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L’apparition de nouvelles inégalités

Section 2 : Des droits et des inégalités propres à ce nouvel écosystème impactant l’accès au droit

A. L’apparition de nouvelles inégalités

La question des inégalités issues ou produites par les NTIC n’est pas nouvelle. En 1997, le Premier ministre L. JOSPIN soulevait déjà les problématiques inhérentes aux technologies, s’agissant notamment du « fossé séparant ceux de nos concitoyens qui maîtrisent ces nouveaux

outils du reste de la population »852. En 2000, P. BLOCHE, ouvrant le colloque portant sur « L’Internet pour tous, un défi moderne, des réponses solidaires », indiquait que « nous devons

trouver les moyens de réduire les inégalités d’accès et d’usage à Internet »853. On observe que les inégalités induites par les NTIC ont évolué en même temps que ces dernières. Les premières inégalités se portaient sur la possibilité de s’équiper des nouveaux outils dans les différents ménages français (ordinateurs notamment). Ainsi, « Dans les années 80, la thématique des

inégalités sociales d’accès et d’usage s’est centrée sur la micro informatique puisque

848 M. ARNAUD, Liberté, égalité, fraternité dans la société de l’information, L’Harmattan, 2007, p. 144.

849 M. ARNAUD, Liberté, égalité, fraternité dans la société de l’information, L’Harmattan, 2007, p. 144.

850 F. GRANJON définit la notion d’inégalité comme « une injustice, c’est-à-dire un fait perçu comme illégitime,

en non-adéquation avec un système positif de valeurs qui pousse à en faire la critique » : F. GRANJON,

Reconnaissance et usages d’Internet, Presses des Mines, 2012, p. 42.

851 Ce terme est utilisé par les auteurs et sera repris dans cette partie comme terme générique : F. GRANJON,

J. DENOUËL, « Penser les usages sociaux des technologies numériques d’information et de communication », [in]

Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 19.

852 Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les enjeux de l’entrée de la France dans la société de l’information, et sur le programme d’action pour le multimédia du gouvernement, notamment à l’école et pour l’amélioration des relations entre l’administration et le citoyen, Hourtin le 25 août 1997.

853 P. BLOCHE, « Ouverture du colloque », [in] L’Internet pour tous : un défi moderne, des réponses solidaires, M&M CONSEIL, octobre 2000, p. 2.

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l’acculturation technique à l’ordinateur était perçue comme une condition du développement économique »854. En conséquence, les pouvoirs publics se sont orientés sur des politiques permettant de promouvoir une acculturation à ces nouveaux usages et « en 1982, le Plan

Informatique pour Tous destiné à promouvoir l’informatisation de la société »855 est lancé. Des espaces publics numériques se sont développés sur le territoire français pour répondre à ces problématiques856.

Par la suite, les inégalités d’accès liées à l’équipement se sont amenuisées, tandis que des disparités d’usage ont perduré, par exemple au regard du niveau d’étude des usagers857. En outre, « l’évolution des technologies informatiques s’est accompagnée du passage de la culture

informatique – centrée sur l’apprentissage des codes de la technique et les modes de faire – à la culture numérique »858. Il apparaît nécessaire d’intégrer une nouvelle culture, avec ses codes et ses usages propres859.

854 J. JOUËT, « Des usages de la télématique aux Internet Studies », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards

croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 58.

855 J. JOUËT, « Des usages de la télématique aux Internet Studies », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards

croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 58.

856 « L’espace public numérique se caractérise, en premier lieu, par sa destination. Son objet même est de donner

la possibilité de découvrir l’informatique et l’internet. Il se distingue en cela des initiatives prises par certains services publics, qui offrent des outils informatiques en accès libre, mais les réservent à leurs usagers, et les dédient à des prestations liées à leur mission (réalisation de démarches ou accès à des informations spécialisées) » : Circulaire du 23 août 2001 relative à la mise en place des espaces publics numériques.

857 « Ainsi, Fabien Granjon [2008] qui a étudié les usages de l’ordinateur et d’Internet au sein des classes

populaires relève des modes d’appropriation différenciés selon le niveau d’étude des usagers. Les diplômés, plus experts, s’adonnent à des pratiques de discussion sur des forums et d’autopublication qui valorisent leur bagage culturel, tandis que les non-diplômés éprouvent des difficultés de manipulation et se cantonnent surtout à des activités ludiques dans le prolongement de leurs pratiques télévisuelles » : J. JOUËT, « Des usages de la télématique aux Internet Studies », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages,

J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 59.

858 J. JOUËT, « Des usages de la télématique aux Internet Studies », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards

croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 67.

