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1.4.1.1. Itinérance et mobilité, deux notions indissociables depuis leurs origines

Quand on s'intéresse à l’histoire du tourisme et lorsque l’on remonte à son origine, il est clair que les mobilités en sont le fondement. Voyager, faire du tourisme, partir en vacances, c’est avant toute chose un déplacement. Avant de pouvoir aborder plus précisément la notion de tourisme d’itinérance, il convient donc de s’attarder sur les termes de mobilité et d’itinérance.

Tout d’abord, d’après le dictionnaire académique Français paru en 1986, le mot mobilité signifie en son sens premier la “capacité à se mouvoir ou à être mû”, s’opposant par conséquent à l'idée d’immobilité. De façon plus générale, ce terme fait référence à “un

changement de lieu accompli par une ou des personnes”58. De nos jours, ce terme est

58 Géoconfluences, ENS de Lyon. Mobilité [en ligne]. Disponible sur : http://geoconfluences.ens- lyon.fr/glossaire/mobilite. (Consulté le 05-07-2019).

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communément utilisé pour parler des moyens de transports empruntés pour nos déplacements.

Originaire d’un néologisme entre les mots “itinéraires” et “errance”, l’itinérance semble d’abord caractériser un déplacement, ou encore le fait de se déplacer. On constate que ce terme est utilisé à partir du Moyen Âge, aux alentours du XIVème siècle, pour parler d’un

récit de voyage, où l’itinérant se voit désigné comme un voyageur. L’histoire du tourisme d’itinérance est effectivement ancienne, avec des pratiques telles que les pèlerinages qui en sont une représentation significative.

Au XVIIème siècle, la vision de la nature se transforme pleinement au sein des sociétés.

Synonyme de spectacle captivant, les déplacements s’organisent progressivement autour de cette admiration naissante. La pratique du Grand Tour59, qui émerge à partir des années

1760, illustre parfaitement ce phénomène.

Au final, c’est la période des Trentes Glorieuses, de 1945 à 1973, qui va engendrer un réel bouleversement dans nos sociétés. La majeure partie des pays développés “ entrent à ce

moment dans une prospérité économique importante, et on assiste à l’avènement de la société de consommation se traduisant par une croissance exponentielle de l’industrie et une période de plein emploi” (Leudihac, 2018, p.26).

Face à ce changement considérable un nouveau mouvement appelé la Beat Generation émerge à partir des années 1950. C’est l’ouvrage de Jack Kerouac, Sur la Route, publié en 1957 qui en figure comme le précurseur. Véritable symbole de liberté et ode aux grands espaces, l’auteur devient le représentant d’une opposition croissante qui naît face à la bourgeoisie60. Ces voyageurs en marge cherchent alors à adopter “une forme de

nomadisme actif et militant” (Leudihac, 2018, p.26), qui vient s’opposer au mode de vie

sédentaire qui est perçu comme opprimant et passif. Dans la suite à partir des années 1960, dans la mouvance du courant beatnik, de nouveaux voyageurs font leur apparition. Ces derniers, appelés routards, globe-trotteurs ou encore backpackers, sont eux aussi des

59 Le Grand Tour est d’ailleurs bien souvent perçu comme l’ancêtre du tourisme.

60 A l’époque, ce genre de voyage itinérant reflète “une course à la vie qui se déroule sur la route, contre une course à

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itinérants en marge qui cherchent eux aussi à proscrire le tourisme de masse et à échapper au sédentarisme et à la société de consommation61.

Pour conclure, ces voyageurs se caractérisent de nos jours par de nombreux paradoxes, qui viennent au final remettre en cause les intentions et aspirations à l’origine du mouvement. On les retrouve effectivement de plus en plus voyageant en groupe, et alors que ces itinérants voyageaient à l’époque durant leur jeunesse, on retrouve aujourd’hui de plus en plus de retraités dans leur rang. Ils apparaissent en outre comme des voyageurs très aisés dans les pays qu’ils découvrent, bien qu’ils affirment généralement voyager avec peu de moyens. Les nombreux hébergements qui leur sont désormais consacrés viennent finalement renforcer le fait que ces itinérants n’ont plus vraiment vocation à vivre leur voyage dans l’inconfort qu’ils étaient à l’origine prêts à supporter. Malgré toutes ces contradictions, il apparaît désormais certains que les nouvelles formes de tourisme qui se développent semblent “renforcer l’importance d’expériences de mobilité très proches de

celle des routards” (Vacher, 2012, p.48).

