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terminal n ENSEIGNEMENT, INFORMATIQUE, L INDUSTRIE DANS LA SOCIÉTÉ DE L INFORMATION technologie de l information, culture & société

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ÉDITO

Jacques Vétois Big Brother, le retour.

Bernard Prince À propos de l’affaire Snowden.

DOSSIER

ENSEIGNEMENT, INFORMATIQUE, TICETSOCIÉTÉ Jean-Pierre Archambault, Jacques Vétois Coordination.

1RE PARTIE : L’INFORMATIQUECOMMESCIENCE ÀLÉCOLE

Gilles Dowek Enseigner les sciences au XXIe siècle. Jean- Pierre Archambault La diversité de l’informatique à l’école.

Maurice Nivat et Michel Volle Enjeux de l’enseignement de l’informatique. Jacques Baudé L’informatique dans l’ensei- gnement général : plus de 40 ans de présence active de l’EPI.

Laurent Bloch Une expérience scientifi que et didactique : enseigner l’informatique aux biologistes.

2E PARTIE :L’INFORMATIQUEDANSLARÉALITÉSOCIALE DELÉCOLE ... ETAILLEURS

Pascal Plantard, Mickaël Le Mentec INEDUC : focales sur les inégalités scolaires, de loisirs et de pratiques numériques chez les adolescents. Emmanuelle Barbot Un bilan de l’enseignement Informatique et Société en IUT. Fryni Kakoyanni Doa Les TIC dans l’enseignement à Chypre : du scepticisme à l’intégration.

DOSSIER

LINDUSTRIEINFORMATIQUEDANSLASOCIÉTÉDELINFORMATION

Cédric Gossart, Nicolas Jullien et Jean-Benoit Zimmermann Introduction.

Clément Bert-Erboul VideoLan : un cas d’école dans l’industrie informatique.

Laurent Adatto Standards ouverts et implémentations FLOSS : vers un nouveau modèle synergique de standardisation promu par l’industrie du logiciel. Robert Viseur Évolution des stratégies et modèles d’affaires des éditeurs Open Source face au Cloud computing. Pascale Bailly, Christian Varocquier Quels acteurs façonneront nos villes ? Les anciens façonneurs des villes sont-ils remis en cause par le nouveau monde informatique ?

BLOC-NOTES

Avec le soutien de Avec le soutien du CNL

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n°111

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te rm in al

PRATIQUES DU WEB

ÉDITO

Jean-Benoît ZimmermannPour en finir avec une loi inappropriée.

Chantal Enguehard Lettre ouverte à François Hollande.

DOSSIER

LES PRATIQUES DUWEB: MODES DE PARTICIPATION ET APPROCHES CRITIQUES

Geneviève Vidal Introduction. Valérie Schafer et Hervé Le Crosnier Internet et le Web : l’illusion du social, la fin de l’idéal égalitaire ? Karine Aillerie Quelle compétence informationnelle pour les usages juvéniles du Web ? Julien Mesangeau Le réseautage et ses usages, le cas d’un groupe d’anciens étudiants hébergé sur LinkedIn. Dominique Meunier etRayén Condeza Le mouvement « 2.0 » des lycéens chiliens de mai 2006. André Mondoux A propos du social dans les médias sociaux. Geneviève Vidal A propos du livre de Bernard Stiegler : Réseaux sociaux. Culture politique et ingénierie des réseaux sociaux.

REPÈRES

Claude Poulain Les élèves sous l’œil des TICs. Laetitia Schweitzer avec CECIL et CREIS-Terminal Le Dossier Médical Personnel : comment constituer un gigantesque fichier de données.

Appel à contribution L’industrie informatique dans la société de l’information.

BLOC-NOTES

Avec le soutien de Avec le soutien du CNL

n° 111

n° 11 1

Creis-terminal

t

technologie de l’information,

culture &

société

15 €

ISBN 978-2-336-00432-7

technologie de l’information,

culture &

société

Creis-terminal

23

ISBN 978-2-343-02473-8

MA N A G I N GT H R O U G H TE C H N O L O G Y

terminal

n° 113-114

technologie de l’information,

culture &

société

technologie de l’information,

culture &

société

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ENSEIGNEMENT, INFORMATIQUE, TIC ET SOCIÉTÉ L’INDUSTRIE

INFORMATIQUE DANS LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION n° 113-114

te rm in al n ° 1 13 -1 14

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n ° 11 3-11 4 S o m m a i r e

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EDITO

Big Brother, le retour

A propos de laffaire Snowden

D O S S I E R

EN S E I G N E M E N T, IN F O R M A T I Q U E, TI C E TSO C I É T É

1R EPA R T I E: LIN F O R M A T I Q U E C O M M E S C I E N C E À LÉ C O L E

Enseigner les sciences au XXIes i è c l e La diversité de linformatique à lÉcole Enjeux de l'enseignement de l'informatique Linformatique dans lenseignement général : plus de 40 ans de présence active de lEPI Une expérience scientifique et didactique : enseigner linformatique aux biologistes 2EPA R T I E: LI N F O R M A T I Q U E D A N S L A R É A L I T É S O C I A L E D E L ÉC O L EE T A I L L E U R S

INEDUC : focales sur les inégalités scolaires, de loisirs et de pratiques numériques chez les adolescents

Un bilan de l'enseignement Informatique et Société en IUT

Les TIC dans l'enseignement à Chypre : du scepticisme à l'intégration

D O S S I E R

L I N D U S T R I E I N F O R M A T I Q U E D A N S L A S O C I É T É D E LI N F O R M A T I O N

I n t r o d u c t i o n

VideoLan : un cas décole dans lindustrie i n f o r m a t i q u e

Standards ouverts et implémentations FLOSS : vers un nouveau modèle synergique de standardi- sation promu par lindustrie du logiciel

Évolution des stratégies et modèles daffaires des éditeurs Open Source face au Cloud computing Quels acteurs façonneront nos villes ? Les anciens façonneurs des villes sont-ils remis en cause par le nouveau monde informatique ?

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terminal est édité par lassociation Creis-terminal

© Copyright : terminal / LHarmattan.

