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L'accès au droit dans la société de l'information

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-03200557

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03200557

Submitted on 16 Apr 2021

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Nevine Lahlou

To cite this version:

Nevine Lahlou. L’accès au droit dans la société de l’information. Droit. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2020. Français. �NNT : 2020PA01D040�. �tel-03200557�

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L’ACCÈS AU DROIT DANS LA SOCIÉTÉ DE

L’INFORMATION

Thèse

Pour l’obtention du titre de Docteur en Droit public

Par Névine LAHLOU

Sous la direction de William GILLES

Devant le jury composé de :

Pierre BOURDON, Professeur, Université de Cergy-Pontoise, Rapporteur ;

Pietro FALLETTA, Professore associato abilitato, Professore, Libéra Università

Internazionale degli Studi Sociali (LUISS) (Italie), Rapporteur ;

William GILLES, Maître de conférences HDR, Université Paris 1, Panthéon

Sorbonne, Directeur de thèse ;

Jean LESSI, Maître des requêtes au Conseil d’État, ancien Secrétaire général de

la CNIL ;

Dominique ROUSSEAU, Professeur émérite, Université Paris 1, Panthéon

Sorbonne.

École doctorale de droit de la Sorbonne (ED 565) Laboratoire de rattachement : IRJS

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AVERTISSEMENT

L’université n’entend donner aucune approbation aux opinions émises dans les développements qui suivent, et elles doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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REMERCIEMENTS

Je souhaite tout d’abord remercier mon directeur de thèse, William GILLES, pour son écoute et ses conseils avisés tout au long de ces années de recherche.

Je remercie ensuite les membres de mon jury de thèse, pour m’avoir fait l’honneur d’accepter d’en faire partie.

Mes remerciements sont, par ailleurs, adressés à toutes les personnes qui ont accepté de me rencontrer et d’échanger avec moi dans le cadre de cette thèse. Je remercie à cet égard EDUCALOI de m’avoir permis d’accéder à sa bibliothèque numérique.

Mes remerciements sont plus largement adressés à ma famille, mes amis et à mes collègues.

Je souhaite en particulier remercier les personnes suivantes.

Laëtitia TAZIAUX et Joana NEVES DA FONSECA pour leur relecture attentive et leur soutien indispensable.

Mes amis docteurs et doctorants, et en particulier Vincent LEMAIRE pour son aide. Sabra GHAYOUR, Alexa CHAPOTEL et tous les bénévoles de l’AVIJED qui ont vogué avec moi dans cette passionnante aventure associative.

Paule-Marie SAWICKI-BETITO et Thomas SAINT-AUBIN pour m’avoir donné le goût de l’accès au droit.

Philippe FUSARO, Christophe BACONNIER et Nicole FERNBACH pour leur bienveillance à mon égard.

Mes parents pour leur soutien dans ce long périple que fut la thèse.

Tony LUYE, mon partenaire, sans qui rien n’aurait été possible. Ces quelques lignes ne seront jamais à la hauteur du rôle que tu as joué à mes côtés ces dernières années.

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RÉSUMÉ DE LA THÈSE

Ces travaux ont pour objet l’étude de l’accès au droit impacté par les nouvelles technologies. Il s’agira d’étudier la composition classique de l’accès au droit, au travers de ses fondements juridiques et de différents phénomènes, historiques comme sociologiques. L’objectif sera ensuite d’observer les évolutions de cet accès, confronté au numérique. De nouveaux droits, mais aussi de nouveaux risques, ont modifié l’accès au droit en profondeur, que ce soit dans la manière de rechercher de l’information, comme de la concevoir. Ces différentes observations auront pour intérêt de déterminer les forces et faiblesses de l’accès au droit en France, au travers d’un état des lieux des pratiques et théories existantes sur le sujet. Il sera envisagé dans ce cadre des nouvelles méthodologies et des propositions d’évolution de l’accès au droit, afin de le renforcer et de le pérenniser.

SUMMARY

The purpose of this work is to study access to law as impacted by new technologies. It will first be a matter of studying the classical composition of access to law, through its legal foundations and different phenomena, both historical and sociological. The objective will then be to observe the evolution of this access when confronted to the digital world. New rights, but also new risks, have profoundly changed access to the law, both in how information is sought and how it is understood. These various observations will wield a better understanding of the strengths and weaknesses of access to law in France, namely through an inventory of existing practices and theories on the subject. In this context, new methodologies and proposals for the further development of access to the law will be considered, with the view of strengthening and perpetuating it.

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MOTS-CLÉS – KEYWORDS

accès à la justice ; accès à l’information ; accès aux données ; accessibilité ; administration ; aide à l’accès au droit ; bien commun numérique ; codification ; communication ; Conseil constitutionnel ; démocratie ; données publiques ; droit à la connaissance ; droit à l’information ; droit au droit ; droit de comprendre ; droit de savoir ; éducation au droit ; égalité ; État de droit ; exigence d’accessibilité et d’intelligibilité du droit ; gouvernement ouvert ; inégalité ; inflation ; interdisciplinarité ; intelligibilité ; langage clair ; légistique ; liberté d’accéder à Internet ; liberté d’expression ; lisibilité ; normalisation ; NTIC ; nul n’est censé ignorer la loi ; objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; ouverture des données ; pétition ; parlement ouvert ; phénomènes sociaux ; pluridisciplinarité ; prévisibilité ; procédures ; publication ; qualité du droit ; réutilisation des données ; sécurité juridique ; service public ; simplification du droit ; usager ; vulgarisation.

access to justice; access to information; access to data; accessibility; administration ; assistance with access to law; codification ; communication ; Constitutional Council ; democracy ; digital common good; equality; freedom of expression ; freedom to access the Internet; readability; inequality; inflation ; intelligibility; interdisciplinarity; law education; legalistic; legal security ; NICT; Nobody is supposed to ignore the law ; objective of constitutional value of accessibility and intelligibility of law; Open government; Open parliament; Open data ; multidisciplinarity; petition; plain language ; popularization; predictability; procedures; publication ; public service ; public data ; quality of law; requirement of accessibility and intelligibility of the law; reuse of data; right to knowledge; right to information; right to right; right to understand; right to know; Rule of law; simplification of law; social phenomenon; standardization ; user.

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ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

ADAE Agence pour le développement de l’administration électronique

ADELE Administration Électronique aff. affaire

AIOA Accueil, information, orientation, et accompagnement AJDA Actualité juridique de droit administratif

AJDI L'actualité juridique droit immobilier

alii.