Avec la diversité des moyens de transports motorisés qui existent aujourd’hui, des plus anodins aux plus extravagants, les touristes ont aujourd’hui une multitude de possibilités de mobilité pour réaliser leur voyage itinérant. On retrouve la voiture, l’avion, la moto, l’autobus, le bateau à moteur, l’ULM, le taxi-brousse, le scooter, et bien d’autres. Ces modes de transports, qui ont évolué à travers les siècles, offrent aujourd’hui différentes alternatives aux voyageurs pour se rendre sur leur lieu de séjour ou encore pour découvrir ce dernier. Pourtant, ces modes d’itinérances motorisés montrent leurs limites en raison des répercussions négatives qu’ils peuvent engendrer, comme le rejet d’émission de gaz à effet de serre notamment. Ces transports induisent aussi bien souvent la notion de vitesse, de rapidité, qui empêche au final les touristes de prendre leur temps et de savourer entièrement leur voyage. Alors que les transports en commun demeurent préférables aux véhicules individuels, une autre catégorie de mobilité permet de se déplacer ou de faire de l’itinérance de manière bien plus respectueuse des milieux parcourus, et offrant de façon indéniable une bien meilleure expérience aux voyageurs.

61De nombreux jeunes en Europe choisissent alors de prendre la route, bien souvent avec très peu de moyens, pour aller en direction de l’Asie (en Inde majoritairement). Inscrit dans le mouvement hippie à cette période, ce trajet est appelé le

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1.4.1.2. La marche à pied, une mobilité douce par excellence

En effet, bien qu’il existe aujourd’hui de nombreuses possibilités de déplacements, les mobilités dites “douces” semblent être l’alternative la plus durable pour voyager. De façon générale, ces mobilités douces sont définies comme “l’ensemble des moyens de transport

non motorisés, comme la marche à pied, le vélo, le roller, l’équitation, la roulotte “ou tout autre mode de transport dit respectueux de l'environnement et du cadre de vie urbain””

(Leudihac, 2018, p.31). On utilise également le terme de mobilité active pour parler des déplacements qui sont réalisés par le seul effort physique de l’être humain. Le terme d’écomobilité, quant à lui, désigne plus largement les moyens de transports non polluants ou encore ceux émettant du gaz à effet de serre de façon limitée. On retrouve notamment dans cette catégorie les transports en commun, l’autopartage ou bien le covoiturage.

Au final, les différentes mobilités douces qui existent représentent aujourd’hui dans l’industrie touristique de véritables attraits pour le développement d’un tourisme plus durable. Marche à pied, itinérance avec des animaux62, vélo ou encore fluvial doux, on

retrouve en effet différents moyens de transport doux qui offrent une véritable expérience de voyage en soit : du fait de la lenteur qu’ils induisent généralement mais aussi du respect environnemental qui les caractérisent. Nous allons dans ce cadre nous attarder sur la mobilité douce qui est ici centrale dans notre sujet : la marche à pied63.

En lien direct avec l’histoire de l’homme, la marche se rapporte avant toute chose aux migrations des hommes de la préhistoire, commencées il y a plus de deux millions d’années. Jusqu’à l’introduction progressive d’autres moyens de transport comme la diligence ou le bateau, cette pratique est longtemps restée le mode de transport par excellence de l’être humain. Au XIXème siècle, il s’agit encore d’une pratique très courante,

puisqu’on retrouve de nombreuses personnes à pied sur les routes et chemins.

Graduellement, les déplacements et voyages à pied vont pourtant voir leur image se ternir, et vont commencer à être perçus comme une pratique douteuse et inhabituelle. Cette

62 Chevaux, calèches, ânes, dromadaires, etc.

63 Il n’apparaît effectivement pas nécessaire de développer cette explication sur les autres composantes de ce genre de déplacements doux. Pour plus d’informations à ce sujet, il vous est possible de vous référer au travail réalisé dans le cadre du mémoire de première année.

