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L’accès au droit, consubstantiel de l’exigence de prévisibilité du droit

TITRE 1 : LA NOTION CLASSIQUE DE L’ACCÈS AU DROIT

B. L’accès au droit, consubstantiel de l’exigence de prévisibilité du droit

La prévisibilité de la loi235 est consubstantielle à la notion même d’État de droit, et est une garantie de la sécurité juridique des individus. Cette exigence est affirmée par plusieurs dispositions légales et réglementaires, dont les articles 5, 8 de la DDHC et 111-3 du Code pénal236. Ainsi, « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée

antérieurement au délit, et légalement appliquée »237. Cet objectif de prévisibilité de la norme a pour objectif de lutter contre l’arbitraire, c’est-à-dire la prise de décision en l’absence de fondement légal. L’État de droit doit garantir à ses citoyens l’effectivité de leurs droits et les protéger contre d’éventuels abus (article 16 de la DDHC).

Cette exigence de prévisibilité fait également écho au principe selon lequel « nul n’est

censé ignorer la loi »238, qui serait applicable aux citoyens de l’État de droit. À cet égard, P. DE MONTALIVET lie l’exigence de prévisibilité de la loi à l’objectif de valeur constitutionnel d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi239, la « précision de la loi » étant, selon cet auteur, « une garantie des droits de la personne »240. La loi prévisible devrait en toute logique être accessible et intelligible aux personnes concernées. Tandis que l’État de droit a l’obligation positive de garantir l’effectivité des droits aux citoyens (en établissant et en promulguant les lois antérieurement aux infractions commises), ces derniers sont présumés connaître de la loi, mise à leur disposition par l’État de droit. En concevant ainsi les relations

235 Au sens de règle générale.

236 « L’impératif de prévisibilité du droit découle de l’article 2 du Code civil, dont la rédaction remonte à la loi

du 5 mars 1803 : "La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif". La non-rétroactivité de la loi constitue par conséquent un élément fondamental de la sécurité juridique. » : Conseil d’État, Sécurité juridique et complexité du droit, rapport public 2006, La documentation française, 2006, p. 289.

237 Article 8 de la DDHC.

238 Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Paragraphe 2, B).

239 « L’objectif [à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi] trouve également son

fondement dans l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme. Celui-ci dans sa seconde phrase, dispose que “tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas“. En d’autres termes, ce qui n’est pas interdit par la loi est permis (ou obligé) et il n’y a pas d’obligation lorsque la loi n’en pose pas. Pour connaître les limites de ses droits, il importe donc de savoir si la loi pose une interdiction ou une obligation. » : P. DE MONTALIVET, « La "juridicisation" de la légistique. À propos de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi », [in] La confection de la loi, R. DRAGO, (dir.), PUF, 2005, p. 104.

240 P. DE MONTALIVET, « La "juridicisation" de la légistique. À propos de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi », [in] La confection de la loi, R. DRAGO, (dir.), PUF, 2005, p. 104.

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entre les citoyens et l’État de droit, le droit instauré présume de droits et obligations réciproques entre ses parties.

Cette analyse est renforcée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui prend aussi en considération l’impératif de prévisibilité de la norme en s’appuyant sur l’article 7-1 de la Convention qui consacre le principe de « légalité des délits et

des peines »241. Dans l’arrêt Sunday times c. Royaume Uni242, la Cour s’est appuyée sur le double critère de prévisibilité et d’accessibilité des normes aux citoyens. Cet arrêt fait ainsi apparaître que « la loi est l’instrument essentiel de la sécurité juridique des citoyens. Il existe

donc une obligation générale de prévisibilité qui doit être entendue de façon plus rigoureuse encore en droit pénal. Le principe de sécurité juridique se développe sous la forme de deux corollaires : l’exigence d’une définition claire de la loi et le principe de l’interprétation restrictive de l’infraction »243. Au regard du considérant 49 de cet arrêt, l’exigence de prévisibilité de la loi recouvrirait plusieurs aspects, dont la nécessaire accessibilité de la loi, c’est-à-dire que le citoyen devrait bénéficier de « renseignements suffisants » sur la loi en cause, cette loi devant être suffisamment précise pour lui permettre de « régler sa conduite »244. Cette exigence serait à tempérer selon certains auteurs, « le juge européen estimant, d’une manière

générale, qu’elle est satisfaite dès lors que la "base légale" a fait l’objet d’une publication […]. L’accessibilité est donc strictement entendue par le juge européen au sens d’accès pratique, au support écrit de la "loi" et non pas au sens de compréhension ou de “lisibilité“ du texte. C’est sous l’angle de la prévisibilité que la jurisprudence européenne envisage la question de la connaissance de la règle de droit »245. En outre, la précision que doit revêtir la loi selon le juge

241 Cet article prévoit que « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a

été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international ».