ANLCI

Autre

Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme

AVIJED Association pour la vulgarisation de l’information juridique et l’éducation au droit

CA Cour d’appel

CAA Cour administrative d’appel

CADA Commission d’accès aux documents administratifs CARPA Caisse des règlements pécuniaires des avocats

C.C. Conseil constitutionnel C. Cass. Cour de cassation

CDAD Conseil départemental de l’accès au droit CDAJ Conseil départemental de l’aide juridique

CE Conseil d’État

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CES Conseil économique, social et environnemental

CESDH Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Cf. confer

CGLPL Contrôleur général des lieux de privation de liberté Ch. Chambre

civ. civile

CFE Centre de formalités des entreprises CJUE Cour de justice de l’Union européenne

CJCE Cour de justice de la Communauté européenne CNB Conseil national des barreaux

CNIL Commission nationale de l’informatique et des libertés CNN Conseil national du numérique

CODEOME Code d’éthique et de déontologie des Médiateurs coll. collection

Cons. Considérant

COSA Commission pour les simplifications administratives COSLA Comité d’Orientation pour la Simplification du

Langage Administratif

CRPA Code des relations entre le public et l’administration DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

DH. Recueil hebdomadaire de jurisprudence Dalloz.

dir. directeur

DGME Direction générale de la modernisation de l’État DILA Direction de l’information légale et administrative DINUM Direction interministérielle du numérique

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DUE Déclaration unique à l’embauche

DUSA Délégation aux usagers et aux simplifications administratives

EMMAD Espace Municipal de Médiation et d’Accès au Droit FALC Français facile à lire et à comprendre

Gaz. Pal. Gazette du Palais

HTML

Ibid.

HyperText Markup Language Au même endroit

JCP G. La Semaine juridique Générale JO Journal officiel

LARA Logiciel d’aide à la rédaction administrative LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence MARC Modes alternatifs de règlement des conflits

MJD Maison de justice et du droit MNE Médiateur national de l’énergie

MONA LISA Montage Assisté en Ligne Structuré et Automatisé MOOC Massive open online course

n° numéro

NTIC Nouvelles technologies de l’information et de la communication

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économique

ODENORE Observatoire des non-recours aux droits et services

op. cit. Opus citatum

PAD Point d’accès au droit

PAGSI Programme d’action gouvernemental pour la société de l’information

PDF Portable Document Format

PGO Partenariat pour un gouvernement ouvert QPC Question prioritaire de constitutionnalité

RCADI Recueil des cours de l’Académie de Droit international de La Haye

RDSS Revue de Droit Sanitaire et Social

RGAA Référentiel Général d’Accessibilité pour les

Administrations réed. réédition

RE/SO Pour une République numérique dans la Société de l’information

RFDA Revue française de droit administratif

RGPD Règlement général sur la protection des données RIN Règlement intérieur national de la profession d’avocat RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

SADJAV Service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes

SGG Secrétariat général du gouvernement

SGMAP Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique

spé. spécialement

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SOLON Système d’organisation en ligne des opérations normatives

TFUE Traité de fonctionnement de l’Union européenne TICE Technologies de l’Information et de la Communication

pour l’Éducation UE Union européenne

URL Uniform Resource Locator

VIJ Vulgarisation de l’information juridique W3C World Wide Web

WAI Web accessibility initiative XML Extensible Markup Language

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SOMMAIRE

Introduction générale

Partie I : La consistance de l’accès au droit dans la société de l’information

Titre 1 : La notion classique de l’accès au droit

Chapitre 1 : L’accès au droit, une exigence intrinsèquement liée à l’état de droit Chapitre 2 : L’accès au droit, une conception perfectible inhérente à l’état de droit

Titre 2 : L’évolution de la notion classique de l’accès au droit

Chapitre 1 : L’accès au droit impacté par le développement de la société de l’information Chapitre 2 : L’accès au droit conçu à travers le prisme de l’accès à l’information et aux données

Partie II: L’affirmation de l’accès au droit dans la société de l’information

Titre 1 : L’émergence d’un droit au droit dans la société de l’information

Chapitre 1 : Le droit au droit, intégration de besoins individuels et collectifs en matière d’accès intellectuel au droit

Chapitre 2 : Le droit au droit, intégration de méthodologies favorisant l’accès intellectuel au droit

Titre 2 : La possible reconnaissance du droit au droit dans la société de l’information Chapitre 1 : L’éventualité d’une reconnaissance prétorienne du droit au droit Chapitre 2 : L’éventualité d’une consécration « pointilliste » du droit au droit

Conclusion Annexe Bibliographie

Table de législation et de jurisprudence Index thématique

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« Aucune organisation administrative, aucune

évolution technologique ne peut être défendue si elle ne va pas dans le sens de l’amélioration des droits, pour tous et pour toutes ».

Défenseur des droits, Dématérialisation et

inégalités d’accès aux services publics, 2019, p. 4

« Il est certains esprits dont les sombres pensées

Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. Selon que notre idée est plus ou moins obscure, L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément […] ».

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Comme l’a exprimé HOBBES, la « clarté ne consiste pas tant dans les mots de la loi en

eux-mêmes, comme dans l’énoncé des causes et des motifs pour lesquels elle a été faite »1. La clarté a une autre dimension que les simples mots de la loi. Dans le cadre de l’accès au droit, cet énoncé prend une nouvelle dimension : de l’énoncé de la règle de droit à sa réception, deux facettes distinctes doivent être prises en compte. D’une part, les rédacteurs de la norme doivent maîtriser pleinement l’art de rédiger, et d’autre part ils ne doivent pas rédiger uniquement pour eux-mêmes, mais prendre en compte les destinataires éventuels de la norme. La clarté et la précision nécessaires à toute rédaction doivent se coupler avec des exigences liées à l’accessibilité effective du droit.

La crise sanitaire exceptionnelle de la COVID-19 et l’état de paralysie qu’elle a engendrée sur l’ensemble du monde permettent de faire ressortir, à grands traits, les difficultés qui peuvent s’exprimer pour accéder au droit et leurs conséquences sur les individus. Le décret n° 2020-260 du 16 mars 20202 est certainement l’un des décrets qui a été le plus lu et repris

durant le mois de mars 2020 en France. Or, sa lecture a amené à des incertitudes pour la population française.

L’article 1er de ce décret a pu susciter des interrogations, s’agissant de la possibilité

d’effectuer des déplacements dérogatoires sous condition. Le point 5° de cet article, qui permettait de manière dérogatoire les « Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à

l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie », a amené des questionnements légitimes

et des incertitudes relatifs à l’interprétation de ces dispositions3. Il est concevable d’envisager que de telles incertitudes ont été la source de comportements individuels divers, concernant par exemple la compréhension des termes « déplacements brefs »4 et « proximité du domicile »5.

1 HOBBES, Léviathan, Gallimard, 2000, p. 510.

2 Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la

propagation du virus COVID-19.

3 Par exemple, il était possible de s’interroger sur la signification des termes « déplacements brefs, à proximité du

domicile ».

4 Cette notion de brièveté, qui posait une limitation temporelle à la dérogation, pouvait s’entendre différemment

en fonction des individus. Par exemple, elle pouvait se comprendre comme cinq minutes, une demi-heure, une heure, deux heures, etc.