859 On constate que « la culture numérique, dans sa dimension profane, permet à la fois d’élargir le champ de la

culture en y incluant une dimension technique, et de faire sortir l’informatique de l’étroitesse de la spécialisation en la faisant pénétrer dans la sphère des références culturelles communes. Les usages d’Internet passent en effet par l’acquisition d’un minimum de compétences techniques qui mobilisent des modes opératoires, des savoir-faire empiriques et des habiletés pratiques dans le dialogue avec les interfaces virtuelles. La manipulation est source de familiarisation avec les langages d’écran (les icônes, l’hypertexte, le multi-fenêtrage), la navigation, le partage de documents » : J. JOUËT, « Des usages de la télématique aux Internet Studies », [in] Communiquer à l’ère

numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 68.

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La conception de « fracture numérique »860 a fait son apparition avec les NTIC pour exprimer les inégalités issues du numérique861. Néanmoins se pose la question de ce que recouvre cette notion de fracture numérique.

Tout d’abord, cette dernière peut se rapporter au frein ou à l’impossible connexion à Internet pour une population déterminée sur un territoire donné. On constate l’existence de fractures dites « territoriales », en fonction de la capacité pour les populations de se connecter ou non à Internet au regard de leur localisation sur le territoire français. La réflexion sur les possibilités de réduire ces fractures numériques « territoriales » doit être amorcée au regard des coûts engendrés862, par exemple, pour offrir des solutions aux cas des « zones blanches »863. En effet, l’efficacité des services proposés par le biais d’Internet, notamment par les administrations, « suppose que la couverture du territoire en infrastructures internet haut-débit

soit rapidement assurée et que l’accès de chaque citoyen à internet soit rendu possible »864. Ensuite, il convient de s’interroger sur le canal permettant l’accès à Internet, le calcul des écarts existants entre les différentes populations concernées par la fracture numérique pouvant varier en fonction que l’on considère que l’accès à Internet se fait depuis un ordinateur professionnel ou depuis un portable865.

860 « La fracture numérique est une expression d’origine américaine : digital divides. C’est une vision de l’état du

monde résultant de la mission que l’Occident se donne de réguler celui-ci » : J. PERRIAULT, « Espaces publics d’accès au numérique et développement local », [in] La "Société de l’Information", Entre mythes et réalités,

M. MATHIEN (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 228.

Le terme de « fossé numérique » peut également être employé : C. RIZZA, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », [in] Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 33.

861 Selon D. BOULLIER, ce terme, politique initialement, a évolué jusqu’à devenir un véritable objet sociologique à part entière : « La fracture numérique est un message politique, lancé par Al Gore en 1995, mais il devient

aussitôt un concept sociologique, quand bien même des travaux sur les inégalités d’accès au numérique (qu’on appelait NTIC à l’époque) avaient été déjà réalisées bien avant, depuis les débuts de la micro informatique (et du Minitel en France) » : D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, p. 118. Le même auteur note que « la traduction correcte sociologiquement de fracture numérique » est « fracture de classe », bien que pouvant être « contestée par une "fracture genrée" par exemple » : Ibid., p. 123.

862 L’auteur a bien synthétisé la problématique, car « les mesures d’une fracture territoriale dépendent largement

des référents techniques que l’on choisit et du niveau d’exigence de qualité, ce qui rend ces choix eux-mêmes politiques : pour le même investissement, on peut choisir entre équiper tout le monde d’une technologie un peu moins performante ou se concentrer sur un équipement d’excellence qui sera progressivement installé mais différé dans le temps et selon les zones » : D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, p. 121.

863 Ainsi, « les "zones blanches" (zones de non-réception) de la téléphonie mobile appellent des solutions

techniques coûteuses parfois mais supposent des choix politiques qui ne peuvent dépendre seulement des lois supposées du marché » : D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, p. 121.

864 Conseil économique et social, Entreprises et simplifications administratives, Avis présenté par Mme Anne Duthilleul, 2005, p. 20.

865 « En effet, si l’on prend comme critère la connexion à Internet sur ordinateurs, les retards des pays moins

développés sont patents. Mais si l’on adopte le critère de leur connexion via mobile puisque les smartphones donnent accès désormais à Internet, les hiérarchies sont très différentes » : D. BOULLIER, Sociologie du

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Enfin, la fracture numérique peut recouvrir des disparités d’usage866 ou encore de « savoir-faire »867. Ainsi, l’accès au numérique ne peut se concevoir uniquement comme un accès à des équipements868. L’accès à l’information et au savoir est conditionné à de nouvelles connaissances, qui présupposent de savoir manier les nouveaux outils technologiques. Or, « il

n’est pas aisé de se servir d’Internet pour accéder au savoir »869. De plus, une « fracture

générationnelle »870 peut exister entre les générations qui sont nées lorsque les NTIC existaient et celles qui ont vu leur arrivée progressive871.

