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Les apports du contrat relationnel à la compréhension de la relation de franchise : la confiance et les normes relationnelles

Chapitre 1 - Les fondements théoriques de la relation de franchise

1.4. La théorie de l’échange social et l’approche relationnelle des échanges

1.4.2. Les apports du contrat relationnel à la compréhension de la relation de franchise : la confiance et les normes relationnelles

L’entrée ou le maintien dans un contrat relationnel traduit une volonté d’engagement durable des acteurs. L’engagement, défini comme étant la volonté continue de maintenir une relation valorisante (Morgan et Hunt, 1994), suppose de se rendre vulnérable aux actions de son partenaire. Aussi recherche t-on des partenaires à qui on peut « accorder sa confiance ». Le concept de confiance connaît un essor important dans la recherche en sciences de gestion depuis le début des années 1990. En marketing, elle est un des construits les plus étudiés dans les recherches en marketing relationnel (Guibert, 1999)4. Elle est devenue un thème central aussi dans les études sur les relations interentreprises car elle est considérée comme le ciment de la coopération. Elle a donné lieu à une multitude de travaux de recherche (Donada et Nogatchewsky, 2007)5.

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Grönroos C. (1994), From Marketing Mix to Relationship Marketing : Towards a paradigm Shift in Marketing,

Management Decision, 32(2), 4-20 ; Gummesson E. (1997), Relationship Marketing as a Paradigm Shift : Some

Conclusions from the 30R Approach, Management Decision, 35 (4), 267-272.; Flambard-Ruaud S. (2002), Le

marketing relationnel : nouvelle donne du marketing, E-Theque.com.

2 Marion G. (2001), Le marketing relationnel existe-t-il ?, Décisions Marketing, 22( janvier-avril), 7-16. 3

Pour Williamson, il n’existe qu’une confiance calculée dans le monde des affaires.

4 Guibert N. (1999), La confiance en marketing : fondements et applications, Recherche et Applications en

Marketing, 14(1/1999), 1-19.

5 Pour une revue des recherches quantitatives, voir Donada C. et Nogatchewsky, G. (2007), La confiance dans les relations interentreprises, Une revue des recherches quantitatives, Revue Française de Gestion, 175, 111-124.

1.4.2.1. Les définitions de la confiance

Il existe un consensus sur le caractère indispensable de la confiance dans la vie des affaires mais pas sur la définition de ce concept. Les définitions de la confiance foisonnent, soulignant la diversité des perceptions et des représentations du concept par les chercheurs et le caractère polysémique du mot (Guibert, 1999 ; Brousseau, 2000). Nous ne proposons pas ici une revue exhaustive des définitions et des perceptions de la confiance1 mais soulignons quelques apports utiles pour la compréhension de la franchise.

La confiance peut être définie comme un état psychologique comprenant l’intention d’accepter une vulnérabilité fondée sur les attentes positives à propos des intentions ou du comportement d’une autre personne (Mayer et al., 1995 ; Rousseau et al., 1998)2. Elle suppose une prise de risque. C’est pourquoi dans les relations d’affaires, elle se construit graduellement, sur des bases cognitives et affectives, dans lesquelles interviennent la réputation et la compétence reconnue suite aux expériences antérieures : les entreprises apprennent à se connaître et adoptent une démarche pragmatique qui consiste à se tester, puis à augmenter petit à petit les flux d’affaires3.

La confiance est considérée, au coté de la satisfaction, comme un facteur fondamental dans le développement de la qualité perçue d’une relation. Elle est apparue, avec l’engagement, comme une variable médiatrice clé des modèles de marketing relationnel (partenariat fabricant-distributeur) développés par Anderson et Narus (1990)4 et Morgan et Hunt (1994). De nombreuses définitions ont été proposées dans le cadre d’une relation commerciale. Nous en retenons deux : la confiance est « la croyance du client en la compétence et la fiabilité de son partenaire d’échange, qui déterminent sa crédibilité » (Ganesan, 1994)5 ou encore « l’ensemble des croyances confortant un partenaire dans la certitude que les intentions et les comportements de son partenaire d’échange produiront les résultats attendus » (Frisou, 2000)6. Elle comprend une composante technique, liée au savoir-faire et au savoir être de

1 Pour une revue des définitions et représentations de la confiance, voir Simon E. (2007), La confiance dans tous ses états, Revue Française de Gestion, 175, 83-94 et Delerue H., Bérard C. (2007), Les dynamiques de la confiance dans les relations interorganisationnels, Revue Française de Gestion, 175, 125-138.