5 Cette notion de proximité, qui posait une limitation géographique à la dérogation, était également sujette à débat.

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Le Conseil d’État, statuant en urgence, a par conséquent considéré, le 22 mars 2020, que « La portée du 5° du même article qui permet les "déplacements brefs, à proximité du domicile,

liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie" apparait trop large, notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le "jogging" »6. Il a aussi été relevé que « les échanges ayant eu lieu au cours de l’audience font apparaitre l’ambiguïté de

la portée de certaines dispositions, au regard en particulier de la teneur des messages d’alerte diffusés à la population »7. Il a été enjoint au Premier ministre et au ministre de la Santé, de

« réexaminer le maintien de la dérogation pour "déplacements brefs, à proximité du domicile" compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement »8, ce qui a été fait dans le cadre d’un décret du 23 mars 20209.

Un autre exemple issu de cette crise sanitaire majeure permet d’apprécier la pertinence de se questionner sur l’accessibilité du droit. L’obligation de se munir d’une attestation de déplacement dérogatoire, reprenant les exceptions mentionnées par le décret précité pour se déplacer, a suscité de fortes inquiétudes. Cette attestation, obligatoire à compter du 17 mars 2020 pour une durée de 15 jours, pouvait être imprimée ou recopiée sur papier libre. Or, une partie de la population n’a pas accès à Internet, ne possède pas de téléphone portable, à des difficultés pour écrire, etc. Certaines populations fragilisées, comme les personnes âgées, ont pu compter sur la solidarité collective pour obtenir de tels formulaires, notamment en version papier. Ces exemples permettent de s’interroger sur ce qu’est un réel accès au droit.

En effet, que signifie « accéder au droit », et qui est concerné ? Que permet cet accès et est-il la garantie de la réception puis de l’exercice des droits ? La vitalité de ces questions se pose dans le cadre d’un travail de recherche portant sur l’accès au droit. Accéder aux règles de droit, être en mesure de s’en saisir et de les comprendre peut être considéré comme un prérequis pour tout « individu » considéré comme un « sujet » dans un « État de droit ». Comment se considérer comme faisant partie d’un tout, c’est-à-dire d’une « société » possédant des règles contraignantes et non contraignantes, lorsque l’on ignore ou que l’on comprend mal les règles

6 CE, 22 mars 2020, n° 439674, §12. 7 CE, 22 mars 2020, n° 439674, §10.

8 CE, 22 mars 2020, n° 439674, §17 et dispositif.

9 Des précisions ont été apportées. Étaient possibles de manière dérogatoire les « Déplacements brefs, dans la

limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ». Cf. Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales

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qui s’appliquent à soi-même ? Ajoutons à ces interrogations le fait que certaines populations cumulent des facteurs de marginalisation (liés à leur âge, leur situation économique, sociale, etc.), qui rendent d’autant plus difficile cet accès.

Ces questionnements classiques s’agissant de la question de l’accès au droit trouvent un regain d’intérêt avec le recours aux Nouvelles technologies de l’information et de la communication (« NTIC »)10. Ces dernières ont modifié les rapports entre les individus, à tel

point que leur développement a été caractérisé de « révolution »11 pour l’Homme12. Cependant,

les effets des NTIC ont amené la création d’une nouvelle « utopie » du bonheur, en accentuant leurs vertus présupposées13. Dans ce cadre, le numérique, et la technologie de manière plus générale peuvent être conçus comme une forme de « solutionnisme »14, susceptible de résoudre les plus grands défis de ce monde. Une telle vision se doit d’être nuancée. Les NTIC présentent des avantages, mais aussi des inconvénients. Il ne faut pas, pour autant, verser dans un pessimisme excessif, en s’attardant uniquement sur les dangers et les risques issus de la technologie. Bien au contraire, c’est une vision tout en nuance qu’il convient d’adopter. La crise causée par la COVID-19 aura démontré l’impact des NTIC, que ce soit pour supporter le

10 Ces technologies comprennent notamment Internet, qui peut être défini sur le « plan technique » comme « un

ensemble d’infrastructures permettant l’échange d’informations entre ordinateurs – qu’il s’agisse d’ordinateurs personnels, de téléphones, de tablettes ou toute autre machine connectée » : J.-S. BEUSCART, É. DAGIRAL,

S. PARASIE, Sociologie d’internet, Armand Colin, 2016, p. 13.

11 Le numérique est souvent comparé à une vraie révolution et les ouvrages le revendiquant sont légion. Cf. à titre

d’exemple cette citation de B. STIEGLER : « Il est à présent largement admis que le numérique constitue une

mutation épistémique et archioviologique majeure – aux sens que Foucault accordait au mot épistémè et Derrida au mot archiviologie-, une mutation d’une ampleur comparable à la révolution de l’imprimerie […] voire même, comparable à l’apparition de l’écriture alphabétique, comme l’affirmaient déjà Simon Nora et Alain Minc en 1978 dans L’informatisation de la société » : B. STIEGLER, « Pharmacologie de l’épistémè numérique », [in] Digital

Studies, B. STIEGLER (dir.), FYP, 2014, p. 14.

12 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001, pp. 53-108. Cf. également É. GEORGE, « Analyse des

discours sur la "société de l’information" », [in] La démocratie à l’épreuve de la société numérique, A. DAHMANI,

J. DO-NASCIMENTO, J.-M. LEDJOU, J.-J. GABAS (dir.), GEMDEV-KARTHALA, 2007, p. 13.

Cette « révolution » bouleverse en conséquence « des pans entiers du droit » : J. BONNET, P. TÜRK, « Le numérique : un défi pour le droit constitutionnel », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 57, oct. 2017, p. 14.

13 Les NTIC seraient ainsi « apparues comme relevant d’une idéologie rassembleuse, en accentuant le mythe d’un

"bonheur pour tous" transcendant l’histoire et la culture spécifiques des peuples et nations du monde » :

M. MATHIEN, « Questionner "la société de l’information". Espace de partage ou de domination ? », [in] La

« Société de l’Information », entre mythes et réalités, M. MATHIEN (dir.), Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 9. Remarquons par ailleurs que les apports des NTIC ont été fortement critiqués, notamment par certains sociologues, à l’instar de F. GRANJON, qui qualifie d’« idéologie » la société de l’information et évoque la « religion du

progrès technique » dans ses travaux. Cf. F. GRANJON, Reconnaissance et usages d’Internet, Presses des Mines, 2012, pp. 36-37.

14 Ce « solutionnisme » peut être défini comme le « Courant de pensée originaire de la Silicon Valley qui souligne

la capacité des nouvelles technologies à résoudre les grands problèmes du monde, comme la maladie, la pollution, la faim ou la criminalité » : F.LAUGÉE,« Solutionnisme », La revue européenne des médias et du numérique, n° 33, hiver 2014-2015 [https://la-rem.eu/2015/04/solutionnisme/].

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quotidien du confinement, comme pour accéder à l’information et au droit. Elle aura également démontré ses limites.

