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- Résumé du chapitre 1 -

Chapitre 2 - Le modèle utilisé pour appréhender l’évolution de la relation de franchise

2.1. Le choix d’une analyse sur les processus

Lorsque l’on souhaite analyser la dynamique d’un phénomène, il est utile de s’intéresser à la variable temporelle (2.1.1.). La considération du temps qui s’écoule est en effet ce qui distingue les analyses sur le contenu de celles qui décrivent les processus (2.1.2.).

2.1.1. Les définitions du temps

Le Petit Larousse (2003) définit le temps comme une « Notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements et souvent ressentie comme une force agissant sur le monde, les êtres ». Le Petit Robert (2001) reprend les termes de milieu, d’événements et de succession et ajoute l’idée de changement avec la définition suivante « milieu indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leur changement, les événements et les phénomènes dans leur succession ».

Le temps peut être considéré dans sa durée (chronométrie), c’est alors une grandeur mesurable. Par exemple, le contrat de franchise a une certaine durée, en moyenne 6 ans. Il peut aussi être considéré dans une succession (chronologie), c’est alors un point repérable dans une succession par référence à un « avant » et un « après ». (Le Petit Robert, 2001). L’idée de phases, bornées par des événements précis est présente. Dans la relation de franchise, on peut distinguer des phases bornées par des événements : une phase pré- contractuelle ou de négociation avant la signature du contrat, la phase du contrat lui-même, entre la signature et le terme, la phase de renouvellement, la phase de rupture.

Enfin le temps peut être perçu comme abstrait, entité représentative du changement continuel de l’univers. C’est alors un temps objectif, mesurable, opératoire (le Petit Robert, 2001), linéaire, décontextualisé et irréversible. Il est perçu comme une quantité, indéfiniment divisibles en unités homogènes, d’où l’expression de temps quantitatif. Pourtant, une autre conception du temps existe : celle du temps vécu par les individus ou les groupes humains, non indépendant des événements. Les auteurs parlent de temps qualitatif, avec une distinction entre le temps subjectif, celui perçu par les individus et qui fait référence aux consciences individuelles et celui du temps socialement construit par les groupes humains qui vivent en société et instituent des « moments forts », des dates traditionnelles dans le

calendrier qui rythment la vie sociale. Le temps est alors une construction collective et est perçu comme cyclique, traditionnel. Le tableau ci dessous, reproduit de Tarondeau et Naccache (2001)1 schématise ces diverses conceptions du temps.

Tableau 14. : Les différentes conceptions du temps

Temps quantitatif : le temps de l’horloge

Temps qualitatif : un temps de la psyché

Temps qualitatif : un temps de l’événement

Linéaire / historique / irréversible Ecoulement linéaire Cyclique / traditionnel / réversible

Décontextualisé Propre à l’individu Encastré socialement

Mesure abstraite / instant Mesure relative / présent Mesure fondée sur la nature / événement

Temps objectif Temps subjectif Temps socialement construit (Sources : repris de Tarondeau et Naccache, 2001).

Si l’on considère la relation de franchise, le temps quantitatif est la durée du contrat ou la durée totale de la relation d’échange, lorsque plusieurs contrats se succèdent. Le temps est alors vu comme linéaire, sans relief. Il existe des temps socialement construits qui rythment la vie des réseaux et qui sont cycliques : il s’agit des assemblées générales ou conventions nationales, le plus souvent annuelles, qui réunissent l’ensemble des franchisés, selon la tradition. Ces conventions constituent des temps forts de la vie du réseau, au cours desquelles les grandes décisions sont annoncées, parfois discutées. Il s’agit également des commissions de travail, régulières ou ponctuelles, qui constituent des instances de dialogue. Ces commissions réunissent, régulièrement dans l’année, les collaborateurs salariés du franchiseur et plusieurs franchisés, élus par leurs pairs ou désignés par le franchiseur pour leurs compétences. Elles sont souvent consultatives, parfois décisionnaires mais là encore elles rythment l’année et les travaux de la tête du réseau. Le temps du franchiseur est ainsi contraint par les échéances que constituent ces réunions régulières. Le temps socialement construit peut être aussi dans certains réseaux les événements commerciaux ou promotionnels qui ponctuent certaines activités : Noël et Pâques pour l’activité de chocolatier, la fête des mères pour les métiers de la fleur, les campagnes de recrutement de propriétaires vendeurs pour les agents immobiliers etc. Le temps dans la franchise est aussi un temps subjectif, propre à chaque

1 Tarondeau J.-C. et Naccache P. (2001), Introduction du Dossier « le temps en gestion », Revue Française de

individu franchisé. C’est le temps qui rythme son ou ses point(s) de vente, comme les horaires d’ouverture, les événements qui concernent se(s) magasin(s), en fonction des conditions de commercialité, des échéances liées au magasin. C’est le temps qui s’écoule entre chaque signature de contrat et qui est propre à chaque franchisé.

