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L’accès « amélioré » 581 au droit : les liens ténus entre l’accès à la justice et l’accès

Paragraphe 2 : Les garanties légales prévues lors de la réception de la norme en faveur d’une meilleure accessibilité du droit

B. L’accès « amélioré » 581 au droit : les liens ténus entre l’accès à la justice et l’accès

au droit

Une réflexion sur le développement d’une justice dite de « proximité »582 par la mise en œuvre de dispositifs permettant un meilleur accès à la justice a irrigué les préoccupations des pouvoirs publics. La conception de la justice de proximité a pu évoluer au regard des changements sociétaux. L’instauration d’un juge de paix au XVIIIe siècle, non qualifié juridiquement, s’est avérée dépassée avec « La "judiciarisation" de la société et la

complexification du contentieux »583, jusqu’à provoquer leur disparition avec l’ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958584. Les juges d’instance ont pris leur place, et se consacrent aux « petits litiges »585. Des réformes successives ont permis de rationaliser le fonctionnement de la justice, dont « la réforme de la carte judiciaire en 1958 par la suppression de plus de

2000 juridictions, la fonctionnarisation des greffes en 1965, la prise en charge par l’État des conseils de prud’hommes en 1980, et le transfert des charges en 1987 »586. Le 1er janvier 2020, les tribunaux d’instance et de grande instance ont fusionné afin de « créer une porte d’entrée

unique à la justice : le Tribunal Judiciaire »587. Il est notamment indiqué que cette fusion favorise un « accès simplifié »588 à la justice, le tribunal judiciaire devenant « la porte d’entrée

dans le réseau de la justice »589.

581 Ce terme d’« amélioré » renvoie à un accès plus avancé que l’accès « brut » aux normes puisqu’il se complète d’une information juridique, voire d’un accompagnement pour accéder au droit. Il s’agit d’une manifestation d’une accessibilité « matérielle » et « intellectuelle » au droit. Cf. Introduction.

582 Ce terme n’est pas anodin puisque sa définition renvoie à la notion d’accessibilité. Le dictionnaire définit notamment le terme « proximité » comme ce « Qui est proche des citoyens, leur est accessible » : Le Petit Robert

de la langue française, Le Robert, 2016.

583 R. MONTAGNON, Quel avenir pour les juridictions de proximité ?, L’Harmattan, 2006, pp. 16-17.

584 R. MONTAGNON, Quel avenir pour les juridictions de proximité ?, L’Harmattan, 2006, p. 17.

585 R. MONTAGNON, Quel avenir pour les juridictions de proximité ?, L’Harmattan, 2006, p. 17.

586 Réflexions sur l’amélioration de l’accès à la justice par la mise en place d’un guichet unique de greffe et la simplification de juridictions de première instance, La documentation Française, p. 12.

587 Cour d’appel de Paris, Fusion des Tribunaux de grande instance et Tribunaux d’instance, 1er janvier 2020 [https://www.cours-appel.justice.fr/paris/fusion-des-tribunaux-de-grande-instance-et-tribunaux-dinstance]. Cf. loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

588 Ministère de la Justice, Le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance deviennent le tribunal judiciaire [https://www.justice.fr/sites/default/files/DSJ_Fusion_TGI-TI_1911106_V1.pdf?].

589 Ministère de la Justice, Le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance deviennent le tribunal judiciaire [https://www.justice.fr/sites/default/files/DSJ_Fusion_TGI-TI_1911106_V1.pdf?].

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La justice de proximité et les questions propres à l’accès à la justice doivent être conçues en complémentarité avec les réflexions propres à l’accès au droit. Il faut ajouter à ces évolutions en faveur d’une justice de proximité certaines créations juridiques permettant un meilleur accès au droit, et dans certains cas, à la justice. La valorisation des modes alternatifs de règlement des conflits (les « MARC »)590 pourrait garantir un meilleur accès au droit et de prévenir dans certains cas des contentieux. Recourir aux MARC dans le cadre d’un litige peut en effet permettre d’accompagner les parties dans la résolution du litige, et ce faisant d’éviter une procédure judiciaire.

