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L’expérience africaine de la famille et ses implications sur le sujet

« Tant qu’on a une famille, on n’est pas pauvre »351, dit une sentence lari au Congo.

La famille est une réalité indépassable et irremplaçable dans les sociétés africaines352. [Ces] sociétés, écrit François Kabasele Lumbala, sont essentiellement basées sur l’alliance, sur la communion et la solidarité. Certes aujourd’hui les villes modernes d’Afrique noire ont créé de nouveaux réseaux de relation : relations professionnelles, relations de voisinage, relations de religions. Mais ce qui est intéressant, c’est de remarquer comment les nouvelles relations sont tissées sur le modèle familial. C’est comme si, à travers ces nouveaux réseaux de relations, l’Africain poursuivait inlassablement et récupérait la relation familiale353.

Naître dans une famille n’est pas anodin ni fortuit ni sans sens. Comme le dit Vincent Mulago,

[le] fait de naître dans une famille, un clan ou une tribu nous plonge dans un courant vital spécifique, nous y « incorpore », nous façonne à la manière de cette communauté, modifie « ontiquement » tout notre être et l’oriente à vivre et à se comporter à la façon de cette communauté […] Le même sang, la même vie participée par tous et reçue du premier ancêtre, fondateur du clan, circule dans toutes les veines. C’est à la sauvegarde, au maintien, à l’accroissement, à la pérennité de ce trésor commun qu’il faut travailler de toutes ses énergies : retrancher impitoyablement ce qui s’y oppose, favorise coûte que coûte ce qui l’aide : voilà le dernier mot des coutumes et des institutions, de la sagesse et de la philosophie des Bantu354.

Selon A. B. C. Ocholla-Ayayo, « [pour] les peuples africains, la famille typique comprend également les parents décédés que les anthropologues ont nommés les « morts- vivants » […]. Comme le nom l’indique, ceux-ci sont gardés « en vie » dans la mémoire

351 Citée par P. ERNY, Ecoliers d’hier en Afrique centrale. Matériaux pour une psychologie,

Paris/Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 235.

352 Cf. V. MULAGO CIKALA MUSHARHAMINA, La religion traditionnelle des Bantu et leur vision du

monde, Kinshasa, Presses Universitaires du Zaïre, 1973, p. 122-123.

353 F. KABASELE LUMBALA, « L’Église-Famille en Afrique », dans Concilium (1995) 260, p. 126. 354 V. MULAGO CIKALA MUSHARHAMINA, ibid., p. 122-123.

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des familles et sont considérés comme restant concernés par les affaires familiales. Les « morts-vivants » solidifient et lient de façon mystique la famille entière »355.

Il s’agit véritablement d’une communauté faite des vivants et des morts. Ces derniers ne sont pas conservés simplement dans la mémoire des vivants, mais ils sont des membres réels de la grande communauté clanique et tribale au-delà de la mémoire, ils sont invoqués même par ceux qui ne les ont pas connus, et même s’ils ne sont pas connus nommément. Ils habitent donc la mémoire collective du clan ou de la tribu.

Certains de ces morts constituent le collège hiérarchisé des ancêtres. Comme le dit Pierre Erny, « [on] connaît la place que tiennent les ancêtres dans la vie coutumière, avec quelle facilité on peut entrer en conflit avec eux et comment ils interviennent dans les antagonismes qui surgissent entre vivants »356.

Une archéologie de l’ancestralité révèle la supériorité du passé par rapport au présent – plus c’est ancien, mieux ça vaut. C’est le fondement de la gérontocratie et du droit d’aînesse qui caractérisent encore les sociétés africaines, malgré l’apport de nouveaux critères comme le savoir scientifique ou technique occidental, la productivité, etc.

Le temps des vivants est éthiquement hiérarchisé, la flèche étant pointé vers le passé ancestral. Mais cette éthique demeure complexe puisqu’elle englobe dans sa rationalité aussi bien les vivants que les morts. Selon Jean-Paul Eschlimann, on peut même être mauvais et esclave dans l’au-delà ; ce qui expliquerait qu’une telle personne, réincarnée, soit maltraitée dans certaines cultures africaines357.

