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L'émergence des systèmes herbagers économes et autonomes

Chapitre 2 LES CUMA A L’ERE DE L’AGROECOLOGIE

1. Nouveaux enjeux d'autonomie et de coopération dans les agricultures

1.1. L'émergence des systèmes herbagers économes et autonomes

Parmi les styles d'agriculture pris en exemple pour illustrer un des aboutissements possibles de la transition agroécologique dans le secteur de l’élevage herbivore, les systèmes herbagers économes et autonomes servent souvent d'exemple (Ploeg, 2000 ; Delaby et Fiorelli, 2014 ; Lebacq et al., 2015). En France, un réseau d'agriculteurs, dont les racines remontent aux années 1970, s'est constitué pour faciliter leur promotion. Nous revisitons ici rapidement cette histoire pour mieux en détailler les réalités actuelles, au regard des enjeux d'autonomie et de coopération de proximité.

1.1.1. L'émergence d'alternatives à partir de groupes issus de la

modernisation

Cette section correspond à une synthèse partielle de la thèse d'Estelle Deléage (2004) (en particulier du chapitre 3 et des pages 100-112), complétée par différents autres travaux.

a) Deux révolutions fourragères

Vers la fin des années 1950, des chercheurs comme René Dumont et André Voisin préconisent une révolution fourragère en élevage par la technique des prairies semées, à base de graminées et de trèfle, et avec l'apport de fertilisation azotée de synthèse. En Bretagne, les agriculteurs membres du CETA de Corlay, CETA de « petites cultures » dont nous avons repris le témoignage d'un des fondateurs pour illustrer le mouvement de création de CETA dans le chapitre précédent (voir Encadré 1), développent cette technique avec succès dans leurs exploitations. Par l'échange d'expériences, ils font aussi le constat que la fertilisation azotée

chimique est préjudiciable à la pousse du trèfle, d’où une nouvelle conduite de leurs prairies pluriannuelles associant graminées et légumineuses sans apport d'azote de synthèse, à rebours des préconisations de l'INRA. Ces agriculteurs mettent ainsi au point des systèmes d'élevage intensif, mais économes et autonomes, qui se développent plus largement en Bretagne et en France (Pochon, 2008).

À partir des années 1970, la recherche prône une seconde révolution fourragère basée sur la culture de maïs, une plante fourragère annuelle, pour intensifier la production. Cependant, ce nouveau modèle entraîne le recours aux achats de compléments protéiques, principalement des tourteaux de soja importé, pour compenser la faible teneur en protéines du maïs, ainsi que la mécanisation pour implanter cette culture chaque année et l'ensiler puisqu'elle ne peut être pâturée à l'inverse des prairies. Cette nouvelle intensification du système, entraînant une hausse des consommations intermédiaires, pousse à la spécialisation des systèmes d'élevage et entraîne une hausse spectaculaire de la production laitière en France, surtout dans les zones de plaine aptes à la culture de cette plante. Ce succès, malgré les surcoûts engendrés, s'explique par la possibilité d'intensifier la production fourragère sur des petites surfaces. Dans le contexte de l'époque, la logique productiviste est fortement encouragée par les opérateurs de l'encadrement technique (associations de contrôle des performances et organismes de sélection génétique, vendeurs d'intrants, recherche, etc.) pour augmenter les performances animales. Le maïs fourrage, dont les rendements n'ont cessé d'augmenter par la suite grâce aux efforts de sélection et d'amélioration génétique, a aussi été considéré par les éleveurs aux structures d'exploitation de petite taille comme un moyen de développer leur activité (Varnière, 2017). En plus de l'avantage d'offrir un rendement et une densité énergétique plus élevés, la culture du maïs fourrage, qui peut être aisément stocké sous forme d'ensilage, augmente les disponibilités fourragères toute l'année, accompagnant ainsi efficacement la progression du potentiel de rendement laitier des troupeaux (Garambois et Devienne, 2012). Les agriculteurs du CETA de Corlay se laissent aussi convaincre de remplacer leurs prairies par le maïs. Cependant, au bout de quelques années, certains membres, dont l’ancien fondateur de ce CETA André Pochon, font le constat que le surcroît de production fourragère obtenu grâce au maïs est coûteux à produire, et choisissent de revenir à des systèmes herbagers. À la fin des années 1970, les crises pétrolières de 1973 et 1974 ayant mis en difficulté les systèmes agricoles basés sur un fort recours aux consommations intermédiaires, des chercheurs de l'INRA mettent en évidence les limites de ces évolutions. Le directeur général publie un rapport intitulé « Pour une agriculture plus économe et plus autonome » dans lequel il dresse un état des lieux et propose la mise en œuvre d'un autre développement agricole (Poly, 1978). Des chercheurs s'intéressent à nouveau aux travaux menés dans le CETA de Corlay et encouragent André Pochon à publier un livre expliquant la méthode de la prairie pluriannuelle à base de trèfle blanc (Pochon, 1981).