Directeur de publication: Jacques Vétois. Comité de rédaction: Michel Burnier, Dominique Desbois, Mélanie Dulong de Rosnay, Cédric Gossart,

Nicolas Jullien, Guy Lacroix, Thomas Lamarche, Daniel Naulleau, Robert Panico, Jacques Prades, Bernard Prince, Chantal Richard,

Jacques Vétois, Jean-Benoît Zimmermann

Conseil scientifique: Michel Armatte (Maître de Conférences en économie à l'Université Paris 9), Danièle Bourcier (Professeur de Droit à l'Université Paris 2), Philippe Breton (Chercheur CNRS en sociologie et infocom à l'Université

de Strasbourg et à l'Université Paris 1), Dominique Carré (Professeur en infocom à lUniversité Paris 13), Michèle Descolonges (Sociologue à l'Université Paris X),

Jean-Gabriel Ganascia (Professeur d'informatique à l'Université de Paris 6), Jean-Paul Haton (Professeur d'informatique à l'Université de Nancy 1), Blandine Laperche (Maître de Conférence en économie à l'Université du Littoral),

Bernard Miège (Professeur émérite en infocom à l'Université de Grenoble 3), Pierre Musso (Professeur en sciences politiques et infocom à l'Université de Rennes 2),

Alain Rallet (Professeur d'économie à l'Université de Paris-Sud), Gérard Valenduc (Maître de Conférences en Informatique et Société à l'Université FUNDP de Namur),

André Vitalis (Professeur en infocom à l'Université de Bordeaux 3).

Relecture, mise en page: Léa Martin Maquette originale: Michel Raby

Photo de couverture extraite du site de OLPC-France : www.olpc-france.org

Adresse de la rédaction: 24, rue de la Chine – 75020 Paris

Courriel : redaction@revue-terminal.org Site Web: www.revue-terminal.org ISSN : 0997-5551 Imprimé en CEE

© LHarmattan, hiver 2013 ISBN : 978-2-343-02473-8 BLOC-NOTES : nouvelles parutions

Bulletin dabonnement

207 218

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Big Brother, le retour

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ans sa première vie (sous la forme de magazine), Terminala agité le spectre de Big Brother débouchant sur un nouveau totalitarisme entraîné par le développement de l’informatisation tous azimuts de la société. Puis progressivement, nous nous sommes laissés convaincre que cette menace était exagérée, voire imaginaire, et que le danger réel était dans la multiplication des « little brother », dans le contrôle social qu’ils insti- tuaient insidieusement, dans l’exhibition de toutes et tous sur les réseaux sociaux ou dans les techniques de management des grandes entreprises.

Déjà en 1996, les révélations sur le réseau d’espionnage des réseaux satellitaires de communication Échelon mis en place par un certain nombre de pays dont les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient soulevé quelques questions en Europe : le Parlement européen demanda des rapports sur l’exis- tence d’Échelon, ainsi que sur les moyens techniques et juridiques qui pour- raient être utilisés pour la protection des données personnelles en Europe.

Mais après les attentats du World Trade Center, ces rapports ont vite été enterrés et s’installa assez rapidement une collaboration entre les services secrets des pays occidentaux pour une surveillance accrue de tous les moyens de communication au nom de la lutte contre le terrorisme.

Les États-Unis l’instituèrent, sous la présidence de Georges W. Bush, par le vote du Patriot Act qui fut prorogé par l’administration Obama, mal- gré les déclarations faites par celui-ci lors de sa campagne électorale. Dans l’émotion suscitée par cette attaque sur le sol des États-Unis, les citoyens américains acceptèrent dans leur large majorité cette surveillance digne du livre « 1984 » et les pleins pouvoirs donnés aux services de sécurité. Cela se fit plus discrètement dans les pays européens (Grande-Bretagne, Allemagne, France…) et les citoyens n’en furent informés que lorsqu’Edward Snowden révéla au grand jour l’existence du programme PRISM et des autres pro- grammes de surveillance des données circulant sur Internet. Au nom de la lutte contre le terrorisme, la NSA imposa la possibilité pour ses services d’ac- céder aux informations (mails, vidéos, photos, blogs) enregistrées sur les ser- veurs de neuf grandes entreprises de l’Internet dont Google, Microsoft,

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Édito

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Yahoo, Apple, Skype, AOL... Dans le même temps, on apprenait que grâce au GCHQ (Government Communications Headquarters) anglais, les méta- données1 sur les communications Internet et téléphoniques circulant sur les fibres transatlantiques entre la Grande-Bretagne et les États-Unis étaient récupérées, ce qui permettait de cartographier les échanges entre les USA et l’Europe.

En résumé, Échelon est étendu à tout l’Internet et cette fois avec accès au contenu des échanges en cas de besoin en intervenant directement sur les serveurs des entreprises. Et l’Europe est évidemment en première ligne car les services de Google, Microsoft, Apple et évidemment le réseau social Facebook sont d’un usage courant dans les pays européens. Chaque pays européen joue sa propre partition dans ce concert d’espionnage : le Royaume-Uni comme meilleur allié, une fois encore, des États-Unis, fournis- sant l’aide logistique pour la surveillance des liaisons transatlantiques, les services allemands acheminant toutes leurs informations à leurs confrères américains, la France essayant selon ses moyens de bâtir son propre réseau tricolore2.

Nos pires pressentiments quand, dans les années soixante-dix, certains3 alertaient sur les dangers potentiels de l’informatique au service des États et des grandes administrations, se sont vérifiés. La technologie informatique permet d’interconnecter toutes les informations émises par un individu ou par un groupe et de tracer la vie privée de chacun. La lutte contre un ennemi extérieur et intérieur, le terrorisme, justifiant par avance cette surveillance généralisée. Mais il n’en reste pas moins que cette fuite en avant vers une société totalitaire reste dans un flou juridique et politique comme si nos démocraties avaient du mal, même aux États-Unis, à assumer ces pratiques en opposition aux discours tenus par nos gouvernants sur la défense des liber- tés démocratiques et des droits de l’homme.

Quel espace reste-t-il pour ceux et celles qui ne se résignent pas à ce gri- gnotage permanent de nos libertés ? Il est à noter que les CNILs européen- nes ont été également prises de cours en pleine discussion sur la réforme des institutions et des lois pour la protection des données personnelles par les révélations de l’affaire Edward Snowden.

La France qui se targue d’être toujours à la pointe du combat pour les droits de l’homme s’enorgueillirait de donner asile à ce « lanceur d’alerte » ou du moins, si nos accords diplomatiques avec les États-Unis nous en empê-

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1. Adresses mails ou numéros de téléphones appelés, durée de l'appel, objet du mail.