Cependant, le recours à de tels MARC ne fait pas l’unanimité, car il ne pourrait s’appliquer dans les domaines juridiques où un déséquilibre significatif existerait entre les parties591. Cette critique peut être contestée à plusieurs titres. Tout d’abord, différents procédés de résolutions des conflits existent, et ne peuvent être confondus. Si l’on étudie par exemple le cas de la médiation professionnelle, il est possible d’écarter cette critique. Le manifeste sur le droit à la médiation592 indique que son objet est « de faire adopter la Médiation Professionnelle

comme préalable à l’action judiciaire en matière civile, prud’homale et commerciale, comme un droit fondamental ». Il s’agit également de rappeler qu’un « droit à la médiation »

renforcerait « la libre décision » et garantirait l’exercice d’autres droits et libertés, comme l’exercice de la liberté de conscience, la liberté d’expression, l’égalité des droits et le libre arbitre593. Les médiateurs professionnels ont réfléchi à une déontologie de la médiation, ce qui a conduit à la rédaction du Code d’éthique et de déontologie des Médiateurs (CODEOME). Ce dernier prévoit une indépendance des médiateurs professionnels et précise en particulier en son article 6.17.1 que le « médiateur permet aux parties d’identifier leurs intérêts de s’impliquer

dans le processus de la médiation. Il s’assure de leur capacité de décider et apporte la garantie de leur libre consentement quant à l’accord de médiation ». Le médiateur professionnel, engagé

590 Les MARC regroupent de nombreux procédés, dont la conciliation, la médiation, l’arbitrage, la négociation, etc. R. MONTAGNON expose que les conciliateurs ont été institués par un décret du 20 mars 1978, et que la médiation judiciaire a été créée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 : R. MONTAGNON, Quel avenir pour les

juridictions de proximité ?, L’Harmattan, 2006, p. 19.

591 Les MARC peuvent montrer leurs limites dans certains domaines particuliers, où le déséquilibre des parties rend complexe toute tentative de conciliation. Par exemple, le recours aux MARC aurait montré ses limites dans « le traitement des litiges de consommation » : R. MONTAGNON, Quel avenir pour les juridictions de proximité ?, L’Harmattan, 2006, p. 19.

592 Centre de recherche en entente interpersonnelle et sociale et en ingénierie relationnelle, Manifeste pour le droit

à la médiation [http://www.mediateurs.pro/].

593 J.-L. LASCOUX indique que « Le droit à la médiation est en marche. […] Le “manifeste pour le droit à la

médiation“ contient encore de nombreuses propositions pour continuer à améliorer la manière de concevoir la relation citoyenne, dans une pratique éthique » : J.-L. LASCOUX, « Le site du droit à la médiation en matière de consommation », L’Officiel de la médiation, 5 mars 2016 [https://www.officieldelamediation.fr/2016/03/05/le-site-du-droit-a-la-mediation-en-matiere-de-consommation/].

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déontologiquement, a pour obligation de veiller aux intérêts de chacune des parties et de leur engagement éclairé. L’existence présupposée de déséquilibre entre les parties n’aurait pas sa place dans ce cas de figure. Une harmonie dans les relations entre les parties se dégage de l’éthique et de la déontologie voulue par les médiateurs professionnels. Un « droit à la

médiation » pourrait dès lors être conçu comme complémentaire à l’accès au droit.

Par ailleurs, les Maisons de justice et du droit (MJD) ou encore les antennes juridiques et de médiation sont citées en exemple réussi permettant un meilleur accès au droit et une véritable proximité avec les personnes concernées594. Ces lieux se conjuguent avec de nombreuses initiatives préexistantes en faveur de l’accès au droit, comme le développement des boutiques du droit595 ou l’engagement de certaines associations sur le sujet.

Les garanties légales de l’aide à l’accès au droit ressortent d’une politique publique d’accès au droit qui a débuté dans les années 90596. L’alinéa 1 de l’article 1er de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précise que « L’accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions

prévues par la présente loi ». Cet alinéa semble indiquer que l’aide juridique permet l’accès à

la justice et au droit. Le deuxième alinéa précise le contenu de cette aide juridique, qui comprend « l’aide juridictionnelle, l’aide à l’accès au droit et l’aide à l’intervention de l’avocat

dans les procédures non juridictionnelles ». Ces trois éléments concourraient donc à l’accès à

la justice et au droit.