L’usage des NTIC et particulièrement d’Internet implique des compétences aussi bien techniques, cognitives872, métacognitives que culturelles873 puisqu’il s’agira de s’approprier de nouveaux outils, une nouvelle manière de penser dans le cadre d’un nouvel univers. Ainsi, D. BOULLIER qualifie le numérique de « technologie cognitive »874. Par exemple, ces présupposées connaissances exigent de savoir utiliser un moteur de recherche, de rechercher de l’information, mais aussi de la trier. Le cas du développement par les administrations de guichets uniques en ligne a pu avoir pour effet de complexifier l’accès à ces services, quand le seul canal utilisé était le canal électronique875.

Des sociologues se sont penchés sur la notion de « paradigme des usages »876 des NTIC, qui repose « sur une conception du sujet explorant ses identités dans des "manières de faire" et

866 Différentes générations s’opposent, la « génération Internet » étant la plus performante s’agissant de l’appropriation des outils technologiques existants : C. RIZZA, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », [in] Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, pp. 33-49.

867 Cette notion recouvrirait en réalité de multiples inégalités : « la notion de fracture numérique est utilisée pour

décrire du point de vue des utilisateurs ordinaires ou du public, les inégalités d’accès aux réseaux, les inégalités d’équipements, de pratiques ou de savoir-faire » : D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, p. 123.

868 « Rien ne sert d’avoir un ordinateur si on ne sait pas comment s’en servir et quelles sont les possibilités qu’il

nous offre » : É. BOUSTOULLER, L’atout numérique, Jean-Claude Lattès, 2012, p. 68.

869 J. PERRIAULT, L’accès au savoir en ligne, Odile Jacob, novembre 2002, p. 171.

870 D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, pp.126-127.

871 Cette généralité peut évidemment être contestée, car tous les individus sont différents, et tous n’ont pas forcément de difficulté à intégrer de nouvelles technologies. Il n’en demeure pas moins la nécessité pour ces personnes de se former et d’apprendre, ce qui requiert en tout état de cause des compétences spécifiques, et notamment une capacité d’adaptation au changement.

872 T. VEDEL, « Les usages politiques de l’Internet », Regards sur l’actualité, n° 327, janvier 2007, p. 26.

873 J. PERRIAULT, L’accès au savoir en ligne, Odile Jacob, novembre 2002, pp. 171-205.

874 D. BOULLIER, Sociologie du numérique, Armand Colin, 2016, pp. 131-169.

875 Dès lors, « l’expansion croissante des « outils électroniques » pose à nouveau l’importante question de la

manière de traiter les problèmes de "fracture numérique", certaines entreprises (par exemple les PME) et certains citoyens éprouvant des difficultés pour l’accès aux services administratifs électroniques » : OCDE, Éliminer la paperasserie, La simplification administrative dans les pays de l’OCDE, 2003, p. 10.

876 Le présupposé le plus important de ce paradigme est le fait que les individus sont considérés comme proactifs, et non passifs, en mesure de s’interroger et de comprendre les évènements. Ainsi, « ce "paradigme des usages" part

d’une conception de l’activité portée par des acteurs compétents et dotés d’aptitudes interprétatives. En cela, il rompt avec l’idée de l’incompétence pratique d’utilisateurs aisément "manipulés" par les médias ou les technologies de la communication. […] Loin d’être vus comme "aliénés", "dominés", les usagers sont alors

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capable de "s’approprier" les technologies dont il fait usage »877. Cette conception est critiquée à plusieurs titres par O. VOIROL. Il apparaît que ce paradigme des usages ne prend pas en considération la « vulnérabilité »878 des individus, ce qui a pour conséquence « le fait de se

conformer à une idée du sujet compétent largement partagée par les fournisseurs de technologies »879. Le présupposé d’un individu compétent, capable de comprendre les produits et services qui lui sont proposés, amène les fournisseurs de service à mettre à sa disposition des produits et services qui ne sont pas, en réalité, si faciles d’accès, et ce, afin de faire des économies en termes de main-d’œuvre et de frais de fonctionnement880.

De plus, ce paradigme oublie la « contrainte technique » à laquelle sont confrontés les individus, comme l’expriment bien « ces dispositifs "orientés usagers" […] qui en appellent

explicitement aux compétences techniques des usagers pour les faire "participer" à l’élaboration d’un service ou d’un produit y compris contre leur gré »881. La conception d’un individu « ordinaire » sachant se servir des NTIC permet donc de faire des économies, cette conception ayant comme double effet pervers d’isoler certains individus, mais également de les stigmatiser, puisque ces derniers ne seraient pas en mesure de s’adapter aux technologies. La capacité à se saisir des nouveaux usages et des nouveaux savoirs amène à considérer que la

considérés comme des êtres capables d’activités, d’interprétations, de détournements, voire de jugements critiques » : O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages,

J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 135.

877 O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL,

F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 141.