La particularité de ce « nouveau monde »15 qualifié de « société de l’information »16 est

d’être une société en « réseaux »17. Ces derniers sont indispensables à la « société de

l’information ». M. CASTELLS définit le terme de « réseau » comme « un ensemble de nœuds interconnectés »18. Cette interconnexion suppose un accroissement de l’information en

circulation19. Ces réseaux sont en effet « des structures ouvertes, susceptibles de s’étendre à

l’infini »20. L’information est le matériau, mais également la raison d’être de ces « réseaux ».

Un nouveau paradoxe est apparu, qualifié de « paradigme de la technologie de

l’information »21, où l’information en tant que telle est mise au cœur de l’équation22. Dans ce

nouveau modèle, « l’information forme sa matière première : il s’agit de technologies qui

agissent sur l’information »23. On comprend que l’appréhension de ce que recouvre

15 Ce terme est utopiste, mais renvoie néanmoins à l’idée de changements induits par les NTIC.

16 Ce terme est très critiqué, notamment en raison de son « empreinte néo-libérale ». Cf. sur le sujet :

J.-P. LAFRANCE, « Présentation générale. Pour une approche critique de la société de l’information », [in] Critique

de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, pp. 11-12 ; É. GEORGE, « Analyse des discours sur la "société de l’information", [in] La démocratie à l’épreuve de la société numérique, A. DAHMANI, J. DO

-NASCIMENTO, J.-M. LEDJOU, J.-J. GABAS (dir.), GEMDEV-KARTHALA, 2007, p. 22 ; O. LE DEUFF, La

formation aux cultures numériques : une nouvelle pédagogie pour une culture de l’information à l’heure du numérique, FYP, 2011, p. 48.

D’autres termes ont pu être utilisés, moins représentatifs de cette « empreinte néo-libérale ». Ainsi, « les

Anglosaxons emploient souvent le terme de" société du savoir" (Knowledge Society), tandis que l’Unesco préfère généralement celui de "société de la connaissance" » : J.-P. LAFRANCE, « Présentation générale. Pour une

approche critique de la société de l’information », [in] Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 13.

17 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001. 18 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001, p. 576.

19 L’information circulait bien avant l’avènement des NTIC, mais « l’irruption de la société de l’information a eu

un impact considérable dans l’échange d’informations en créant un effet démultiplicateur en la matière » :

W. GILLES, « Le renouveau du droit à l’information à l’ère du numérique : entre obligation de publication de

l’administration et affirmation du droit d’accès du citoyen », Revue internationale de Droit des données et du

Numérique, IMODEV, volume 2, 2016, p. 1.

20 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001, p. 576. 21 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001, p. 100.

22 « Selon les moments, les termes mis en avant – "village global", "société câblée", "informatisation de la société",

"autoroutes de l’information" et donc "société de l’information" - ont changé, mais ont toujours dépeint une société caractérisée par la multiplication des échanges d’informations dans un contexte de développement accéléré des dispositifs techniques communicationnels » : É. GEORGE, « Analyse des discours sur la "société de l’information" », [in] La démocratie à l’épreuve de la société numérique, A. DAHMANI, J. DO-NASCIMENTO, J.-M. LEDJOU, J.-J. GABAS (dir.), GEMDEV-KARTHALA, 2007, p. 13.

23 M. CASTELLS, La société en réseaux, Fayard, 2001, p. 101. L’auteur constate également d’autres aspects dans

le cadre de ce paradigme qui sont « l’omniprésence des effets des nouvelles technologies », « la logique en réseau

de tout système ou groupe de relations utilisant ces nouvelles technologies de l’information », « la souplesse » de

ce nouveau système et « la convergence croissante de technologies particulières au sein d’un système hautement

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l’« information » est primordiale dans ce travail de recherche. Accéder au droit, c’est aussi accéder à de l’information de nature juridique.

Mais que recouvre ce terme d’« information » dans cette société particulière ? Le mot « information » en lui-même est un mot-valise24 qui peut avoir des sens multiples. L’étymologie

la plus ancienne du mot informer signifie « donner une forme »25. La deuxième étymologie du

mot « informer » signifie « instruire » et provient du latin « informare »26. Ainsi, l’information

peut être un vecteur de formation, d’instruction, d’apprentissage. Le « média » qui véhicule cette information à un rôle particulier à jouer, et peut modifier cette information, l’amplifier ou encore la faire disparaître27. Dans le cadre de l’accès au droit, le recours à ce vecteur peut avoir des conséquences considérables pour les individus, mais aussi pour la société elle-même. S’intéresser au sujet de l’accès au droit dans la société de l’information amène par conséquent la mobilisation de notions multiples, aussi bien transversales que de droit comparé, tant elle interroge notre conception même de « société » ainsi que ses usages.

Il apparaît en particulier que cet accès est fortement lié à la mise en œuvre de la « démocratie » et aux concepts de droits et libertés attachés à chaque individu. Selon M. SAPIN, « L’accès à la connaissance du droit et de la règle est l’un des fondements de la

démocratie, au même titre que le droit de vote »28. Le « citoyen »29 doit être en mesure d’accéder à la règle de droit pour pouvoir exercer ses droits. Dans cette conception, accéder au droit permet de s’affirmer en tant que « citoyen ». Les conceptions de « droit » et « liberté » se juxtaposent. Ainsi, « La loi, "expression de la volonté générale" pour le droit français, constitue

une norme incontournable pour la mise en œuvre des principales libertés. Or, que devient la

24 J.-P. LAFRANCE, « Présentation générale. Pour une approche critique de la société de l’information », [in]

Critique de la société de l’information, J.-P. LAFRANCE (dir.), CNRS, 2010, p. 15.

25 J. DUBOIS, H. MITTERAND, A. DAUZAT, Dictionnaire d’étymologie, Larousse, 2001, p. 392.

« En effet, étymologiquement, information renvoie à l’idée de moule (forma) et donc à la possibilité d’une prise

de forme. À l’instar du potier qui donne forme à sa glaise, l’information constitue également une manière de transformer notamment l’esprit en produisant un état qui permet la production d’une connaissance » : O. LE DEUFF, La formation aux cultures numériques : une nouvelle pédagogie pour une culture de l’information à

l’heure du numérique, FYP, 2011, p. 28.

26 J. DUBOIS, H. MITTERAND, A. DAUZAT, Dictionnaire d’étymologie, Larousse, 2001, p. 392.

27 « Le média influe fortement sur le contenu, un même message n’a pas la même portée ni exactement la même

signification selon qu’il est transmis de manière écrite ou par mail » : O. LE DEUFF La formation aux cultures numériques : une nouvelle pédagogie pour une culture de l’information à l’heure du numérique, FYP, 2011, p. 30.

28 M. SAPIN, Discours à l’occasion de l’installation du groupe de travail interministériel sur la qualité de la

réglementation, mercredi 28 mars 2001 ; cité par J.-M. LARRALDE, « Intelligibilité de la loi et accès au droit », LPA, n° 231, 19 novembre 2002, p. 11.

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liberté si la règle qui la délimite et l’organise n’est pas prévisible et sûre parce que incompréhensible ? »30.