2 Mayer R. C., Davis J. H. et Schoorman F. D. (1995), An Integrative Model of Organizational Trust, Academy

of Management Review, 20(3), 709-734 ; Rousseau D. M., Sitkin S. B., Burt R. S. et Camerer C. (1998), Not so

Different After All : a Cross-Discipline View of Trust, Academy of Management Review, 23, 393-404.

3 Ce n’est pas toujours le cas dans les rapports interindividuels : par exemple, le capital confiance d’un enfant vis-à-vis de ses parents est immense, dès les premiers instants de sa vie.

4 Anderson J.C., Narus J.A. (1990), A Model of Distributor Firm and Manufacturer Firm Working Partnership,

Journal of Marketing, 54, janvier, 42-58.

5 Ganesan S. (1994), Determinants of Long-Term Orientation in Buyer-Seller Relationships, Journal of

Marketing, 58, avril, 1-19.

6 Frisou J. (2000), Confiance interpersonnelle et engagement : une réorientation béhavioriste, Recherche et

l’autre partie, comme par exemple la capacité à gérer des interactions avec l’autre partie et une composante morale : la présomption que l’autre aura un comportement dépourvu d’opportunisme et respectera la transparence de l’information (Bidault et Jarillo, 1995)1. La confiance modère ainsi le sentiment de dépendance et influence favorablement la continuité des relations fournisseurs-distributeurs. En ce sens, elle complète les approches par le pouvoir.

Les recherches interorganisationnelles distinguent traditionnellement trois niveaux de confiance qui peuvent être adaptés à la relation de franchise :

La confiance interpersonnelle, entre personnes physiques, par exemple entre un franchisé et un franchiseur représenté par un individu (le créateur ou directeur de la franchise) ;

La confiance organisationnelle définie comme la croyance en la compétence, la fiabilité, les intentions et les comportements de l’organisation. Elle implique certes des personnes physiques mais dépasse la relation interpersonnelle pour se situer au niveau de l’organisation. Elle est alors un attribut collectif partagé entre les individus, grâce à des construits normatifs et sociaux (Simon, 2007)2. Elle peut se substituer à la confiance interpersonnelle avec le temps, lorsque la taille du réseau ne permet plus les échanges directs avec le créateur ou le repreneur, de la franchise. Il est à noter que la confiance peut être à la fois interpersonnelle - entre le franchisé et le responsable du réseau ou entre le franchisé et l’animateur régional - et organisationnelle ;

La confiance institutionnelle, qui se développe par la reconnaissance et l’acceptation des règles régissant la vie sociale, politiques et économiques. La loi Doubin, les codes de déontologies établis par les organismes professionnels de la franchise, les décisions de justice participent au développement de la confiance institutionnelle.

Croonen (2007 : 16)3 propose d’ajouter un quatrième niveau de confiance, propre à la franchise : la confiance dans le système de franchise lui-même. La confiance dans le système de franchise serait intermédiaire entre la confiance organisationnelle et la confiance institutionnelle. Elle serait la croyance du franchisé que le système de franchise est géré de manière cohérente et juste, avec un partage de la rente équitable entre franchiseur et

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Bidault F. et Jarillo J.C. (1995), La confiance dans les transactions économiques, in Confiance, Entreprise et

Société, Bidault F., Fomez P.Y. et Marion G. (sous la direction de), eds, Editions Eska, Paris, 109-123.

2 Simon E. (2007), La confiance dans tous ses états, Revue Française de gestion, 175, 83-94.

3 Croonen E. (2007), Trust and Fair in Franchise Relationships, Economics and Management of Networks, 3ème conference internationale, 27-29 juin, Rotterdam.

franchisés, une prise en compte dans les décisions du réseau des intérêts des franchisés et un traitement équitable de chacun des franchisés.