878 « Or cette conception du sujet est bien en peine de penser les bredouillements, les incompétences pratiques et

les ruptures individuelles ; elle fait l’impasse sur la question de la brisure, de la fragmentation, de la "fatigue d’être soi", en un mot, elle procède d’un oubli de la vulnérabilité des sujets » : O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère

numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 141.

712 O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL,

F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 142.

880 « On ne compte plus les plateformes technologiques qui sont "orientées usagers" et reconfigurées au fil des

usages pratiques. Ce qui est explicitement exigé dans l’usage même de ces technologies contemporaines est une composante d’usage, non pas en vertu d’une "éthique de l’appropriation", mais d’une stratégie capitaliste de réduction des coûts de main d’œuvre et de fonctionnement par le report d’activités sur les utilisateurs. Bon nombre de services technologiques présupposent ainsi de la part des utilisateurs certaines compétences techniques qu’ils sont parfois bien en peine de posséder (installation du dispositif, mise à jour des programmes, remplacement des pièces, etc. » : O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages,

J. DENOUËL, F. GRANJON (dir.), Presses des Mines, 2011, p. 142.

881 O. VOIROL, « L’intersubjectivation technique : de l’usage à l’adresse. Pour une théorie critique de la culture numérique », [in] Communiquer à l’ère numérique : regards croisés sur la sociologie des usages, J. DENOUËL,

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fracture numérique est en réalité une fracture « éducative »882 où deux catégories sociales s’opposent désormais : les « inforiches »883 et les « infopauvres »884.

On observe dès lors que le numérique peut entraîner une exclusion d’une partie de la population. À cet égard, le terme de « fracture numérique » a peu à peu laissé place au terme d’« exclusion numérique », son pendant étant l’« inclusion numérique » ou l’« e-inclusion »885. L’expression « fracture numérique » a été considérée comme réductrice et insuffisante pour exprimer les inégalités issues du numérique886, d’autant que la question de l’accès, notamment au haut débit, ne serait plus que résiduelle887. Aussi, l’inclusion numérique désigne la « capacité

à fonctionner comme un citoyen actif et autonome dans la société telle qu’elle est. Il n’y a pas une "e‐inclusion" d’un côté et une "inclusion" de l’autre : les deux se confondent »888. Dans cette conception, le numérique permet à l’individu de s’épanouir et de s’intégrer. Selon le Conseil national du numérique (CNN), « L’e‐inclusion relève donc à la fois d’un principe de

justice sociale et d’un souci d’efficacité économique »889, et l’individu doit être en mesure de « monter dans l’ascenseur social numérique »890.

La « littératie », définie par l’OCDE comme l’« Aptitude à comprendre et à utiliser

l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue

882 C. RIZZA, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », [in] Critique de la société de

l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 45.

883 Ces « inforiches […] ont accès aux TIC et ont les connaissances requises pour les utiliser et en recevoir les

messages, et […] peuvent donc communiquer avec le reste du monde et agir en son sein » : C. RIZZA, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », [in] Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 46.

884 Ces « infopauvres […] n’ont pas accès aux TIC et à Internet, […] ne savent pas les utiliser et […] ne peuvent

donc pas agir dans un monde désormais régi par l’information » C. RIZZA, « La fracture numérique, paradoxe de la génération Internet », [in] Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 46.

885 Le Conseil National du Numérique définit l’e-inclusion comme « l’inclusion sociale dans une société et une

économie où le numérique joue un rôle essentiel » : Conseil national du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre

déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’Innovation et de l’Économie numérique, octobre 2013, p. 15.

886 Conseil National du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une

nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises,

de l’Innovation et de l’Économie numérique, octobre 2013, p. 14.

887 Conseil National du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une

nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises,

de l’Innovation et de l’Économie numérique, octobre 2013, p. 13.

888 Conseil National du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une

nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises,

de l’Innovation et de l’Économie numérique, octobre 2013, p. 15.

889 Conseil National du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une

nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises,

de l’Innovation et de l’Économie numérique, octobre 2013, p. 17.

890 Conseil National du Numérique, Citoyens d’une société numérique, Accès, littératie, pouvoir d’agir : pour une

nouvelle politique d’inclusion, Rapport remis à la Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises,

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d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités »891, doit être améliorée pour permettre l’e-inclusion des individus dans une société donnée. L’enjeu de l’accès à la culture et à la connaissance par les individus892 est primordial pour envisager un accès pour tous au droit.

Il apparaît que la fracture numérique recouvre diverses questions, dont des inégalités numériques matérielles, mais également cognitives, culturelles et sociales. Ajoutons que cette fracture « ne recouvre pas seulement l’exclusion, le non-usage ou la pratique indigente, mais

étend certainement son spectre jusqu’à la "mal-inclusion" »893. La fracture numérique doit

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