Le temps est une dimension transversale de toutes les pratiques et discipline de gestion, ne serait-ce parce que les objectifs, les performances, s’évaluent par rapport à des durées de réalisation. Pourtant, chaque technique de gestion entretient un rapport particulier au temps (Batsch, 1997)1. Citons l’auteur : « [le temps] est l’exercice en comptabilité, le cycle de rotation pour l’analyse financière, le futur quantifiable pour le choix d’investissement, l’espace d’évaluation des performances pour le contrôle de gestion, l’objet privilégié de la gestion de production, l’âge du produit en marketing, un terrain d’aménagement pour la gestion des ressources humaines, une contrainte d’allocation des ressources pour la gestion de portefeuille et un avantage compétitif en stratégie concurrentielle. » (Batsch, 1997 : 3305).

2.1.2. La distinction entre analyse sur le contenu et analyse sur les processus

Pour reprendre la métaphore de la photographie utilisée par Grenier et Josserand (1999)2, les premières opèrent des arrêts sur image et permettent d’établir des listes d’éléments, d’établir les concepts clés pour appréhender l’objet étudié, d’élaborer des typologies, des classements faciles à mémoriser et satisfaisant intellectuellement parce qu’ils flattent le plaisir mental (Louart, 1997). En revanche, elles ne rendent pas compte de l’évolution de cet objet. Les secondes au contraire décrivent comment un phénomène évolue dans le temps, s’intéressent aux flux plutôt qu’aux stocks et peuvent être comparées à un film qui « déroule » une histoire, avec une durée, des temps forts, des intervalles, des rebondissements.

Pour illustrer la différence d’approche, nous évoquons deux exemples concernant les recherches sur les motivations et celles sur le contrôle de réseaux interorganisationnels.

Les recherches sur les motivations au travail comportent deux courants (Louart, 1997)3 : celles, statiques, qui répertorient les sources de motivation, démontrant leur variété (par

1

Batsch L. (1997), Temps et gestion, in Simon Y. et Joffre P., Dir., Encyclopédie de gestion (éd.), Tome 3, page 3303.

2 Grenier C., Josserand E. (1999), Recherches sur le contenu et recherches sur le processus, in Thiétart R.-A. (éd.), Méthodes de recherche en management, Paris, Dunod, chapitre 5, 104-136, page 116.

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exemple les facteurs intrinsèques et les facteurs extrinsèques chez Herzberg, 1966)1; les autres cherchent à comprendre les mécanismes de motivation et répondent aux questions : comment les gens sont-ils motivés ? Par quels cheminements ? Comment se construit la motivation, comment expliquer les fluctuations dans le temps de cette motivation ?

Concernant les réseaux de franchise, les études sur la motivation ont ainsi cherché à comprendre la motivation du franchisé à un instant t, notamment au moment de l’expression de sa candidature à l’entrée dans un réseau. Elles ont listé les sources de motivation, les ont hiérarchisées (choix de la franchise, puis du secteur, puis du réseau, en fonction de la qualité de contact ; Kalika et al., 1999). D’autres études mesurent la satisfaction à un instant t ou même à intervalles réguliers. Mais l’aspect dynamique n’est pas appréhendé : à notre connaissance, les études ne s’intéressent pas aux fluctuations dans le temps de cette motivation, à l’histoire de cette motivation, intégrant des éléments contextuels et le cheminement psychologique du franchisé au cours de son expérience de franchise. Pourtant, une autre approche est possible si on écoute le franchisé, si on s’intéresse à son histoire, aux événements qu’il a vécus, à la perception qu’il en a eu. On peut alors comprendre le processus.