2. Révélations sur le Big Brother français,Le Monde, 4 juillet 2013.

3. Safari ou la chasse aux français , Philippe Boucher, Louis Joinet, Philippe Lemoine. Le Monde21 mars 1974.

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chent, de reconnaître le rôle positif qu’il a joué dans la dénonciation des pra- tiques de surveillance par la NSA et les services secrets européens comme l’a fait le Groupe des Verts/ALE au Parlement européen en proposant Edward Snowden pour le Prix Sakharov 2013, prix annuel de l’Union européenne (UE) pour la « liberté de l’esprit » qui est décerné chaque année.

Du point de vue pratique, il est difficile de résister à la surveillance de masse instituée par la NSA. Les techniques cryptographiques sont une pre- mière réponse mais elles ne sont pas infaillibles et la NSA se vante de pou- voir décrypter, grâce à l’utilisation de superordinateurs une grande partie des documents (mails, bases de données d’entreprises ou de gouvernements amis ou ennemis) stockés dans ces puissantes machines. Un nouveau centre d’in- terception des télécommunications est en cours d’installation à Bluffdale au cœur de l’Utah4avec un data center pouvant stocker cinq cents milliards de milliards de pages de texte. Selon Edward Snowden, la NSA entend enregis- trer également non seulement les métadonnées des échanges sur l’Internet, mais également le contenu de ceux-ci. Toute cette information sera accessi- ble à tous les services de sécurité US par des agents habilités. Un nouveau challenge s’ouvre pour les chercheurs en informatique : fournir à tous ceux qui le désirent (militant-e-s, responsables associatifs, gouvernements, entre- prises) des solutions sécurisées utilisant les méthodes les plus avancées de la cryptographie pour décourager la surveillance dont ils sont l’objet quand ils utilisent les réseaux informatiques.

Même si on peut rêver comme Philippe Boucher, Louis Joinet et Philippe Lemoine5 d’une « Charte mondiale Informatique et Libertés », il faut profiter des réactions scandalisées dans de nombreux pays occidentaux aux révélations d’Edward Snowden pour clarifier les accords sur les échan- ges de données personnelles entre l’Europe et les États-Unis. Et imposer des solutions qui soient compatibles avec les lois Informatique et Libertés en vigueur dans de nombreux pays européens. Le débat sur ces questions doit sortir du cercle des spécialistes et être abordé au cours de la campagne des élections au Parlement européen l’année prochaine.

Jacques Vétois

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4. Philippe Bernard, « Voyage au cœur de la NSA », Le Monde29 août 2013

5. Affaire Snowden : la France reste muette, Philippe Boucher, Louis Joinet , Philippe Lemoine, Le Monde.

21 août 2013.

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A propos de l’affaire Snowden

Première remarque

L’ a ffaire Snowden intervient après les révélations de Wikileaks. Dans les deux cas, alors que sont dévoilées les turpitudes du système, un autre message est reçu. Aussi mauvais soit-il, le système est capable de générer ses propres antido- tes… En même temps que sont révélées l’ampleur des dépenses engagées et la réalité médiatique de ce que nous savions intuitivement, le système nous dit que sa régulation fonctionne. Il n’y aurait donc pas lieu de s’inquiéter !

Deuxième remarque

Quand on regarde toutes ces merveilleuses machines à contrôler, on se dit : tout cela coûte des sommes faramineuses qui seraient utilement inves- ties ailleurs, et on peut se poser la question suivante : à quoi tout cela sert réellement ? A-t-on besoin de toute cette technologie pour atteindre les buts affichés (lutter contre le terrorisme) et les buts cachés (le contrôle social).

Non évidemment, c’est inefficace dans la lutte contre le terrorisme et pour traquer les plus grands criminels, les criminels financiers, l’échange de quel- ques tableurs Excel suffirait (si on en a réellement la volonté)… et le contrôle social a tellement d’autres moyens pour s’exercer…

Rappelons-nous que l’IDS (Initiative de Défense Stratégique), dite aussi Guerre des étoiles ou bouclier spatial, est lancée en 1983 par Ronald Reagan. Pendant dix ans, toutes les grandes entreprises du spatial et de l’ar- mement ont été engagées dans la conception et la construction à la chaîne de satellites dignes de la science-fiction. Des sommes colossales furent inves- ties. En 1993, alors que Bill Clinton avait mis fin à ce programme dès son élection, les usines continuaient à produire les commandes, sachant parfaite- ment que les satellites ne seraient probablement pas lancés. À quoi tout cela avait-il servi… à financer l’industrie de l’espace et de l’armement, principal pourvoyeur de fonds du parti républicain à l’époque. C’est peut-être de ce côté-là qu’il faudrait regarder… À qui profite le crime… Qui sont les vrais bénéficiaires du programme Prism et consorts…

Dernière remarque

Les bénéficiaires du programme Prism, sont également les mêmes per- sonnes qui développent, installent, exploitent, utilisent cette machinerie… les Edward Snowden par milliers qui touchent une paie à la fin du mois pour le prix de leur silence.

Edward Snowden est un vrai traître !

Bernard Prince 6 ] te rminal 113 - 114 [

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E NSEIGNEMENT , INFORMATIQUE , T IC ET SOCIÉTÉ

Coordination

Jean-Pierre Archambault, Jacques Vétois*

Introduction

L

e contexte éducatif de linformatique et des TICa évolué à la ren- trée 2012 avec la création en terminale S dun enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » (ISN). Linformatique est (re)devenue discipline scolaire dans lensei- gnement scolaire : il sagit dun changement de paradigme.

Rappelons quil existait dans les années 1980 et 1990 une option informatique denseignement général dans les lycées. En voie de généralisation, elle fut supprimée en 1992, rétablie en 1995, puis à nouveau supprimée en 1998.

Le contexte va continuer à évoluer. En effet, une expérimentation est lancée à la rentrée 2013 dans lacadémie de Montpellier pour pro- poser à tous les élèves de terminale loption « Informatique et scien- ces du numérique » ; puis ce sera la généralisation à toutes les options de classe de terminale de lenseignement général et techno- logique à la rentrée 2014 ; la rentrée 2013 voit également la mise en place dun enseignement dinformatique pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques.

