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Chapitre 1 - Les fondements théoriques de la relation de franchise

1.3. La franchise et le triptyque « pouvoir-conflits-satisfaction » : état des connaissances

1.3.2. L’état de l’art sur la satisfaction du franchisé

Outre les questions relatives au conflit, les recherches sur le management du canal de distribution se sont intéressées à la satisfaction des partenaires. Ces deux concepts sont liés : la satisfaction est étudiée par ce qu’elle permet de réduire les conflits au sein du canal (Frazier, 1999) et de favoriser sa performance globale (Lush, 1976, Stern et El-Ansary, 1972)1. On retrouve des questions de recherche « classiques » en sciences de gestion, celles des liens entre un concept, ici la satisfaction ou le conflit et la performance.

L’hypothèse sous-jacente est que la satisfaction des franchisés est un moyen de pérenniser le réseau (Hing, 1995 ; Morrison, 1996)2. Un réseau de franchise se doit d’assurer une certaine couverture géographique pour être visible et attractif, or les emplacements pour les points de vente sont rares, il convient en conséquence de « fidéliser » les franchisés afin d’éviter qu’ils ne quittent le réseau au terme de leur contrat. Car perdre un franchisé revient bien souvent à perdre un point de vente.

1.3.2.1. Les définitions de la satisfaction du franchisé

Il convient tout d’abord de déterminer quelle satisfaction est en jeu. Le concept de satisfaction a été exploré par plusieurs champs disciplinaires des sciences de gestion. En marketing tout d’abord, les analyses du comportement du consommateur étudient la satisfaction comme

1 Lusch R.F. (1976), Sources of Power : Their Impact on Intrachannel Conflict, Journal of Marketing Research, 13 (November), 382-390 ; El-Ansary L, Stern A. L. (1972), Power Measurement in the Distribution Channel,

Journal of Marketing Research, IX, février, 47-52.

2 Hing N. (1995), Franchisee Satisfaction : Contributors and Consequences, Journal of Small Business

Management, 33(2), 12-26 ; Morrison K.A. (1996), An Empirical Test of a Model of Franchisee Job

antécédent du réachat : « La satisfaction est au cœur de l’évaluation postachat. Elle résulte d’une comparaison entre les attentes du consommateur et sa perception de la performance réellement procurée par le produit acheté. » (Dubois et Jolibert, 1992)1. En ressources humaines, des travaux ont porté sur la satisfaction au travail. Sont distinguées la satisfaction à l’égard de la rémunération et la satisfaction au travail, la première étant un antécédent de la seconde. Enfin, le concept a été exploré aussi pour évaluer la qualité perçue des relations entre les membres d’un canal de distribution. Les auteurs parlent alors de satisfaction en tant que membre du canal (Schul, Little et Pride, 1985 ; Gauzente, 2000)2.

Les trois approches peuvent être mobilisées pour éclairer la satisfaction du franchisé. En effet, le franchisé peut, lors de l’arrivée du terme du contrat de franchise, décider de renouveler son contrat ou au contraire de sortir du réseau. Pour ce faire, il peut effectuer plusieurs analyses :

Une comparaison entre les attentes qu’il avait lors de l’entrée dans le réseau et la performance procurée par l’appartenance au réseau de franchise. Le franchisé est un client du franchiseur, il achète un service. Aussi est-il pertinent de se référer à l’analyse de la satisfaction du consommateur. Le renouvellement s’analyse alors comme le « réachat » du système de réussite. Les modèles développés par Oliver (1981)3, Parasuraman, Zeithaml et Berry (1994)4 ou Hing (1995) peuvent être mobilisés.

Une analyse de sa satisfaction au travail, avec ses deux volets : son point de vente franchisé lui permet-il de gagner sa vie ? Le revenu perçu de l’exploitation du point de vente, après paiement de la rente au franchiseur, est-il conforme à ce qui avait été imaginé ? Par ailleurs, l’exploitation du point de vente procure t-il une satisfaction au travail du franchisé ? Trouve t-il du plaisir dans l’activité d’exploitation du point de vente ?

Un bilan de sa satisfaction en tant que membre du réseau. Un jugement est alors porté sur la qualité de la relation avec les autres membres du canal et en premier lieu avec le franchiseur. Par exemple, dans son étude sur la perception par les franchisés de la

1 Dubois P. L., Jolibert A. (1992), Le marketing, fondements et pratiques, Economica, page 103.

2 Schul P.-L., Little T.-E Jr et Pride W.M. (1985), Members’ Satisfaction, Journal of Retailing, 61(2), 9-38 ; Gauzente C. (2000), La Satisfaction des franchisés, une revue des approches théoriques possibles, 1er congrès sur les Tendances du marketing en Europe, Venise, 24-25 novembre, 11 p.

3 Oliver R.L. (1981), Measurement and Evaluation of Satisfaction Processes in Retail Settings, Journal of

Retailing, 57 (fall), 25-48.