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perception négative va ensuite être renforcée à partir des années 1950 avec la démocratisation des transports motorisés64.

Le XXIème siècle marque un changement radical de perception, puisque la marche “est

devenue synonyme de liberté, de calme, de bonne santé, de plaisir, de flânerie ou encore de découvertes” (Leudihac, 2018, p. 32). Depuis les années 1990, cette pratique s’est en effet

largement répandue à travers le globe, autant au sein des populations que dans le rang des voyageurs. Même si la nature réussit parfois à l’emporter sur les traces faites par l’homme, d’innombrables routes et sentiers sont aujourd’hui aménagés et balisés, incitant et facilitant au final cette pratique. Il est même désormais possible de parcourir des chemins qui ont été par le passé arpentés par des personnages célèbres et réputés. Au fil de l’histoire, la marche à pied s’est effectivement révélée être une pratique fortement appréciée par de nombreux artistes, écrivains, aventuriers et personnalités en tous genres65. La marche, puisqu’elle est favorable à la réflexion mais aussi à la rêverie, semble

en effet être une véritable source d’inspiration66. De nos jours, on considère

communément cette pratique comme une thérapie, autant au niveau physique que psychologiques, et elle représenterait même selon certains une philosophie de vie hédoniste.

L’anthropologue et sociologue David Le Breton décrit notamment la marche à pied comme une “ouverture au monde qui invite à l’humilité et à la saisie avide de l’instant” (2012, p.25). La marche suppose effectivement une certaine lenteur -qui vient s’opposer à l’hypermobilité aujourd’hui omniprésente dans notre société- ce qui permet au final de percevoir à sa manière et au rythme de son choix l’environnement ambiant. Outre le fait qu’elle permette de prendre conscience de son corps, la marche va en outre favoriser la rencontre, comme l’affirme notamment Franck Michel dans son ouvrage : “La marche est

un voyage qui permet d’avancer, vers les autres et vers soi” (2004, p.69). On retrouve

effectivement une dimension de respect mais aussi de solidarité entre les marcheurs, la

64 Jusqu’aux années 1990, la marche n’est pratiquée que pour des raisons exclusivement utilitaires, et non pour le loisir. Le peu d’itinérants à pied s’aventurant sur les routes se heurtent à des comportements hostiles et méfiants, et on ne retrouve que très peu d’infrastructures facilitant leur pratique.

65 On retrouve par exemple Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau ou encore David Le Breton.

66 De nombreux écrivains ont effectivement utilisé cette pratique comme une source d’inspiration et de contemplation, puisqu’elle leur permettait au final de traduire leur désir de liberté et de passion.

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pratique étant propice aux échanges et à l’ouverture d’esprit67. Certains perçoivent en

outre la marche comme un moyen de se débarrasser des contraintes d’identités68 mais

aussi des tensions et pressions en lien avec les responsabilités sociales69.

Au final, il apparaît comme pertinent de préciser que la destination finale n’apparaît bien souvent que comme un prétexte70, comme l’explique notamment l’auteur Franck Michel :

“ “Ce qui importe dans la marche ce n’est pas son point d’arrivée mais ce qui se joue en elle

à tout instant, les sensations, les rencontres, l'intégrité, la disponibilité, le plaisir de flâner…, exister, tout simplement, et le sentir” (2004, p.31). Marcher relèverait plus d’une intention

ou d’une volonté et ne constituerait donc pas forcément un moyen d’atteindre un objectif.

Pour conclure, cette pratique présente néanmoins certains désagréments et contraintes71,

entre autres en raison de l’effort physique qu’elle engage.

« Comme toutes les entreprises humaines, même celle de penser, la marche est

une activité corporelle, mais plus que les autres elle engage le souffle, la fatigue, la volonté, le courage devant la dureté des routes ou l’incertitude de l’arrivée, les moments de faim ou de soif quand nulle source n’est à portée de lèvres, nulle auberge, nulle ferme pour soulager le chemineau de la fatigue du jour. » (Le

Breton, 2012, p.31).

Alors que ces éléments peuvent permettre à celui qui marche de se sentir vivant et lucide, ils peuvent aussi représenter un obstacle ou une entrave, rendant au final cette pratique difficile et désagréable.

1.4.2. La randonnée pédestre itinérante, une tendance en proue

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