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La légistique, méthodologie en faveur d’une meilleure lisibilité du droit

Certains outils se sont développés pour permettre d’améliorer la qualité de la loi. La science de la « légistique » apparue dans les années 70453 s’attèle à accroître la lisibilité des textes produits, bien que l’idée de rendre les textes plus lisibles soit ancienne454. La « légistique » peut être définie comme la « science de la composition des lois ; plus

spécialement [comme une] étude systématique des méthodes de rédaction des textes de loi »455

ou encore comme « une discipline qui propose des connaissances, une méthode, des outils au

service de la formation de la législation »456. Il s’agit d’envisager des mécanismes permettant « La rationalisation de la production législative »457.

452 Cf. Introduction.

453 La légistique, « inventée semble-t-il en 1973 par l’auteur allemand Peter Noll, dans un ouvrage intitulé

« Gesetzgebungslehre » traduit par méthode législative approfondie par Otto Mader en 1985 qui parle également de science de la législation » : C. BLUMANN, « La légistique dans le système de l’Union européenne : quelle nouvelle approche ? », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 7-26, spé. p. 7.

454 L’idée était notamment « présente dès l’Antiquité chez Cicéron dans son Traité des lois » : D. RÉMY,

Légistique, L’art de faire les lois, Éditions Romillat, 1994, p. 12.

455 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e édition, PUF, avril 2007, p. 541.

456 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 83.

457 P. RRAPI, L’accessibilité et l’intelligibilité de la loi en droit constitutionnel, thèse, sous la direction d’A. ROUX, Université d’Aix-Marseille, Dalloz, 2014, p. 9.

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Il existe deux formes différentes de légistique, qui peut être « formelle »458 ou « matérielle »459. J.-D. DELLEY et A. FLÜCKIGER décrivent la démarche légistique lors de l’élaboration d’une loi, de l’évaluation nécessaire du problème en amont de rédaction de la loi, à l’évaluation des effets produits par cette loi en aval460. Selon ces auteurs, la légistique matérielle amène à prendre en compte, de manière chronologique, les étapes suivantes : tout d’abord, la définition du problème, afin de déterminer « ses causes et ses caractéristiques […],

de décider de la nécessité de légiférer, et si oui, de délimiter le champ de l’intervention et les moyens à engager »461. Ensuite, il sera nécessaire de déterminer les buts et les objectifs poursuivis, car « le législateur doit être au clair sur la situation désirable à promouvoir »462, afin de pouvoir envisager une « stratégie d’action »463, troisième étape du processus464. Il conviendra par la suite d’effectuer une analyse prospective afin de « choisir entre les différentes

mesures inventoriées »465. Enfin, après la mise en œuvre de la loi, une évaluation rétrospective devra être réalisée afin de vérifier ses effets, et notamment son efficacité, son effectivité ou encore son efficience466. La légistique formelle se rapporte quant à elle à la « traduction normative » de la stratégie d’action arrêtée dans le cadre du processus

458 « Une conception étroite s’en tient aux méthodes d’élaboration de la loi, aux procédures proprement dites,

c’est la légistique formelle » : C. BLUMANN, « La légistique dans le système de l’Union européenne : quelle nouvelle approche ? », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PERALDI LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 7-26, spé. p. 7.

459 « Une conception plus large appréhende non seulement la méthode, mais le contenu de la loi, l’objectif qu’elle

poursuit, les principes qui la sous-tendent, son contenu permissif ou prescriptif. En aval, la légistique s’intéresse aussi à la manière dont la loi est exécutée, mise en œuvre par les différents acteurs, les réseaux d’information et de communication. On parle alors de légistique matérielle » : C. BLUMANN, « La légistique dans le système de l’Union européenne : quelle nouvelle approche ? », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne,

F. PERALDI LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 7-26, spé. p. 7.

460 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. pp. 84-85.

461 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 85.

462 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 88.

463 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 90.

464 Différents types de mesures pourraient être sélectionnés selon ces auteurs et notamment « les instruments de

type prescriptif ou coercitif auxquels sont associées des sanctions […] les instruments de type incitatif […] les instruments de coordination […] la fourniture de biens et de services (prestations) par l’État […] la mise à disposition de procédures qui règlent les rapports entre différents groupes sociaux ou qui garantissent à des groupes déterminés la participation à certaines décisions […] les instruments partenariaux » : J.-D. DELLEY,

A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La confection de la loi,

R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. pp. 91-92.

465 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 92.

