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Chapitre I L’apparence facteur de justesse

1. L’apparence objet du monde domestique

Comme on l’a vu dans la partie précédente, l’entretien de recrutement est en partie une

épreuve domestique dans laquelle il existe des êtres composés de sujets et d’objets appartenant à cette nature. Parmi les objets se trouvent la présentation, qui fait référence à l’apparence. Pourtant, à première vue, elle pourrait relever du monde du renom, parce qu’elle participe à la formation de l’image de l’institution bancaire, notamment auprès des clients et des personnes en général.

Cela dit, comme on l’a vu, le monde bancaire s’appuie en partie sur un principe d’équivalence domestique. C’est pourquoi l’apparence, du point de vue d’un registre pratique, est un critère jouant le rôle de preuve de l’accord établi dans le monde domestique. Lorsqu’elle est conforme aux attentes des recruteurs la situation est naturelle et « l’accord sur les rapprochements s’établit parfaitement » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 52). Il ne viendrait à personne l’idée de remettre en cause ce qui paraît tenir de manière irrémédiable au sens

commun. L’apparence tient donc lieu de « rapprochement » (Boltanski, Thévenot, p. 48) dans le monde bancaire et ceci reste vrai lors de l’épreuve de recrutement. « Ces arrangements sont structurés par des règles explicites et par des normes implicites, ou même déniées, que l’on peut décrire sous forme de grammaires (une notion dont la sociologie pragmatique de la critique fait grand usage ) » (Boltanski, 2009, p. 95). Ainsi, les personnes interrogées s’accordent toutes pour souligner le caractère systématique, automatique d’une apparence respectant certains codes et certaines normes établies. Le « c’est comme ça ! » revient très souvent, à l’exception d’un interviewé qui s’interroge sur la réelle pertinence de ce critère. Dès lors, les actions menées reposent sur un « accord tacite », générant des actions communes, coordonnées entre les individus sans que des instructions précises ne soient données pour aboutir à l’accord (Boltanski, 2009, p. 100 et p. 104). En ce sens, l’apparence est un objet du monde domestique, un objet qui importe dans ce monde, parce que, notamment, il permet la qualification des personnes. « Après, il y a bien évidemment la présentation, la présentation compte beaucoup, physique, la façon de s’exprimer, le geste aussi et tout ce qui tourne autour du gestuel est pour moi aussi… ça m’alimente, je ne dis pas que j’en ferais un critère absolu mais en tout cas ça m’alimente dans l’appréciation que je peux faire » (Monsieur N. Banque B). L’apparence correspond donc à un critère pris en compte dans l’évaluation du candidat.En ce sens il doit être traité avec « respect » (dans le sens, « regardé à deux fois »), car il dote les personnes de valeurs positives ou négatives (Boltanski, 2009, p. 110). En effet, ce postulat s’appuie d’une part, de manière pragmatique, sur l’analyse des entretiens effectués auprès des professionnels de la banque et d’autre part, de manière plus théorique, par l’association de l’apparence à des principes généralisés et à des objets relevant du monde domestique. Afin de démontrer cette appartenance de l’apparence au

monde domestique, la posture choisie est d’illustrer par les données du corpus issues du terrain la démarche théorique fondée sur cette appartenance. Pour ce faire, il convient de définir dans un premier temps l’apparence, puis de voir en quoi elle relève d’une généralité domestique, à la fois en tant qu’objet naturel et en tant qu’outil du dispositif domestique. Dans un deuxième temps, il semble approprié de déterminer les grandeurs liées à l’apparence dans le monde domestique et sur quoi elles sont fondées. Un troisième temps permettra de montrer comment l’apparence participe au jugement, le jugement du recruteur sur le candidat. Enfin, dans un dernier temps, on verra comment sont soutenues les justifications du jugement. « Renvoyant dos-à-dos la fétichisation réaliste et la déconstruction symbolique, nous cherchons à montrer la façon dont les personnes font face à l’incertitude en s’appuyant sur des objets pour confectionner des ordres et, inversement, consolident les objets en les attachant

aux ordres construits » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 31). L’apparence correspond à ce type d’objet et il convient de le définir précisément pour comprendre le rôle que la présentation peut être amenée à jouer dans le jugement établi lors de l’entretien de face-à-face.