Accéder au droit est dès lors un prérequis dans toute société démocratique, afin de lutter contre les dérives, s’agissant en particulier de la lutte contre l’arbitraire31. L’opacité des règles

applicables est le creuset d’une société inégalitaire : ne pas connaître ses droits rend impossible de s’en prévaloir. Ignorer ses droits accroît les risques d’en être privé, par exemple dans l’hypothèse où un individu aurait besoin d’agir en justice. Analyser la conception de l’accès au

droit amène nécessairement à se questionner sur ces notions, ainsi que sur les destinataires de

cet accès : sont-ils uniquement les « citoyens » de l’État français ? Tous les individus peuvent-ils être concernés, et si non, quelles seraient les justifications de telles limitations ? Ces questionnements font écho au début de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et

du citoyen (DDHC) selon lequel « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Il convient de s’interroger sur ce que recouvre l’accès au droit. Véritable « arlésienne »32

du droit (Section 1), une étude doit être effectuée, notamment sur sa composition. Une démarche spécifique de recherche doit par ailleurs être adoptée pour le sujet particulier de l’accès au droit dans la société de l’information (Section 2).

Section 1 : L’accès au droit, une arlésienne du droit

L’accès au droit se perçoit bien, au regard de sa présence continue au sein de l’actualité (Paragraphe 1). Il n’en demeure pas moins que cet accès apparaît difficile à définir et à délimiter, ce qui confirme la qualification d’arlésienne du droit (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une « conception » perceptible

De nombreuses références, notamment d’actualité, font mention d’un certain accès au droit. Ces références multiples permettent de considérer que l’accès au droit a intégré le langage

30 J.-M. LARRALDE, « Intelligibilité de la loi et accès au droit », LPA, n° 231, 19 novembre 2002, p. 11.

31 « Que dans une démocratie la loi soit accessible et intelligible, ceci va de soi. Si l’on peut effectivement affirmer

que d’un point de vue politique la loi doit être accessible et intelligible, il s’agit là d’une affirmation qui se rattache de manière très générale à l’importance du concept politique de clarté de la loi. Dans ce sens, d’ailleurs, on peut valablement prétendre que la clarté implique l’intelligibilité et vice-versa. Comment pourrait-t-on concevoir un pouvoir qui tire sa légitimité du peuple, si les citoyens ne sont pas en mesure de connaître et de comprendre les lois ? Dans un système où les lois sont obscures, l’arbitraire, nul ne peut l’ignorer, peut devenir le mot d’ordre » :

P. RRAPI, L’accessibilité et l’intelligibilité de la loi en droit constitutionnel, Thèse, sous la direction d’A. ROUX, Université d’Aix-Marseille, Dalloz, 2014, p. 102.

32 On rapporte le terme d’« arlésienne » au fait de « ne pas se montrer (par allusion à l’opéra de Bizet, où le

personnage de l’Arlésienne n’apparaît jamais sur scène » : J. REY-DEBOVE, A. REY (dir.), Le Petit Robert de la

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23

commun, et amène à qualifier cet accès de « conception »33. Il convient de présenter quelques actions en faveur de l’accès au droit afin d’illustrer ces propos. L’objectif sera d’exposer la prégnance de la conception d’accès au droit, s’agissant de ses facettes les plus visibles et communément admises.

Par exemple, les avocats, qui sont fortement impliqués dans l’accès au droit et à la justice, « interviennent tout au long de l’année au sein des mairies d’arrondissements ou bien

encore lors des consultations gratuites au palais de justice et dans le Bus solidarité »34. Ces

interventions sont l’occasion d’informer les personnes sur leurs droits, parfois dans des domaines déterminés. Hormis ces actions régulières, les avocats interviennent aussi de manière plus ciblée. Par exemple, une rétrospective de septembre 2019, relative au programme « 365

dossiers – 365 avocats : agissons pour le droit des femmes »35, a rappelé que « la question de

l’accès au droit est plus que jamais une urgence »36. Ces deux organismes se sont « associés

pour permettre une assistance dans le parcours judiciaire des femmes »37 victimes de violence.

Les avocats ne sont pas les seuls professionnels du droit qui s’impliquent dans la question de l’accès au droit de manière quotidienne. Par exemple, les notaires sont aussi très engagés sur ce point38. De même, les « cliniques juridiques »39 ou « cliniques du droit »40, qui

permettent à des étudiants encadrés par des professionnels du droit d’étudier des dossiers concrets et d’apporter une information juridique appropriée à des individus, ont connu un développement fort dans le milieu universitaire41.

33 Il convient de souligner que la distinction entre les termes « notion » et « concept » est bien connue, et a fait

l’objet d’une réflexion préalable s’agissant du vocable utilisé dans le cadre de ce travail de recherche. En effet, « Dans le domaine particulier des sciences juridiques, la notion est la mise en œuvre normative d’un concept, son

existence en droit positif, dans un domaine juridique particulier ». Cette dichotomie pourrait servir de base à une

réflexion fondamentale entre les différences et les points communs qui existent entre ces deux termes, l’un ne pouvant se résumer à l’autre et inversement. Cependant, notre étude n’a pas pour objet d’établir une telle distinction. En fonction de nos développements, nous utiliserons le terme de « notion » ou de « conception », ce dernier étant un dérivé du mot « concept ». Cf. J.-P. DEROSIER,« Enquête sur la limite constitutionnelle : du concept à la notion », Revue française de droit constitutionnel, n° 76, 2008/4, p. 788.

34 D. IWEINS,« Justiciables, l’avocat est à votre service », Gaz. Pal., n° 290, 17 octobre 2015, p. 6. 35 Ce programme est mis en œuvre par le Barreau de Paris et la Fondation des femmes.

36 D. BAUER, « Le barreau de Paris et la Fondation des femmes s’engagent contre les violences conjugales », LPA,

n° 178-179, 5-6 septembre 2019, p. 8.

37 D. BAUER, « Le barreau de Paris et la Fondation des femmes s’engagent contre les violences conjugales », LPA,

n° 178-179, 5-6 septembre 2019, p. 8.

38 RÉDACTION LEXTENSO,« Bertrand Savouré, nouveau président de la chambre des notaires de Paris », Defrénois,

n° 23, 14 juin 2018, p. 15.

39 L. GUILLAUME, « Les cliniques juridiques et le renouveau du service public de la justice », LPA, n° 255,

22 décembre 2017, p. 7.

40C.DUPUY,« Les cliniques du droit séduisent la France », Droit et patrimoine, n° 267, 1er mars 2017, pp. 6-7. 41C.DUPUY,« Les cliniques du droit séduisent la France », Droit et patrimoine, n° 267, 1er mars 2017, pp. 6-7.

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Par ailleurs, que serait l’accès au droit sans l’implication des nombreuses associations, qui interviennent de manière bénévole ? Par exemple, l’association Droits d’urgence peut être citée, cette dernière ayant été créée pour lutter contre l’exclusion42. Nous précisons néanmoins

qu’il est impossible de rendre hommage à toutes les associations qui interviennent sur le « terrain » pour favoriser cet accès, au regard de leur diversité et de leur multiplicité. Leur combat est essentiel pour permettre l’accès aux droits, ainsi qu’au droit. Cet accès apparaît par conséquent fortement lié à la notion de « fraternité », et a fortiori de « solidarité ».

