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des espaces riverains

3. L’aide à la décision

Compte tenu de la nature complexe des phénomènes décisionnels, on peut aisément comprendre qu’intervenir sur un processus de décision ne consiste que très exceptionnellement à trouver la meilleure solution à un problème donné. C’est pourquoi on est amené à parler d’aide à la décision. A cet égard, Bernard Roy (1985) précise que :

« L’aide à la décision peut être définie comme l’activité de celui qui, par des voies dites scientifiques, aide à obtenir des éléments de réponse aux questions que se posent les acteurs impliqués dans un processus de décision. Ces éléments concourent à éclairer la décision, en vue de favoriser un comportement des acteurs de nature à accroître la cohérence entre l’évolution du processus d’une part, les objectifs et/ou les systèmes de valeurs au service desquels ces acteurs se trouvent placés d’autre part. »

A la lumière de cette définition, on peut repérer au moins quatre types d’intervention dans le processus de décision qui peuvent baliser l’activité d’aide à la décision : la description, la

conception, l’animation et la formation. Chacune donne lieu à des développements méthodologiques et à l’élaboration d’outils d’aide à la décision spécifiques, évoqués ci-après mais non détaillés.

3.1 L’activité de description

Par la description, il s’agit de construire un référentiel commun à tous les acteurs participant à l’élaboration d’un projet ou d’un programme d’action. Ce référentiel doit permettre à chacun de bien connaître les autres acteurs et de se situer par rapport à eux, mais aussi de comprendre le processus de décision. Deux types de description peuvent être distinguées.

La description statique

Elle a pour objet d’appréhender la structure et le fonctionnement du système décisionnel indépendamment du facteur temps. Elle intervient généralement a posteriori et constitue une forme d’évaluation. Les étapes clé du processus de décision sont repérées et son déroulement archétypique est approché. Les différents outils et procédures d’information pour la cognition et la communication sont détaillés. Le système actorial est décrit sur le plan des valeurs, de l’information et des pouvoirs. Cette description constitue ce que certains auteurs appellent l’audit décisionnel. Elle peut également être engagée à l’occasion de la mise en place d’un outil relevant de l’activité de conception.

La description dynamique

Elle consiste à proposer un suivi en temps réel du processus de décision en cours et de rendre intelligible son état d’avancement, c’est-à-dire tous les éléments factuels qui caractérisent son déroulement. Elle a une influence déterminante sur le système décisionnel lui-même qui, grâce à ses capacités d’auto-organisation, est capable de modifier son comportement, voire son organisation ou ses finalités sur la base de cette description. Elle peut être développée notamment grâce à la mise en œuvre d’outils d’information entre les acteurs (compte-rendus de réunions, tableaux de bords et fiches de suivi des projets, journaux internes, etc.).

3.2 L’activité de conception

L’ambition de ce deuxième type d’activité est de concevoir des outils ou des méthodes dans le but de modifier la façon dont le processus décisionnel fonctionne. L’activité de conception peut intervenir sur toutes les dimensions de la décision279.

La plupart des travaux consacrés à l’aide à la décision s’intéressent à l’ingénierie des séquences de décision. Les outils issus de la recherche opérationnelle et du calcul économique (analyse coût-avantage par exemple), ainsi que les méthodes multicritères interviennent au niveau de l’étape de sélection de solutions. L’aide au diagnostic s’est développée grâce à l’apparition d’outils nouveaux liés à l’intelligence artificielle (systèmes experts, réseaux neuronaux) et à l’informatique graphique (systèmes d’information géographique). Enfin, une aide à la problématisation peut être mise en oeuvre à travers des méthodes de modélisation systémique.

279 Le terme de conception a été employé précédemment lors de la présentation des différentes étapes d’un processus de décision. Il est utilisé à nouveau ici mais cette fois pour désigner l’une des activités d’aide à la décision. La phase de conception ne doit pas être confondue avec l’activité de conception.