b) Du CEDAPA au RAD

L'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de gauche en 1981 est alors vue comme une fenêtre d'opportunités pour les approches alternatives en agriculture. Profitant de ce contexte, André Pochon fonde en 1982 avec d'autres agriculteurs du département des Côtes-d'Armor une association intitulée CEDAPA (Centre d'étude pour un développement agricole plus autonome), s'inspirant ainsi des principes des CETA, pour se donner les moyens de promouvoir les systèmes agricoles économes dans un contexte où la logique productiviste continue de se

déployer. Des études sont publiées à partir des données empiriques recueillies sur les exploitations des agriculteurs membres, et en collaboration avec des chercheurs. Les échanges entre agriculteurs leur permettent de continuer à améliorer leurs pratiques vers l'autonomie, dans un contexte adverse où leur orientation reste marginalisée. Dans d'autres départements naissent d'autres organisations similaires. Ainsi en Mayenne, une association nommée ALDIS (Action locale pour un développement international plus solidaire) est créée en 1984. Les éleveurs à l'origine de cette organisation s’étaient regroupés en GEL (Groupements d'éleveurs laitiers) depuis 1972, suite à un conflit avec l'organisme de contrôle des performances. Ils souhaitaient en effet que les agents jouent un rôle de conseiller technico-économique des éleveurs, et non pas seulement un rôle de collecteur et contrôleur des données concernant les performances animales. Ils créent donc les GEL comme des organisations alternatives inspirées des CETA pour organiser des échanges horizontaux de pratiques avec des agents salariés ayant une mission d'animateur de ces partages d'expériences. C'est dans ce cadre qu'ils vont progressivement s'intéresser à la méthode fourragère d'André Pochon. Par ailleurs, certains de ces éleveurs, de confession catholique et engagés au sein du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement)8, sont sensibilisés grâce à cette

organisation aux impacts négatifs des importations de soja provenant des pays du Sud. Dans de nombreux autres départements de l'ouest de la France, d'autres regroupements émergent de la même manière à partir d'une base sociale souvent liée aux réseaux dissidents de la FNSEA, qui se regrouperont en 1987 avec la création de la Confédération paysanne. On y trouve des agriculteurs issus de la JAC-MRJC, d'autres proches des courants laïcs et communistes (par exemple des agriculteurs du MODEF). Parmi eux, certains sont engagés dans des mouvements de solidarité internationale, notamment après avoir été volontaires comme coopérants dans des pays du Sud au lieu de faire leur service militaire.

Malgré le développement de ces réseaux, les systèmes herbagers économes restent minoritaires dans l'ouest de la France, la culture du maïs connaissant une nouvelle phase d'expansion à partir de 1992 surtout dans les zones de plaine et intermédiaires. En effet, une mesure de la nouvelle Politique agricole commune subventionne les cultures annuelles de céréales et oléoprotéagineux, y compris le maïs fourrage, mais pas les surfaces prairiales. Dans les zones de montagne, davantage concernées par les productions sous signes de qualité, les surfaces de maïs tendent à refluer sous l'effet de l'interdiction de l'ensilage dans un nombre croissant de cahiers des charges d'AOP laitières. Cette technique de conservation des fourrages s'est avérée préjudiciable pour les opérations de transformation fromagère du lait produit.