1.1. Les définitions de l’apparence

Pour appréhender la définition de l’apparence, il est possible de se référer aux travaux ethnologiques de Duflos-Priot. Selon l’auteur,

« elle peut être définie comme le corps et sa présentation, le corps et les objets qu’il porte. Le corps intervient dans l’apparence tant par ses caractéristiques propres (taille, poids, mensurations, teint, etc.) que comme support de vêtements et d’accessoires et comme objet de soins ou d’artifices (hygiène, coiffure). Par l’apparence, chacun offre à l’appréhension d’autrui une certaine information sur lui-même, une sorte de fiche psychosociologique » (Duflos-Priot, 1976, p. 250).

Cette définition aborde la notion de l’autre, du regard qui peut être porté par autrui sur l’apparence, mais n’intègre pas l’aspect comportemental, contrairement à la définition sociologique sur laquelle nous nous appuierons, tant pour des raisons liées au paradigme que par respect des retours du terrain.

Apportant une dimension nouvelle à la définition précédente, la définition de Goffman rejoint l’approche précédente, mais la complète par le comportemental. Selon lui, l’apparence, qu’il appelle aussi la « façade personnelle » est l’ensemble des signes incluant l’âge, le sexe, le vêtement, la taille, les comportements gestuels, etc.

« […] on peut parler de "façade personnelle" pour désigner les éléments qui, confondus avec la personne de l’acteur lui-même, le suivent partout où il va. On peut y inclure : les signes distinctifs de la fonction ou du grade ; le vêtement ; le sexe, l’âge et les caractéristiques raciales ; la taille et la physionomie ; l’attitude ; la façon de parler ; les mimiques ; les comportements gestuels ; et autres éléments semblables. […] On peut réserver le terme d’« apparence » aux stimuli dont la fonction à un moment donné est de nous révéler le statut social de l’acteur » (Goffman, 1973, p. 30).

Là encore, le regard d’autrui joue un rôle important puisqu’il peut percevoir de nombreuses informations à travers l’apparence. Cette terminologie de l’apparence trouve son parallèle chez Le Breton qui la définit comme englobant « la tenue vestimentaire, la manière de se coiffer et d’apprêter son visage, de soigner son corps, etc., c'est-à-dire un mode quotidien de se mettre socialement en jeu, selon les circonstances, à travers une manière de se montrer et un style de présence » (Le Breton, 1992, p. 97). Dans cette même optique, plus orientée sur l’impact social de l’apparence, la définition de Vigarello rejoint les précédentes :

« J’ai mis le mot « apparence physique » parce que j’avais le sentiment que l’extérieur du corps, le comportement, la façon de bouger, la façon de s’habiller, tout ce qui se voit en définitive, fait partie

d’une dimension extrêmement importante du corps. J’avais l’impression aussi que ce qui se voit est d’autant plus important que le corps prime dans la relation sociale. Il peut faire en sorte que l’individu soit plus ou moins apprécié, plus ou moins intégré, mais aussi est déterminant en matière de réussite ou d’échec » (Vigarello 2003, p. 1).

Cette définition apporte un angle nouveau, elle aborde intrinsèquement le poids du jugement qui peut être porté par autrui sur la base de la présentation. Ce point est intéressant car il rejoint, sur ces aspects, la problématique de notre étude. Michèle Pagès-Delon (1989), quant à elle, ajoute un adjectif qualificatif au mot apparence, elle parle « d’apparence corporelle », pour tout ce qui est lié aux habits, parures, soins, hygiène… Pour autant, l’ajout de l’adjectif semble relever d’un truisme, ou d’un pléonasme, puisque apparence et corps sont intrinsèquement liés dans toutes les définitions données.

1.2. Les composantes de l’apparence

À la lecture des différentes définitions, l’apparence lie le corps, le vêtement et les attributs vestimentaires. Mais se pose alors la question de la place de ces différents éléments dans la discipline sociologique du point de vue épistémologique.