242 CEDH, 26 avril 1979, Sunday times c. Royaume-Uni, Requête 6538/74. Notons que cet arrêt a permis de

préciser la notion de « loi », cette dernière englobant « à la fois le droit écrit et le droit non écrit » : F. SUDRE (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, 7e édition, PUF, 2015, p. 55.

243 P. ROLLAND, « Article 7 », [in] La Convention européenne des droits de l’homme, L.-E. PETTITI, E. DECAUX, P.-H. IMBERT (dir.), 2e édition, Economica, 1999, p. 295.

244 La Cour a une conception assez large de la notion de prévisibilité de la loi, qui recouvre une accessibilité accrue de la loi pour le citoyen : « 49. Aux yeux de la Cour, les deux conditions suivantes comptent parmi celles qui se

dégagent des mots "prévues par la loi". Il faut d’abord que la "loi" soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, on ne peut considérer comme une "loi" qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; en s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé. Elles n’ont pas besoin d’être prévisibles avec une certitude absolue : l’expérience la révèle hors d’atteinte. En outre la certitude, bien que hautement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ; or le droit doit savoir s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins vagues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique ».

245 F. SUDRE (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, 7e édition, PUF, 2015, pp. 57-58.

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européen semble être synonyme de clarté. Néanmoins, une vigilance doit être maintenue dans cette recherche de clarté de la loi, au regard de la nécessité de laisser une marge d’appréciation dans l’interprétation du texte visé, en particulier par le juge246. Une loi prévisible, qui doit en toute hypothèse être suffisamment précise, pourrait comporter des éléments flous dans certains cas particuliers, pour permettre une telle marge de manœuvre247.

L’arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni doit être mis en parallèle avec l’arrêt Cantoni

c. France248. Ce dernier rappelle dans son paragraphe 35 que « la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires »249 et que « La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé »250. La Cour ajoute dans ce même

paragraphe qu’« Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve

d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte ». Il apparaît que la Cour prend

en compte la capacité de la personne concernée de comprendre une situation juridique à laquelle elle se trouve confrontée. Elle opère une distinction entre les professionnels et les non-professionnels (ce qui peut se rapporter à la « qualité » des destinataires d’un texte), tout en considérant que ces derniers peuvent recourir à des professionnels pour les éclairer. On constate à cet égard que « [la] prévisibilité de la loi est, d’abord, relative. La clarté de la loi ne

s’apprécie qu’à la condition que l’intéressé se soit entouré de "conseils éclairés" (Sunday Times, § 49, Cantoni, § 35) : la règle de droit n’a donc pas à être compréhensible par tous, il suffit qu’elle le soit par les praticiens du droit »251. La Cour semble faire preuve d’une exigence

246 « La sécurité juridique ne peut faire l’économie d’une certaine marge d’appréciation et d’interprétation des

autorités nationales comme du juge en général » : P. ROLLAND, « Article 7 », [in] La Convention européenne des

droits de l’homme, L.-E. PETTITI, E. DECAUX, P.-H. IMBERT (dir.), Economica, 2e édition, 1999, p. 296.

247 Certains exemples ressortent de la jurisprudence de la CEDH. Ainsi, « le libellé des lois peut ne pas présenter

une précision absolue, par exemple, en matière de concurrence […], de discipline militaire […], ou encore dans le domaine technique des télécommunications […]. De même, la Cour juge que le niveau de précision requis des dispositions constitutionnelles, en raison de la nature générale de celles-ci, "peut être inférieur à celui exigé d’une autre législation" […] ». Cf. J.-P. MARGUÉNAUD, J. ANDRIANTSIMBAZINOVA, A. GOUTTENOIRE,

G. GONZALEZ, L. MILANO, H. SURREL, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme,

F. SUDRE (dir.), 7e édition, PUF, 2015, p. 59.

248 CEDH, 15 novembre 1996, Cantoni c. France, Requête n° 17862/91.

249 La Cour renvoie vers l’arrêt Groppera Radio AG et autres c. Suisse du 28 mars 1990, Requête n° 10890/84.

250 La Cour opère un renvoi vers l’arrêt Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni du 13 juillet 1995, Requête n° 18139/91.

