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L’accroissement du nombre de salariés précaires et/ou pauvres

Dans le document Transitions professionnelles et risques (Page 23-27)

2.2. Du risque chômage au risque de pauvreté ?

2.2.2. L’accroissement du nombre de salariés précaires et/ou pauvres

Associé à un renforcement des contrôles et sanctions des demandeurs d’emploi, la remise en cause progressive de l’emploi convenable risque en effet d’augmenter le nombre de salariés pauvres, c’est-à-dire de personnes en activité (salarié ou indépendant) vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté39.

La politique de lutte contre le chômage menée aux États-Unis40 et au Royaume-Uni en est un exemple probant. La politique anglaise d’activation des dépenses se caractérise en effet par un contrôle très strict des chômeurs, une absence de définition de l’emploi convenable et des allocations de chômage pouvant être qualifiées de « peu généreuses »41 (Van Der Putten 2005). Or, si le Royaume-Uni affiche un faible taux de chômage42, il comprend en contrepartie un grand nombre d’emplois précaires43 (OCDE 2005), peu protégés et aux salaires insuffisants pour assurer un niveau de vie satisfaisant (Cases 1996).

Le risque est grand de voir la France s’engager dans cette même voie. D’ailleurs, on assiste, depuis quelques décennies, à une augmentation croissante du nombre d’emplois précaires (Amira et De Stefano 2005), c'est-à-dire de contrats de travail de courte durée (temps partiel, intérim, CDD, etc.). Par exemple en 2004, environ 1,2 million de personnes travaillaient en temps partiel alors qu’elles souhaitaient travailler davantage (Insee 2005).

Ainsi, le passage du statut de chômeur à celui de travailleur précaire et/ou pauvre est devenu un phénomène massif, bien que les estimations varient selon la définition retenue, le niveau du seuil de pauvreté et, aussi, selon la qualité des sources statistiques. Selon l’Insee (Insee 2000), il y aurait en France 1,8 million de personnes répondant à cette définition.

En d’autres termes, cela signifie que le travail n’est plus perçu comme un rempart contre l’exclusion économique et sociale (Dion-Loye 2003). C’est pourquoi, dans un contexte de flexibilisation du marché du travail, il semble important que l’État et les partenaires sociaux, tout en insistant sur la nature conditionnelle

38 Sous réserve que le temps de trajet aller/retour n'excède pas 25 % du temps de travail journalier ou que les frais de trajet n'excèdent pas 20 % du salaire mensuel.

39 Selon l’Insee, le seuil de pauvreté est fixé, par convention, à la moitié du niveau de vie médian de l’ensemble des ménages dont la personne de référence n’est pas étudiante.

40 Selon l’Ires, en 1996, il y avait aux États-Unis 27 % de salariés ou de personnes vivant avec un salarié ayant un revenu du travail inférieur ou égal au seuil de pauvreté.

41 Le Royaume-Uni octroie aux chômeurs des allocations de courte durée avec un montant faiblement plafonné (environ 360 euros par mois). Selon l’OCDE, le taux de remplacement net au Royaume-Uni est l’un des plus bas des pays industrialisés.

42 Selon les chiffres de l’OCDE, le Royaume-Uni affichait un taux de chômage inférieur à 5 % en septembre 2005.

43 Selon l’OCDE, le temps partiel représente 24,1 % de l’emploi total au Royaume-Uni, contre 13,4 % en France.

du droit au revenu de remplacement, « sécurisent » les transitions professionnelles des demandeurs d’emploi (Tuchszirer 2005), notamment en garantissant le droit à un emploi « convenable ».

Conclusion

Avec la pénétration du concept d’activation des dépenses de l’assurance chômage, il apparaît que le versement de l’allocation chômage n’est plus conditionné prioritairement par les contributions générales obligatoires versées par les salariés, mais par un ensemble de conditions relatives au comportement du chômeur. Mais, bien que cette mutation du système d’indemnisation du chômage ait pour but de prévenir les risques de chômage et de trappes à pauvreté en incitant au retour à l’emploi, sa mise en œuvre peut avoir pour conséquence négative d’amplifier les risques de précarité et de pauvreté.

Or, face à une responsabilisation croissante des partenaires sociaux et des chômeurs face au risque chômage, il semble qu’un acteur essentiel du marché du travail ait été oublié. Ne serait-il pas légitime en effet, et là encore conformément à une logique de contrepartie, de renforcer la responsabilité des employeurs face au risque chômage, notamment en les incitant à ne pas proposer des offres d’emploi occasionnels ou précaires ?

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