594 On notera que « la création des Maisons de Justice et du Droit a eu pour objectif de lutter, notamment dans

certaines banlieues difficiles, contre le sentiment de désaffection des populations envers la Justice, sentiment issu à la fois d’une absence de réponse judiciaire adaptée et d’un défaut de compréhension, d’accessibilité des justiciables au monde judiciaire. Les premières de ces structures ont été créées en 1990 dans la banlieue parisienne avec, comme double vocation, de rétablir et de favoriser l’accès au droit et de concourir sur place au traitement de la petite délinquance. Elles ont été peu à peu implantées dans différents départements prioritaires pour la politique de la ville. La plupart ont été créées entre 1990et 1992, deux ont été ouvertes en 1993(la Seyne-sur-Mer et Elbeuf) et une en 1995 (Toulon). […] Par ailleurs, 12 Antennes juridiques et de médiation ont été créées sur le ressort géographique du tribunal de grande instance de Marseille. Ces structures, contrairement aux Maisons de Justice et du Droit, n’ont pas de structures propres mais partagent des locaux avec d’autres associations et les travailleurs sociaux du quartier » : Ministère de la Justice, Réflexions sur l’amélioration de l’accès à la justice par la mise en place d’un guichet unique de greffe et la simplification de juridictions de première instance, rapport à M. le garde des Sceaux, Ministre de la justice, par F. CASORLA, 1997, p. 43.

595 « Ces boutiques ont pour objectif premier d’élargir l’intervention du professionnel du droit en dehors de toute

procédure contentieuse, alors que jusque-là l’avocat ne prenait un dossier en charge dans le cadre de l’aide judiciaire que pour la défense des indigents devant les juridictions » : A. LEJEUNE, Le droit au droit, les juristes

et la question sociale en France, Éditions des archives contemporaines, 2011, p. 42.

596 « La politique publique d’accès au droit se développe dans les années 90 et trouve sa définition dans la loi du

18 décembre 1998. Elle vise, à travers un ensemble de services et de dispositifs, et parfois la simple mise en réseau d’acteurs locaux, à ce que toute personne, quels que soient son âge, sa nationalité, son niveau de vie ou son lieu de résidence, puisse, en dehors de tout procès, connaître ses droits et obligations et être informée des moyens de les faire valoir, de les défendre ou de les exécuter » : F. MAR, M. PERDEREAU, La justice, un droit pour tous, Le Cavalier Bleu, 2008, p. 45.

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L’aide à l’accès au droit, définie à l’article 53 de cette loi prévoit que cette aide comprend « 1° L’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que

leur orientation vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits ; 2° L’aide dans l’accomplissement de toute démarche en vue de l’exercice d’un droit ou de l’exécution d’une obligation de nature juridique et l’assistance au cours des procédures non juridictionnelles ; 3° La consultation en matière juridique ; 4° L’assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques ». L’aide à l’accès au droit comporte un volet d’accueil, d’information,

d’orientation, et d’accompagnement (AIOA)597, pouvant aller jusqu’à l’assistance dans la rédaction et la conclusion d’actes juridiques.

Au niveau national, « le pilotage incombe à la Chancellerie et plus précisément au

Service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV) au sein duquel, le bureau de l’accès au droit, impulse et coordonne la politique nationale en la matière »598. Dans chaque département, un Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) est institué599 afin de « recenser les besoins, de définir une politique locale, de dresser et diffuser l’inventaire de

l’ensemble des actions menées »600. En 2013, 99 départements étaient dotés d’un CDAD, contre 101 en 2016601. Ces conseils départementaux « créent et labellisent des points d’accès au droit

(PAD) »602.

La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits consacre l’existence des MJD603. L’article L. 7-12-1.1, inséré dans le Code

597 L’indication de ce terme résulte d’échanges fournis avec Madame P.-M. SAWICKI-BETITO, qui a été Directrice de l’Espace Municipal de Médiation et d’Accès au Droit (EMMAD) d’Ivry-sur-Seine. Cf. Annexe.

598 Conseil national de l’aide juridique, Rapport triennal, Mars 2010 – Mars 2013, p. 14 [http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_CNAJ_mars2010_mars_2013.pdf].

599 Différents textes sont intervenus successivement afin d’encadrer ces CDAD : son statut a été modifié par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ainsi que par le décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d’intérêt public ; le régime de leurs personnels de droit public relève du décret n° 2013-292 du 5 avril 2013, leur composition et leur gouvernance ont été modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et par son décret d’application n° 2017-822 du 5 mai 2017 portant diverses dispositions relatives à l’aide juridique. Cf. SADJAV,

Rapport d’activité des Conseils départementaux de l’accès au droit, 2016, p. 5.

