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L’effet local

Dans le document Transitions professionnelles et risques (Page 135-141)

Les disparités locales du retour à l’emploi

3. L’effet local

Une dernière série d’investigations a consisté à analyser la dispersion des taux nets de retour à l’emploi en effectuant plusieurs séries de régressions sur des variables locales et supra-locales représentatives des caractéristiques observables des localités et des conditions de la demande de travail. Les régressions sont désormais effectuées sur les observations locales et non individuelles. On explique les taux nets de sortie du RMI ou du chômage de chaque localité par des variables locales issues du recensement de la population 1999. Afin de capturer les effets de la demande de travail local, on introduit la part des CES, le rythme de créations d’entreprises (issu du répertoire SIRENE pour l’année 2002), le taux de recours à l’intérim, le poids de l’emploi public. On contrôle avec des variables caractérisant le type de localité (population, densité, taux de résidences secondaires). Enfin, on contrôle le contexte général du marché du travail en introduisant une série d’indicatrices par zones d’emploi, puis par département. Les résidus des différentes régressions

correspondent à la part de la variance des taux nets non expliquée par toutes ces variables et capturent un effet pur du local, toutes choses égales par ailleurs.

Certaines variables caractérisant le marché de l’emploi se révèlent significatives au niveau communal malgré la présence d’indicatrices par zones d’emploi ou par département. C’est le cas de la part de l’emploi aidé dans la commune qui semble favoriser le retour à l’emploi par l’intéressement, tout comme la taille effective du marché de l’emploi mesurée par le nombre d’emplois salariés privés ramené au nombre de rmistes, ou le nombre total de création d’entreprises par actifs en 2002. Le rôle joué par le taux de recours à l’intérim semble être celui d’un indicateur de fragilité de l’emploi local, tandis que le coefficient négatif estimé pour le nombre de créations pures d’entreprises se révèle plus difficile à interpréter. Le nombre total de créations d’entreprises joue un rôle positif mais la part des créations pures (ou alternativement la part des créations pour reprises et réactivations) a toujours un coefficient négatif (positif).

Les tailles et densités des communes exercent un effet en U sur les chances locales de sortie du RMI. L’accès à l’intéressement apparaît favorisé dans deux cas extrêmes : les grandes agglomérations très denses et le milieu rural. En effet, on observe un retour minimal à l’emploi par l’intéressement pour les communes ayant une densité de l’ordre de 2 015 habitants par km² ce qui se situe largement au dessus de la moyenne de 92 départements français sur 96 et de la majorité des villes françaises. De plus, le minimum des taux d’intéressement pour la taille de la commune en termes de population n’est en pratique jamais atteint. Les taux de retour à l’emploi décroissent donc toujours avec la taille des agglomérations sauf si celles-ci présentent de très fortes densités.

Concernant l’effet des zones d’emploi et de la conjoncture locale du marché de l’emploi, on retrouve une carte très proche de celles qui décrivent habituellement les disparités de taux de chômage. On est également relativement proche de la description des inégalités fournies par les taux nets issues du fichier ANPE. Par rapport à la version alternative des régressions avec des indicatrices par département, la cartographie à la zone d’emploi permet de rendre compte de disparités fortes au sein de certains départements, même si globalement les portraits des inégalités spatiales dressés à ces deux échelles sont compatibles. Cela confirme d’une part la robustesse des résultats des régressions incluant des indicatrices par zones d’emploi et d’autre part met en avant deux caractéristiques des inégalités spatiales concernant le RMI. Certes, celles-ci reflètent bien les grandes disparités économiques locales observées à partir des données ANPE. Mais, en ce qui concerne les taux de passage par l’intéressement la majeure partie des inégalités spatiales se situe à un niveau infra départemental et même infra zone d’emploi.

Qu’en est-il alors des taux nets obtenus en contrôlant des caractéristiques communales disponibles ? Sur les cartes des effets locaux les plus purs que permettent d’obtenir les données avec tous les filtres successifs que nous avons mis en œuvre, on constate que les « massifs » qui étaient présents jusqu’ici ont disparu. Ils ont été « déplacés » dans les cartes des effets fixes des zones d’emploi et des départements.

En pratique, le fait de passer aux taux « nets de nets » modifie peu le classement des performances communales déjà obtenues à partir des taux nets. Cependant, ce passage induit une diminution des disparités spatiales mesurées entre les communes. Ce rééquilibrage est surtout le fait d’une partie des communes qui avaient les taux nets les plus bas dont les taux nets de nets se trouvent désormais dans la moyenne nationale.