251 F. SUDRE (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, 7e édition, PUF, 2015, pp. 58-59.

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variable à l’encontre des personnes concernées par un texte de loi : les non-professionnels devraient être en mesure de se renseigner sur le texte visé tandis que les professionnels seraient supposés être plus sachant que ces derniers. En conséquence, un professionnel sera susceptible d’avoir eu plus de moyens pour connaître une norme qu’une personne non professionnelle.

Il est possible de considérer qu’une telle appréciation se rapproche de la notion d’« intelligibilité »252 de la loi, dans le sens de compréhension par les personnes concernées par ladite loi. Plus encore, la Cour établit qu’il existe des différences d’intelligibilité en fonction du fait que les personnes soient des professionnels ou des profanes dans un domaine particulier. Cette analyse permet de différencier au moins deux cas de compréhension différents dans l’appréhension d’une loi, qui fait apparaître que le « sachant » sera plus susceptible d’appréhender une loi que le néophyte. Cette conclusion pose les données du problème de gradation de la notion d’intelligibilité de la loi. L’accès à la norme serait dès lors permis de manière plus ou moins approfondie en fonction des capacités des personnes en cause. Ces capacités seraient de deux ordres : tout d’abord, une capacité matérielle, qui implique que les professionnels auraient plus de moyens de se renseigner sur leurs droits qu’un citoyen « ordinaire ». Ces capacités seraient ensuite d’ordre intellectuel, et accentuées par la position sociale de la personne concernée253.

La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) prend également en compte ce principe de prévisibilité, au travers du « principe de confiance légitime »254, car « pour que le droit puisse produire pleinement ses effets, encore faut-il que les différents acteurs

soient à même d’en connaître le contenu »255. Le principe de confiance légitime serait intimement lié à celui de sécurité juridique256. La Cour a pu actionner le principe de confiance

252 Cf. Introduction.

253 Ce point ne renvoie pas aux capacités mentales des personnes mais à leur capacité de comprendre la norme de droit.

254 « La Cour de justice de l’Union européenne a dégagé, au travers de sa jurisprudence, un principe de confiance

légitime qui tend à limiter la modification des normes juridiques par les autorités compétentes. Le but est de préserver la confiance légitime des administrés en la règle de droit en ne la modifiant pas brutalement. Ce principe de confiance légitime est apparu dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne au travers de l’arrêt Algera du 12 juillet 1987 » : Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique,

111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 57.

255 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 57.

256 Ces deux notions demeurent complexes à appréhender, car « comme la notion de sécurité juridique, le principe

de confiance légitime demeure flou. C’est pour cette raison que ces deux principes, de valeur égale, sont employés conjointement ou indépendamment l’un de l’autre, mais de façon substituable. » : Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 58.

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légitime dans certains cas de « malfaçon de l’acte incriminé »257, qui se rapportaient à « la

rédaction claire et précise de la règle de droit […]. On entend par malfaçon le fait que l’acte, tel qu’il est constitué, entraîne une application incertaine en raison de son imprécision, de son ambiguïté ou d’un contenu comportant des contradictions avec d’autres actes »258. L’arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) le 21 juin 1988,

Commission c/Italie259 est ainsi cité en exemple260. La Cour y indique que « les principes de

sécurité juridique et de protection des particuliers exigent que, dans les domaines couverts par le droit communautaire, les règles du droit des États membres soient formulées de manière non équivoque qui permettent aux personnes concernées de connaitre leurs droits et obligations d’une manière claire et précise et aux juridictions nationales d’en assurer le respect »261. Dans cette affaire, la République italienne aurait manqué à ses obligations issues du droit communautaire en adoptant, et en maintenant en vigueur, une réglementation qui manque de clarté et de précision262. L’arrêt rendu par la CJCE le 7 février 1991, Tagaras c/Cour de justice est également cité en exemple par la doctrine263.