Le deuxième exemple est emprunté à Grenier et Josserand (1999 : 105). Ces auteurs soulignent que les recherches sur le contenu concernant le contrôle de réseaux interorganisationnels répondent à la question : « Comment expliquer le contrôle exercé par certaines entreprises sur d’autres au sein d’un réseau ? » Alors que les recherches sur le processus tentent de répondre à la question « Comment naissent des accords inter-organisationnels et comment se structurent-ils dans le temps ? ». Les premières consistent à décrire les liens qui unissent les entreprises appartenant à un même réseau, puis, à partir de cette description, à classer les membres en fonction de leur position et à expliquer pourquoi certaines unités contrôlent mieux que d’autres les échanges au sein du réseau.

La thèse récente de Boulay (2006)2 s’inscrit dans cette approche sur les contenus. Elle étudie l’apport de la technologie au contrôle pluriel du canal de distribution, avec une étude empirique sur les réseaux de franchise. La recherche mesure l’efficacité du triptyque contrat –

1

Herzberg F. (1966), Work and the Nature of Man, World Publishing, 1966 ; traduction française : Le travail et

la nature de l’homme, Entreprise Moderne d’Edition, 1971.

2 Boulay J. (2006), L’apport de la technologie au contrôle pluriel du canal de distribution : une mesure de l’efficacité du triptyque contrat – technologie – normes appliqué au management des réseaux de points de vente franchisés, Thèse de doctorat ès Sciences de Gestion, Université de Paris-Dauphine.

technologie – normes appliqué au management des réseaux de points de vente franchisés. Elle opère une photographie des apports de la technologie comme mécanisme disciplinant les acteurs du canal mais la variable temporelle n’est pas prise en compte. L’auteur souligne néanmoins que la recherche sur le contrôle du canal de distribution doit approfondir les approches contingentes pour tenir compte du contexte d’échange, un même mécanisme de contrôle pouvant avoir des effets différents selon l’instant de la relation à laquelle on mesure son efficacité (Boulay, 2005)1. Il énonce « les développements récents autour de la notion de cycle de vie de la relation présentent une piste de recherche prometteuse, permettant à la fois de mesurer la qualité de la relation à un instant donné et de prendre en compte le temps dans l’étude du management des relations. ». La voie est ouverte pour une approche par les processus, dans les études sur le management des relations dans les réseaux de franchise. Cliquet et al. (1998)2 le soulignaient déjà en indiquant qu’une « grande partie des travaux effectués sur les réseaux de points de vente ont été réalisés de manière statique, à travers une étude en coupe transversale à un moment donné. »

L’approche par les processus permet de comprendre ce qui anime les membres d’un réseau, se focalise sur le processus des échanges, sur la manière dont l’action collective se forme et se transforme au cours du temps. Le travail de recherche consiste alors à reconstituer le processus d’interaction entre les unités, en décrivant l’enchaînement des événements et l’évolution de leurs relations. C’est l’approche que nous retenons dans cette recherche.

Les deux approches sont synthétisées dans le tableau 15 ci-après.

1 Boulay J. (2005), L’efficacité du gouvernement relationnel du canal de distribution : référentiel théorique, éléments empiriques et perspectives de recherche, Cahier de recherche n° 94, CREPA, Université Paris-Dauphine, 25 p.

2Cliquet G., al. (1998), 10 auteurs, Les réseaux mixtes franchise/succursalisme : complémentarité ou

antagonisme ? , recherche commanditée par la Fédération Française de la Franchise, Université de

Tableau 15. : L’illustration de l’étude d’un même objet par les approches sur le contenu et sur les processus-le contrôle de réseaux interorganisationnels.

Recherche sur le contenu Recherche sur le processus

Questions de recherches posées

Comment expliquer le contrôle exercé par certaines entreprises sur d’autres au sein d’un réseau ?

Comment naissent des accords interorganisationnels et comment se structurent-ils dans le temps ?

Recherches menées

La recherche sur le contenu du réseau peut consister à décrire les liens qui unissent les entreprises appartenant à un même réseau. A partir de cette

description, on est ensuite en mesure de classer les membres en fonction de leur position au sein du réseau. De cette manière, il est possible d’expliquer pourquoi certaines unités contrôlent mieux que d’autres les échanges au sein du réseau.

Pour comprendre ce qui anime les membres d’un réseau, on peut focaliser sur le processus des échanges, en évoquant la manière dont l’action collective se forme et se transforme au cours du temps. Le travail de recherche consiste alors à reconstituer le

processus d’interaction entre les unités, en décrivant l’enchaînement des événements et l’évolution de leurs relations.

(Sources : d’après Grenier et Josserand, 1999 : 105)

2.2. Appréhender le temps : les concepts de cycle de vie et

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