Empruntons à Pierre Erny quelques lois qui régissent l’intégration de la personnalité dans cette communauté faite des vivants et des morts :

355 A. B. C. OCHOLLA-AYAYO, « La famille africaine entre tradition et modernité », dans A. EDEPOJU

(éd.), La famille africaine. Politiques démographiques et développement, Paris, Karthala, 1999, p. 86. Au sujet des différents modes de présence des morts parmi les vivants, cf. V. MULAGO, ibid., p. 84. Egalement L. V. THOMAS, R. LUNEAU et J. L. DONEUX, Les religions d’Afrique Noire. Textes et

traditions sacrés, Paris, Fayard-Denoël, 1969, p. 255-257.

356 P. ERNY, Ecoliers d’hier en Afrique centrale. Matériaux pour une psychologie, Paris/Montréal,

L’Harmattan, 1999, p. 175.

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une loi de dépendance de tous à l’égard du chef et de solidarité entre les membres […] ; - une loi d’égalité entre tous les membres exige de chacun de rester au niveau économique de la moyenne de sa classe d’âge […] ; - une loi de fidélité à l’idéal coutumier impose un rigoureux conservatisme social. La personne, la réalisation de soi, l’épanouissement individuel, le sens de l’initiative, sa conscience de la singularité et de son originalité, l’autonomie personnelle n’apparaissent pas comme des valeurs de fond, et peuvent même, à la limite, faire figure de contre-valeurs358.

Deux concepts sous-tendent l’expérience africaine de la famille : ceux de corésidence et de parenté - par le sang, par alliance, par sympathie ou par proximité. La famille359 est

constituée d’un noyau fait d’un homme et une femme unis par amour ou pour des raisons stratégiques ou coutumières, politiques ou anthropologico-religieuses – exemple, assurer la postérité. Ce noyau n’est pas sa propre raison d’être; car, quel que soit ce qui le fonde, il entre dans des prévisions d’une logique plus large, celle des intérêts du clan360, dont le

principal objectif est, nous le verrons avec Alexis Kagame et Vincent Mulago361, de faire

échec à la mort par la perpétuation, le maintien infini de la vie dans le clan comme fin ultime du sujet. Celle-ci, la fin dernière, donne au clan son caractère sacré, dirigiste et rituel, mu par une énergie sympathique362, une énergie radiale centripète qui solidifie et maintient la relation intra-clanique.

Ce noyau, le couple, est d’office complété par des membres de la grande famille ou famille étendue, dès le jour du mariage, comme témoin et présence de la volonté du clan. Aussi est-il rare de voir un couple dépouillé, c’est-à-dire sans cousin(e) ni neveu ou nièce

358 P. ERNY, Ecolier d’hier en Afrique centrale, p. 235-236. L’auteur reprend la pensée de J. Van Wing. 359 Pour la différence entre famille « nucléaire » et famille « étendue » et leurs subdivisions, lire par

exemple O. ADEGBOYEGA, J. P. M. NTOZI et J. B. SSEKAMATTE-SSEBULIBA, « La famille africaine. Données, concepts et méthodologie », dans A. ADEPOJU (éd.), La famille africaine. Politiques

démographiques et développement, Paris, Karthala, 1999, p. 42.

360 Comme l’écrit Thérèse Locoh, les aspirations des individus, leurs choix, y compris en matière

conjugale, ne sont que seconds par rapports aux décisions familiales. Cette situation change progressivement dans les milieux en transition mais reste majoritaire » T. LOCOH, Familles africaines,

population et qualité de vie, Les Dossiers du CEPED n° 31, Paris, mars 1995, p. 11.

361 Dans la partie réservée à l’éthique africaine, nous lirons avantageusement : A.KAGAME, La

philosophie bantu-rwandaise de l’être, Bruxelles, 1956. Thèse de doctorat défendue à l’université

catholique de Louvain en juin 1955, p. 376.

V. MULAGO CIKALA MUSHARHAMINA, La religion traditionnelle des Bantu et leur vision du monde, Kinshasa, Presses universitaires du Zaïre, 1973.

362 Cette énergie sympathique qui tisse les liens biologiques émane des ancêtres communs. Cf. T. LOCOH,

Familles africaines, population et qualité de vie, Les Dossiers du CEPED n° 31, Paris, mars 1995, p.10. La

présence de ces ancêtres est symbolisée par le totem du clan. La référence au clan renvoie automatiquement à une hiérarchisation de la communauté du présent au passé, du plus jeune au plus ancien.

