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Section I. L’état des lieux du droit positif canadien et de la doctrine sur l’accès à la

I.1. L’absence de définition de l’accès à la justice en droit positif canadien

I.1.2. L’accès à la justice à la lumière de la Charte des droits et libertés de la

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec319, de nature quasi

constitutionnelle, se place sur le plan de la hiérarchie des normes un cran en dessous des dispositions précédemment examinées320, mais conserve une valeur supérieure à

celle d’une loi ordinaire. Ses dispositions laissent percevoir que, comme les instruments constitutionnels étudiés, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ne consacre pas plus explicitement le concept d’accès à la justice. L’accès à la justice n’est point défini dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et aucune référence directe n’y est faite dans ses dispositions.

319 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 [ci-après Charte des droits et libertés]. 320 Pour mémoire il s’agit de la Loi constitutionnelle de 1867, celle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés y reliée.

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La Charte des droits et libertés de la personne du Québec occupe cependant une place centrale dans l’architecture de garantie des droits dans la province du Québec. À cause de ce rôle et même si elle ne fait pas expressément référence au concept d’accès à la justice, ni ne le définit, il est possible de considérer que cet instrument juridique participe à la consécration d’une forme d’accès à la justice. À titre d’illustration321, les

articles 23322, 28323, 32.1324 ou 33325 érigent de véritables droits qui concourent à l’accès

à la justice selon une vision similaire à celle des articles 10 et 11 de la Charte

canadienne des droits et libertés. Autrement dit une vision de l’accès à la justice qui est

essentiellement identifiée au droit à un tribunal impartial et les corollaires du principe du procès équitable.

En poussant plus loin la réflexion et en adoptant une vision large de l’accès à la justice, il est possible d’interpréter les programmes d’accès à l’égalité mentionnés aux articles 86 et suivants de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec326

comme des mesures incitatives en lien avec l’accès des citoyens à la justice327. Ces

321 Il n’est mentionné que quelques articles de la Charte des droits et libertés qui touchent d’une certaine

manière différents aspects de l’accès à la justice, tels les articles 28.1, 29, 30, 31, 32, 34, 35, 36 ou encore 49(1).

322 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12, art. 23 :« Toute personne a droit, en pleine

égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle.».

323 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 [Charte des droits et libertés]; art. 28 :«

Toute personne arrêtée ou détenue a droit d'être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation ou de sa détention.».

324 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 [Charte des droits et libertés], art. 32.1 :«

Tout accusé a le droit d'être jugé dans un délai raisonnable.»

325 Charte des droits et libertés, art. 33 :« Tout accusé est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve de

sa culpabilité ait été établie suivant la loi.»

326 Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12 [Charte des droits et libertés], art. 86 Charte des droits et libertés :

«Un programme d'accès à l'égalité a pour objet de corriger la situation de personnes faisant partie de groupes victimes de discrimination dans l'emploi, ainsi que dans les secteurs de l'éducation ou de la santé et dans tout autre service ordinairement offert au public.

Un tel programme est réputé non discriminatoire s'il est établi conformément à la Charte. Un programme d'accès à l'égalité en emploi est, eu égard à la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe ou l'origine ethnique, réputé non discriminatoire s'il est établi conformément à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics (chapitre A-2.01). Un programme d'accès à l'égalité en emploi établi pour une personne handicapée au sens de la

Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (chapitre E-20.1) est réputé non discriminatoire s'il est

établi conformément à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics (chapitre A-2.01)».

327 Rien n’empêcherait d’y inclure les programmes contribuant à un meilleur accès à la justice dans

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articles promeuvent les programmes d’accès à l’égalité dans tous les services ordinairement offerts au public. Certains auteurs pensent que la Charte des droits et

libertés de la personne du Québec a probablement été la plus grande incitation à

accroître l’accès aux tribunaux comme véhicule d’accès accru à la justice328. La Charte

des droits et libertés de la personne du Québec, par la garantie des droits qu’elle

consacre et promeut, par sa place centrale dans l’ordonnancement juridique québécois, joue un rôle certain dans l’accès à la justice.

Cependant, il n’est objectivement pas possible d’affirmer que la Charte des droits et

libertés de la personne du Québec, consacre l’autonomie du concept d’accès à la justice

dans un sens autre qu’une approche institutionnelle, autrement dit un accès aux tribunaux étatiques dans les procédures pouvant porter atteinte aux droits et libertés des personnes. D’une part, comme précédemment mentionné, l’accès à la justice n’est pas défini dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ; nulle part dans le texte, l’expression n’est utilisée par le législateur. Certes, nous avons vu que des liens pouvaient être faits entre certains droits consacrés par des dispositions spécifiques de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, et l’accès à la justice. Mais il reste qu’il n’est assurément pas possible de s’appuyer sur ces liens ou les droits consacrés pour y voir par ricochet une consécration claire et nette de l’accès à la justice suivant une approche contemporaine et renouvelée, ou une réelle autonomisation du concept, par une volonté claire et explicite du législateur québécois. Au mieux et sous un angle optimiste, on y perçoit une approche institutionnelle qui relie l’accès à la justice à l’accès aux tribunaux ou au juge. Au pire et sous un angle pessimiste, on pourrait conclure à une absence de vision précise du concept d’accès à la justice issue de l’instrument quasi constitutionnel.

Dans la quête de l’appréhension du concept d’accès à la justice en droit positif canadien, ce n’est ni dans les textes constitutionnels fédéraux, ni dans celui quasi constitutionnel du Québec que pourrait être circonscrit de manière objective, limpide et indiscutable son contenu. Pour l’heure, les instruments constitutionnels et celui quasi constitutionnel du Québec examinés offrent quant à l’appréhension du concept d’accès à la justice et à

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sa consécration en droit positif canadien un appui bien faible. Qu’en est-il des lois ordinaires ?