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- Résumé du chapitre 1 -

Chapitre 2 - Le modèle utilisé pour appréhender l’évolution de la relation de franchise

2.3. Appréhender la relation de franchise : le contrat psychologique

2.3.2. L’état de l’art des recherches sur le contrat psychologique

Bien que déjà ancien, le concept connaît un renouveau d’intérêt depuis une dizaine d’années, notamment du fait des profondes mutations observées sur le marché du travail, telle que la perte de la sécurité de l’emploi, l’accroissement de la précarité des emplois, l’exigence de flexibilité (Sharpe, 2003)1, qui induisent des changements dans la perception, par les salariés, des obligations des employeurs. Les salariés attendent désormais de leurs employeurs des obligations en matière de formation et de développement de nouvelles compétences pour assurer leur employabilité. Ils attendent un salaire lié à la performance, une plus grande implication dans la prise de décision et une communication bidirectionnelle ouverte (Roehling

et al., 2000 ; Boswell et al., 2001)2. De très nombreuses recherches sont actuellement publiées sur le contenu du « nouveau contrat psychologique »3.

Elles s’articulent autour de trois questions principales : la détermination du contenu du contrat psychologique (2.3.2.1.), les déterminants et les processus de formation du contrat psychologique (2.3.2.2.), les conséquences de la rupture ou violation, du contrat psychologique (2.3.2.3.).

2.3.2.1. La détermination du contenu du contrat psychologique

L’objet de ces recherches est de brosser le contenu du contrat psychologique, c’est à dire les obligations de l’entreprise vis-à-vis du salarié perçu par ce dernier et les obligations perçues du salarié vis-à-vis de l’entreprise. Elles consistent à :

Lister les obligations perçues réciproques possibles, de manière exhaustive ; Repérer des catégories d’obligations pouvant être regroupées ;

Identifier les différents contrats psychologiques pour différencier et comparer les relations d’emploi, en fonction de critères tels que le niveau hiérarchique du salarié, le secteur d’activité, la culture du pays etc. , les obligations perçues pouvant être plus ou moins saillantes en fonction de catégories de personnes ou d’entreprises ;

Proposer une typologie des contrats psychologiques et définir leurs caractéristiques.

1

Sharpe A. (2003), The Psychological Contract in a Changing Work Environment, The Work Institute.

2 Roehling M. V., Cavanaugh M. A., Moynihan L. M. et Boswell W. R. (2000), The Nature of the New Employment Relationship : A Content Analysis of the Practitioner and Academic Literatures, Human Resource

Management, 39, 305-320; Boswell W. R., Moynihan L. M., Roehling M. V. et Cavanaugh M. A. (2001),

Responsibilities in the New Employment Relationship : an Empirical Test of an Assumed Phenomenon, Journal

of Managerial Issues, 13, 307-328.

3 Par exemple Sharpe (2003) ; Lemire L. (2005), Le nouveau contrat psychologique et le développement de l’employabilité : chose promise, chose due !, Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), 1(1).

Il s’agit donc de décrire et de comparer les caractéristiques des contrats psychologiques, dans un but prédictif, expliquer certaines attitudes ou certains comportements au travail ou dans le but d’apprécier l’évolution du contrat psychologique dans le temps, au cours de la relation d’échange.

Campoy, Castaing et Guerrero (2005)1 énoncent que « Le recensement « exhaustif » des caractéristiques des contrats psychologiques semble être une voie de recherche prometteuse pour atteindre une certaine universalité de la mesure du contrat psychologique et avoir un pouvoir comparatif bien plus grand ». Nous pensons qu’au-delà, la démarche peut aboutir à améliorer les outils de management des ressources humaines et permettre par exemple d’affiner les procédures de recrutement ou d’insertion dans l’organisation.

2.3.2.2. Les déterminants et les processus de formation du contrat psychologique.

Les recherches sur le contrat psychologique ont également porté sur les déterminants et les processus de formation du contrat. Elles ont montré que les obligations perçues dépendent de multiples facteurs liés au cadre institutionnel, aux caractéristiques situationnelles et organisationnelles et à des variables personnelles. Ils sont schématisés dans la figure ci-après.