4 Parasuraman A., Zeithaml V.A., Berry L.L. (1994), Reassessment of Expectations as a Comparison Standard in Measuring Service Quality : Implications for Future Research, Journal of Marketing, January, 111-124.

relation avec les franchiseurs, Morrison (2000)1, souligne que si près de 60 % des franchisés qualifient les relations avec leur franchiseur de sympathiques et agréables, un quart se disent non-satisfaits. Plus du tiers énoncent avoir envisagé à un moment donné une action en justice contre leur franchiseur et 36 % ont le projet de sortir du réseau ou expriment de l’incertitude quant à l’avenir de la relation, du fait de problèmes avec le franchiseur ou de performances financières insuffisantes de leur(s) point(s) de vente. Les raisons invoquées de l’insatisfaction de la relation sont l’insuffisance des apports et services du franchiseur (26%), sa politique de communication et de publicité jugée inadéquate (24 %). Les solutions préconisées par les franchisés pour améliorer la qualité de la relation montrent en outre un besoin de plus de contacts personnels mais aussi de plus d’équité, d’honnêteté et de flexibilité dans la relation.

Dans les trois approches, la question se pose de la mesure de la satisfaction.

1.3.2.2. La question de la mesure de la satisfaction

Deux séries de mesures sont observées pour mesurer la satisfaction. D’une part, la mesure globale de la satisfaction (vision holiste), d’autre part l’utilisation de modèles multidimensionnels qui mettent en évidence les variables explicatives de la satisfaction. Le rapprochement des deux permet d’identifier les motifs de satisfaction, c’est-à-dire les éléments qui participent le plus à la satisfaction ou à la non-satisfaction des franchisés.

Les variables explicatives de la satisfaction du franchisé ont été classées principalement en trois catégories : les dimensions économiques de la satisfaction, les dimensions non économiques de la satisfaction et les dimensions liées à la personnalité ou aux attentes des acteurs, franchisés et franchiseurs. Le tableau 11 présente les variables utilisées dans quelques études relatives à la mesure de la satisfaction des franchisés.

1 Morrison K.A. (2000), The Franchisor-Franchisee Relationship : Perceptions of Franchisees, Journal of Small

Tableau 11. : Les variables explicatives de la satisfaction du franchisé, utilisées dans quelques études empiriques

Dimensions économiques Dimensions non-économiques

Dimensions liées aux personnalités et attentes des acteurs

Ruekert et Churchill (1984)

-satisfaction quant aux produits -considérations financières -interaction sociale -coopération Schul, Little et Pride (1985) -le management de la franchise

-les services et assistances -le système de récompenses Gassenheimer, Sterling et Robicheaux (1996) Gassenheimer, Davis et Dahlstrom (1998) -Profits -opportunités de nouveaux produits -potentiel de croissance

-traitement par les directions générales et régionales, les « encadrants » locaux -honnêteté et équité -souci de l’épanouissement des distributeurs Hing (1995) Morrison (1996) Personnalité du franchisé : -extraversion

-bien-être (subjective well

being)

Attentes du franchisé (Hing)

Elango et Fried (1997)

-système de récompenses -perception par les

franchisés de la contribution du franchiseur à ses

performances financières -attentes sur la croissance future et les performances -politique de communication et de promotion -autonomie -équité -assistance -formation -système de contrôle -communication Kalika et al. (1999) -satisfaction financière

Nature de la relation avec le franchiseur :

-l’assistance initiale et continue du franchiseur -la confiance dans la bienfaisance du franchiseur -la communication (particulièrement le degré de participation du franchisé à la vie du réseau) -l’équité ou honnêteté du franchiseur Le profil psychologique du franchisé mesuré par 5 dimensions de la personnalité, les big five inspirés de Borkenau et alii, psychologues, 1997 : ouverture, caractère consciencieux, extraversion, amabilité et neurotisme Wadsworth et Haines (2000) Wadsworth, Tuunanen et Haines (2004) -finance -redevance -qualité de la relation -formation -assistance -image de marque -contrôle du franchiseur -communication -contrat

(Sources : d’après Kalika et al. (1999) et Wadsworth, Tuunanen et Haines (2004) citant les auteurs Ruekert R.W., Churchill G.A. (1984), Reliability and Validity of Alternative Measures of Channel Member Satisfaction,

Journal of Marketing Research, 21, 226-233 ; Gassenheimer J.B., Sterling J.U., Robicheaux R.A. (1996),

Long-Terme Channel Member Relationships, International Journal of Physical Distribution Logistics Management, 26(5), 94-117 ; Gassenheimer J.B., Davis E.J.C. et Dahlstrom R. (1998), Is Dependent What We Want to Be ? Effects of Incongruency, Journal of Retailing, 74(2), 247-272; Wadsworth F.G., Haines D.C. (2000), Franchisee Satisfaction : A Measurement Approach, Proceedings of The 14th Conference of the International Society of Franchising, San Diego, California)

Ces approches de la satisfaction ont le mérite d’emprunter des variables à divers champs de recherche, en marketing et en sciences de gestion. Elles présentent toutefois aussi des limites, soulignées par Wadsworth, Tuunanen et Haines (2004)1 : elles reposent notamment sur une approche quantitative avec l’emprunt d’échelles qui ne sont pas toujours adaptées au contexte de la franchise. Les auteurs suggèrent de recourir à la triangulation des méthodes. Ils soulignent que la réalisation d’entretiens en profondeur ou d’étude phénoménologique pourrait aboutir à des modèles conceptuels différents. Nous souscrivons à ces remarques et soulignons que des dimensions autres pourraient émerger d’une étude qualitative (telle que le plaisir du métier exercé, l’intérêt pour les produits ou services commercialisés, dimension apparue dans notre recherche empirique).

Nous allons expliciter ensuite l’état de l’art sur le pouvoir dans la franchise.

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