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ni frère ou sœur de l’un et/ou de l’autre époux. Du moins en contexte traditionnel africain363. C’est un rappel clair dès le début que les enfants à naitre sont la propriété,

mieux des sujets à éduquer selon la tradition du clan et de la tribu, dans laquelle le couple a été formé, aux deux sens d’ « éduquer » et de « constituer ». Une façon d’expérimenter le « fondement en vertu duquel l’être [humain] est mis en vue d’un autre »364, comme

dirait A. Kagame. Ceci a des implications sur le rôle des parents, dans une structure qui n’est pas foncièrement une triade – père, mère et enfant(s) -, et dont la configuration n’a pas de contours nets. La relation dans la pseudo-triade familiale est de même nature que celle entre les membres du foyer et les autres membres du clan. Elle est organique et non purement fonctionnelle ni simplement coexistentielle ni uniquement utilitariste365.

Comme institution, la famille africaine est le lieu des normes et valeurs qui y régissent le mode de vie, à savoir : « définition des rôles familiaux selon le sexe et l’âge, normes d’échange matrimonial, normes concernant la reproduction démographique, normes de production et d’accès aux biens, règles de résidence »366.

Malgré les facteurs nouveaux intervenus dans les cultures africaines, entre autres « la baisse de la mortalité, les nouveaux modes de production, les migrations et l’urbanisation, la scolarisation, les nouveaux modèles familiaux importés »367, l’essentiel de la conception africaine de la famille semble avoir été conservé aussi bien en ville qu’en milieu rural368, mais dans des proportions inégales. Voilà pourquoi, comme le dit

Thérèse Locoh,

363 On a cru un moment que la nucléarisation de la famille africaine s’imposerait avec la modernité à

l’occidentale. Mais, comme le note encore Thérèse Locoh, « Il y a peu de ménages strictement nucléaires. La « nucléarisation » des familles, attendue par les anthropologues comme par les planificateurs, sous l’hypothèse que l’évolution des mœurs allait faire converger les modes de vie vers le modèle ‘occidental’ se fait attendre […]. En Afrique, ce sont les ménages les plus démunis, et non pas les plus ‘modernes’ qui vivent en famille nucléaire […] » T. LOCOH, ibid., p. 19.

364 A.KAGAME, Ibid., p. 283.

365 L’aspect utilitariste apparaît dans le projet de survie du clan à travers famille : survie démographique et

survie économique. Cf. T. LOCOH, Familles africaines, population et qualité de vie, Les Dossiers du CEPED n°31, Paris, Mars 1995, p. 23.

366 T. LOCOH, ibid., p. 11. 367 Ibid., p. 25.

368 Selon Thérèse Locoh, « La ville, l’école, les religions importées, voire les législations de droit moderne

proposent des modèles familiaux alternatifs à ceux qu’a privilégiés la société africaine ancienne. Les modèles nouveaux, celui de la famille fusionnelle centrée sur l’épanouissement affectif des parents et de leurs enfants directs, notamment, sont ‘essayés’ mais restent minoritaires » Ibid., p. 29.

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vivre en ménage de grande taille, comme le font la majorité des Africains, permet aussi de faire des économies d’échelle en ce qui concerne le logement, l’organisation de la ‘cuisine’, la surveillance des enfants et les soins aux personnes âgées. Il ne paraît donc pas que la crise actuelle soutienne un courant de ‘nucléarisation’ des ménages. L’accroissement du nombre de jeunes sans emploi, de migrants sans ressources, voire d’orphelins, dans les régions les plus affectées par le sida, continuera à imposer des solidarités au niveau des unités résidentielles et le maintien de familles ‘élargies’369.

Mais, précisons-le, la diversité des situations imposera de plus en plus une diversification dans l’interprétation et dans la pratique de la solidarité dans le clan ou la famille étendue. Voyons cela de plus près.

1.1. La parenté africaine

[Les] sociétés coutumières congolaises, écrit Pierre Erny, reposent principalement sur une famille lignagère, sur des liens d’interdépendance et de solidarité, organisés selon des hiérarchies incontestées, qui unissent entre eux les membres d’un même groupe d’appartenance. Une parenté de ce genre n’est pas seulement constituée de consanguinité physique, mais aussi de contiguïté, de commensalité, de vie commune, de vulnérabilité réciproque […] Pour se préserver, se conserver et se reproduire, le lignage cherche à promouvoir des idéaux de fidélité, d’obéissance, d’égalité et d’interdépendance. Il lui faut pour cela inventer un système cohérent d’intégration de la personnalité conforme à ses exigences et grâce auquel il puisse se perpétuer, semblable à lui-même, de génération en génération, dans les individus qu’il engendre370.