Graphique 1

CORRÉLATIONS ENTRE LES TAUX NETS ET LES TAUX « NETS DE NETS » POUR LES BÉNÉFICIAIRES DU RMI

On estime le même type de modèle sur les taux nets de sortie du chômage. On retient ici les taux à 24 mois et avec les deux premières conventions de traitement des absences au contrôle (convention 1 : on enlève les absences au contrôle ; convention 2 : les absences au contrôle sont traitées comme des données censurées).

Les principaux résultats des régressions effectuées sur les taux nets issus des fichiers de l’ANPE sont cohérents avec les régressions menées à partir des fichiers de la CNAF sur les allocataires du RMI. On retrouve les mêmes influences des ségrégations sociales et spatiales avec toutefois une influence beaucoup plus marquée des variables caractérisant l’état du marché du travail. Ces résultats sont de plus robustes aux indicatrices locales utilisées (zone d’emploi ou département).

Les résidus de ces régressions correspondent aux effets du code postal toutes choses égales par ailleurs, en contrôlant à la fois par les caractéristiques de l’offre de travail et par des effets de demande de travail qui interviennent à un niveau supra-communal, typiquement celui de la zone d’emploi. Globalement, les disparités de ces effets purs sont plus faibles que celles des taux nets. La hiérarchie des effets purs des localités est stable entre les conventions de calcul n° 1 et n° 2. On retrouve une influence du contexte local très proche de celle obtenue à partir des régressions sur les données de la CNAF. Les résultats des régressions avec indicatrices départementales confortent à nouveau ceux obtenus avec les séries d’indicatrices par zones d’emploi.

Par rapport aux résultats tirés de l’exploitation des données de la CNAF, les résidus des régressions des modèles de l’ANPE ont une dispersion plus forte. Les deux ensembles d’effets locaux purs ne sont pas corrélés. Cette conclusion résiste si l’on considère un seuil minimal de population pour effectuer le croisement. Sur les taux bruts, au contraire, on trouvait une corrélation positive entre les deux distributions, particulièrement marquée dans les localités de grande taille. Cette corrélation relève donc d’un effet de composition. Lorsque l’on contrôle par les caractéristiques sociodémographiques des populations et par le dynamisme des zones d’emploi, les déterminants purement locaux de l’insertion des bénéficiaires du RMI et du retour à l’emploi des chômeurs inscrits à l’ANPE relèvent de logiques spatiales différentes.

Graphique 2

CROISEMENT DES EFFETS PURS LOCAUX EN SORTIE DU RMI ET DU CHÔMAGE ANPE

Conclusion

Cette recherche est une première étape d’un projet qui en comportera plusieurs et dont l’objectif central est de géo-localiser l’analyse du retour à l’emploi. L’exploitation économétrique de sources administratives exhaustives nous a permis d’étudier l’ensemble des communes de France sur la base d’indicateurs du retour à l’emploi.

Une exploitation de cette étude serait d’effectuer une enquête postale légère auprès de la tête et de la queue de distribution afin de recenser les pratiques et les politiques qui sont effectuées dans les localisations extrêmes du point de vue des performances en matière de retour à l’emploi, toutes choses égales par ailleurs.

Une étape ultérieure serait de réaliser un ensemble d’enquêtes de terrain, par nature plus qualitatives, visant à identifier localement les pratiques ou les politiques pouvant avoir valeur d’exemple. D’autres investigations consisteraient à réaliser des analyses régionales approfondies ou à utiliser les données des simulations de SOLSTICE afin d’appuyer des investigations qualitatives plus approfondies.

Il est exceptionnel qu’une nouvelle ressource pour effectuer des études en sciences sociales permette d’organiser plusieurs modalités de collaborations entre des investigations économétriques, statistiques et qualitatives, en mêlant des enquêtes de terrain à des exploitations fines de fichiers administratifs tout en mobilisant la création d’une enquête statistique ad hoc. La combinaison de ces outils d’investigation a pourtant force d’évidence s’agissant d’une recherche dont une finalité est de recenser les bonnes pratiques locales en matière de retour à l’emploi.

Bibliographie

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L’impact des trajectoires professionnelles sur l’emploi (des 40-65 ans) :

une exploitation de l’enquête « Histoire de vie »

Dans le document Transitions professionnelles et risques (Page 135-141)