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D

Dossier

*Professeur agrégé de mathématiques à la retraite, Jean-Pierre Archambault est président de l'EPI (asso- ciation Enseignement Public et Informatique) et membre du CA de la SIF (Société Informatique de France).

Jacques Vétois, rédacteur en chef de Terminal.

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Ces évolutions sont le fruit dinitiatives prises ces dernières années par différents acteurs pour qui former au XXIe siècle lhomme, le travailleur et le citoyen, lui donner la culture générale correspon- dant aux besoins dune société où le numérique est omniprésent passe nécessairement par une discipline informatique, linformatique étant au numérique ce que la biologie est au vivant et la physique à lindustrie de lénergie. Et loin dopposer usages du numérique et enseignement de la science et technique informatique, ils affirment leur complémentarité et leur renforcement mutuel.

Élément du paysage, en avril 2013, lAcadémie des Sciences a adopté un rapport en faveur de lenseignement de linformatique :

« Lenseignement de linformatique en France - Il est urgent de ne plus attendre ». Elle se prononce pour un enseignement à tous les élèves au collège et au lycée après une sensibilisation à lécole pri- maire.

Une question importante reste à régler dans un contexte en mou- vement, la formation des professeurs dinformatique au lycée et au collège, à linstar de ce qui se fait pour les autres disciplines, à savoir un Capes et une agrégation dinformatique. En effet, il faut faire face au nombre : tous les élèves sont concernés par cet enseignement de culture générale. Une forte demande de formation est en train de naî- tre au moment où linformatique est introduite dans les classes prépa- ratoires scientifiques. Les professeurs des écoles pourraient, eux, passer une certification dans les ESPE. Pendant une période transi- toire, la formation continue doit, dune manière complémentaire, faire aussi office de formation initiale pour permettre une montée en charge progressive.

Mais cet enseignement de la science informatique à tous les niveaux du cursus des élèves – au moins dans les lycées – qui pré- sente des aspects positifs par rapport à la situation précédente, nest pas sans poser quelques problèmes. Les tentatives précédentes, après la suppression en 1998 de loption denseignement général des lycées, axées exclusivement sur les usages du numérique et lutilisa- tion de logiciels pédagogiques dans les autres disciplines, ne fournis- saient pas une compréhension profonde des systèmes utilisés (ce qui était normal car ce nétait pas leur raison dêtre sur le plan pédagogi- que). Et bien souvent, les élèves ne retenaient que les aspects super- ficiels des interfaces mises à leur disposition.

Lenseignement théorique et pratique de la programmation, qui est à la base de la science informatique, peut-il motiver les élèves ? 8 ] te rminal n° 113 - 114 [

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Une minorité sans doute qui se passionne déjà pour cela mais la masse des élèves ? Il nest pas sûr que lon puisse aisément les inté- resser de la sixième à la terminale à des cours et des exercices qui risquent dêtre assez répétitifs dune année sur lautre. Doù limpor- tance des projets favorisant activité et interactivité, de nature à diversifier la pédagogie. Il y aura là un vrai défi à relever pour les e n s e i g n a n t s .

Alors que lutilisation des réseaux sociaux occupe une place de plus en plus importante dans la vie des jeunes, une formation scien- tifique et technique suffit-elle à éviter les dérives que nous observons aujourdhui (comme une certaine tendance à lexhibitionnisme média- tique) ? Pour reprendre une métaphore mathématique, on peut dire que cest peut-être une condition nécessaire, mais hélas loin dêtre suffisante. Quelle place pour les développements sur les rapports entre les TIC et la société ? Comment apprendre à gérer ses « don- nées personnelles » ? Cela aussi doit faire partie du cursus des élè- ves et assez tôt dans leur scolarité de façon quils intègrent les bons réflexes vis-à-vis de la masse des informations auxquelles ils auront accès. La pédagogie de projet peut fournir un cadre adapté pour répondre à ces questions.

Il reste enfin le problème abordé dans un précédent numéro de Terminal1et sur lequel nous ne reviendrons pas dans ce dossier, mais qui devient de plus en plus prégnant au fil des rentrées. Le eLearning semble simposer dans loffre de formation au niveau des universités et des grandes écoles, mais aussi dans les établissements privés.

Allons-nous vraiment vers un bouleversement des modes déduca- tion ? La crise que traversent ceux-ci boostera-t-elle des réalisations et des expérimentations significatives ? Lindustrialisation de la forma- tion, comme nous lavons annoncée dans le dossier précédent, est- elle réellement en marche ?

Ce dossier pourra sembler déséquilibré au profit de laspect

« informatique comme science ». Il reflète létat de la réflexion en France menée par une partie de la communauté informatique qui sest battue depuis des années pour une reconnaissance de leur dis- cipline. Nous ne devons pas oublier que la crise de lécole est une réalité comme le montrent les mauvais résultats obtenus par notre pays dans les classements internationaux qui, malgré leurs limites, sont une indication de la dégradation des conditions denseignement aujourdhui. Et donc, poursuivre le travail danalyse sur le rôle que

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1. Vers le mammouth virtuel ? L'Ecole et les NTIC, Terminal N°83, automne 2000.

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peuvent jouer les technologies numériques dans la société et lécole est une nécessité.

1repartie : linformatique comme science à lÉcole

Pour Maurice Nivat et Michel Volle, nous navons pas convena- blement pris, en France, la mesure du changement quintroduit lémergence de linformatique. On trouve désormais plus dinformati- ciens que de mécaniciens dans lindustrie dont les produits sont truf- fés de puces... Linformatisation est la forme contemporaine de lin- dustrialisation. Il serait normal que linformatique occupe dans le système éducatif une place comparable à celle quelle tient dans le système productif. « Savoir programmer » est à mettre avec « savoir lire », « savoir écrire » et « savoir compter » au rang des enseigne- ments fondamentaux.

Linformatique transforme les autres sciences en modifiant leurs objets, leurs outils et leurs méthodes. Cest particulièrement le cas de la biologie, que lessor de la biologie moléculaire, depuis lentrée en vigueur de son paradigme, promettait à une convergence fructueuse avec linformatique. Puisque la conformation des êtres vivants peut se déduire de linformation génétique codée par lADN de leurs cellules, lanalyse informatique du texte du génome devient le fil conducteur de la discipline. Les biologistes doivent, dès lors, se mettre à linformati- que, et Laurent Bloch retrace pour nous lhistoire du cours dinforma- tique en biologie créé à lInstitut Pasteur en 1994.