Face à l’âpreté et à la complexité des réalités de la vie, l’extension de la famille est une nécessité née de l’expérience371. Ce qui compte dans la constitution d’une famille africaine traditionnelle, ce sont les liens capables de faire grandir le clan et prospérer la

369 Ibid., p. 31-32.

370 P. ERNY, Ecoliers d’hier en Afrique centrale, p. 234.

371 C’est donc la dureté de la vie qui impose la solidarité comme meilleure arme. Selon Thérèse Locoh,

« [l]a solidarité rendue ‘obligatoire’ par nécessité, était renforcée par un corpus de croyances et interdits […]. Ce système idéologique, constamment réactualisé par l’éducation transmise aux enfants, a, certes, une très grande efficacité, mais il faut admettre qu’il a aussi des effets négatifs, notamment celui de faire passer les aspirations des individus bien après les objectifs de survie et d’expansion des groupes familiaux » T. LOCOH, ibid., p. 23-24.

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vie, ontiquement372 et ontologiquement. Le cadre dans lequel se noue cet avenir, c’est la

vie conjugale, dans une sexualité essentiellement orientée vers la procréation.

Mais vite, les parents se voient rappeler que la sexualité n’est qu’un outil. En effet, les termes exprimant la différence sexuelle dans la parenté sont brouillés et attribués indifféremment à l’homme et à la femme. Ainsi, dans maintes cultures, « papa » ne désigne pas forcément une personne de sexe masculin, ni « maman » une personne de sexe féminin. En effet, dans bon nombre de langues africaines, toute femme située du côté paternel est appelée « papa la femme », en français « tante paternelle », et tout homme situé du côté maternel, « maman l’homme », en français « oncle maternel ». En outre, ces termes de « papa » et « maman » ne sont pas réservés aux seuls parents biologiques stricts. Les sœurs, les cousines, et même les amies de la mère sont aussi appelées « maman ». Il en est en même du côté de papa373. On peut même les attribuer

aux petits enfants, comme c’est le cas au Congo.

Ajoutons-y la place qu’occupe le temps. Ces nombreux « papas » et « mamans » parmi lesquels des célibataires, des personnes sans enfants et même des adolescents et des enfants, n’embrouillent pas la personne, enfant ou adulte, qui les appelle ainsi; ils sont déterminés soit par leurs noms (maman une telle ou papa un tel) ou par leur âge ; exemple : « maman l’aînée » ou « maman la cadette ». Comme l’écrit L. Boka di Mpasi, sont

372 Le terme « ontique » renvoie ici aux acquisitions matérielles et immatérielles qui modifient et orientent

l’être humain ; elles font partie désormais de son identité. C’est l’usage que nous trouvons chez Vincent Mulago dans La religion traditionnelle des Bantu et leur vision du monde, Kinshasa, Presses universitaires du Zaïre, 1973, p. 122.

Thérèse Locoh résume bien les fonctions vitales de la famille africaine : « [en] Afrique, plus que partout ailleurs probablement, les groupes familiaux, loin de se limiter à la sphère de la reproduction biologique et de la solidarité des générations, ont une influence déterminante comme unités de production et contribuent largement au contrôle social, par la transmission des normes et des valeurs qui régissent les comportements. Les institutions familiales africaines jouent donc un rôle médiateur entre les comportements des individus et interventions de la collectivité dans trois domaines principaux, ceux de la démographie, de l’économie et du contrôle social » T. LOCOH, Familles africaines, population et qualité de vie, Les Dossiers du CEPED n° 31, Paris, mars 1995, p. 3.