1.4.2.2. Le lien entre confiance et normes relationnelles

Le lien entre confiance et normes est souligné par Fukuyama (1995)1 lorsqu’il énonce : « la confiance représente les attentes qui se constituent, à l’intérieur d’une communauté régie par un comportement régulier, honnête et coopératif, fondé sur des normes habituellement partagées de la part des autres membres de cette communauté. ». La littérature désigne par le terme de normes relationnelles les modèles ou types de comportements attendus2, susceptibles de créer ou de renforcer la confiance ou encore les principes sociaux et organisationnels fondamentaux sur lesquels on doit se baser pour établir une relation durable. Trois normes sont généralement repérées : la solidarité, proche du sentiment d’intérêt mutuel énoncé par Macneil (1980), l’échange d’informations (Heide et John, 1992)3 et la participation aux

décisions (Dwyer et Oh, 1988)4.

1.4.2.3. La question de l’utilité du concept de confiance dans la relation de franchise

Force est de constater que peu de recherches ont été menées sur le rôle de la confiance dans la relation entre franchiseur et franchisé, probablement parce que la relation est fondée sur un contrat formel assez détaillé et une législation protectrice des intérêts des franchisés. La place de la confiance est alors jugée moins importante.

Pourtant, le management de la relation de franchise repose sur plusieurs mécanismes qui se combinent. Il repose certes sur l’autorité conférée par le contrat de franchise. Celui-ci organise une délégation de pouvoir, prévoit des restrictions de liberté du franchisé pour assurer l’homogénéité du réseau des points de vente. Il répartit la rente entre franchiseurs et franchisés. Toutefois la confiance peut-elle être encore opposée au pouvoir ? Ils ont longtemps été présentés comme incompatibles, notamment parce que le pouvoir était compris dans un sens négatif, comme synonyme de coercition ou de contrôle autoritaire (Weitz et Jap,

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Fukuyama F. (1995), Trust : the Social Virtues and the Creation of Prosperity, The Free Press, page 26. traduction proposée par Paturel R., Richomme-Huet K. et De Freyman J. (2005), Du capital social au management relationnel, XIVème Conférence Internationale de Management Stratégique, Pays de la Loire, Angers, 2005, 28 p.

2 Norms are « Expected Patterns of Behavior » (Lipset, 1975 : 173) cité par Dwyer F.R., Schurr P.H. et Oh S. (1987 : 17).

3 Heide J. B. et John G. (1992), Do Norms Matter in Marketing Relationships ?, Journal of Marketing, 56, April, 32-44.

4 Dwyer F.R. et Oh S. (1988), A Transaction Cost Perspective on Vertical Contractual Structure and Interchannel Competitive Strategies, Journal of Marketing, 52, 21-34.

1995)1 et associé à un disfonctionnement des relations, alors que la confiance et l’engagement étaient signes d’une relation saine (Morgan et Hunt, 1994). Mais des auteurs soulignent désormais qu’un haut niveau de pouvoir peut être bénéfique et constituer des fondations pour des relations durables, incluant des normes relationnelles fortes et un haut niveau d’engagement (Frazier, 1999). Simplement les modalités d’exercice du pouvoir ne sont alors plus les mêmes. Ainsi Frazier et Summers (1986)2 remettent en cause, à partir d’une étude dans le secteur automobile, les recherches qui concluent qu’un haut niveau de pouvoir entraîne l’usage de la coercition (menaces de sanctions, management par le contrat, promesses de récompenses) pour obtenir un comportement de son partenaire, soulignant qu’elles résultent d’études ponctuelles qui n’intègrent pas le fait que la relation s’inscrive dans le long terme. Ils montrent que lorsque les membres du réseau ont intérêt à voir perdurer la relation sur le long terme et même lorsque le pouvoir est asymétrique, concentré entre les mains d’un partenaire, ce dernier préfère éviter les stratégies d’influence coercitives, sources de non-satisfaction et de conflits. Il préfère les stratégies d’influence non coercitives, qui peuvent consister à proposer ou recommander des actions fondées sur l’analyse du marché ou à encourager les échanges d’informations qui renforcent la coopération, la confiance et le sentiment d’équité. De la même manière, contrats et normes relationnelles ne sont plus considérées comme incompatibles. Un réseau de franchise est également constitué de liens sociaux et unipersonnels. Il repose sur des relations continues, longues et non bornées dans le temps, susceptibles de favoriser la coopération et la confiance, pour peu que la volonté soit clairement énoncée de s’inscrire dans une relation durable, dans laquelle l’intérêt mutuel et le dialogue sont privilégiés. Management contractuel et management relationnel peuvent être complémentaires dans le management d’un réseau et ne s’opposent pas nécessairement. Les instances de dialogues mises en place dans les réseaux en témoignent. Elles feront l’objet d’une étude dans notre recherche empirique. Une étude récente (Croonen, 2007) montre que la confiance commence à être analysée aussi dans le cadre de la relation de franchise, malgré les limites du concept.