D’autres travaux moins nombreux portent plus spécifiquement sur la dimension cognitive de la décision. Les méthodes basées sur l’ergonomie cognitive en sont issues.

La dimension sociale de la décision constitue également un champ d’investigation privilégié pour les chercheurs dont les travaux ont pour objectif d’aider certains acteurs à construire leur stratégie d’action en tenant compte de l’environnement actorial dans lequel ils interviennent. Les méthodes fondées sur la théorie des jeux (coopératifs et non coopératifs), les approches de négociation ou encore l’audit patrimonial sont incluses à ce niveau.

3.3 L’activité d’animation

L’animation relève également de l’aide à la décision280. L’acteur chargé d’assurer cette fonction doit organiser le déroulement du processus de décision et agir pour que les participants puissent intervenir conformément à leurs propres finalités et à celles du système global. Il est amené à aider les intervenants à expliciter leurs préférences, leurs points de vue respectifs ainsi que leurs divergences, afin de rechercher des zones d’entente et de compromis. Il peut utiliser des outils d’aide à la décision relevant des activités de description et de conception comme support à son intervention.

3.4 L’activité de formation

La formation est une activité de nature différente. Loin d’être négligeable, elle constitue même une pièce maîtresse dans l’émergence d’une culture de la pensée complexe.

Décider dans la complexité suppose en effet des enseignements spécifiques que l’on trouve rarement dans les cursus classiques de formation initiale des techniciens et des ingénieurs. Les enseignements ont plutôt tendance à découper les savoirs en disciplines étanches et à favoriser des raisonnements unidimensionnels.

Les modalités de l’action publique en aménagement sont largement dépendantes de la formation des acteurs qui interviennent au sein des services de l’Etat et des collectivités territoriales281. Les approches globales en aménagement, qui nécessitent la mise en œuvre de processus de décision adaptés, sont en partie freinées par des questions relatives à la formation des acteurs qui en ont la charge. Le manque d’intérêt accordé par les pouvoirs publics aux actions de formation (initiale et continue) répondant aux exigences des démarches globales constitue un handicap à leur développement282.

280 Comme nous le verrons par la suite, elle occupe une place importante dans l’élaboration des Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (voir chapitre 5).

281 Pour les objets étudiés ici, il s’agit d’ingénieurs ou de techniciens généralistes qui, en fonction des cursus suivis, peuvent avoir acquis une certaine sensibilité à l’environnement et aux sciences sociales. Mais en aucun cas, ils n’ont une formation suffisamment poussée dans ces domaines pour mettre en œuvre des démarches intégrées. En pratique, ils sont amenés à faire appel à des bureaux d’étude spécialisés ou à des scientifiques engagés dans des recherches actions.

282

La question de la formation n’est pas seule en cause dans les difficultés rencontrées par les techniciens en charge de projet pour mettre en œuvre des approches globales. Le savoir-faire et l’expérience s’acquièrent en effet sur le terrain. Mais la mobilité des agents des services de l’Etat en particulier (qui restent en poste 3 ans en moyenne) constitue un frein notable à l’implantation de pratiques innovantes en matière de décision.

Pour conclure cette section, il est important de noter que l’aide à la décision ne peut plus se contenter d’apporter un éclairage sur le choix d’actions à mettre en œuvre dans le cadre d’un projet donné. Le développement de méthodologies et d’outils d’aide à la décision ne constitue plus nécessairement une fin en soi. Il s’agit désormais d’inscrire l’aide à la décision dans le champ de la gouvernance pour répondre à des impératifs de participation et de concertation. L’hypothèse d’une rationalité substantielle qui dominait jusqu’ici est progressivement abandonnée au profit d’une rationalité procédurale. Cette évolution est en partie liée aux réflexions engagées par les chercheurs en analyse des politiques publiques qui se sont penchés sur les processus de décision.

4. Le regard de l’analyse des politiques publiques sur les