466 L’effectivité se rapporte à « la conformité des comportements observés aux comportements prescrits »,

l’efficacité au « degré de rationalisation des objectifs visés », l’efficience au « rapport coût / efficacité » : J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La confection

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d’élaboration d’une loi467. Cette traduction se décompose en « une démarche en deux temps :

la conception de l’acte puis sa conception à proprement dite »468, la démarche de conception devant être la plus travaillée pour aboutir à une rédaction travaillée469.

Certaines techniques de légistique ont fait leurs preuves, comme la consolidation, la codification et la refonte470. La consolidation consiste à « regrouper dans un texte unique les

fragments épars d’une réglementation »471, avec des défauts majeurs comme le fait que cette dernière « ne produit pas d’effets juridiques […] le texte ne peut pas être adapté : les erreurs

rédactionnelles ou grammaticales doivent être maintenues […] aucune suppression des dispositions obsolètes n’est possible »472. L’action de codifier se rapporte quant à elle au fait de « rassembler en un corps de droit (de lois ou/et de décrets) les règles qui gouvernent une

matière, les réunir en un code »473 et a des effets juridiques, contrairement à la consolidation474. Néanmoins, la codification demeure complexe et lente à mettre en œuvre475. La refonte serait la solution à ces problématiques, étant une technique de « codification dynamique » qui « intègre des dispositions nouvelles de fond »476, bien qu’également complexe à mettre en pratique au regard de la nécessité d’actualisation perpétuelle qu’elle demande477. Un autre remède avancé est celui de la simplification du droit dans son ensemble478. L’objectif de valeur

467 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 95.

468 J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La

confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. p. 95.

469 La démarche de conception se décompose en huit étapes : « 1/ La détermination de la matière normative […]

2/ L’insertion dans l’environnement normatif […] 3/ Le choix du niveau normatif […] 4/ Le choix de la forme de l’acte législatif […] 5/ Le choix de la densité normative […] 6/ La structuration de la matière normative […] 7/ La

fixation de la systématique de l’acte législatif […] 8/ La définition de la structure des dispositions » :

J.-D. DELLEY, A. FLÜCKIGER, « La légistique : une élaboration méthodique de la législation », [in] La confection

de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 83-96, spé. pp. 95-96.

470 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 3.

471 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 3.

472 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 3.

473 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e édition, PUF, avril 2007, p. 166.

474 En effet, « un seul texte officiel en ressort, avec suppression des dispositions obsolètes, terminologie

harmonisée, reformulation des considérants… Ce processus permet de réduire considérablement le volume de la législation » : M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 4.

475 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 4.

476 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 4.

477 M. PETITE, « Introduction », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 1-5, spé. p. 4.

478 « Une simplification qui ne joue pas seulement au niveau de l’acte législatif censé devenir plus clair et

compréhensible, mais une simplification globale, au niveau de l’ensemble du système juridique. Il s’agit de faire disparaitre les poches inutiles de complexité » : C. BLUMANN, « La légistique dans le système de l’Union

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constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi pourrait quant à lui se comprendre comme étant le pur produit juridique consacré de la légistique : « accessibilité et […]

intelligibilité peuvent être considérées en effet comme des préceptes issus de la légistique formelle »479.

MONTESQUIEU, dans son œuvre De l’Esprit des lois, émet certains conseils à l’attention des rédacteurs de la loi. Selon lui, la loi doit être concise et rédigée dans un style simple, au risque d’être regardée comme « un ouvrage d’ostentation »480. De plus, cet auteur considère qu’il faut éviter les lois trop subtiles, car ces dernières « sont faites pour des gens de

médiocre entendement : elles ne sont point un art logique, mais la raison simple d’un père de famille »481. Ajoutant des prescriptions supplémentaires, MONTESQUIEU ajoute que « Comme les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, celles qu’on peut éluder affaiblissent

la législation. Une loi doit avoir son effet, et il ne faut pas permettre d’y déroger par une convention particulière »482. Enfin, les lois ne devraient pas choquer « la nature des choses »483

et conserver « une certaine candeur »484.