L’accès au droit comprend aussi une dimension institutionnelle, qui se traduit par une « politique publique partenariale, mise en œuvre au niveau central par le ministère de la

Justice […]. À l’échelon local, le pilote de l’accès au droit est le conseil départemental de l’accès au droit (CDAD), qui est un groupement d’intérêt public (GIP) présidé par un président de tribunal de grande instance »43. Chaque CDAD « coordonne des lieux d’accès au droit,

confidentiels, gratuits et anonymes : points et relais d’accès au droit (PAD/RAD), maisons de justice et du droit (MJD) »44. Ces lieux permettent aux individus de rencontrer des

professionnels, notamment du droit (avocats, notaires, juristes d’associations, etc.), et d’être informés sur leurs droits en fonction de leur situation.

La diversité d’acteurs impliqués dans le domaine de l’accès au droit fait de nouveau apparaître le caractère éminemment humain de l’accès au droit. Cette particularité est réaffirmée dans la société de l’information. Le numérique peut favoriser l’accès au droit, mais il peut aussi être « un frein pour les populations qui en sont le plus éloignées »45, ce qui interroge sur ses modalités d’utilisation. Comment concilier l’approche de « terrain » mise en œuvre par

42 D. CHEMLA, J.-L. BEDOS, « Pro bono : les exclus ont toujours besoin de nous », Gaz. Pal., n° 325-327,

23 novembre 2010, p. 12.

43 G. M. DES GROTTES, « Mélanie Belot, magistrat, chef du bureau de l’accès au droit et de la médiation au

ministère de la Justice : "En matière d’accès au droit, le numérique est important, mais le présentiel reste essentiel" », Wolters Kluwer, 28 mai 2019 [https://www.actualitesdudroit.fr/browse/vie-des-professions- juridiques-et-judiciaires/notaire/22020/melanie-belot-magistrat-chef-du-bureau-de-l-acces-au-droit-et-de-la- mediation-au-ministere-de-la-justice-en-matiere-d-acces-au-droit-le-numerique-est-important-mais-le-presentiel-reste-essentiel].

44 G. M. DES GROTTES, « Mélanie Belot, magistrat, chef du bureau de l’accès au droit et de la médiation au

ministère de la Justice : "En matière d’accès au droit, le numérique est important, mais le présentiel reste essentiel" », Wolters Kluwer, 28 mai 2019 [https://www.actualitesdudroit.fr/browse/vie-des-professions- juridiques-et-judiciaires/notaire/22020/melanie-belot-magistrat-chef-du-bureau-de-l-acces-au-droit-et-de-la- mediation-au-ministere-de-la-justice-en-matiere-d-acces-au-droit-le-numerique-est-important-mais-le-presentiel-reste-essentiel].

45 G. M. DES GROTTES, « Mélanie Belot, magistrat, chef du bureau de l’accès au droit et de la médiation au

ministère de la Justice : "En matière d’accès au droit, le numérique est important, mais le présentiel reste essentiel" », Wolters Kluwer, 28 mai 2019 [https://www.actualitesdudroit.fr/browse/vie-des-professions- juridiques-et-judiciaires/notaire/22020/melanie-belot-magistrat-chef-du-bureau-de-l-acces-au-droit-et-de-la- mediation-au-ministere-de-la-justice-en-matiere-d-acces-au-droit-le-numerique-est-important-mais-le-presentiel-reste-essentiel].

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divers organismes intervenant en faveur de l’accès au droit, avec l’émergence des NTIC ? Cela amène à se questionner sur la possibilité d’intégrer ces technologies pour favoriser l’accès au droit.

De nouveaux services ont émergé, certains étant à l’initiative de l’État, comme le site de diffusion du droit « Légifrance ». Ce portail permet à tout individu d’accéder à l’ensemble de la réglementation de manière consolidée, mais également à de la jurisprudence. Une nouvelle version « bêta » de ce site a été proposée en 2019 afin de le tester, et de l’améliorer, après retour des internautes46. Cette « prise en compte des retours d’expérience des utilisateurs »47 est un exemple des mutations qui ont atteint l’Administration elle-même. Cette dernière a dû s’adapter aux nouvelles exigences de la société de l’information, en proposant des services plus personnalisés à destination de ses usagers. Certains de ces services sont considérés comme faisant partie intégrante de l’accès au droit, comme le service public de diffusion du droit qu’est

Légifrance. L’accès au droit semble être réaffirmé dans le cadre des NTIC. Une étude relative

à ces différents changements s’avère nécessaire.

De plus, ces évolutions se sont couplées à des critiques relatives aux effets négatifs des NTIC sur l’accès au droit. Il a par exemple été évoqué une « ubérisation de l’accès au droit »48,

par le recours à de nouvelles plateformes permettant de faciliter l’exercice des droits, comme « DemanderJustice.com »49. La mise en œuvre de cette plateforme a d’ailleurs fait l’objet d’une

contestation vive de la part de l’ordre des avocats de Paris, qui s’est concrétisée par plusieurs actions contentieuses, dont certaines n’ont abouties que partiellement50.

46 « Proposée pendant six mois en version bêta aux internautes, la nouvelle version mise en ligne lundi prendra en

compte leurs "retours d’expérience". "Trop souvent l’État se préoccupe assez peu de l’utilisateur final", a déploré Cédric O, ajoutant trouver "remarquable" le fait – rare dans l’administration, selon lui – de passer par une version bêta » : Solutions numériques, Légifrance, le site d’accès aux textes de loi, évolue pour plus d’accessibilité,

8 octobre 2019 [https://www.solutions-numeriques.com/legifrance-le-site-dacces-aux-textes-de-loi-evolue-pour-plus-daccessibilite/].

47 Solutions numériques, Légifrance, le site d’accès aux textes de loi, évolue pour plus d’accessibilité, 8 octobre

2019 [https://www.solutions-numeriques.com/legifrance-le-site-dacces-aux-textes-de-loi-evolue-pour-plus-daccessibilite/].

48 B. CERVEAU, « L’ubérisation de l’accès au droit », Gaz. Pal., n° 244, 1er septembre 2015, pp. 2677-2678. 49 « Depuis 2011, plus de 75 000 procédures ont été initiées sur DemanderJustice.com. Ce service représenterait,

selon les informations que révèlent ses créateurs, plus de 20 % des affaires traitées par les juridictions de proximité en France. Leurs promoteurs affirment que la plate-forme ne remplace en aucun cas les fonctions d’un avocat dans la mesure où elle ne donne pas de conseil juridique, qu’elle ne pratique pas la rédaction d’actes et qu’elle ne représente pas les justiciables. De son coté, ActionCivile.com, qui utilise les technologies mises en œuvre par DemanderJustice.com, est devenu le premier site d’actions de groupe pour la défense des consommateurs » : B. CERVEAU, « L’ubérisation de l’accès au droit », Gaz. Pal., n° 244, 1er septembre 2015, p. 3.