Quant à Gilles Dowek, il souligne que la taille des données bras- sées par les scientifiques est aujourdhui dun tout autre ordre de grandeur quauparavant. Et que lenseignement de linformatique per- met de mettre en avant lutilisation de grandes quantités de données (les métadonnées). Il nous rappelle que, depuis la fin du XIXesiècle, les langages utilisés par les scientifiques nont cessé de se multiplier.

Conséquence : ce qui caractérise un scientifique nest plus sa capa- cité à maîtriser tel ou tel langage, mais sa capacité à en apprendre, et surtout à en créer, de nouveaux. Le programme de la spécialité

«Informatique et sciences du numérique» accorde une place impor- tante à la notion de langage de programmation, mais également aux langages de descriptions de pages Web, au format permettant dex- primer des images, des sons, etc.

Jean-Pierre Archambault revient sur lévénement qua constitué le retour dune discipline informatique dans lenseignement général et sur les enjeux sociétaux qui lui correspondent. Il propose une typolo- 10 ] te rminal n° 113 - 114 [

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gie de linformatique éducative ; outil pédagogique, facteur dévolution de l « essence » des autres disciplines enseignées, outil de travail personnel et collectif, objet denseignement en tant quélément de la culture générale de notre époque. Et il revisite, dans le contexte du numérique, des problématiques pédagogiques diverses : la dimen- sion humaine des apprentissages, lautonomie des élèves, le rôle du maître dans lappropriation des connaissances, le rôle de la mémoire.

Jacques Baudé montre, à travers un bref historique des actions de lEPI, que la nécessité dune approche diversifiée de linformatique dans lenseignement a été proposée dès le Séminaire de Sèvres en 1970 et relayée au fil des années par lEPI : apport de linformatique aux différentes disciplines, enseignement de linformatique… Cette prise de conscience, notamment par plusieurs responsables succes- sifs du ministère de lÉducation nationale, a traversé, avec des hauts et des bas, les quatre décennies qui viennent de sécouler.

2epartie : linformatique dans la réalité sociale de lÉcole… et ailleurs

IDEDUC est un consortium pluridisciplinaire (sciences de lédu- cation, géographie sociale, sociologie, anthropologie) composé de plusieurs équipes de luniversité Rennes 2, de luniversité de Caen et du GIS Marsouin. Il développe un contrat de recherche ANR à propos des inégalités éducatives dans lequel il entend croiser les parcours scolaires avec les pratiques numériques et de loisirs des adolescents.

Cet article qui fait le point sur létat de lart en France et en Europe dans ce domaine et à partir du résultat de leur propre enquête menée auprès de 4 000 collégiens, de leurs parents et de leurs établisse- ments, tente dexpliciter un modèle transdisciplinaire danalyse des données recueillies.

À partir de son expérience pédagogique personnelle, Emmanuelle Barbot met en perspective lenseignement Informatique et Société en IUT à travers lévolution des contenus enseignés depuis une vingtaine dannées, et leur nécessaire adaptation aux nouvelles missions dévolues aux informaticiens formés.

Fryni Kakoyianni Doa du département dÉtudes françaises et de Langues vivantes de lUniversité de Chypre dresse un état des lieux de limpact des TIC dans lenseignement chypriote et présente leur niveau dintégration pédagogique dans la classe. Plus particulière- ment, il sagit, dune part, de montrer comment se sont peu à peu inté- grées les nouvelles technologies dans lenseignement chypriote

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depuis les années 1990, et dautre part, de présenter les résultats dune recherche effectuée auprès dapprenants et denseignants chy- priotes, au sein des écoles secondaires concernant lusage des TIC dans la classe actuelle.

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L'informatique comme science à l'école

1repartie

L

informatique, qui sous-tend le numérique comme la biologie

sous-tend le vivant, est omniprésente dans la société dau- jourdhui. Linformatisation est la forme contemporaine de lindus- trialisation. Elle transforme les autres sciences en modifiant leurs objets, leurs outils et leurs méthodes. Linformatique est partout dans la vie quotidienne et lon ne compte plus les débats de société quelle suscite.

En conséquence, elle doit devenir pour tous les élèves une dis- cipline scolaire, élément de leur culture générale. Cest ce que préco- nise le rapport de lAcadémie des Sciences publié en mai 2013 :

« Lenseignement de linformatique en France – Il est urgent de ne plus attendre ».

Il reste à régler limportante question de la formation des ensei- gnants. Au collège et au lycée, les réponses ne peuvent être que cel- les ayant cours pour les autres disciplines, à savoir CAPESet agréga- tion dinformatique quil faut créer sans attendre.

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D

Dossier

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Enseigner les sciences au XXI

e

siècle...

Gilles Dowek*

A

u cours de l’histoire, l’enseignement des sciences n’a cessé d’évo- luer, et notre enseignement actuel ne ressemble que de très loin à l’enseignement du quadrivium de Boèce : arithmétique, musique, géométrie, astronomie, qui avait cours au Moyen Âge. Une des raisons de ces changements est que les sciences elles-mêmes évoluent. Depuis la fin du XXesiècle, par exemple, nous vivons quatre révolutions scientifiques majeu- res, qui influencent déjà la manière dont nous concevons l’enseignement des sciences. Parmi d’autres, l’initiative La main à la pâte (www.fondation- l a m a p . o rg/) et la spécialité Informatique et sciences du numérique ( w w w. e d u c a t i o n . g o u v. f r / p i d 2 5 5 3 5 / b u l l e t i n _ o ff i c i e l . h t m l ? c i d _ b o = 5 7 5 7 2 ) illustrent ces évolutions.

L’explosion démographique

La première des révolutions que nous sommes en train de vivre est l’ex- plosion du nombre de scientifiques. Par exemple, on estime qu’il y avait entre 200 et 250 mathématiciens dans le monde en 1900. Aujourd’hui, il y en a environ 50 000 ! (source www.math.univ-metz.fr/~tu/math/chiffres.html).

