces retours s’espacent de plus en plus dans le temps au fur et à mesure de leur insertion territoriale dans un nouveau lieu de vie. Le départ est alors pleinement réalisé. Mais il n’est pas forcément définitif, comme le prouvent les cas de « retour au pays ».

« Moi, je trouve qu’il y en a beaucoup qui sont revenus. Donc au final, on part parce qu’on en a marre, mais on revient quand même. On revient pour différentes raisons »647.

« Moi, je trouve qu’il y en a beaucoup qui sont revenus. Donc au final, on part parce qu’on en a marre, mais on revient quand même. On revient pour différentes raisons »647.