1.2.1. Le corps en sociologie

Le corps réunit le physique (taille, morphologie, coloris naturels, …), les mimiques ou expressions faciales (regard, sourire, expressions, …), la gestuelle (mouvements, attitudes, …), mais en sociologie, au-delà de ces aspects, il relève plus d’une dimension culturelle que naturelle. L’étude du corps se fonde sur deux axes : l’objectivation du corps qui le positionne comme un objet de science, de politique, de « consommation » (Baudrillard, 1970) et la subjectivation du corps qui se traduit par une réflexivité et une appropriation du sujet reliées au social (Queval, 2008, p. 52). Notre démarche s’inscrit donc davantage sur la subjectivation du corps.

Le corps et les émotions sont des éléments qui méritent d’être introduits comme outils sociologiques permettant d’expliquer plusieurs phénomènes tels que les inégalités de genre, les conflits sociaux, l’organisation du travail, … S’appuyant sur certains des travaux de Durkheim, la sociologie peut s’enrichir dans sa démarche épistémologique (à la fois dans les méthodes et les théories) d’un courant développé notamment par Collins, qui s’appuie sur l’« Embodiment » afin d’intégrer au corps une dimension émotionnelle et gestuelle dans l’étude des comportements sociaux (Shilling, 1997).

« À une époque, dans laquelle, l’importance de la maîtrise de la "présentation de soi" (Goffman, 1969), des "normes corporelles" dans l’apparence (Wolf, 1990) et de l’exploitation des émotions à des fins commerciales (Hochschild, 1983), les travaux de Durkheim nous fournissent des éléments essentiels qui alimentent les fondements permettant d’expliquer tous ces phénomènes » (Shilling, 1997, p. 196).

Cette posture est aussi défendue par Le Breton qui, utilisant les théories durkheimiennes du corps, s’en éloigne lorsqu’il s’agit d’intégrer des éléments différents d’une approche purement biologique. Dans cette approche, le corps n’est pas isolé de l’individu ; au contraire, il s’inscrit en tant qu’objet en lien avec l’individu, sa culture, son histoire, … (Le Breton, 2008).

« Ainsi, il n’existerait à réellement parler pas de sociologie du corps, mais plutôt une sociologie des usages sociaux du corps, toute pratique sociale étant à la fois la mise en jeu du corps, mais par là-même production du corps, dirigée par et pour une société donnée. La sociologie de ces usages sociaux du corps emprunterait alors deux axes, dont l’un serait "l’exploitation des ritualisations et perpétuations, des représentations, des valeurs, des normes et de la conformité du corps réel à un corps idéal […] Quel corps, pour quelle société ?" » (Detrez, 2002, p. 23).

Sur la base de ce constat, deux points doivent être spécifiés, pour clarifier la notion du corps : le corps est intrinsèquement lié à une culture et le corps est un signifiant directement lié à l’acteur : « Le corps surgit, dans le discours sociologique, à la ligne de crête et de tension qui sépare le versant science sociale, du versant science humaine » (Berthelot, et al., 1985, p. 131). Cette approche est aussi illustrée par Bourdieu :

« Le corps en tant que forme perceptible, produisant, comme on dit une impression (ce que le langage ordinaire appelle le physique et où entrent à la fois la conformation proprement physique du corps et la manière de le porter qui s’y exprime) est de toutes les manifestations de la personne celle qui se laisse le moins et le moins facilement modifier, provisoirement et surtout définitivement et du même coup, celle qui est socialement tenue pour signifier le plus adéquatement, parce qu’en dehors de toute intention signifiante, l’« être profond », la « nature » de la personne. L’ensemble des signes distinctifs qui constituent le corps perçu est le produit d’une fabrication proprement culturelle qui, ayant pour effet de distinguer les individus, ou plus exactement les groupes, sous le rapport du degré de culture, c'est-à-dire la distance à la nature, paraît trouver son fondement dans la nature c'est-à-dire dans le goût et qui vise à exprimer une nature, mais une nature cultivée » (Bourdieu, 1977, p. 51).