600 Article 54 loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

601 SADJAV, Rapport d’activité des Conseils départementaux de l’accès au droit, 2016, p. 5.

602 Les PAD sont des « structures accueillant de manière régulière, gratuite, anonyme et confidentielle, tous les

publics et dans lesquels sont délivrés une information et/ou une consultation juridique de proximité par des juristes du CDAD, des professionnels du droit (avocats, notaires, huissiers) ou des juristes d’associations généralistes ou spécialisées œuvrant dans le domaine de l’accès au droit ». En 2013, environ 1200 lieux d’accès au droit étaient

recensés sur l’ensemble du territoire. Cf. Conseil national de l’aide juridique, Rapport triennal, Mars 2010 – Mars 2013, p. 14 [http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_CNAJ_mars2010_mars_2013.pdf].

603 Cette loi est complétée par le décret n° 2001-1009 du 29 octobre 2001 modifiant le code de l’organisation judiciaire et relatif aux maisons de justice et du droit. Cette reconnaissance permet de combler un vide juridique qui empêchait les maisons de justice et du droit d’agir pleinement. On constatait en effet, avant la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998, que : « L’absence de statuts précis génère des situations de blocage tant au niveau de

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de l’organisation judiciaire, dispose que « Il peut être institué des maisons de justice et du droit,

placées sous l’autorité des chefs du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées », et ajoute que ces Maisons « assurent une présence judiciaire de proximité et concourent à la prévention de la délinquance, à l’aide aux victimes et à l’accès au droit ». Ces

maisons d’accès au droit accueillent des spécialistes issus de mondes divers, juridiques ou non604, et enrichissent le réseau d’accès au droit en assurant « une présence judiciaire de

proximité alliant l’aide à l’accès au droit apportée par les CDAD et l’intervention de l’institution judiciaire puisque ces mesures alternatives de traitement pénal et des actions tendant à la résolution amiable des litiges peuvent s’y exercer »605.

Il est possible de constater à nouveau que l’accès au droit et l’accès à la justice sont intimement liés606. Il est réaffirmé que dans le cadre de l’accès à la justice, connaître ses droits est un préalable nécessaire, car « Accès au droit et accès à la justice ne sont pas des notions

concurrentes mais des démarches complémentaires en vue de la réalisation effective des droits : connaître ses droits pour mieux les faire valoir et les défendre »607.

Cet état de fait n’est pas uniquement français. En Espagne, par exemple, ces deux notions apparaissent également fortement liées, des mesures d’information du public étant mises en œuvre afin de permettre un meilleur accès à la justice. Ainsi, « Le Conseil général du

pouvoir judiciaire a créé un département pour améliorer la qualité de l’écoute du public afin de diffuser une large information, sur la procédure en général ou sur des hypothèses particulières, et de recevoir des doléances des usagers »608. Des services d’aide aux victimes

l’organisation et de la gestion de la structure qu’au niveau de sa crédibilité. La question principalement fixée est : faut-il doter les MJD d’une personnalité morale et juridique qui lui permettrait, en outre, de percevoir des subventions ? », Ministère de la Justice, Les Maisons de justice et du droit, Rapport à Monsieur le ministre de la

justice, par G. VIGNOBLE,1995, p. 12.

604 Les acteurs sont notamment des magistrats, des agents de justice, des avocats, un conciliateur de justice, un conseiller d’insertion et de probation, un délégué du procureur de la République, un éducateur de la Protection judiciaire de la Jeunesse, un greffier, des médiateurs judiciaires, des représentants d’associations d’aide aux victimes d’infraction, des travailleurs sociaux. Certaines MJD offrent également des services complémentaires (rédaction de courrier, médiation familiale, etc.). Cf. Ministère de la Justice, Maisons de justice et du droit : acteurs

et services?, Les fiches de la justice, 2001.

605 Conseil national de l’aide juridique, Rapport triennal, Mars 2010 – Mars 2013, p. 14 [http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_CNAJ_mars2010_mars_2013.pdf].

606 Ces liens ont été rappelés tout au long du Chapitre 1. L’accès au droit et à la justice sont liés depuis leurs origines, et continuent d’interagir l’un sur l’autre. Il s’agit de souligner à nouveau l’importance de ce lien, en prenant l’exemple des maisons d’accès au droit.

