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Chapitre I Les principes généralisés dans le monde bancaire

Chapitre 2. Les compétences de la fonction commerciale

2. Les compétences en général

Les compétences nécessaires à la fonction commerciale dans la banque sont à mettre en lien avec les techniques, les modes d’évaluation et les critères pris en compte par les recruteurs pour porter un jugement sur les candidats postulant à ce type de poste. Mais avant tout, il semble pertinent de définir la notion de compétences dans cette étude, ou du moins à l’enserrer.

2.1. La notion des compétences

«La notion de compétence est une notion ancienne et un mot courant du vocabulaire quotidien. La notion de compétence a fait son apparition au milieu des années 80 et s’impose de plus en plus dans les discours tenus par l’entreprise » (Sourour, 2010, p. 170). Mais, la notion de compétences en sociologie soulève le débat de son assise théorique. En effet, la question porte sur la façon d’appréhender les compétences comme résultat de déterminants collectifs (écoles, entreprises, réseaux professionnels…) ou plutôt comme résultat de déterminants plus individuels. Tandis que la dimension collective de la compétence fait référence aux qualifications (Boltanski, 1990), la dimension plus individuelle fait référence à la notion d’aptitudes : « des capacités de communication, des qualités de gestion, des savoir-être, voire des "qualifications sociales" » (Stroobants, 2009, p. 90), inspirées de la psychologie cognitive (Stroobants, 1993). D’ailleurs, le terme d’aptitudes est de plus en plus usité en sciences sociales (Stroobants, 1993, Eymard-Duvernay, Marchal, 1996).

D’un côté, le modèle de qualification est un modèle constructiviste (Trépos, 1992) qui repose sur les diplômes ou les classifications collectives. Cela revient à considérer la compétence, comme une construction sociale du savoir « comme un objet, dont on fait voir le mode de fabrication et la structure » (Trépos, 1992, p. 16). De fait, deux dimensions se recoupent : une

dimension physique, liée à l’hexis corporelle : la manière d’être, dont le corps est travaillé, sculpté par les tâches et une dimension éthique, l’ethos, liée à la façon dont les personnes acquièrent les codes, les normes, le mode de fonctionnement de leur milieu professionnel (Trépos, 1992).

De l’autre côté, un modèle individualiste repose sur une compétence individuelle, ancrée dans chaque personne et par conséquent « mesurable indépendamment de tout contexte relationnel » (Eymard-Duvernay, Marchal, 1996, p. 43). Ainsi, l’individualisation des compétences tend à considérer l’individu comme support de sa propre compétence et donc comme unité de mesure de ses compétences. Au contraire, la démarche constructiviste considère que la compétence peut être évaluée extérieurement, indépendamment de l’individu. Pour doter notre analyse d’un cadre théorique cohérent, il convient de réfléchir au type de posture à privilégier entre un modèle constructiviste et/ou un modèle individualiste.

2.2. La définition consensuelle des compétences

Un des éléments susceptible d’alimenter la réflexion, est la définition des compétences donnée par Sourour. L’auteur reconnaît la difficulté de trouver une définition qui puisse satisfaire tous les courants. Pourtant, il parvient à faire émerger un consensus en prenant les éléments convergents de modèles et de disciplines différentes. Il arrive ainsi à donner une cohérence à ce que peut être la compétence.

Ainsi, selon lui :

« - La compétence est un construit élaboré par des acteurs sociaux locaux.

- Elle désigne un attribut de la personne.

- Elle est constituée d’un ensemble de savoirs et savoir-faire acquis à l’école ou par la pratique et de qualités personnelles socialement acquises » (Sourour, 2010, p. 172). En fait, cette définition permet une articulation naturelle entre le modèle constructiviste, souligné par : « construit élaboré par des acteurs sociaux » et « savoirs et savoir-faire acquis à l’école […] socialement acquise » et le modèle individualiste illustré par « attribut de la personne » qui semble bien faire référence aux aptitudes.