Le corps, parce qu’il est directement lié à des déterminismes sociaux, ne peut être considéré simplement comme relevant de mécanismes biologiques, il peut être aussi et surtout considéré comme relevant de mécanismes culturels. Cette dimension sociale, culturelle du corps engendre des règles, des obligations, des interdits, des répulsions ou des désirs, des goûts et des dégoûts (Boltanski, 1971).

Ainsi, l’approche choisie dans cette étude est celle d’un corps objet imprégné d’une culture, lié et relié à l’acteur dont il compose l’enveloppe. La posture tenue est donc d’observer la culture du groupe de l’étude ; le monde bancaire, puis les spécificités de cette culture sur les

collaborateurs commerciaux et ce, afin de l’analyser pour en identifier toute une série de comportements corporels propres à ce groupe.

« Or, c’est à la condition de rompre avec la relation "pratique" qu’implique toute situation où le corps d’autrui est l’objet d’une stratégie, fut-elle thérapeutique ou éthique, pour se placer à titre d’observateur, au point où le corps peut apparaître sous la pluralité de ses aspects que l’on pourra opérer la construction, premièrement, du système des relations entre l’ensemble des comportements corporels des membres d’un même groupe et deuxièmement, du système des relations qui unissent ces comportements corporels et les conditions objectives d’existence propres à ce groupe, relations qui ne peuvent être elles-mêmes établies que si, comme on le verra par la suite, on procède à l’analyse et à la description de la culture somatique propre à ce groupe » (Boltanski, 1971, p. 208).

Il s’agit donc d’une sociologie basée sur un postulat reposant sur « l’enracinement physique de l’acteur dans son univers social et culturel » (Le Breton, 1992, p. 122). En tant qu’outil, le corps joue un rôle important dans la perception que les recruteurs ont du candidat, mais aussi dans les attentes qu’ils peuvent avoir sur le candidat. Le corps est empreint d’indices et de signes qui classent le candidat dans une représentation sociale d’appartenance ou non au milieu bancaire. Il en est de même pour tout ce qui relève du vêtement et des attributs vestimentaires.

1.2.2. Le vestimentaire en sociologie

« Si on peut ignorer les règles du hors-jeu, la liste des partants du tiercé, ne pas savoir conduire, écouter France Musique du matin au soir, ne jamais aller voir s’ébrouer un peloton de marathoniens, n’être le maître d’aucun animal familier, nul n’échappe à la pratique vestimentaire » (Yonnet, 1985, p. 297). Le vêtement est donc un élément ancré dans la société.

Dans une perspective sociologique, il convient donc de déterminer comment le vêtement doit être étudié en tant que fait social et non pas individuel (comme il peut l’être en psychanalyse). Cette scission entre le fait social et le fait individuel est d’ailleurs traduite par Barthes (1957) lorsqu’il marque une différence de vocabulaire entre « le costume » comme fait social et « l’habillement » comme fait individuel. La terminologie qui sera donc employée dans notre étude se rapproche, selon cette différenciation, du costume. Nous nous appuierons aussi sur les travaux de Delaporte qui, dans « Le signe vestimentaire » (1980), emploie sciemment les mots de « vêtement » et de « costume » comme synonymes. Ce sera aussi le cas dans cette étude. D’ailleurs, de manière plus élargie, « vêtement », « habit », « costume » et « habillement » relèveront de la même terminologie, parce que chacun de ces éléments a en