Le principe de confiance légitime, tout comme la rétroactivité de la loi fiscale, n’est pas reconnu « au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution »264 française, comme a pu le réaffirmer le Conseil d’État dans le cadre du rejet d’une QPC portant sur l’articulation des dispositions fiscales et leur éventuelle contrariété avec l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Cette position n’est pas nouvelle et a fait l’objet de certaines critiques « sur le plan de l’équité ou de la rationalité des arbitrages rendus par les

agents économiques »265. Dans cette affaire, le requérant soutenait notamment que les dispositions codifiées à l’article 92 J du Code général des impôts portaient atteinte à cet objectif.

257 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 59.

258 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 59.

259 CJCE, 21 juin 1988, Commission c/Italie, affaire 257/86.

260 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 59.

261 Cf. §12 de l’arrêt.

262 La Cour déclare dans son dispositif que « en adoptant et en maintenant en vigueur une réglementation qui

n’accorde pas l’exonération de la TVA a toutes les importations d’échantillons gratuits de faible valeur, et qui manque de clarté et de précision à l’égard de l’exonération de certaines importations de tels échantillons, et en prévoyant l’exonération des mêmes échantillons relevant de la production nationale, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 95 du traité et 14 de la directive 77/388 du conseil, du 17 mai 1977 ».

263 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France, LexisNexis, 2015, p. 59.

264 CE, 10e et 9e sous-sections réunies, 25 juin 2010, n° 326363.

265 J.-É. SCHOETTL, « Décisions du Conseil constitutionnel : fiscalité en Polynésie française, loi MUCFF, réforme du service national », AJDA, n° 12, 1997, p. 969.

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Le Conseil d’État a considéré que ces dispositions, « qui ont été interprétées par la décision du

Conseil d’État statuant au contentieux du 14 novembre 2003 (n° 224285), ne présentent aucune difficulté particulière d’interprétation, qui, eu égard notamment à leur ambiguïté et à leur caractère contradictoire ou incompréhensible, serait source d’insécurité juridique ».

L’instabilité de la loi fiscale, caractérisée par sa rétroactivité et sa forte obsolescence n’entrerait pas en contradiction avec l’intelligibilité et l’accessibilité du droit, car le Conseil d’État aurait déjà fait œuvre de son pouvoir d’interprétation. Cette conception est contestable, car l’usager ne peut connaître des règles qui lui sont applicables rétroactivement. On constate que l’accessibilité du droit, conçue comme la mise à disposition des individus du droit de manière « brute », est insuffisante en elle-même.

Il est essentiel de réaffirmer au regard de ces constats que la conception d’accès au droit doit être conçue comme un accès au droit matériel à la norme (par la promulgation et la publication), doublé d’un accès intellectuel à cette norme, prenant en compte les différences de compréhension supposées entre les personnes au regard notamment de leur statut de néophyte ou de professionnel. La conception de l’accès au droit étudiée préalablement au sein des textes nationaux et concernant le dispositif d’accès au droit en tant que tel apparaît donc limitée dans la réalité de ce qu’est l’accès au droit, comme ne prenant pas suffisamment en compte l’aspect « intellectuel »266 de l’accès au droit. Dès lors, la conception d’accès au droit prévue par les textes se rapporte à une vision lacunaire de ce qu’est réellement l’accès au droit.

En ce sens, l’exigence de « qualité de la loi » est un prérequis à tout accès au droit, dans la mesure où la clarté d’une loi facilite l’accès aux règles de droit, en permettant une meilleure appréhension, notamment intellectuelle, de ces règles.

Paragraphe 2 : L’accès au droit, de l’existence de la norme à la qualité de l’énonciation

La rédaction de la loi est un travail particulier, qui fait parfois l’objet de contrôles de la part du Conseil constitutionnel267. La reconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi par le Conseil en 1999268 a permis d’encadrer certaines pratiques législatives, et d’exiger une certaine « qualité de la loi » (A). Cette exigence

266 Cf. Introduction.

267 Ainsi, ce dernier peut être saisi lorsque la constitutionnalité d’une loi pose question, au travers d’une saisine préalable en amont ou d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) lors d’un litige.

268 Il faut noter que le nom de l’objectif varie puisque les termes « accessibilité » et « intelligibilité » sont parfois intervertis en fonction des décisions rendues.

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est à mettre en parallèle avec l’exigence de clarté que le Conseil constitutionnel utilisait déjà par le passé pour encadrer les missions du législateur en tant que rédacteur de la loi (B).

A. L’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi,

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