Et cette évolution ne semble pas ralentir : le nombre de chercheurs, toutes disciplines confondues est passé, entre 2002 et 2007, de 5,8 à 7,1 millions (source www. u n . o rg / a p p s / n e w s F r / s t o r y F. a s p ? N e w s I D = 2 0 6 5 3 & C r = c h e r- cheurs&Cr1). Cette augmentation spectaculaire du nombre de chercheurs s’accompagne d’une augmentation du nombre d’articles publiés. Entre 1998 et 2008, les chercheurs américains ont publié trois millions d’articles, les chercheurs japonais 800 000, les chercheurs français 550 0000, etc. (source http://sciencewatch.com/dr/cou/2008/08decALL/).

Une conséquence de cette augmentation très rapide du nombre de cher- cheurs et des publications est que les scientifiques s’intéressent à des problè- mes très nombreux et très différents les uns des autres. Ces problèmes se sont structurés en de nouvelles disciplines et parfois de nouvelles sciences. Les

* Directeur de Recherche à Inria. Il est l'un des co-auteurs du programme de la spécialité Informatique et Sciences du Numérique en terminale S.

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scientifiques ne peuvent plus avoir une vue d’ensemble du développement des sciences, ni même d’une seule science, non parce que leur domaine de compétence s’est réduit, mais parce que le champ de la science s’est étendu.

Cette nouvelle situation démographique pose des problèmes nouveaux aux enseignants : au milieu de cet océan de connaissances, quel fragment enseigner ? Et est-il suffisant d’enseigner une petite partie, même bien choi- sie, du savoir scientifique ou faut-il aussi essayer de donner aux élèves une vue d’ensemble des grandes tendances de la science contemporaine ?

Par contraste, enseigner les sciences au début du XXesiècle nous sem- ble rétrospectivement bien facile. Les publications étaient peu nombreuses.

Les mathématiciens comprenaient l’ensemble des mathématiques et les phy- siciens l’ensemble de la physique, comme Pic de la Mirandole était capable, en son temps, de discourir sur toute chose connaissable, et sur quelques autres.

Aujourd’hui, pourquoi enseigner la mécanique des fluides plutôt que la mécanique des solides, les rudiments de la statistique plutôt que la géométrie dans l’espace, la méthode des éléments finis plutôt que les algorithmes de routage ? Bien entendu, le nombre d’utilisateurs d’une notion, son utilité pour en comprendre d’autres ou pour construire des objets techniques, l’im- portance de son impact sur notre vision du monde, le caractère formateur de son apprentissage, etc., nous servent de guide dans nos choix, mais ces contraintes nous laissent encore de nombreuses possibilités. Finalement, nous devons admettre que, s’il est important d’enseigner un algorithme de tri, il est sans doute sans importance d’enseigner l’algorithme de tri par insertion ou l’algorithme de tri par sélection. De ce fait, nous pouvons laisser chaque élève choisir d’apprendre un algorithme ou l’autre.

Cette profusion de connaissances pose aussi un second problème : en enseignant un petit fragment du savoir scientifique, nous donnons à nos élè- ves des connaissances structurées comme celles des scientifiques du début du XXesiècle et non comme celles des scientifiques du début du XXIesiècle.

En ce début de XXIesiècle, en effet, il y a certaines connaissances que chaque scientifique maîtrise complètement, c’est-à-dire sait utiliser pour résoudre des problèmes. Mais il y a aussi de nombreuses connaissances dont il a simplement entendu parler. Par exemple, beaucoup d’entre eux ont entendu parler de la relativité générale, ils savent que cette théorie est née de la constatation de l’équivalence entre les forces gravitationnelles et les forces d’inerties dans un référentiel uniformément accéléré, que cette théorie défi- nit la masse comme une courbure de l’espace, qu’elle a été proposée par Einstein au début du XXesiècle, qu’elle a été testée expérimentalement lors 16 ] te rminal n° 113 - 114 [

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de l’éclipse de Soleil de 1919, qu’elle permet de régler les GPS et qu’elle explique l’avance de périhélie de Mercure. Mais ils ne savent pas nécessai- rement calculer eux-mêmes l’avance du périhélie de Mercure. Les scientifi- ques acquièrent ce genre de connaissances, parfois parce qu’ils sont lecteurs de livres ou d’articles de vulgarisation, parfois parce qu’ils ont assisté à des séminaires – séminaires auxquels ils n’ont pas compris grand-chose, mais dont ils ont retenu quelques éléments.

À l’inverse, quand nous enseignons la physique, nous avons souvent tendance à enseigner comment calculer l’avance du périhélie de Mercure ou à ne pas parler du tout de la relativité générale. Par exemple, les lycéens savent, en général, résoudre les équations du second degré, mais ne savent pas que les équations du troisième et du quatrième degré peuvent également être résolues par radicaux, ni que celles du cinquième degré et au-delà ne le peuvent pas.

Un enseignement des sciences au XXIe siècle nous semble devoir inté- grer une part de ce que l’on appelait, au XXe siècle, « la vulgarisation », c’est-à-dire la transmission de connaissances non suffisamment approfondies pour être utilisables pour résoudre des problèmes. Naturellement, l’évalua- tion de ces acquisitions inégalement approfondies reste un défi.

Le programme de la spécialité Informatique et sciences du numérique illustre ces deux évolutions. Tout d’abord en proposant aux élèves de choisir eux-mêmes les projets qu’ils souhaitent réaliser, les programmes qu’ils sou- haitent écrire, nous avons proposé un corpus de connaissances assez vaste, dans lequel chacun doit trouver sa voie.

Par ailleurs, s’il est possible et indispensable que les élèves maîtrisent les notions de test et de boucle, c’est-à-dire sachent utiliser ces connaissan- ces pour résoudre des problèmes, il est plus illusoire d’espérer qu’ils acquiè- rent des connaissances utilisables dans le domaine des réseaux ou de l’archi- tecture des ordinateurs. Toutefois, il est utile que les élèves aient entendu parler des algorithmes de routage ou qu’ils sachent faire la différence entre un circuit combinatoire et un circuit séquentiel.

Les données

Les sciences, en particulier les sciences de la nature, la physique, la bio- logie, etc., se sont toujours nourries de données. L’observation des satellites de Jupiter par Galilée ou les observations recueillies par Darwin à bord de la Beagle sont des exemples de données, qui ont joué un rôle essentiel dans la construction de leurs théories.