Pour ce qui concerne le contrat psychologique entre salariés et employeurs, nous retrouvons

l’environnement institutionnel défini plus haut et en particulier les choix politiques opérés

pour réguler l’emploi, qui définissent le niveau d’acceptation du chômage mais aussi la législation du travail et le droit négocié, c’est-à-dire les conventions collectives. Le contrat psychologique nouveau est ainsi expliqué par l’évolution du marché de l’emploi, le poids du chômage, l’orientation vers une plus grande précarité et une plus grande flexibilité de la main d’œuvre. La deuxième catégorie de déterminants du contrat psychologique est liée aux

caractéristiques situationnelles et organisationnelles (Turnley et Feldman, 1999 ; Sparrow,

1998)2. Interviennent notamment la taille de l’entreprise employeur, le secteur d’activité, plus ou moins protégé de la concurrence, avec une plus ou moins forte intensité concurrentielle mais aussi la réputation, la culture, le style de management de l’entreprise. Les obligations perçues ne sont pas les mêmes lorsque l’entreprise est une multinationale ou une TPE de deux

1 Campoy E., Castaing S., Guerrero S. (2005), Approche méthodologique du contrat psychologique : opérationnalisation, mesure et analyse des données, in Delobbe N., Herrbach O., Lacaze D. et Mignonac K. (sous la direction de) (2005), Comportement Organisationnel, 1, Contrat psychologique, émotions au travail,

socialisation organisationnelle, De Boeck, 107-150, page 136.

2 Turnley W.H. et Feldman D.C. (1999), The Impact of Psychological Contract Violations on Exit, Voice, Loyalty, and Neglect, Human Relations, 52(7), 895-922 ; Sparrow P.R. (1998), Reappraising Psychological Contracting, International Studies of Management and Organizations, 28(1), 30-63.

salariés, dans les services de haute technologie ou dans la grande distribution, dans un secteur très exposé à la concurrence ou une entreprise monopolistique, dans une entreprise à culture paternaliste ou qui recherche la flexibilité etc.

Sur le processus de formation du contrat psychologique, les recherches ont montré qu’il serait précisé lors des échanges, verbaux et non-verbaux, pré et postcontractuels, avec le partenaire de la relation d’échange. Des obligations implicites du contrat psychologique existeraient avant même l’entrée en relation avec l’organisation employeur, du fait de sources d’information multiples : la publicité institutionnelle, les articles de presse, le « bouche à oreille », la réputation de l’entreprise. Le contenu du contrat psychologique évoluerait ensuite lors des entretiens de recrutement, en fonction des contacts avec la Direction des Ressources Humaines et les directions opérationnelles de l’entreprise, puis pendant la période de socialisation, c’est-à-dire d’intégration comme nouveau venu. Des auteurs ont montré que cette période était critique pour la définition du contrat psychologique car passé la phase initiale de socialisation, le contrat psychologique d’un individu devient relativement résistant au changement (Coyle-Shapiro et Kessler, 2000 ; Rousseau, 2001)1.

Outre les échanges, pré et postcontractuels, le contrat psychologique dépend de variables

individuelles et expérientielles. Les individus possèderaient un schéma, défini comme un

modèle mental réunissant les croyances essentielles, concernant la nature d’une relation d’emploi typique. Ce schéma se construirait tôt dans la vie, avant même l’entrée sur le marché du travail, en fonction des valeurs transmises par le cercle familial, l’école, les groupes de pairs et les interactions avec les autres travailleurs (Morrison et Robinson, 2004 ; Coyle-Shapiro et Parzefall, 2005)2. Des variables de personnalité, telle que l’aversion au risque ou des aspirations plus ou moins carriéristes, pourraient intervenir. Le schéma évoluerait ensuite en fonction de l’âge de la personne, de la durée de la relation d’emploi (Sharpe, 2003) ou encore de l’histoire individuelle de chaque personne, de ses expériences passées. Par exemple, le vécu d’un licenciement entraînerait des modifications sensibles du contrat psychologique.

1 Coyle-Shapiro J.A.-M. et Kessler I. (2000), Mutuality, Stability and Psychological Contract Breach : a Longitudinal Study, Paper Presented at the Academy of Management, Toronto, Canada ; Rousseau D.M. (2001), Schema, Promise and Mutuality : the Building Blocks of the Psychological Contract, Journal of Occupational

and Organizational Psychology, 74, 511-541.