373 Comme le confirme Ferdinand Ezembé, « [c]’est la notion de génération qui structure les différentes

formes de la parenté. On appellera ainsi « Papa » toutes les personnes qui ont l’âge du père, « Maman » toutes celles qui ont l’âge de la mère, et « frère » ou « sœur » ceux qui sont de la même génération que des frères et sœurs » F. EZEMBE, L’enfant africain et ses univers, Paris, Karthala, 2009, p. 94

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frères et sœurs les fils et les filles nés des pères qui sont frères entre eux, ou des mères qui sont sœurs entre elles. Deux mères qui sont sœurs entre elles sont appelées par leurs enfants l'une maman aînée, l'autre maman cadette; de même, deux pères qui sont frères entre eux seront appelés par leurs enfants respectifs papa aîné et papa cadet. Il s'ensuit logiquement de là que l'oncle maternel s'appelle maman masculin et la tante paternelle papa féminin374.

Décortiquons davantage ces relations familiales.

1.2. La place de l’enfant dans la famille

Comme le clan est la prime référence et que toute union a lieu en fonction de son avenir, la famille est essentiellement élargie et ouverte, voulue nombreuse à dessein375. Elle joue

son rôle de lieu d’anthropogenèse par mandat ou procuration du clan. Ici deux thèmes s’entrecroisent. Celui de l’enfant comme « idéal humain »376 en tant qu’avenir ou espoir du clan, qui perpétue la vie reçue des ancêtres. Dans cette optique, la réincarnation est conçue en Afrique377 comme un renouvellement à nouveaux frais du projet vital initial. Et

le thème de « l’enfant divin », à savoir Dieu ancestralisé qui vient habiter au milieu des siens378. L’enfant est pour ainsi dire « enraciné dans une famille invisible »379. Il a un

374 L. BOKA di MPASI, « Pour une pastorale africaine », dans Telema, n° 26, avril-juin, 2/1981, p. 30. 375 Comme le dit Thérèse Locoh, « [l]es descendances nombreuses sont encore l’objectif premier des

familles […] Si l’on est encore favorable en Afrique à la fécondité précoce, dans les milieux traditionnels du moins, c’est parce que, dans le passé, la hantise des trop faibles niveaux de reproduction de la population a conduit les sociétés à survaloriser tous les comportements susceptibles de préserver la capacité reproductive des femmes. L’utilisation de toute la période de fécondité faisait partie de ces moyens » T. LOCOH, Familles africaines, population et qualité de vie, Les Dossiers du CEPED n°31, Paris, Mars 1995, p. 14.

376 Expression de P. ERNY, L’enfant dans la pensée traditionnelle de l’Afrique noire, Paris, L’Harmattan,

1990, p. 72.

377 La réincarnation en Afrique n’est pas conçue comme en Inde, par exemple. En effet, comme le confirme

Pierre Erny, « [p]lusieurs faits s’opposent formellement à l’assimilation des croyances africaines en une réincarnation à une véritable métempsychose […] Un même ancêtre peut « revenir » simultanément en plusieurs membres vivants du même clan. Il ne peut donc y avoir véritablement identification. De plus, on continue à invoquer le défunt dans l’au-delà, même si on pense qu’il s’est réincarné. Il arrive aussi qu’on donne à l’enfant le nom d’une personne vivante. Qu’entend-on alors exactement par ce retour des ancêtres ? » P. ERNY, ibid., p. 107-108.

378 Cf. P. ERNY, L’enfant dans la pensée traditionnelle de l’Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 69.

L’auteur y associe l’idée de G. Bachelard selon laquelle Dieu, c’est l’Enfant en nous, c’est-à-dire l’idée de ce qui ne vieillit pas, de ce qui est toujours un commencement, un modèle et, ainsi, une fin.

379 J. P. ESCHLIMANN, Naître sur la terre africaine, INADES Edition, Abidjan, 1982, p. 17. L’auteur

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statut d’étranger380. Mais il est difficile de déterminer le rapport, le rôle et la place de

chacune de ces racines invisibles (Dieu, les ancêtres) et des parents dans la procréation. Quelle place accorder à l’amour des conjoints dans ce projet procréateur ? D’après René Luneau, parmi les rêves d’une femme africaine, la maternité viendrait avant l’amour d’un homme381.

De toutes les façons, comme deux clans s’y engagent, la famille se distend aux dimensions de ses deux clans et des clans alliés ou proches. Quel que soit le régime matrimonial, patriarcal ou matriarcal, l’enfant renforce les deux clans382 et est éduqué par les membres des deux à la fois dont il est appelé à connaître les liens, l’histoire et les personnes. Ses parents devront effectivement favoriser cette ouverture en le mettant en