De 1994 à 1997, à l'initiative du CEDAPA et de l'ALDIS, différentes rencontres ont lieu entre les regroupements départementaux de l'ouest de la France pour aboutir à la création officielle d'un nouveau réseau en 1997 : le Réseau Agriculture Durable (RAD). Le choix de ces termes s'explique par l'émergence du concept de développement durable après le sommet de Rio de 1992, dans un contexte de cristallisation des problèmes environnementaux en Bretagne tels

8 Le CCFD est une organisation catholique de solidarité internationale créée en 1961, et co-gouvernée par divers mouvements du courant du catholicisme social, dont la JAC-MRJC. Au début des

années 1980, cette organisation prend pour slogan l'expression suivante : « Rien ne changera là-

que la pollution des eaux superficielles par les nitrates générée par les évolutions agricoles. Ce contexte est saisi par les acteurs de ce réseau pour faire valoir l'alternative des systèmes herbagers économes et autonomes, comme réponse aux problèmes environnementaux. Cette structuration du réseau pose la question des moyens financiers, alors réduits, des associations membres. Celles-ci vivent des réalités très différentes d'accès aux financements publics d'un département à l'autre. Des prises de contact sont amorcées avec des fédérations nationales de développement agricole pour accéder aux financements du fonds national de développement agricole. Finalement, le RAD choisit de s'associer au réseau CIVAM, les acteurs de ces deux réseaux se trouvant des affinités et visions convergentes. Ceci va lui permettre d'accéder aux fonds du développement agricole et d’accroître ses ressources humaines, grâce à la mise à disposition de fonctionnaires détachés de l'enseignement agricole venant compléter les quelques salariés et objecteurs de conscience ou emplois-jeunes. À partir des années 2000, l'approche des systèmes économes et autonomes du RAD d'abord initiée à partir de l'élevage de l'ouest va ainsi s'étendre à d'autres secteurs et régions, au point de constituer aujourd'hui un pan majeur de l'activité des groupes CIVAM dans toute la France.

Ce réseau a par ailleurs participé activement à la formulation d'instruments de politiques publiques en capacité de soutenir et renforcer le développement des systèmes herbagers économes et autonomes. Il a notamment contribué à l'élaboration de plusieurs mesures agroenvironnementales en ce sens financées dans le cadre du deuxième pilier de la PAC. Il s'est aussi appuyé sur des alliances avec des organisations environnementalistes pour faire avancer ses propositions. Enfin, face aux problèmes d'algues vertes sur le littoral breton, les références produites par ce réseau ont été reprises dans différentes expertises commandées sur ce sujet et ont servi à la formulation de différents dispositifs publics mis en place sur les territoires concernés, afin de favoriser la mise en œuvre de systèmes productifs davantage basés sur la prairie (Diaz, 2015).

1.1.2. Concrétisation du principe d'autonomie dans les systèmes

économes et autonomes

a) De l'autonomie à la durabilité

Les études sur le RAD montrent que la réduction des dépendances vis-à-vis de l'extérieur, et notamment l'économie d'intrants, est un principe fondateur, ce qui constitue un renversement de perspective vis-à-vis d'une gestion du troupeau et des parcelles finalisée par un objectif de production à atteindre. Pour l'élevage, il ne s'agit plus d'assurer l'expression maximale du potentiel génétique avec un recours aux ressources les plus économiques (dont celles issues de l'exploitation), mais bien de s'assurer de la qualité du renouvellement et de la meilleure utilisation possible de ces ressources locales, la production s'en déduisant. Mais au sein du réseau RAD-CIVAM, l'idée d'autonomie dépasse le cadre de la technique et du système de production : la reconquête de « l'autonomie décisionnelle » du pilote de l'exploitation est aussi revendiquée comme un moyen et une finalité, et n'est pas sans lien avec les méthodes d'accompagnement au changement développées dans le réseau. Celles-ci favorisent en effet la coconstruction de connaissances entre agriculteurs par des partages d'expériences horizontaux (Boiffin et al., 2013 ; Coquil, 2014).

Les systèmes herbagers économes et autonomes privilégient donc la recherche d'une haute valeur ajoutée par hectare via la diminution des consommations. Celle-ci est rendue possible grâce à l'utilisation de prairies associant graminées et légumineuses, avec une place importante accordée au pâturage, dont la conduite s'appuie sur une observation attentive de la pousse de l'herbe afin d'optimiser l'utilisation des ressources de la prairie (Coquil, 2014). Plusieurs études mettent en évidence la contribution significative de ces systèmes à une meilleure durabilité des élevages. Ils recourent faiblement aux intrants polluants comme les pesticides, la mécanisation et les fertilisants chimiques ainsi qu'aux aliments du bétail externes comme le soja importé, tout en contribuant au stockage du carbone. Ils contribuent à une plus grande valeur ajoutée en réduisant les coûts de production. Enfin, ils contribuent à créer plus d'emplois directs dans les exploitations (Garambois, 2011). En conséquence, différentes expertises recommandent le soutien à leur développement pour améliorer la durabilité des systèmes d'élevage (Peyraud et al., 2014; Devienne et al., 2016).