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Cependant, la taille des données brassées par les scientifiques est aujourd’hui d’un tout autre ordre de grandeur. Par exemple, le Large Hadron Collider(LHC) de la European Organization for Nuclear Research (CERN) produit chaque année de l’ordre de 15 000 téraoctets (source http://public.

web.cern.ch/public/en/lhc/Computing-en.html), soit mille fois plus que la taille de la collection imprimée de la Bibliothèque Nationale de France, qui est de 14 millions de documents (source http://fr. w i k i p e d i a . o rg / w i k i / Biblioth%C3%A8que_nationale_de_France) en comptant un million de caractères par document.

Même s’il est beaucoup plus petit, le génome humain a déjà une taille de l’ordre de 3,4 milliards de paires de bases. Brasser une telle quantité de données n’était pas à la portée des chercheurs au début du XXesiècle et de leurs « cahiers de manip ».

Il se pose alors de nouvelles questions aux scientifiques. Comment faire émerger une théorie à partir d’une telle masse de données. Et quelle doit être la taille de cette théorie ? La recherche en grammaire illustre bien ces ques- tions. Les grammairiens ont d’abord essayé de décrire les langues avec des règles comme « l’adjectif s’accorde avec le nom » en français ou « l’adjectif est invariable » en anglais. Puis ils se sont aperçu que ces règles définissaient des algorithmes qui indiquaient que les phrases « Le petit chat est mort. » et

« Les petits chats sont morts. » étaient correctes alors que la phrase « Les petit chats sont mort. » ne l’était pas. Ils cherchent aujourd’hui à inférer ces règles directement à partir des corpus, ou bien par essais et erreurs, ou bien en utilisant des algorithmes d’apprentissage (voir par exemple http://en.wiki pedia.org/wiki/Grammar_induction). Dans un tel cadre, la théorie inférée à partir du corpus n’a aucune raison d’être petite : il se peut que la grammaire du français, par exemple, contiennent des milliers de règles propres à un petit nombre de mots. Par exemple, des règles qui expliquent que l’on peut dire

« mercredi 22 mai », « le mercredi 22 mai » ou « mercredi prochain », mais non « le mercredi prochain ».

Insensiblement, l’activité scientifique elle-même est en train d’évoluer.

Le travail du scientifique ne consiste plus aujourd’hui uniquement à observer les données et à suggérer des hypothèses, mais aussi à concevoir des métho- des qui permettent d’inférer automatiquement des hypothèses à partir de don- nées trop nombreuses pour être observées à l’œil nu.

Comprendre l’impact de cette révolution sur l’enseignement des scien- ces est plus difficile, car il est dans la nature de l’enseignement de sélection- ner un petit nombre de données pertinentes au lieu de noyer les élèves sous un déluge de données.

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Toutefois, nous pouvons déjà préparer nos élèves à vivre dans un monde dans lequel leur cerveau sera en permanence connecté, par l’intermédiaire de leurs sens, à de gigantesques quantités de données.

La première chose à savoir est que tout apprendre par cœur est devenu à la fois inutile et impossible. Il était utile au XXe siècle d’apprendre par cœur les tables de multiplication ou la formule développée de l’éthanol. Mais il est impossible aujourd’hui d’apprendre par cœur le format Unicode – 110 000 caractères – ou même le code ASCII. Il est de même illusoire de connaître par cœur les formules développées des milliards de molécules que les chimistes découvrent ou synthétisent. En revanche, il est utile de savoir retrouver ces connaissances sur le Web ou dans un livre et de savoir les ordonner, dans un cahier ou dans une base de données.

L’apprentissage par cœur ne se justifie plus que dans deux cas. Quand il permet une meilleure compréhension des notions, par exemple, il est pos- sible qu’apprendre les tables de multiplication aide à comprendre la notion même de multiplication. Et quand des données sont utilisées suffisamment souvent pour que leur recherche à l’extérieur de soi soit un frein – un infor- maticien dirait ici que la mémoire du cerveau est une mémoire rapide alors qu’une bibliothèque est une mémoire de masse.

Il est également possible d’initier les élèves au traitement de grandes quantités de données. Par exemple, quand on leur fait réaliser un correcteur orthographique dans lequel on vérifie que chaque mot d’un texte appartient bien à un dictionnaire, il est possible d’utiliser un véritable dictionnaire plu- tôt qu’un petit dictionnaire créé pour l’occasion.

Il est tout aussi important, bien que plus difficile, d’apprendre à analy- ser des données et à inférer des hypothèses : faire une régression linéaire, estimer le degré d’un polynôme, essayer de comprendre si une déviation peut être attribuée au hasard ou si elle révèle quelque chose.

Cette évolution de l’enseignement des sciences est un peu plus discrète dans le programme de la spécialité Informatique et sciences du numérique car l’inférence d’hypothèses à partir de données appartient surtout aux scien- ces de la nature.

Toutefois, l’enseignement de l’informatique permet de mettre en avant l’utilisation de ressources en lignes et l’utilisation de grandes quantités de données. Par exemple, il est plus intéressant de proposer aux élèves un exer- cice dans lequel on leur demande de trouver sur le Web une description de l’algorithme de Bresenham et de l’implémenter que de leur proposer un exer- cice dans lequel on décrit cet algorithme en détail. De même, il est plus inté-

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ressant de les faire travailler sur des algorithmes de transformation d’images, à partir d’images trouvées sur le Web, ou prises avec leur appareil photo, plu- tôt qu’avec des images créées pour l’occasion.

L’abstraction

Les sciences s’appuyaient naguère sur un petit ensemble de langages : l’algèbre, le calcul différentiel, la nomenclature chimique, etc. Chacun de ces langages se caractérisait par un ensemble de symboles et un ensemble de règles de manipulation des expressions formées avec ces symboles. Chacun de ces langages donnait accès à un ou plusieurs domaines scientifiques. Le calcul différentiel, en particulier, donnait accès à la fois à la mécanique et à l’électromagnétisme.

Depuis la fin du XIXesiècle, les langages utilisés par les scientifiques n’ont cessé de se multiplier. Pour concevoir un circuit électronique, par exemple, on utilise plusieurs langages de description de matériel, qui décri- vent chacun un même circuit à différents niveaux d’abstraction. En chimie, mais aussi en biologie, on utilise différentes notations pour désigner des molécules, des bases azotées, des acides aminés, des gènes, c’est-à-dire sou- vent un même objet à différents niveaux d’abstraction. En informatique, des formats apparaissent chaque jour pour représenter des images et qui diffèrent par le fait que les images sont représentées symboliquement ou pixel par pixel, que les informations sont compressées ou non, chiffrées ou non, etc.