607 F. MAR, M. PERDEREAU, La justice, un droit pour tous, Le Cavalier Bleu, 2008, p. 49.

608 V. MORENO-CATENA, J. PINTOS-AGER, H. SOLETO-MUÑOZ, « Espagne /Spain », [in] L’administration de la

justice en Europe et l’évaluation de sa qualité, M. FABRI, J.-P. JEAN, P. LANGBROEK, H. PAULIAT (dir.), Montchrestien, 2005, p. 222.

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sont aussi mis en place en Espagne, afin de pouvoir informer les personnes sur leurs droits609. De même, il convient de noter que le système des « Maisons de justice » n’est pas franco-français, puisque des mesures similaires ont été mises en place dans d’autres pays, comme c’est par exemple le cas en Belgique610.

Néanmoins, les liens tenus entre l’accès au droit et l’accès à la justice ont pu faire l’objet de critiques. Il apparaît que le système d’aide juridictionnelle connaît une explosion de ses demandes, ce qui amène à des difficultés de gestion aussi bien des dossiers déposés que des demandes de revalorisation des rémunérations perçues par les professionnels611. Cet état de fait se couple à une multiplication du nombre de recours, certains ayant un caractère parfois abusif ou dilatoire612. Il a pu être proposé de limiter l’aide juridictionnelle existante, tout en considérant que l’aide juridictionnelle n’était pas la cause de cette multiplication613. La possibilité d’accroître la compréhension du droit des personnes peut être conçue comme une cause de multiplication des recours, néanmoins l’argument inverse peut être également opposé : en connaissant mieux le droit, il est possible d’éviter certains recours non nécessaires, et/ou de recourir à des MARC.

De plus, la conception de l’accès au droit prévue par les textes, fortement liée à celle d’accès à la justice, peut être considérée comme réductrice. La personne réceptrice de la norme,

609 « D’autre part, le Conseil et la plupart des Communautés autonomes ont créé des services d’aide aux victimes

comprenant des assistantes sociales et des psychologues. La Carte de Derechos de los Ciudadanos consacre encore le droit des victimes à l’information sur ses droits, à la protection si nécessaire et le droit au respect de sa situation de victime. Elle prévoit en outre la création de bureaux d’accueil des victimes sur tout le territoire ».

Cf. V. MORENO-CATENA, J. PINTOS-AGER, H. SOLETO-MUÑOZ, « Espagne / Spain », [in] L’administration de la

justice en Europe et l’évaluation de sa qualité, M. FABRI, J.-P. JEAN, P. LANGBROEK, H. PAULIAT (dir.), Montchrestien, 2005, p. 223.

610« Les "maisons de justice" tentent d’améliorer la relation entre la population et la justice par des informations

légales, le suivi et l’orientation des victimes et des contrevenants, ainsi que des travaux dans le domaine des droits et des personnes. » : R. DEPRE, A. HONDEGHEM, J. PLESSERS, avec E. VON DEN BROECK, « Belgique / Belgium », [in] L’administration de la justice en Europe et l’évaluation de sa qualité, M. FABRI, J.-P. JEAN, P. LANGBROEK,

H. PAULIAT (dir.), Montchrestien, 2005, p. 148.

611 « L’aide juridictionnelle est en effet confrontée à deux problèmes récurrents que sont l’accroissement continu

des demandes et les revendications légitimes de revalorisation des professionnels. Le nombre de personnes bénéficiant de l’aide juridictionnelle a fortement progressé : de 348 587 admissions en 1991, ce nombre s’est élevé à 904 532 en 2006 ; l’aide juridictionnelle totale représentant la plus grande part, comparée à l’aide juridictionnelle partielle (302 986 en 1991 soit 87 % et 799 153 en 2006 soit 88 %) » : F. MAR, M. PERDEREAU,

La justice : un droit pour tous, Le Cavalier Bleu, 2009, p. 146.

612 Cet état de fait n’est pas sans rappeler les inquiétudes des fondateurs de l’assistance judiciaire en 1851. Cf. S. SCHAFER,« L’assistance judiciaire et l’étranger civil (18401851) », Sociétés & Représentations, n° 38, 2014, p. 213 ; étudié dans la Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, Paragraphe 1, B).

613 « Pour éviter une multiplication des recours, il pourrait être envisagé de limiter l’aide juridictionnelle accordée

aux plaideurs. C’est déjà le cas puisque l’action pour laquelle l’aide juridictionnelle est sollicitée ne doit pas être

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