50 Des actions ont été menées au civil et au pénal. Il apparaît que le représentant de la société Demander justice a

été relaxé par le tribunal correctionnel le 13 mars 2014. En parallèle de cette procédure, une action contre la société a été menée devant le Tribunal de grande instance de Paris (Cf. TGI, 11 janvier 2017, Conseil National des Barreaux et Ordre des Avocats au Barreau de Paris / SAS Demander Justice). Ce jugement a été contesté devant

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Le droit « ubérisé » deviendrait une marchandise comme une autre, et les services rendus par les professionnels du droit, notamment dans le cadre de l’accès au droit et à la justice, seraient susceptibles d’être soumis à la loi du marché. Dans cette conception, la loi de l’offre et de la demande pourrait faire diminuer la qualité des services rendus par les professionnels du droit. Ces derniers se verraient contraints de proposer des services de moins en moins chers, pour une rentabilité amoindrie.

Néanmoins, ces critiques ne doivent pas éluder le fait que le véritable bénéficiaire de ces différentes plateformes demeure l’« individu ». Ce dernier reste le seul juge de l’intérêt de recourir à de telles plateformes. Il est visible que, plus que jamais, les professionnels du droit dont le cœur de métier est le conseil, ont dû modifier leurs pratiques pour mettre en valeur leur expertise. Les NTIC ont modifié tant les rapports entre les individus et l’information que les relations avec les professionnels du droit.

Il apparaît que l’accès au droit peut être mis en œuvre pour le « bien commun », par exemple de manière bénévole ou dans le cadre d’une politique publique spécifique et coordonnée. Il est également intéressant d’observer que cet accès au droit peut permettre de personnaliser les rapports entre l’administration et l’usager. En outre, cet accès semble pouvoir faire l’objet d’une monétisation, qui cause de vives tensions au sein du monde juridique. Les NTIC, qui ne cessent d’évoluer, semblent, à la lueur de ces premières observations, être au cœur d’une mutation profonde de la relation entre l’individu et le droit.

Malgré ces observations, l’accès au droit demeure une notion complexe à définir, son contenu s’avérant difficile à appréhender.

Paragraphe 2 : Une notion difficile à définir et à délimiter

La récurrence de l’accès au droit au sein de l’actualité nous invite à envisager sa « fondamentalité » et son aspect théorique. Il a été observé que le rôle de l’accès au droit était aisément compris. Il semble que la notion d’accès au droit soit souvent brandie comme un

la Cour d’appel de Paris (Cf. Cour d’appel de Paris, pôle 2, ch. 1, 6 novembre 2018, Conseil national des Barreaux/Demander justice). Il a été notamment considéré par la Cour d’appel que « la société Demander Justice,

qui exécute son contrat d’entreprise, n’effectue aucune tache de représentation en justice qui lui serait interdite comme réservée aux avocats, une éventuelle irrégularité dans la déclaration de saisine étant indifférente à l’absence de mandat de représentation donné par le requérant, lequel, seul présent à l’audience de la juridiction, sera à même de confirmer qu’il est bien à l’origine de la démarche ». La Cour d’appel a dans le même temps

interdit à cette société « afin d’éviter tout risque de confusion, de continuer à utiliser ensemble les trois couleurs

du drapeau français » et a indiqué qu’il était « manifeste » que la société évoluait « à proximité de la frontière du périmètre du droit réservé aux avocats […] ».

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étendard symbolisant l’accès égal pour tous aux droits et à la justice. En revanche, l’exercice de délimitation de cette notion est plus ardu.

Son étude préalable fait apparaître une absence de consensus, aussi bien sur sa définition, que sur son périmètre, de sorte qu’il est considéré que l’accès au droit est une véritable arlésienne du droit. Se concevant bien de manière abstraite, elle est complexe à définir, et encore plus ardue à délimiter. La difficulté de s’intéresser à un tel sujet résulte, en premier lieu, de cette absence de délimitation de l’accès au droit. Pour autant, une telle complexité se couple avec l’intérêt d’étudier une notion peu approfondie dans le domaine de la recherche.

Afin de comprendre la notion d’accès au droit, il est utile de décomposer, sémantiquement, la signification des mots la composant. Le mot « accès » renvoie notamment à la « Possibilité de connaître, de participer (à qqch.) »51. Le terme « droit » a quant à lui fait

l’objet de nombreuses définitions52. Il s’avère complexe à définir53, tant il renvoie à des

conceptions multiples aussi bien juridiques que philosophiques, sociologiques, etc. Dans sa conception la plus commune, le droit est considéré comme renvoyant à « un ensemble de règles

et de normes (des interdictions, des commandements) qui s’imposent dans une société et qui sont sanctionnées par elle. Le droit est alors constitué de règles et/ou normes contraignantes »54. L’accolement des termes « accès » au mot « droit » amène à comprendre, à

la lumière de ces brèves indications, que cette notion renvoie à la possibilité de connaître les règles et normes qui s’imposent dans une société. Il apparaît, en outre, que l’utilisation du terme « accès au droit » n’est pas anodine, car elle suggère un idéal de société. Pour certains, le recours à ce terme est une « revendication »55. Son usage renverrait vers une notion « plus

concrète et militante »56 que celle d’« accessibilité du droit »57. Il semble en effet que la notion

51 J. REY-DEBOVE, A. REY (dir.), Le Petit Robert de la langue française, Le Robert, édition 2016, p. 15.

52 G. CORNU définit le droit dans son sens premier, en tant que « Droit objectif » comme un « Ensemble de règles

de conduite socialement édictées et sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société ». On oppose

traditionnellement le droit « objectif » au droit « subjectif » rattaché à l’individu. Il apparaît par ailleurs que plusieurs définitions sont listées dans cet ouvrage. Cf. G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e édition, PUF, avril

2007, p. 333.

53 J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, 5e édition, Dalloz, 2012, pp. 19-20.

54 S. GUTWIRTH, « Le contexte du droit ce sont ses sources formelles et les faits et moyens qui exigent son

intervention », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, volume 70, 2013/1, Bruxelles, p. 109.

55 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France,

LexisNexis, 2015, p. 40.

56 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France,

LexisNexis, 2015, p. 40.

57 Congrès des Notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, 111e Congrès des Notaires de France,

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d’« accessibilité »58 du droit est vidée de tout l’aspect idéologique véhiculé par la conception

d’accès au droit. Cette conception s’avère plus large que la simple « accessibilité » du droit. Il est également utile de rechercher, dans l’ordonnancement juridique français, les potentielles définitions de l’accès au droit susceptibles d’exister. La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique fait expressément référence à la conception d’« aide à l’accès

au droit ». Cette loi divise l’aide juridique en trois volets : l’aide juridictionnelle, l’aide à l’accès

au droit et l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles. L’article 53 de cette loi dispose que l’aide à l’accès au droit comprend notamment « L’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation

vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits ». Cette indication nous renvoie

vers le pressentiment évoqué précédemment selon lequel l’information a un rôle spécifique à jouer dans le cadre de l’accès au droit.