G. CORNU pose également certains éléments de solutions s’agissant de l’accessibilité du droit, qui passerait « à la racine par la simplification du droit, tâche fondamentale avant

d’être linguistique »485. Concernant le langage juridique en lui-même, ce même auteur poursuit en indiquant que le « langage du droit n’étant pas une langue mais un langage spécialisé au

sein de la langue commune, ce rappel élémentaire édicte au législateur, au juge et à tous les orateurs du droit le devoir de faire de la langue naturelle l’usage le plus correct, le plus simple et le plus pur. Le respect de la langue rend le langage du droit aux citoyens. […] La chasse aux archaïsmes de tournure et de vocabulaire est de rigueur »486. Le point commun entre ces deux

européenne : quelle nouvelle approche ? », [in] La légistique dans le système de l’Union européenne, F. PÉRALDI

LENEUF (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 7-26, spé. p.14.

479 P. DE MONTALIVET, « La "judiciarisation" de la légistique. À propos de l’objectif de valeur constitutionnelle

d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » », [in] La confection de la loi, R. DRAGO (dir.), PUF, 2005, pp. 99-136, spé. p. 99-100.

480 « Le style en doit être concis. Les lois des Douze Tables sont un modèle de précision : les enfants les apprenaient

par cœur. Les Novelles de Justinien sont si diffuses, qu’il fallut les abréger. Le style des lois doit être simple ; l’expression directe s’entend toujours mieux que l’expression réfléchie. Il n’y a point de majesté dans les lois du bas empire ; on y fait parler les principes comme des rhéteurs. Quand le style des lois est enflé, on ne les regarde que comme un ouvrage d’ostentation » : MONTESQUIEU, De l’esprit des lois II, Édition de R. DERATHÉ, 1990, pp. 292-293.

481 MONTESQUIEU,De l’esprit des lois II, Édition de R. DERATHÉ, 1990, p. 294.

482 MONTESQUIEU,De l’esprit des lois II, Édition de R. DERATHÉ, 1990, p. 294.

483 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois II, Édition de R. DERATHÉ, 1990, p. 296.

484 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois II, Édition de R. DERATHÉ, 1990, p. 296.

485 G. CORNU, Linguistique juridique, 3e édition, Montchrestien, 2005, pp. 9-10.

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auteurs, qui ont vécu à des siècles bien différents, est de prendre en considération le destinataire de la loi lors de sa conception. La question qu’il convient sans doute de se poser dans ce type de cas est de se rappeler à quelle personne un texte se destine, afin d’être en mesure de proposer une loi qui lui soit compréhensible.

Pour résumer, plusieurs (premières) solutions sont envisageables pour endiguer la complexité du droit. Il serait possible, tout d’abord, d’avoir recours à la simplification du droit, au regard de la masse de textes existants.

Il serait ensuite envisageable de former les rédacteurs de la norme (législateur, juge, etc.) sur la question de la compréhensibilité du droit. Les auteurs précités ont envisagé certaines solutions pour clarifier, simplifier le langage juridique, qui pourraient être intégrées au processus rédactionnel. Enfin, les lois ne devraient être édictées que de manière raisonnable, non pour réagir à des réflexes passionnés mais par nécessité, besoin juridique véritable ; ce qui implique à nouveau de former les législateurs dans leur manière de concevoir la production des lois, mais également les citoyens qui s’attendraient à une réaction immédiate des législateurs en cas de phénomène de société.

Les lois ne devraient pas être produites pour assouvir une demande populaire et devraient être issues d’un besoin sociétal et juridique véritable. A contrario, il est possible d’objecter que la loi est censée avoir été votée par le peuple, par le biais de ses représentants, et que la vindicte populaire a pu souhaiter le vote de telles lois d’émotion, de passion, en réaction à des évènements précis. En d’autres termes, en ne votant que des lois nécessaires, exerce-t-on correctement sa fonction de représentant du peuple ? La question mérite d’être posée. Il est possible d’objecter que la passion populaire n’est pas la majorité, et que dans ce type de cas il faudrait, peut-être, songer à réaliser un référendum pour s’assurer de la prise en compte du besoin sociétal et juridique existant. Le schéma de pensée devient cyclique puisqu’arriver à cette objection amène à se poser la question suivante : le fait de promouvoir le référendum n’est-il pas un désaveu de la légitimité de la représentation du peuple par ses représentants ? Il apparaît que la question des lois d’émotion est complexe et doit être étudiée au regard de ces différents paradigmes.

Comme présenté brièvement, des méthodologies de légistique favoriseraient l’accessibilité et l’intelligibilité du droit, comme la codification et la simplification du droit. Cependant, il est possible de s’interroger sur leur efficacité pour permettre un meilleur accès aux règles de droit. Un focus doit être réalisé sur ces méthodologies afin de le vérifier.

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B. La codification du droit et la simplification du droit, outils de réorganisation du

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