commun de s’inscrire dans un système social et culturel qui correspond au cadre dans lequel s’inscrit notre étude. C’est d’ailleurs dans cette optique que Barthes décline la posture à suivre par le chercheur sur la thématique qu’est le vestimentaire. En effet, il insiste sur cet aspect en soulignant qu’« en fait, ce qui doit intéresser le chercheur, historien ou sociologue, ce n’est pas le passage de la protection à la parure (passage illusoire), mais la tendance de toute couverture corporelle à s’insérer dans un système formel, organisé, normatif, consacré par la société » (Barthes, 1957, p. 433). Ainsi, pour résumer et synthétiser tous ces éléments, le vêtement est constitué de l’habit et de tout ce qui relève des attributs vestimentaires ; accessoires (chaussures, sacs, bijoux, piercings, tatouages, …), coiffures, poils et hygiène corporelle. Cet ensemble est appelé vêture. Parler de l’apparence relie le corps et le vêtement parce que, dans notre société, le corps ne peut exister indépendamment de la vêture, puisque le corps nu n’a pas sa place dans un univers social soumis au regard de l’autre (sauf dans des lieux prévus à cet effet : camps, plages naturistes, …). Il est d’ailleurs condamné par la loi.

1.3. L’apparence dans le dispositif domestique

L’apparence en tant qu’objet joue un rôle important dans le dispositif du monde domestique. C’est dans le cadre de la présentation qu’elle prend toute sa dimension : « Les objets et les dispositifs sont ainsi ce par quoi les êtres se connaissent (par opposition à se méconnaître), c'est-à-dire connaissent leur grandeur, ce par quoi ils connaissent et déploient les grandeurs relatives des personnes en présence et aussi ce par quoi ils se font connaître » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 213). Lors de l’entretien de recrutement, l’apparence du candidat entre dans le processus de l’interaction par sa présentation.

1.3.1. La présentation

Dans le monde domestique, « l’exercice de la grandeur est soumis […] à des contraintes de lieu et de temps liées à la nécessité, pour manifester son importance, de se présenter en présence des autres » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 06). Ainsi, la présentation, dans cette optique, entre en ligne de compte dans le jugement que peut avoir un recruteur sur un candidat. D’ailleurs, certains interviewés se prononcent clairement sur ce sujet :

« La présentation c’est important qu’on le veuille ou non parce que nous avons avant tout en relation … un métier de relation et de commercial donc c’est vrai que l’aspect ou ce qu’on dégage, ce que le client peut ressentir c’est important par rapport à ça, donc généralement la première impression

qu’on a quand on voit la première fois un candidat, elle est rarement démentie par la suite, donc la présentation est très importante » (Monsieur Wi., Banque A).

En effet, pour la plupart des recruteurs interrogés qui partagent cette position, la présentation du candidat au moment de l’entretien peut être déterminante parce qu’elle prédit le type d’impressions qu’elle peut engendrer auprès des clients, une fois le candidat recruté. L’exercice de la grandeur pour le candidat se déroule alors dans l’interaction, dans le face-à-face au moment de l’entretien de recrutement. « C’est encore dans la fréquentation que se fait le jugement sur la personne dont la présentation fait bonne ou mauvaise impression selon qu’elle sait ou non, se montrer d’un commerce agréable » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 218). Ainsi, dans la situation de l’entretien de recrutement, le recruteur fonde son jugement sur les compétences commerciales en fonction d’un certain nombre de critères dont la présentation fait partie. La présentation repose bien entendu sur l’apparence, pouvant donc être considérée comme un élément « saillant » (Boltanski, 2009, p. 101), c'est-à-dire, dans ce cas précis un repère extérieur participant à l’action de juger. En effet, la présentation, dans l’entretien de recrutement, donne lieu à un échange d’informations non verbales entre le recruteur et le candidat dans le cadre de l’interaction. La définition de Goffman sera ici retenue parce qu’elle correspond bien à la situation de l’entretien de recrutement et aux mécanismes qui en résultent :

« Par interaction (c’est-à-dire l’interaction en face-à-face), on entend à peu près l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres ; par une interaction, on entend l’ensemble de l’interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d’un ensemble donné se trouvent en présence continue les uns des autres ; le terme rencontre pouvant aussi convenir » (Goffman, 1973, p. 23).

Cette influence s’exerce notamment par rapport à des informations émises par l’apparence, correspondant bien aux informations corporelles et vestimentaires, ce que l’on retrouve lors de l’enquête :

« Alors quand je dis présentation entendons-nous, ce n’est pas forcément le costume dernier cri, etc. ce