Ces différents éléments qui définissent la compétence sont entièrement compatibles avec une approche sociologique, notamment telle qu’Eymard-Duvernay et Marchal la définissent. En effet, selon eux, il n’y a pas un langage unique de la compétence mais la notion de compétence dépend du jugement porté, par un employeur notamment, comme c’est le cas dans le processus de recrutement. « Le langage des compétences n’est pas unifié dans une échelle unique permettant d’ordonner des candidats : le jugement mobilise des titres scolaires aussi bien que des traits de caractère, des réseaux de connaissances ou encore des impressions saisies sur le vif » (Eymard-Duvernay, Marchal, 1996, p. 29). Dans cette approche, les compétences sont donc fonction des registres d’évaluation mis en œuvre dans le jugement et

peuvent donc associer qualifications et aptitudes. Ce que confirme Gillet citant Ulimo : « un pas décisif a été franchi lorsqu’on a compris que c’est la mesure même qui définit la grandeur à mesurer […] Une définition opératoire est une définition qui comporte la description d’un procédé régulier pour repérer, mesurer, plus généralement atteindre et identifier le concept défini » (Gillet, 1987, p. 487-553). Fondamentalement c’est donc le jugement porté sur la compétence qui la définit. Autrement dit, c’est le type de registre d’action mis en œuvre par le recruteur qui détermine ce qu’est ou non la compétence.

Le tableau ci-dessous récapitule le lien entre compétence et jugement. Les compétences planifiées font référence aux qualifications (modèle constructiviste), elles sont définies lors du jugement qui définit le type de diplôme et le niveau d’étude attendu et s’opposent aux aptitudes (modèle individualiste), compétences individuelles inhérentes à la personne. Les compétences distribuées sont celles relatives à la réputation d’une personne et véhiculées au sein d’un réseau professionnel et enfin, les compétences émergentes -ou négociées- sont celles nécessaires dans une interaction en face-à-face, comme lors d’un entretien de recrutement ou encore un entretien de vente.

LES RÉGIMES D’ACTION DES RECRUTEURS (EYMARD-DUVERNAY, MARCHAL, 1996, p. 25)

Mise en relation des compétences au sein de collectifs

INSTITUTION RÉSEAU

Recruteur : régulateur Recruteur : médiateur

Dispositifs de mise en équivalence : Dispositifs de mise en relation : proches sur un Statuts, grades, diplômes, postes, territoire, garants, objets

Hiérarchie

Qualifications Compétences distribuées

Planification Négociation

des compétences des compétences

MARCHE INTERACTION

Recruteur : sélectionneur Recruteur : interlocuteur Dispositifs de concurrence : Dispositifs de face-à-face Petites annonces, tests d’aptitude

Aptitudes Compétences émergentes

Ce tableau récapitule le lien entre compétence et jugement. Les compétences planifiées font référence aux qualifications (modèle constructiviste, (Trepos, 1992)), elles sont définies lors du jugement qui définit le type de diplôme et le niveau d’étude attendu et s’opposent aux aptitudes (modèle individualiste (Eymard-Duvernay, Marchal, 1996)), compétences individuelles inhérentes à la personne. Les compétences distribuées sont celles relatives à la réputation d’une personne et véhiculées au sein d’un réseau professionnel et enfin, les compétences émergentes -ou négociées- sont celles nécessaires dans une interaction en face-à-face, comme lors d’un entretien de recrutement ou encore un entretien de vente.

Tous ces éléments nous permettent d’identifier les compétences nécessaires à la fonction commerciale dans une banque. Pour ce faire, nous utiliserons les modèles théoriques vus précédemment ; le modèle constructiviste et le modèle individualiste qui peuvent être traités de façon complémentaire. En effet, ces deux approches théoriques sont très bien illustrées et appuyées par l’analyse des entretiens menés auprès des recruteurs, ces derniers ayant été amenés à aborder le sujet des compétences commerciales pour parler du métier de chargé de clientèle.