En théorie quantique des champs, on utilise des diagrammes de Feynman, formés de lignes qui représentent des particules et de sommets qui représen- tent les interactions entre ces particules. Dans de nombreux domaines du savoir, des phénomènes aléatoires demandent à être modélisés en utilisant le langage des probabilités.

Ainsi, ce qui caractérise un scientifique n’est plus sa capacité à maîtri- ser tel ou tel langage, mais sa capacité à en apprendre, et surtout à en créer, de nouveaux, en fonction de ses besoins, à traduire une même idée d’un lan- gage à un autre, quand cela est possible, ou à comprendre qu’une idée peut être exprimée dans un langage, mais non dans un autre.

Cette vision du scientifique comme manipulateur de symboles contraste en particulier avec la vision aristotélicienne selon laquelle le scientifique est en prise directe avec la réalité, indépendamment de toute médiatisation par le langage.

Même s’il reste, bien entendu, utile d’enseigner certains langages parti- culiers, à chaque étape de la progression des élèves, il n’est plus possible de se limiter à enseigner un petit nombre de langages présentés comme absolus, comme l’étaient naguère le langage de l’algèbre ou celui du calcul différen- 20 ] te rminal n° 113 - 114 [

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tiel. Il devient essentiel d’inclure une réflexion sur ces langages eux-mêmes.

On peut, par exemple, comparer le langage de l’algèbre à celui que l’on uti- lisait avant Viète et Stevin, dans lequel on disait « un cube et quatre carrés font 24 » pour exprimer l’équation x3+ 4 x2= 24. On peut aussi comparer les expressions « tout nombre premier est impair ou égal à 2 » et « pCIU{2} », et à apprendre à traduire une même idée d’un langage à un autre. Enseigner un peu de logique, théorie générale des langages, aiderait certainement ici à prendre le recul nécessaire.

Cette prise de conscience de l’importance des langages dans les scien- ces et les techniques mène à relativiser l’opposition traditionnelle entre les capacités d’expression des élèves et leurs capacités scientifiques et techni- ques : les langages sont des techniques.

Le programme de la spécialité Informatique et sciences du numérique, comme tout programme d’informatique, accorde une place importante à la notion de langage, de langage de programmation bien entendu, en mettant par exemple l’accent sur le fait qu’il est possible d’exprimer une même idée avec une boucle ou avec la récursion, mais aussi aux langages de descriptions de pages Web, au format permettant d’exprimer des images, des sons, etc., et à la réflexion sur la différence de finalité entre ces langages.

Mais c’est peut-être en architecture des ordinateurs que la réflexion est la plus facile à mener : après la présentation d’un langage graphique permet- tant de décrire des circuits formés de transistors, on peut nommer certains circuits « porte non », « porte ou », etc., et commencer à les assembler en oubliant peu à peu comment ces circuits sont constitués. On voit alors émer- ger un nouveau niveau d’abstraction, un nouveau niveau de description des mêmes objets, qui est à la fois plus facile à utiliser, mais aussi plus restreint puisqu’il ne permet pas d’exprimer tous les circuits.

La présence des sciences

La découverte des équations de Newton a sans doute peu changé la vie quotidienne des paysans qui constituaient la majorité de la population à la fin du XVIIesiècle. Il est même probable que les progrès des techniques agrico- les, comme l’introduction de la culture attelée, aient été largement indépen- dants des progrès de la mécanique newtonienne. En revanche, la découverte de nouveaux algorithmes d’indexation à la fin du XXesiècle a complètement changé la vie de milliards d’individus en changeant leur rapport à l’informa- tion et à la connaissance. De la fission nucléaire à la modification du génome du soja, des algorithmes de protection de la vie privée au développement des réseaux téléphoniques, les avancées de la science sont perceptibles par cha- cun à chaque minute de son existence. Malgré qu’ils en aient, les scientifi- ques ne vivent pas dans un monde éthéré, mais ils sont aujourd’hui au cœur de la société.

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Si bien que la compréhension des sciences est aujourd’hui la clé de la compréhension des questions de société qui se posent à nous. On ne peut pas comprendre les débats sur le stockage des déchets nucléaires si on ne sait pas ce qu’est la période d’un élément radioactif, on ne peut pas comprendre les problèmes que pose le vote électronique, si l’on ne comprend pas les notions de protocole, d’authentification, d’anonymat, de vérifiabilité, etc., on ne peut pas comprendre ce qu’est le respect de la vie privée, si l’on ne comprend pas ce qu’est une propriété observationnelle d’un algorithme, on ne peut pas comprendre les lois sur la diffusion des œuvres de l’esprit, si l’on ne sait pas ce qu’est le tatouage d’un fichier ou si l’on ne comprend pas la différence entre une adresse MAC et une adresse IP.

Certains enseignants sont réticents à aborder ces questions de société qui, pensent-ils à tort, excèdent leur domaine de compétence, et préfèrent les laisser à leurs collègues qui enseignent la philosophie et les sciences humai- nes. Si ces questions sont, bien entendu, un lieu privilégié pour un travail interdisciplinaire, il ne faut pas que les scientifiques s’en désintéressent, car ce sont eux qui détiennent les clés de la compréhension de ces problèmes.

Ces questions constituent une part modeste, mais significative, du pro- gramme de la spécialité Informatique et sciences du numérique, qui se foca- lise sur quelques questions paradigmatiques : l’hypermnésie, la non-rivalité et la supranationalité.

Au bout du compte, les transformations qui s’annoncent et sont déjà partiellement à l’œuvre, vont vraisemblablement transformer profondé- ment l’enseignement des sciences. Certaines d’entre elles, comme la création de nouvelles disciplines, demanderont des décisions institution- nelles, mais beaucoup peuvent facilement être effectuées par chaque enseignant dans sa classe, en choisissant de situer les connaissances transmises dans un cadre plus vaste, en incitant les élèves à rechercher certaines de ces connaissances sur le Web, en attirant leur attention sur les langages dans lesquels elles sont exprimées et sur la manière dont elles transforment le monde dans lequel ils vivent.

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