2 Morrison E. W. et Robinson S. L. (2004), The Employment Relationship from Two Sides : Incongruence in Employees’ and Employers’ Perceptions of Obligations, in Coyle-Shapiro J.A. M., Taylor M. S. et Tetrick L. E. (Eds.), The Empoyment Relationship : Examining Psychological and Contextual Perspectives, 161-180, Oxford University Press.

Figure 9. : Les déterminants du contrat psychologique pour le salarié

(Source : construit à partir de Sharpe, 2003)

2.3.2.3. Les conséquences de la violation du contrat psychologique.

Dans le cas où les obligations issues du contrat psychologique ne seraient pas respectées par l’employeur, les études en ressources humaines montrent que le salarié connaît une frustration1 qui se traduit généralement par le désengagement de la relation. Le conflit ouvert est rare. Le salarié ne peut agir en justice pour contraindre l’employeur à exécuter ses

1 Il est utile de revenir à la définition du mot frustration. Le verbe frustrer signifie : 1) priver quelqu’un d’un bien, d’un avantage qu’il était en droit de recevoir ou sur lequel il croyait pouvoir compter 2) priver quelqu’un d’une satisfaction (Petit Robert, 2001). La frustration est le sentiment que l’on ressent lorsqu’on est frustré, c’est-à-dire privé d’un avantage que l’on pensait être en droit de recevoir ou sur lequel on croyait pouvoir compter.

Contrat psychologique Employeur-salarié Environnement / contexte général Ex : hausse du chômage, insécurité de l’emploi, législation du travail, choix politiques pour réguler l’emploi

Autres variables individuelles

Ex : âge, objectifs ou projets

Personnalité

Ex : aversion au risque, attitude carriériste, motivation de la relation

Vécu

Ex : histoire, expériences de relation d’emploi précédentes, stabilité de l’emploi vécu, ancienneté de la relation avec l’employeur

Caractéristiques situationnelles et organisationnelles

Ex : liées au secteur d’activité (nature, intensité concurrentielle), à l’entreprise et à l’employeur (taille, organisation, style de management, réputation, culture)

obligations, comme dans le cas de la violation d’un contrat formel. De plus, le conflit condamne généralement la relation. Le désengagement peut être brutal et consister dans la rupture du contrat de travail, par démission du salarié par exemple, s’il a accès à d’autres emplois. Il peut se traduire par une baisse de l’implication, un investissement moindre du salarié dans son travail.

A titre de synthèse, le tableau ci-après présente une comparaison des caractéristiques des contrats formels et psychologiques.

Tableau 19. : Les contrats formels et les contrats psychologiques : comparaison de leurs caractéristiques

Contrat Formel Contrat psychologique

Définitions

Ensemble des clauses du contrat traduisant les droits et obligations définis

explicitement par les parties au contrat (écrites ou orales)

Ensemble des promesses et obligations réciproques perçues au niveau d'un individu, dans le cadre d’un accord d’échange (notion très englobante)

Nature du contrat

Objective : les clauses sont comprises de la même manière par l’ensemble des parties et observateurs extérieurs (sauf ambiguïté, volontaire ou non, due à la rédaction- rôle d’interprétation du juge)

Perceptuelle et subjective : représentation mentale des droits et obligations mutuels, par un individu, à un moment donné ; attentes ayant un caractère réaliste et raisonnable pour celui qui les formule

Modes d’expression des droits et

obligations

Explicites Non exprimées, tacites

Sources des obligations

L’accord de volonté Le contenu du contrat

Echanges verbaux et non verbaux entre partenaires de la relation d’échange, interprétation des promesses, explicites ou implicites,

réputation, culture, standards opératoires, histoire et personnalité du contractant

Evolutions dans le temps

Faibles

Modifications par avenants, à des moments précis, avec un nouvel accord de volonté

Oui, de manière continue, en fonction de la vie de la relation d’échange

Conséquences de la violation du contrat

Possibilité d’agir en justice pour contraindre le partenaire à exécuter ses obligations et/ ou obtenir des dommages et intérêts

Frustration pouvant se traduire par une baisse de l’implication, une hausse de la méfiance, des comportements pouvant conduire au conflit

2.3.3. L’intérêt du concept de contrat psychologique pour la recherche sur la relation de

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