b) Compromis induits par ces systèmes plus autonomes : désintensification et simplification

En conséquence, les performances animales des systèmes herbagers économes et autonomes sont moindres comparées aux tendances dominantes du secteur de l'élevage. L'étude de Devienne et al. (2016) montre des niveaux de rendements laitiers allant de 5 000 à 7 500 l/VL dans ce type de systèmes, contre 8 500 l/VL en moyenne en France (moyenne 2015 des troupeaux au contrôle laitier, toutes races confondues) (GEB, 2016). Cette désintensification à l'animal et à l'hectare est la condition de l'évolution vers des systèmes herbagers économes et autonomes : la modération des niveaux de performance animale et végétale recherchés permet un ajustement en fonction des ressources fourragères produites de manière économe sur l'exploitation.

Pour une partie des éleveurs membres du RAD, on constate également une tendance à la simplification des systèmes, vers le « tout herbe ». Plutôt que de cultiver quelques hectares de céréales et oléoprotéagineux nécessaires à la complémentation de l'herbe pâturée et stockée (souvent sous forme de foins et enrubannages, voire ensilée), des membres du RAD préfèrent étendre les prairies sur l'ensemble de la surface de leur exploitation et se fournir en aliments complémentaires à l'extérieur (Coquil, 2014). Par ailleurs, des éleveurs ayant mis en place des systèmes herbagers économes et autonomes investissent aussi parfois dans la mise en place d'une unité individuelle de séchage artificiel de fourrages, notamment en cas de conversion à l'agriculture biologique, ce qui peut tendre à renforcer la logique d'évoluer vers le « tout herbe ». Ce genre d'investissement reste cependant minoritaire en raison du coût élevé de ce type d'infrastructure.

1.1.3. Le collectif pour coconstruire les connaissances

a) Des groupes d'échange à différentes échelles

Actuellement, les systèmes herbagers économes et autonomes sont toujours à rebours de la tendance dominante. Ainsi, en élevage bovin - lait, la sortie des quotas laitiers, effective depuis 2015, mais anticipée par de nombreux producteurs depuis 2010, génère un nouveau

d'agrandissement et d'intensification fourragère, reposant sur une part accrue du maïs dans les rations est visible. En parallèle, une dynamique herbagère minoritaire se manifeste avec des retours à l'herbe dans certaines exploitations, évoluant souvent vers la conversion en agriculture biologique sur le long terme (Depeyrot, 2017). Dans ce contexte, les opérateurs du régime de développement actuel offrent de manière générale peu de ressources en connaissances et références pour évoluer vers des systèmes herbagers économes et autonomes.

C'est pourquoi les agriculteurs choisissant ce type de système cherchent à se retrouver en groupes de partage d'expériences pour coconstruire ensemble les connaissances nécessaires (Moreau et al., 2014). Dans le réseau RAD-CIVAM, l’échelle de ces groupes varie d'un département à l'autre. Le CEDAPA par exemple est organisé en neuf groupes géographiques d'éleveurs en Côtes d’Armor, tendant donc à une organisation relativement de proximité, alors que dans certains départements, seul un groupe d'échange existe. De manière générale, en zone de plaine et intermédiaire, ces éleveurs tendent à être isolés géographiquement.

b) Une tendance au retrait de la coopération de proximité ?

Pour les éleveurs antérieurement en Cuma, un retrait ou moindre engagement est fréquemment induit par l'évolution vers des systèmes herbagers économes et autonomes en raison du faible recours à la mécanisation qu'elle induit. Ceci est particulièrement le cas si leur Cuma d'origine est centrée essentiellement sur l'activité d'ensilage de maïs. Cependant, de nouvelles pratiques propres à ces types de systèmes peuvent stimuler des investissements partagés en Cuma. Par exemple, la préférence pour le compostage des effluents pour faciliter leur épandage sur les prairies a incité des éleveurs à être mobilisateurs au niveau de fédérations pour créer des Cuma départementales spécialisées dans le compostage. Pierre (2013) note aussi le rôle moteur d'agriculteurs en CIVAM dans l'investissement collectif dans des presses à huile en Cuma pour autoproduire des tourteaux fermiers à partir de leurs récoltes de tournesol ou colza.