1 Weitz B.A. et Jap S.D. (1995), Relationship Marketing and Distribution Channels, Journal of the Academy of

Marketing Science, 23(4), 305-320.

2 Frazier G. -L., Summers J. -O. (1986), Perceptions of Interfirm Power and its Use Within a Franchise Channel of Distribution, Journal of Marketing Research, XXIII, May, 169-176.

1.4.2.4. Les limites du concept de confiance

La confiance reste un construit flou (Mothe, 1999)1, guère mesurable et peu opérationnel pour évaluer la qualité d’une relation. Aussi nous proposerons de lui donner un contenu à travers la notion de contrat psychologique, également issu, comme nous l’avons vu, de la théorie de l’échange social.

En outre, Guibert (1999 : 13) souligne l’absence, dans les travaux marketing, de théorie dynamique de la confiance, qui permettrait d’éclairer la question de la formation de la confiance, à travers « l’identification hypothétique de divers « types » de confiance et des phases de développement de cette même confiance ». Nous pensons pourtant que les déterminants de la confiance évoluent dans le temps, avec l’expérience de la relation. Par exemple, à la signature du premier contrat, la confiance du franchiseur dépend de son évaluation des capacités du candidat franchisé à créer ou racheter un point de vente et à le développer avec succès : sont analysés les capacités financières, commerciales et entrepreneuriales, la propriété d’un emplacement et les traits de personnalité. La confiance du candidat franchisé dans le franchiseur - personne physique ou organisation - dépend quant à elle d’éléments objectifs et subjectifs tels que sa réputation, les ressources apportées (concept distinctif, marque, savoir-faire et assistance) mais aussi de la qualité du contact établi lors des rencontres précontractuelles. Ensuite, lorsque la relation se poursuit, la confiance évoluera en fonction du vécu des interactions et de la construction de normes relationnelles.

Le schéma ci-dessous résume le cadre conceptuel de la relation de franchise issu des corpus théoriques que nous venons d’exposer. Il reprend les concepts clés mis en évidence par l’analyse économique des contrats, l’approche par les ressources et le contrat relationnel.

1 Mothe C. (1999), La confiance : une revue de la literature anglo-saxone, Actes du colloque de la conference internationale de l’AIMS.

Figure 6. : Le cadre conceptuel de la relation de franchise issu de la revue de littérature

Pourtant, d’autres perspectives théoriques, guère explorées jusqu’à présent dans les recherches académiques sur la franchise peuvent éclairer la compréhension de la relation de franchise. Nous en évoquons deux dans la section 1.5. ci-après.

Ressources du franchiseur Succès marketing Concept distinctif Marque Savoir-faire et assistance Capacités financières Propriété du fonds Motivations patrimoniales et entrepreneuriales Ressources du franchisé Confiance Intérêt mutuel Dialogue Relation continue Contrat Partage de la rente Contrôle de l’activité Conflit d’intérêt et opportunisme Relation de franchise a

1.5. Les autres perspectives théoriques possibles pour la compréhension de

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