Une recherche dans l’ouvrage de G. CORNU aux mots « accès au droit » amène quant à elle à un renvoi vers la définition d’aide à l’accès au droit prévue par la loi précitée59. Pour

faire écho à cette conception, l’accès au droit est aussi défini par une sociologue comme « l’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que l’orientation

vers des organismes qui permettent de favoriser l’exercice de leurs droits »60. Une analyse

déductive de la définition proposée par la loi n° 91-647 amène à considérer qu’une partie de l’accès au droit se rapporte effectivement à l’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits. L’information juridique des individus semble être le cœur de la définition de l’accès au droit.

Cependant, si ces définitions relatives au système d’aide à l’accès au droit tel qu’il a été conçu par le législateur permettent de comprendre une partie du contenu de l’accès au droit, elles sont insuffisantes pour le définir et le délimiter. Ces dernières permettent d’observer

58 Le terme d’accessibilité est défini comme la « Possibilité d’accéder, d’arriver à » : J. REY-DEBOVE, A. REY

(dir.), Le Petit Robert de la langue française, Le Robert, édition 2016, p. 15.

59 Cf. G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e édition, PUF, avril 2007, p. 9. L’aide à l’accès au droit est alors définie

comme la « Partie de l’*aide juridique qui comprend l’information des personnes sur leurs droits et obligations

(et leur orientation vers les organismes idoines), l’aide à la réalisation des droits (démarches en vue de l’exercice d’un droit ou l’exécution d’une obligation), la consultation en matière juridique, l’assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques, l’assistance au cours des procédures non juridictionnelles, volet extrajuridictionnel de cette aide par opp. à *aide juridictionnelle » : G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e édition,

PUF, avril 2007, p. 44.

60 A. LEJEUNE, « Accès au droit, accès à la justice ou accès au juge ? L’activité judiciaire dans les maisons de

justice et du droit », [in] L’accès au juge, recherches sur l’effectivité d’un droit, V. DONIER, B. LAPEROU

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qu’une partie de l’accès au droit est considérée à l’aune d’un système d’aide à l’accès au droit, qui s’avère être un moyen matériel pour le mettre en œuvre. Pour autant, accéder à ses droits ne peut être uniquement limité à ce système d’aide à l’accès au droit. Un tel constat amène à s’interroger sur le périmètre de l’accès au droit, ainsi que sur son contenu.

Ces éléments révèlent par conséquent le besoin de recherche dans le domaine de l’accès au droit.

Section 2 : L’accès au droit dans la société de l’information, une notion complexe justifiant une démarche spécifique de recherche

Plusieurs précisions préalables doivent être formulées, s’agissant de la composition de l’accès au droit (Paragraphe 1), mais également de la démarche adoptée dans le cadre de ce travail de recherche (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une composition notionnelle complexe

Concernant la composition de l’accès au droit, il est possible d’observer un mouvement gravitationnel de notions concourant à cet accès. Plusieurs conceptions propres à tout « État de

droit » semblent se mobiliser de manière intuitive : l’accès au droit serait notamment lié à

l’« accès à la justice », au concept d’« égalité », à la notion de « clarté », ou encore à celle d’« intelligibilité » du droit. Ces intuitions concordent avec certaines recherches opérées par la doctrine. Il est aussi pressenti que d’autres notions concourent ou participent à la conception de l’accès au droit. Un travail relatif à ce que recouvre chacune de ces notions s’avère essentiel pour comprendre sa composition.

Par exemple, les travaux d’A.-L. CASSARD-VALEMBOIS portant sur la « sécurité

juridique »61 permettent de concevoir que l’accès au droit pourrait être lié à cette notion. Comme cette dernière l’indique, « La connaissance du droit est l’une des deux dimensions de

l’accès au droit. L’autre dimension, institutionnelle, renvoie essentiellement au droit au juge et à la transparence de l’action publique »62. Ces deux aspects intéressent profondément l’accès

au droit.

61 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005.

62 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

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30

A.-L. CASSARD-VALEMBOIS a ensuite différencié l’« accessibilité matérielle des

normes juridiques »63 de leur « intelligibilité »64. Elle a précisé que « L’accessibilité matérielle

des normes juridiques est permise par leur publicité, qui est le préalable nécessaire à leur connaissance »65 et que « L’intelligibilité des normes juridiques renvoie à leur clarté et à leur

précision. Une norme est claire lorsqu’en ont été éliminées les obscurités de pensée ou de langage ; l’idée de précision renvoie à la suffisance du modelé conceptuel, de la détermination des notions »66. Ces indications font ressortir le besoin d’analyser les concepts

d’« intelligibilité », de « clarté », ou encore de « précision ».

Il est aussi compris que la « connaissance du droit »67 ne peut suffire à l’accès au droit,

et doit se coupler avec des moyens pratiques, mis en œuvre dans le cadre du système d’aide à l’accès au droit et dans celui de politiques publiques. De plus, cette conception mobilise de nombreuses notions intrinsèquement liées à la « sécurité juridique », comme la « prévisibilité » ou encore la « stabilité du droit »68. Le pressentiment initial lié à la galaxie de droits concourants

à la notion d’accès au droit semble se renforcer.

Il est aussi possible de citer les travaux de P. RRAPI, qui ont lié l’exigence d’accessibilité et l’intelligibilité de la loi à la nécessaire « qualité de la loi »69. Cette dernière a

rappelé, dans son étude sur l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi que, « pour la doctrine, l’accessibilité semble consister en

l’accessibilité matérielle, et l’intelligibilité en l’accessibilité intellectuelle. Les deux sont

63 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 14.

64 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 15.

65 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 14.

66 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 15.

67 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français,

thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 15.

68 A.-L. CASSARD-VALEMBOIS a considéré que « l’exigence de sécurité juridique implique premièrement

l’accessibilité (matérielle et intellectuelle des normes juridiques), deuxièmement la prévisibilité (des conséquences juridiques de ses actes et du droit lui-même) et troisièmement la stabilité (pour assurer la prévisibilité du droit et pour cristalliser certaines situations acquises) » : A.-L. CASSARD-VALEMBOIS, La constitutionnalisation de

l’exigence de sécurité juridique en droit français, thèse, sous la direction de B. MATHIEU, Université de Dijon, LGDJ, 2005, p. 18.

69 Cette dernière entend par « discours sur la "qualité de la loi", un discours qui semble avoir pris naissance, en

France, sous la Troisième République et qui s’est intensifié – avec quelques modifications dues certainement à la Seconde Guerre mondiale – sous la quatrième République pour renaître, à peu près, dans les années 1990. Il s’agit, à son origine, du discours sur le "déclin du droit" » : P. RRAPI, L’accessibilité et l’intelligibilité de la loi en

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