La tendance à la simplification chez une partie des éleveurs en systèmes herbagers économes et autonomes encourage certains à organiser des arrangements bilatéraux d'approvisionnement, par exemple en céréales avec d'autres producteurs à proximité, pour se fournir en alimentation du bétail complémentaire (Coquil, 2014). De même, dans certains départements, des fédérations de CIVAM organisent des dispositifs afin de faciliter la mise en lien entre éleveurs et céréaliers pour des transferts de fourrages entre ces deux types de systèmes productifs (Moraine, 2015).

1.1.4. Une faible ampleur de ces systèmes malgré leurs atouts

a) Multiples recommandations expertes en faveur de ces systèmes

Au vu des atouts économiques, sociaux et environnementaux de ces systèmes herbagers économes et autonomes, divers expertises et dispositifs publics ou privés cherchent à encourager leur développement (Diaz, 2015). Par ailleurs, de plus récentes études mettent aussi en évidence leur intérêt en matière de santé humaine, notamment pour la fourniture équilibrée d'acides gras. En effet, la prépondérance du maïs dans l'alimentation des troupeaux complétée avec des tourteaux de soja, aux dépens des prairies intégrant des légumineuses, a contribué significativement à déséquilibrer le ratio oméga-6/oméga-3 dans les régimes alimentaires, c'est-à-dire la fourniture des deux acides gras polyinsaturés essentiels pour l'alimentation humaine. Des experts recommandent donc de réorienter les modes d'élevage vers des systèmes herbagers pour améliorer la santé des consommateurs et ainsi réduire les risques de certaines maladies chroniques (Duru et Magrini, 2017). Enfin, des études écologiques montrent également que le pâturage correspond à la pratique fourragère la plus favorable à la biodiversité, et donc la plus susceptible de permettre des synergies entre élevage et gestion agroécologique des ressources naturelles (Tichit et al., 2012).

Des évolutions récentes des marchés laitiers menacent aussi la tendance croissante à alimenter les herbivores majoritairement à base de maïs en France.

Celle-ci entraîne des frais de mécanisation élevés pour les élevages français, comparativement aux pays concurrents tels que l'Irlande et la Nouvelle-Zélande qui privilégient davantage le pâturage. Cette importance des charges de mécanisation, qui devrait s'accroître avec le mouvement actuel d'agrandissement et d'intensification fourragère, pèse actuellement sur la compétitivité des élevages laitiers français de plus en plus soumis à la concurrence étrangère dans le contexte actuel de dérégulation (Perrot et al., 2016). Consciente de ses atouts, l'Irlande développe des politiques publiques agricoles de soutien à la croissance de la production laitière basée sur l'herbe. Dans ce cadre, des « discussion groups » constitués de 15 à 20 éleveurs et animés par un conseiller dédié (qui anime en moyenne cinq groupes) se retrouvent une fois par mois pour échanger sur leurs pratiques afin de réussir la croissance de leur élevage laitier herbager : il existe ainsi 350 groupes d'éleveurs laitiers réunissant près de 6 000 éleveurs sur 17 500 exploitations laitières (Delaby et al, 2017).

Une montée des préoccupations concernant le bien-être animal et l'industrialisation des élevages s'observe chez les consommateurs français et européens, préoccupations auxquelles plusieurs pays répondent en développant des cahiers des charges pour mieux valoriser les produits animaux issus d'élevages basés sur le pâturage. Ainsi aux Pays-Bas, la principale industrie laitière, la coopérative Friesland Campina s’est engagée dans la promotion du pâturage alors que celui-ci a beaucoup diminué depuis une quinzaine d’années. Cette tendance commerciale émerge actuellement en France et le « lait de pâturage » devient un moyen de différenciation pour certaines entreprises d'aval, parfois en lien avec des organisations environnementalistes (Roguet et al., 2016 ; Delanoue, 2015).

b) Un manque de ressources appropriées face à la déqualification

Malgré ces facteurs externes favorables aux systèmes herbagers, le maïs fourrage domine dans les élevages de plaine et des zones intermédiaires, avec un développement concomitant